« Le Bourgeois gentilhomme/Édition Louandre, 1910 » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
m restitution de la dernière modification de ThomasBot
Aucun résumé des modifications
Ligne 18 :
* MAÎTRE DE MUSIQUE.
* ÉLÈVE DU MAÎTRE DE MUSIQUE.
* MAÎTRE àÀ DANSER.
* MAÎTRE D'ARMES.
* MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.
Ligne 91 :
MONSIEUR JOURDAIN: Je vous prie tous deux de ne vous point en aller, qu'on ne m'ait apporté mon habit, afin que vous me puissiez voir.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Tout ce qu'il vous plaira.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Vous me verrez équipé comme il faut, depuis les pieds jusqu'à la tête.
Ligne 99 :
MONSIEUR JOURDAIN: Je me suis fait faire cette indienne-ci.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Elle est fort belle.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Mon tailleur m'a dit que les gens de qualité étaient comme cela le matin.
Ligne 111 :
MONSIEUR JOURDAIN: Rien. C'est pour voir si vous m'entendez bien. (Aux deux maîtres.) Que dites-vous de mes livrées?
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Elles sont magnifiques.
 
MONSIEUR JOURDAIN. Il entr'ouvre sa robe, et fait voir un haut-de-chausses étroit de velours rouge, et une camisole de velours vert, dont il est vêtu: Voici encore un petit déshabillé pour faire le matin mes exercices.
Ligne 127 :
MONSIEUR JOURDAIN: Tenez ma robe. Me trouvez-vous bien comme cela?
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Fort bien. On ne peut pas mieux.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Voyons un peu votre affaire.
Ligne 141 :
MUSICIEN, chantant:
 
''Je languis nuit et jour, et mon mal est extrême,
Depuis qu'à vos rigueurs vos beaux yeux m'ont soumis;
Si vous traitez ainsi, belle Iris, qui vous aime,
Hélas! que pourriez-vous faire à vos ennemis?''
 
MONSIEUR JOURDAIN: Cette chanson me semble un peu lugubre, elle endort; je voudrais que vous la pussiez un peu ragaillardir par-ci, par-là.
Ligne 161 :
Monsieur Jourdain chante.
 
''Je croyais Janneton
Aussi douce que belle,
Je croyais Janneton
Ligne 167 :
Hélas! hélas! elle est cent fois,
Mille fois plus cruelle,
Que n'est le tigre aux bois.''
 
N'est-il pas joli?
Ligne 173 :
MAÎTRE DE MUSIQUE: Le plus joli du monde.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Et vous le chantez bien.
 
MONSIEUR JOURDAIN: C'est sans avoir appris la musique.
Ligne 179 :
MAÎTRE DE MUSIQUE: Vous devriez l'apprendre, Monsieur, comme vous faites la danse. Ce sont deux arts qui ont une étroite liaison ensemble.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Et qui ouvrent l'esprit d'un homme aux belles choses.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Est-ce que les gens de qualité apprennent aussi la musique?
Ligne 189 :
MAÎTRE DE MUSIQUE: La philosophie est quelque chose; mais la musique, Monsieur, la musique.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: La musique et la danse. La musique et la danse, c'est là tout ce qu'il faut.
 
MAÎTRE DE MUSIQUE: Il n'y a rien qui soit si utile dans un état que la musique.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Il n'y a rien qui soit si nécessaire aux hommes que la danse.
 
MAÎTRE DE MUSIQUE: Sans la musique, un état ne peut subsister.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Sans la danse, un homme ne saurait rien faire.
 
MAÎTRE DE MUSIQUE: Tous les désordres, toutes les guerres qu'on voit dans le monde, n'arrivent que pour n'apprendre pas la musique.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Tous les malheurs des hommes, tous les revers funestes dont les histoires sont remplies, les bévues des politiques, et les manquements des grands capitaines, tout cela n'est venu que faute de savoir danser.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Comment cela?
Ligne 213 :
MONSIEUR JOURDAIN: Vous avez raison.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Lorsqu'un homme a commis un manquement dans sa conduite, soit aux affaires de sa famille, ou au gouvernement d'un état, ou au commandement d'une armée, ne dit-on pas toujours: "Un tel a fait un mauvais pas dans une telle affaire"?
 
MONSIEUR JOURDAIN: Oui, on dit cela.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: Et faire un mauvais pas peut-il procéder d'autre chose que de ne savoir pas danser?
 
MONSIEUR JOURDAIN: Cela est vrai, vous avez raison tous deux.
 
MAÎTRE àÀ DANSER: C'est pour vous faire voir l'excellence et l'utilité de la danse et de la musique.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Je comprends cela à cette heure.
Ligne 245 :
UNE MUSICIENNE ET DEUX MUSICIENS
 
''Un cœur, dans l'amoureux empire,
De mille soins est toujours agité:
On dit qu'avec plaisir on languit, on soupire;
Mais, quoi qu'on puisse dire,
Il n'est rien de si doux que notre liberté.''
 
PREMIER MUSICIEN
 
''Il n'est rien de si doux que les tendres ardeurs
Qui font vivre deux cours
Dans une même envie.
On ne peut être heureux sans amoureux désirs:
ôtez l'amour de la vie,
Vous en ôtez les plaisirs.''
 
