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| width=33% style="background: #ffe4b5" | <center>[[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index alphabétique - A|Index alphabétique - A]]</center>
| width=33% style="background: #ffe4b5" | <center>[[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1, Appentis|Appentis]] ></center>
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| width=33% style="background: #ffe4b5" | <center>[[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index Tome 1|Index par tome]]</center>
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=== APPAREIL ===
 
s. m. C'estC’est le nom que l'onl’on donne à l'assemblagel’assemblage des pierres
de taille qui sont employées dans la
construction d'und’un édifice. L'appareilL’appareil
varie suivant la nature des matériaux,
suivant leur place; l'appareill’appareil a donc
une grande importance dans la construction,
c'estc’est lui qui souvent commande
la forme que l'onl’on donne à telle
ou telle partie de l'architecturel’architecture, puisqu'ilpuisqu’il
n'estn’est que le judicieux emploi de
la matière mise en œuvre, en raison
de sa nature physique, de sa résistance,
de sa contexture, de ses dimensions
et des ressources dont on dispose. Cependant chaque mode d'architectured’architecture
a adopté un appareil qui lui appartient, en se soumettant toutefois à
des règles communes. Aussi l'examenl’examen de l'appareill’appareil conduit souvent
à reconnaître l'âgel’âge d'uned’une construction. Jusqu'auJusqu’au XII<sup>e</sup> siècle l'appareill’appareil conserve
les traditions transmises par
les constructeurs du Bas-Empire.
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<br>
œuvre sont
courts, sans queues, et d'uned’une hauteur
donnée par les lits de carrière; mais ces lits ne sont pas toujours observés à
la pose; parfois les assises sont alternées hautes et basses, les hautes en
délit et les basses sur leur lit. Ce
mode d'appareild’appareil appartient plus particulièrement
au midi de la France.
Dans ce cas, les assises basses pénètrent
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la maçonnerie. Les arcs sont employés
dans les petites portées, parce
que les linteaux exigent des pierres d'uned’une forte dimension, et lourdes par
conséquent (2). Les ''tapisseries'' sont souvent faites en moellon piqué,
</div>
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les églises des petites localités. La
nature des matériaux influe puissamment
sur l'appareill’appareil adopté; ainsi dans
les contrées où la pierre de taille est
résistante, se débite en grands échantillons,
comme en Bourgogne, dans
le Lyonnais, l'appareill’appareil est grand; les assises sont hautes, tandis que dans
les provinces où les matériaux sont tendres, où le débitage de la pierre est
par conséquent facile, comme en Normandie, en Champagne, dans l'Ouestl’Ouest,
l'appareill’appareil est petit, serré, les tailleurs de
pierre, pour faciliter la pose, n'hésitentn’hésitent pas
à multiplier les joints. Une des qualités essentielles
de l'appareill’appareil adopté pendant les
XII<sup>e</sup>, XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles, c'estc’est d'éviterd’éviter les
évidements, les déchets de pierre; ainsi, par
exemple, les retours d'anglesd’angles sont toujours
appareillés ''en besace'' (3). Les piles cantonnées de
</div>
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<div class=prose>
<br>
d'und’un noyau élevé par assises,
et les colonnes qui les cantonnent sont
isolées et composées d'uned’une ou plusieurs pierres
posées en délit (5). Les lits des sommiers
des arcs sont horizontaux jusqu'aujusqu’au point où, se dégageant de
</div>
[[Image:Colonne.XIIIe.siecle.png|center]]
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<br>
leur pénétration commune, ils se dirigent chacun de leur côté et forment alors une
suite de claveaux extradossés (6). Chaque membre d'architectured’architecture
</div>
[[Image:Colonne.XIIIe.siecle.2.png|center]]
<div class=prose>
<br>
est pris dans une hauteur d'assised’assise,
le lit placé toujours au point le plus favorable
pour éviter des évidements et des pertes de pierre;
ainsi l'astragalel’astragale au lieu de tenir à la colonne,
comme dans l'architecturel’architecture romaine, fait partie
</div>
[[Image:Colonne.XIIIe.siecle.3.png|center]]
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<div class=prose>
<br>
du Puy en Vélay, d'Issoired’Issoire, présentent des appareils
où les pierres de différentes couleurs forment des dessins
par la façon dont elles sont assemblées. Pendant les
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parements unis, mais aussi dans
la construction des arcs, ainsi
qu'onqu’on peut le voir dans quelques
édifices du Poitou, de la
Mayenne et des bords de la Loire.
