« Monsieur de Pourceaugnac, 1894 » : différence entre les versions

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{{titre|Monsieur de Pourceaugnac|[[Molière]]|1669}}
 
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'''Julie'''<br>
aieAie aussi l’œil au guet, Nérine, et prends bien garde qu’il ne vienne personne.
 
'''Nérine'''<br>
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'''Sbrigani'''<br>
Monsieur, votre homme arrive, je l’ai vu à trois lieues d’ici, où a couché le coche ; et dans la cuisine où il est descendu pour déjeuner, je l’ai étudié une bonne grosse demie demi-heure, et je le sais déjà par cœur. Pour sa figure, je ne veux point vous en parler : vous verrez de quel air la nature l’a desseinéedessinée, et si l’ajustement qui l’accompagne y répond comme il faut. Mais pour son esprit, je vous avertis par avance qu’il est des plus épais qui se fassent ; que nous trouvons en lui une matière tout à fait disposée pour ce que nous voulons, et qu’il est homme enfin à donner dans tous les panneaux qu’on lui présentera.
 
'''Éraste'''<br>
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'''Sbrigani'''<br>
Apprenez à connoîtreconnaître les gens.
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Éraste'''<br>
Ah! qu’est-ceci ? que vois-je ? Quelle heureuse rencontre ! Monsieur de Pourceaugnac ! Que je suis ravi de vous voir ! Comment ? il semble que vous ayez peine à me reconnoîtrereconnaître !
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Sbrigani'''<br>
Il vous connoîtconnaît plus que vous ne croyez.
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Éraste'''<br>
Très-très galant.
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Éraste'''<br>
Envoyons-les querirquérir par quelqu’un.
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Monsieur de Pourceaugnac''', ''présentant ses mains''.
Votre très- humble valet. (''Voyant qu’ils lui tâtent le pouls.'') Que veut dire cela ?
 
'''Premier Médecin'''<br>
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'''Premier Médecin'''<br>
Comme ainsi soit qu’on ne puisse guérir une maladie qu’on ne la connaisse parfaitement, et qu’on ne la puisse parfaitement connoîtreconnaître sans en bien établir l’idée particulière, et la véritable espèce, par ses signes diagnostiques et prognostiques, vous me permettrez, Monsieur notre ancien, d’entrer en considération de la maladie dont il s’agit, avant que de toucher à la thérapeutique, et aux remèdes qu’il nous conviendra faire pour la parfaite curation d’icelle. Je dis donc, Monsieur, avec votre permission, que notre malade ici présent est malheureusement attaqué, affecté, possédé, travaillé de cette sorte de folie que nous nommons fort bien mélancolie hypocondriaque, espèce de folie très- fâcheuse, et qui ne demande pas moins qu’un Esculape comme vous, consommé dans notre art, vous, dis-je, qui avez blanchi, comme on dit, sous le harnais, et auquel il en a tant passé par les mains de toutes les façons. Je l’appelle mélancolie hypocondriaque, pour la distinguer des deux autres; car le célèbre Galien établit doctement à son ordinaire trois espèces de cette maladie que nous nommons mélancolie, ainsi appelée non-seulement par les Latins, mais encore par les Grecs, ce qui est bien à remarquer pour notre affaire: la première, qui vient du propre vice du cerveau; la seconde, qui vient de tout le sang, fait et rendu atrabilaire; la troisième, appelée hypocondriaque, qui est la nôtre, laquelle procède du vice de quelque partie du bas-ventre et de la région inférieure, mais particulièrement de la rate, dont la chaleur et l’inflammation porte au cerveau de notre malade beaucoup de fuligines épaisses et crasses, dont la vapeur noire et maligne cause dépravation aux fonctions de la faculté princesse, et fait la maladie dont, par notre raisonnement, il est manifestement atteint et convaincu. Qu’ainsi ne soit, pour diagnostique incontestable de ce que je dis, vous n’avez qu’à considérer ce grand sérieux que vous voyez; cette tristesse accompagnée de crainte et de défiance, signes pathognomoniques et individuels de cette maladie, si bien marquée chez le divin vieillard Hippocrate; cette physionomie, ces yeux rouges et hagards, cette grande barbe, cette habitude du corps, menue, grêle, noire et velue, lesquels signes le dénotent très- affecté de cette maladie, procédante du vice des hypocondres: laquelle maladie, par laps de temps naturalisée, envieillie, habituée, et ayant pris droit de bourgeoisie chez lui, pourrait bien dégénérer ou en manie, ou en phtisie, ou en apoplexie, ou même en fine frénésie et fureur. Tout ceci supposé, puisqu’une maladie bien connue est à demi guérie, car ''ignoti nulla est curatio morbi'', il ne vous sera pas difficile de convenir des remèdes que nous devons faire à Monsieur. Premièrement, pour remédier à cette pléthore obturante, et à cette cacochymie luxuriante par tout le corps, je suis d’avis qu’il soit phlébotomisé libéralement, c’est-à-dire que les saignées soient fréquentes et plantureuses: en premier lieu de la basilique, puis de la céphalique; et même, si le mal est opiniâtre, de lui ouvrir la veine du front, et que l’ouverture soit large, afin que le gros sang puisse sortir ; et en même temps, de le purger, désopiler, et évacuer par purgatifs propres et convenables, c’est-à-dire par cholagogues, mélanogogues, et caetera; et comme la véritable source de tout le mal est ou une humeur crasse et féculente, ou une vapeur noire et grossière qui obscurcit, infecte et salit les esprits animaux, il est à propos ensuite qu’il prenne un bain d’eau pure et nette, avec force petit-lait clair, pour purifier par l’eau la féculence de l’humeur crasse, et éclaircir par le lait clair la noirceur de cette vapeur ; mais, avant toute chose, je trouve qu’il est bon de le réjouir par agréables conversations, chants et instruments de musique, à quoi il n’y a pas d’inconvénient de joindre des danseurs, afin que leurs mouvements, disposition et agilité puissent exciter et réveiller la paresse de ses esprits engourdis, qui occasionne l’épaisseur de son sang, d’où procède la maladie. Voilà les remèdes que j’imagine, auxquels pourront être ajoutés beaucoup d’autres meilleurs par Monsieur notre maître et ancien, suivant l’expérience, jugement, lumière et suffisance qu’il s’est acquise dans notre art. ''Dixi.''
 