SECOND MUSICIEN
 
''Il serait doux d'entrer sous l'amoureuse loi,
Si l'on trouvait en amour de la foi;
Mais, hélas! Ô rigueur cruelle!
On ne voit point de bergère fidèle,
Et ce sexe inconstant, trop indigne du jour,
Doit faire pour jamais renoncer à l'amour.''
 
PREMIER MUSICIEN
Ligne 606 :
MONSIEUR JOURDAIN: Après vous m'apprendrez l'almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n'y en a point.
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer selon l'ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là-dessus j'ai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles parce qu'elles expriment les voix; et en consonnes, ainsi appelées consonnes parce qu'elles sonnent avec les voyelles, et ne font que marquer les diverses articulations des voix. Il y a cinq voyelles ou voix: aA, eE, iI, oO, uU.
 
MONSIEUR JOURDAIN: J'entends tout cela.
Ligne 620 :
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Et la voix I en rapprochant encore davantage les mâchoires l'une de l'autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles: A, E, I.
 
MONSIEUR JOURDAIN: A, eE, iI, iI, iI, iI. Cela est vrai. Vive la science!
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: La voix oO se forme en rouvrant les mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le haut et le bas: oO.
 
MONSIEUR JOURDAIN: O, oO. Il n'y a rien de plus juste. A, eE, iI, oO, iI, oO. Cela est admirable! I, oI, iI, oO.
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: L'ouverture de la bouche fait justement comme un petit rond qui représente un oO.
 
MONSIEUR JOURDAIN: O, oO, oO. Vous avez raison, oO. Ah! la belle chose, que de savoir quelque chose!
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: La voix uU se forme en rapprochant les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les deux lèvres en dehors, les approchant aussi l'une de l'autre sans les rejoindre tout à fait: uU.
 
MONSIEUR JOURDAIN: U, uU. Il n'y a rien de plus véritable: uU.
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Vos deux lèvres s'allongent comme si vous faisiez la moue: d'où vient que si vous la voulez faire à quelqu'un, et vous moquer de lui, vous ne sauriez lui dire que: u.
Ligne 646 :
MONSIEUR JOURDAIN: Da, da. Oui. Ah! les belles choses! les belles choses!
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: L'F en appuyant les dents d'en haut sur la lèvre de dessous: faFa.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Fa, fa. C'est la vérité. Ah! mon père et ma mère, que je vous veux de mal!
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Et l'rR, en portant le bout de la langue jusqu'au haut du palais, de sorte qu'étant frôlée par l'air qui sort avec force, elle lui cède, et revient toujours au même endroit, faisant une manière de tremblement: rraRra.
 
MONSIEUR JOURDAIN: R, r, ra; r, r, r, r, r, ra. Cela est vrai. Ah! l'habile homme que vous êtes! et que j'ai perdu de temps! R, r, r, ra.
Ligne 688 :
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Oui, Monsieur.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Par ma foi! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir appris cela. Je voudrais donc lui mettre dans un billet: ''Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour''; mais je voudrais que cela fût mis d'une manière galante, que cela fût tourné gentiment.
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres; que vous souffrez nuit et jour pour elle les violences d'un.
Ligne 698 :
MONSIEUR JOURDAIN: Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet; mais tournées à la mode; bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.
 
MAÎTRE DE PHILOSOPHIE: On les peut mettre premièrement comme vous avez dit: ''Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour''. Ou bien: ''D'amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux''. Ou bien: ''Vos yeux beaux d'amour me font, belle Marquise, mourir''. Ou bien: ''Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d'amour me font''. Ou bien: ''Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d'amour''.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure?
Ligne 1 840 :
Les musiciens et la musicienne prennent des verres, chantent deux chansons à boire, et sont soutenus de toute la symphonie.
 
PREMIERE CHANSON àÀ BOIRE
 
Un petit doigt, Philis, pour commencer le tour.
Ligne 1 856 :
Une ardeur éternelle.
 
SECONDE CHANSON àÀ BOIRE
 
Buvons, chers amis, buvons:
Ligne 2 017 :
MONSIEUR JOURDAIN: Le fils du Grand Turc dit cela de moi?
 
COVIELLE: Oui. Comme je lui eus répondu que je vous connaissais particulièrement, et que j'avais vu votre fille: "Ah!" me dit-il, "marababa sahem"; c'est-à-dire "Ah! que je suis amoureux d'elle!"
 
MONSIEUR JOURDAIN: Marababa sahem veut dire "Ah! que je suis amoureux d'elle" ?
Ligne 2 023 :
COVIELLE: Oui.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Par ma foi! vous faites bien de me le dire, car pour moi je n'aurais jamais cru que "marababa sahem" eût voulu dire: "Ah! que je suis amoureux d'elle!" Voilà une langue admirable que ce turc!
 
COVIELLE: Plus admirable qu'on ne peut croire. Savez-vous bien ce que veut dire "cacaracamouchen"?
 
MONSIEUR JOURDAIN: "Cacaracamouchen?" Non.
 
COVIELLE: C'est-à-dire: "Ma chère âme."
Ligne 2 035 :
COVIELLE: Oui.
 
MONSIEUR JOURDAIN: Voilà qui est merveilleux! "Cacaracamouchen", "Ma chère âme." Dirait-on jamais cela? Voilà qui me confond.
 
COVIELLE: Enfin, pour achever mon ambassade, il vient vous demander votre fille en mariage; et pour avoir un beau-père qui soit digne de lui, il veut vous faire mamamouchi, qui est une certaine grande dignité de son pays.