La porte occidentale de l'églisel’église
Saint-Étienne de Nevers nous
donne un bel exemple de ces arcs
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résultat des besoins à satisfaire
et de la nature des matériaux; le
principe est toujours d'uned’une grande simplicité, l'exécutionl’exécution pure, franche,
apparente; les matériaux
n'ontn’ont que les dimensions
exigées pour la place qu'ilsqu’ils
occupent. Le corps de la
construction est une bâtisse
Ligne 185 :
galeries, est élevé en matériaux
posés en délit,
sorte d'échafaudaged’échafaudage de
pierre indépendant de l'ossaturel’ossature
de l'édificel’édifice, qui peut
être détruit ou remplacé
sans nuire à sa solidité (voy. [[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]). Rien ne démontre mieux ce
principe que l'étudel’étude de l'appareill’appareil d'uned’une de ces grandes roses en pierre
qui s'ouvrents’ouvrent sous les voûtes des nefs et des transsepts. Ces roses, comme
toutes les fenêtres à meneaux, ne sont que de véritables châssis de pierre
que l'onl’on peut enlever et remplacer comme on remplace une croisée de
bois, sans toucher à la baie dans laquelle elle est enchâssée. Les divers
morceaux qui composent ces roses ou ces meneaux ne se maintiennent
entre eux que par les coupes des joints et par la feuillure dans laquelle
ils viennent s'encastrers’encastrer. L'appareilL’appareil de ces châssis de pierre est disposé de
telle façon que chaque fragment offre une grande solidité en évitant les
trop grands déchets de pierre (12) (voy. [[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 6, Meneau|Meneau]], [[Dictionnaire raisonné de l'architecturel’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9, Rose|Rose]]). Les
</div>
[[Image:Rosace.XIIIe.siecle.png|center]]
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<br>
joints tendent toujours aux centres des deux courbes intérieures sans tenir compte
souvent des centres des courbes maîtresses (13), afin d'éviterd’éviter les
</div>
[[Image:Schema.rosace.XIIIe.siecle.png|center]]
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<div class=prose>
<br>
dans les fenêtres des bas côtés de la nef de la cathédrale d'Amiensd’Amiens
par exemple, la rainure destinée à maintenir les meneaux dans un plan
vertical est remplacée par des crochets saillants ménagés dans quelques-uns
des claveaux de l'archivoltel’archivolte (15); ces crochets intérieurs et extérieurs entre
lesquels passe le meneau remplissent l'officel’office des ''pattes à scellement'' de nos
châssis de bois.
</div>
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<div class=prose>
Un des grands principes qui ont dirigé les constructeurs des XIII<sup>e</sup> et
XIV<sup>e</sup> siècles dans la disposition de leur appareil, ç'aç’a été de laisser à chaque
partie de la construction sa fonction, son élasticité, sa liberté de mouvement,
pour ainsi dire. C'étaitC’était le moyen d'éviterd’éviter les déchirements dans des
gigantesques monuments. Lorsque des arcs sont destinés à présenter
une grande résistance à la pression, ils sont composés de plusieurs rangs
de claveaux soigneusement extradossés et d'uned’une dimension ordinaire (de
0<sup>m</sup>,30 à 0<sup>m</sup>,40 environ), sans liaisons entre eux, de manière à permettre
à la construction de tasser, de ''s'asseoirs’asseoir'' sans occasionner des ruptures de
voussoirs; ce sont autant de cercles concentriques indépendants les uns des
autres, pouvant se mouvoir et glisser même les uns sur les autres
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[[Image:Claveaux.XIIIe.XIVe.siecle.png|center]]
<div class=prose>
De même qu'unequ’une réunion de planches de bois cintrées sur leur plat et concentriques,
présente une plus grande résistance à la pression, par suite de leur
élasticité et de la multiplicité des surfaces, qu'unequ’une pièce de bois homogène
d'uned’une dimension égale à ce faisceau de planches; de même ces rangs de claveaux
superposés et extradossés sont plus résistants, et surtout conservent
mieux leur courbe lorsqu'illorsqu’il se produit des tassements ou des mouvements,
qu'unqu’un seul rang de claveaux dont la flèche serait égale à celle des rangs de
claveaux ensemble. Nous devons ajouter que les coupes des claveaux des
arcs sont toujours normales à la courbe. Dans les arcs formés de deux portions
de cercle, vulgairement désignés sous le nom d'ogivesd’ogives, toutes les
coupes des claveaux tendent aux centres de chacun des
</div>
Ligne 258 :
<br>
deux arcs (17), de sorte que dans les arcs dits en ''lancettes'' les lits des claveaux présentent des
angles très-peu ouverts avec l'horizonl’horizon (18). C'estC’est ce
</div>
[[Image:Arc.en.lancette.png|center]]
<div class=prose>
<br>
qui fait que ces arcs offrent une si grande résistance à la pression et poussent si peu. L'intersectionL’intersection
des deux arcs est toujours divisée par un joint vertical; il n'yn’y a pas, à
proprement parler, de ''clef''; en effet, il ne serait pas logique de placer une
clef à l'intersectionl’intersection de deux arcs qui viennent buter l'unl’un contre l'autrel’autre à leur
sommet, et l'ogivel’ogive n'estn’est pas autre chose.
