« L’Ensorcelée/I » : différence entre les versions

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C’était un homme de quarante-cinq ans environ, bâti en force, comme on dit énergiquement dans le pays, car de tels hommes sont des bâtisses, un de ces êtres virils, à la contenance hardie, au regard franc et ferme, qui font penser qu’après tout, le mâle de la femme a aussi son genre de beauté. Il avait à peu près cinq pieds quatre pouces de stature, mais jamais le refrain de la vieille chanson normande :
 
<poem>
C’est dans la Manche
Qu’on trouve le bon bras.</poem>
 
 
 
n’avait trouvé d’application plus heureuse et plus complète. Il me fit l’effet, au premier coup d’œil, et la suite me prouva que je ne m’étais pas trompé, d’un fermier aisé de la presqu’île, qui s’en revenait de quelque marché d’alentour. Excepté le chapeau à ''couverture'' ''de'' ''cuve'', qu’il avait remplacé par un chapeau à bords plus étroits et plus commode pour trotter à cheval contre le vent, il avait le costume que portaient encore les paysans du Cotentin dans ma jeunesse : la veste ronde de droguet bleu, taillée comme celle d’un ''majo'' espagnol, mais moins élégante et plus ample, et la culotte courte, de la couleur de la laine de la brebis, aussi serrée qu’une culotte de daim, et fixée au genou avec trois boutons en cuivre. Et il faut le dire, puisqu’il n’y pensait pas, cette sorte de vêtement lui allait vraiment bien, et dessinait une musculature dont l’homme le moins soucieux de ses avantages aurait eu le droit d’être fier. Il avait passé, par-dessus ses bas de laine bleue à côtes, bien tendus sur des mollets en cœur, ces anciennes bottes sans pied qui descendaient du genou jusqu’à la cheville et dans lesquelles on entrait avec ses souliers. Ces anciennes bottes, qui n’avaient qu’un éperon, et qu’on laissait dans l’écurie avec son cheval quand on était arrivé, étaient, aux jambes de notre Cotentinais, couvertes d’une boue séchée qu’y constellait une boue fraîche, et elles disaient suffisamment qu’elles avaient vu du chemin, et du mauvais chemin, ce jour-là. La boue souillait aussi à une grande hauteur la massue du ''pied'' ''de'' ''frêne'' qu’il tenait à la main, et qu’une lanière de cuir, formant fouet, fixait à son solide poignet, dans des enroulements multipliés.