'''Second Médecin'''<br>
À Dieu ne plaise, Monsieur, qu’il me tombe en pensée d’ajouter rien à ce que vous venez de dire ! Vous avez si bien discouru sur tous les signes, les symptômes et les causes de la maladie de Monsieur ; le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau, qu’il est impossible qu’il ne soit pas fou, et mélancolique hypocondriaque; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il le devînt, pour la beauté des choses que vous avez dites, et la justesse du raisonnement que vous ''depinxisti,'' tout ce qui appartient à cette maladie : il ne se peut rien de plus doctement, sagement, ingénieusement conçu, pensé, imaginé, que ce que vous avez prononcé au sujet de ce mal, soit pour la diagnose, ou la prognose, ou la thérapie; et il ne me reste rien ici, que de féliciter Monsieur d’être tombé entre vos mains, et de lui dire qu’il est trop heureux d’être fou, pour éprouver l’efficace et la douceur des remèdes que vous avez si judicieusement proposés. Je les approuve tous, ''manibus et pedibus descendo in tuam sententiam''. Tout ce que j’y voudrais, c’est de faire les saignées et les purgations en nombre impair: ''numero deus impari gaudet;'' de prendre le lait clair avant le bain ; de lui composer un fronteau où il entre du sel: le sel est symbole de la sagesse; de faire blanchir les murailles de sa chambre, pour dissiper les ténèbres de ses esprits: ''album est disgregativum visus;'' et de lui donner tout à l’heure un petit lavement, pour servir de prélude et d’introduction à ces judicieux remèdes, dont, s’il a à guérir, il doit recevoir du soulagement. Fasse le Ciel que ces remèdes, Monsieur, qui sont les vôtres, réussissent au malade selon notre intention !
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Premier Médecin'''<br>
Bon, dire des injures. Voilà un diagnostiquediagnostic qui nous manquait pour la confirmation de son mal, et ceci pourrait bien tourner en manie.
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Premier Médecin'''<br>
Autre diagnostiquediagnostic : la sputation fréquente.
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Oronte'''<br>
Votre très- humble valet.
 
'''Sbrigani'''<br>
Ligne 1 420 :
 
'''Sbrigani'''<br>
Laissez-moi consulter un peu si je le puis faire en conscience. C’est un homme qui cherche son bien, qui tâche de pourvoir sa fille le plus avantageusement qu’il est possible, et il ne faut nuire à personne. Ce sont des choses qui sont connues à la vérité, mais j’irai les découvrir à un homme qui les ignore, et il est défendu de scandaliser son prochain. Cela est vrai. Mais, d’autre part, voilà un étranger qu’on veut surprendre, et qui, de bonne foi, vient se marier avec une fille qu’il ne connoîtconnaît pas et qu’il n’a jamais vue; un gentilhomme plein de franchise, pour qui je me sens de l’inclination, qui me fait l’honneur de me tenir pour son ami, prend confiance en moi, et me donne une bague à garder pour l’amour de lui. Oui, je trouve que je puis vous dire les choses sans blesser ma conscience; mais tâchons de vous les dire le plus doucement qu’il nous sera possible, et d’épargner les gens le plus que nous pourrons. De vous dire que cette fille-là mène une vie déshonnête, cela serait un peu trop fort; cherchons, pour nous expliquer, quelques termes plus doux. Le mot de galante aussi n’est pas assez; celui de coquette achevée me semble propre à ce que nous voulons, et je m’en puis servir pour vous dire honnêtement ce qu’elle est.
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
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'''Oronte'''<br>
Ah ! ma fille ! OtezÔtez-vous de là, vous dis-je
 
''Julie s’approche de M. de Pourceaugnac, le regarde d’un air languissant, et lui veut prendre la main.''
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'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
Que diable est-ce ciceci ?
 
'''Lucette'''<br>
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'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>
Deux carognes de baragouineuses me sont venu accuser de les avoir épouséépousées toutes deux, et me menacent de la justice.
 
'''Sbrigani'''<br>
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'''Sbrigani'''<br>
Pour moi, je ne crois pas qu’en cet état on puisse jamais vous connoîtreconnaître, et vous avez la mine, comme cela, d’une femme de condition.
 
'''Monsieur de Pourceaugnac'''<br>