 
La dernière expression du principe que nous avons émis plus haut se
rencontre dans les édifices du XIV<sup>e</sup> siècle. L'appareilL’appareil des membres de la
construction qui portent verticalement diffère essentiellement de l'appareill’appareil
des constructions qui buttent ou qui contribuent à la décoration. L'égliseL’église
de Saint-Urbain de Troyes nous donne un exemple très-remarquable de l'applicationl’application
de ce principe dans toute sa rigueur logique. La construction de
cette église ne se compose réellement que de contre-forts et de voûtes; les
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meneaux, éloignées des formerets des voûtes. Les arêtes (''arcs ogives'') des
voûtes des porches se composent de dalles de champ qui reçoivent sur
un ''repos'' les triangles de ces voûtes, et, s'élevants’élevant au-dessus d'euxd’eux, sont
taillées de manière à porter le dallage de la couverture comme le feraient les
arêtiers d'uned’une charpente. Il semble que l'architectel’architecte de ce charmant édifice ait
cherché, dans la disposition de l'appareill’appareil de ses constructions, à économiser
autant que faire se peut la pierre de taille. Et cependant cette église
porte ses cinq cents ans sans que sa construction ait notablement souffert,
malgré l'abandonl’abandon et des restaurations inintelligentes. La manière ingénieuse
avec laquelle l'appareill’appareil a été conçu et exécuté a préservé cet édifice
de la ruine, que son excessive légèreté semblait promptement provoquer.
L'étudeL’étude de l'appareill’appareil des monuments du moyen âge ne saurait
donc être recommandée; elle est indispensable lorsqu'onlorsqu’on veut les restaurer
sans compromettre leur solidité, elle est utile toujours, car jamais
cette science pratique n'an’a produit des résultats plus surprenants avec des
moyens plus simples, avec une connaissance plus parfaite des matériaux, de
leur résistance et de leurs qualités.
 
Dans les édifices du XI<sup>e</sup> au XVI<sup>e</sup> siècle, les linteaux ne sont généralement
employés que pour couvrir de petites ouvertures, et sont alors d'und’un seul
morceau. Dans les édifices civils particulièrement, où les fenêtres et les portes
sont presque toujours carrées, les liteaux sont hauts, quelquefois taillés en
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<br>
cheminées dont les manteaux
souvent jusqu'àjusqu’à quatre ou cinq mètres de portée, les linteaux sont appareillés
en plates-bandes (21) à joints simples ou à crossettes (22), ou à tenons (23).
</div>
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Les constructeurs connaissaient
donc alors la plate-bande appareillée, et
s'ilss’ils ne l'employaientl’employaient que dans des cas
exceptionnels et lorsqu'ilslorsqu’ils ne pouvaient
faire autrement, c'estc’est qu'ilsqu’ils avaient reconnu
les inconvénients de ce genre d'appareild’appareil.
D'ailleursD’ailleurs il existe du côté du
Rhin, là où les grès rouges des Vosges donnent des matériaux très
résistants et tenaces, un grand nombre de plates-bandes appareillées dans
des édifices des XII<sup>e</sup>, XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles. Dans la portion du château
de Coucy, qui date du XV<sup>e</sup> siècle, on voit encore d'immensesd’immenses fenêtres carrées
dont les linteaux, qui n'ontn’ont pas moins de quatre mètres de portée, sont
appareillés en claveaux, sans aucun ferrement pour les empêcher de
glisser. Mais ce sont là des exceptions; les portions d'arcsd’arcs de cercle sont
toujours préférées par les appareilleurs anciens (24), du moment que les
portées sont trop grandes pour permettre l'emploil’emploi de linteaux d'und’un seul
morceau.
</div>
[[Image:Linteau.en.arc.de.cercle.png|center]]
<div class=prose>
Depuis l'époquel’époque romane jusqu'aujusqu’au XV<sup>e</sup> siècle exclusivement on ne ravalait
pas les édifices, les pierres n'étaientn’étaient point posées épannelées, mais complètement
taillées et achevées. Tout devait donc être prévu par l'appareilleurl’appareilleur
sur le chantier avant la pose. Aussi jamais un joint ne vient couper gauchement
un bas-relief, un ornement ou une moulure. Les preuves de ce fait intéressant
abondent: 1° les marques de tâcherons qui se rencontrent sur les
pierres; 2° les coups de ''bretture'', qui diffèrent à chaque pierre; 3° l'impossibilitél’impossibilité
de refouiller certaines moulures ou sculptures après la pose
comme dans la fig. 8, par exemple; 4° les tracés des fonds de moulures
que l'onl’on retrouve dans les joints derrière les ornements (25);
5° les erreurs de mesures, qui ont forcé les
poseurs de couper parfois une portion d'uned’une feuille
d'uned’une sculpture pour faire entrer à sa place une pierre
taillée sur le chantier; 6° les combinaisons et pénétrations
de moulures de meneaux, qu'ilqu’il serait impossible
d'acheverd’achever sur le tas si la pierre eût été posée épannelée
seulement; 7° enfin, ces exemples si fréquents
d'édificesd’édifices non terminés, mais dans lesquels les dernières
pierres posées sont entièrement achevées comme taille ou sculpture.
</div>
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<div class=prose>
<br>
Au XV<sup>e</sup> siècle le système d'appareild’appareil se modifie profondément. Le désir
de produire des effets extraordinaires, la profusion des ornements, des pénétrations
de moulures, l'emportentl’emportent sur l'appareill’appareil raisonné prenant pour
base la nature des matériaux employés. C'estC’est alors la décoration qui commande
l'appareill’appareil souvent en dépit des hauteurs de bancs; il en résulte de
fréquents ''décrochements'' dans les lits et les joints, des déchets considérables
de pierre, des moyens factices pour maintenir ces immenses galbes à jour,
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décorations qui ne sauraient tenir sans son secours, et par les règles naturelles
de la statique. Cependant encore ne voit-on jamais un ornement
coupé par un lit, les corniches sont prises dans une hauteur d'assised’assise, les
arcs sont extradossés, les meneaux appareillés suivant la méthode employée
par les constructeurs antérieurs, bien qu'ilsqu’ils affectent des formes
qui se concilient difficilement avec les qualités ordinaires de la pierre. On
ne peut encore signaler ces énormités si fréquentes un siècle plus tard, où
l'architectel’architecte du château d'Écouend’Écouen appareillait des colonnes au moyen de
deux blocs posés en délit avec un joint vertical dans toute la hauteur, ou
comme au château de Gaillon on trouvait ingénieux de construire des arcs
retombant sur un cul-de-lampe suspendu en l'airl’air, où l'onl’on prodiguait ces
clefs pendantes dans les voûtes d'arêtesd’arêtes, accrochées aux charpentes.
 
Constatons, en finissant, ce fait principal qui résume toutes les observations
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quand la décoration des édifices donne des lignes horizontales, la construction
est horizontale; quand elle donne des lignes verticales, la construction
est verticale; l'appareill’appareil suit naturellement cette loi. Au XV<sup>e</sup> siècle la décoration
est toujours verticale, les lignes horizontales sont rares, à peine indiquées,
et cependant la construction est toujours horizontale, c'estc’est-à-dire en
contradiction manifeste avec les formes adoptées.