« Jeanne d’Arc et sa mission » : différence entre les versions
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{{journal|Jeanne d’Arc et sa mission d’après les pièces nouvelles de son procès|[[Auteur:Louis de Carné|Louis de Carné]]|[[Revue des Deux Mondes]] T.1, 1856}}
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:I. Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc'', publiés pour la première fois d'après les manuscrits de la Bibliothèque nationale, suivis de tous les documens historiques qu'on a pu réunir et accompagnés de notes et d'éclaircissemens, par M. Jules Quicherat, 6 vol. gr. in-8°. — II. ''Jeanne d'Arc d'après les chroniques contemporaines'', par M. Guido Goerres, traduit de l'allemand par M. Léon Boré.▼
▲:I. Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne
Je ne connais guère dans l'histoire que l'épisode de Jeanne d'Arc où l'instrument surprenne plus que l'action accomplie, et je n'en sais aucun dans lequel les investigations de la science contraignent plus invinciblement la critique de remonter des faits de l'ordre naturel à ceux d'un ordre supérieur. Tout écrasante que soit pour l'esprit la libération d'un royaume accomplie en trois mois, contrairement à toutes les prévisions de la politique et de la stratégie, la pucelle d'Orléans est assurément un personnage plus extraordinaire que son œuvre, et il y a moins à méditer sur ses actes que sur les mobiles auxquels elle les rapporte et qui les inspirent. Que sont des batailles et des victoires devant tant de prodiges dont la grandeur n'est surpassée que par la simplicité virginale de l'enfant qui les accomplit? Que sont les pompes de Reims à côté des flammes de Rouen, et que valent les plus beaux coups d'épée en présence de ces merveilleuses réponses, dont l'évidente sincérité triomphe à quatre siècles de distance des résistances les plus obstinées et des convictions les plus rebelles?▼
▲Je ne connais guère dans
Voici à peine quelques années que Jeanne d'Arc nous est apparue dégagée des ombres accumulées autour d'elle par les passions de ses contemporains autant que par l'ignorance des âges suivans. Ce n'est que de nos jours qu'elle a pris pleine possession de sa gloire. Le type sublime deviné par une royale artiste s'est trouvé presque simultanément confirmé par les investigations de la science et par les plus sévères procédés de l'analyse. Avant la publication intégrale des deux procès et des documens originaux qui les ont suivis, la pucelle n'était pour l'Europe lettrée qu'une héroïne au caractère mal défini et presque équivoque, une sorte de personnage de l'Arioste, qui, par l'effet de certaines couleurs fantastiques et de certaines allures théâtrales à peu près convenues, touchait d'aussi près à la légende qu'à l'histoire.▼
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▲Voici à peine quelques années que Jeanne
<center>I</center>
Des causes dont
Vainement voudrait-on douter de la froideur de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/318]]== papauté à une cause ecclésiastique dans laquelle De telles ingratitudes ne deviennent possibles que par la fascination de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/319]]== l’instrument de la Providence ou ==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/320]]==
Avec le règne des princes de la maison de Bourbon commença un retour vers la reconnaissance et vers la justice. Sous Henri IV et sous Louis XIII, le nom de la vierge de Domremy fut remis en honneur ; la société de
Il était écrit
Telle était sur cette partie de notre histoire la disposition déplorable de
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/321]]== et tous ont constaté la pureté Jeanne
Un étranger qui porte dignement un nom illustre a le premier de nos jours appelé
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/322]]== des flots de lumière. Dans des aperçus originaux joints à sa publication, M. Quicherat a exposé avec une courageuse liberté les convictions Je voudrais dire quelles impressions
<center>II</center>
La lutte ouverte entre la France et
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/323]]== de Du Guesclin <ref> Voyez ''le Connétable Du Guesclin'' dans les ''Études sur les fondateurs de Toutefois, pendant que la faction
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/324]]== n’ont pas dépassé Cependant le troisième fils du monarque, devenu dauphin par la mort prématurée de ses deux frères, errait dans les provinces centrales en fugitif plutôt
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/325]]== l’Italie et des provinces méridionales par Depuis
Toutefois,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/326]]== Armagnacs avaient été conduits par Le duc de Bedford, régent de France pour le jeune Henri VI, était un prince
Comment rétablir un lien entre le roi légitime et la nation, étrangers
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/327]]== avenir. Pour sentir sa honte et retrouver la puissance de la secouer, il fallait que le peuple de Charles-Martel et de saint Louis La France tenait une trop grande place dans
Je
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/328]]== salut viendrait à la France <center>III</center>
Le drame
Au milieu de ces périls et des souffrances qui en étaient la suite journalière, naquit à Jacques
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/329]]== à Il
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/330]]== de Une crise
Ses parens ne reconnaissaient plus leur Jeannette. Son cœur portait le poids d’un secret qu’elle s’efforçait de leur cacher, des soupirs
Ses parens ne reconnaissaient plus leur Jeannette. Son cœur portait le poids d'un secret qu'elle s'efforçait de leur cacher, des soupirs s'échappaient avec ses prières, et quoique la jeune fille continuât à édifier le village par une fréquentation encore plus assidue des sacremens, ils entendirent plus d'une fois dans le silence de la nuit sortir de sa bouche des mots étranges; elle parlait d'armes, de guerre et de voyage en France. Son père, troublé, rêva qu'elle était partie avec un soldat, songe affreux qui mit le vieux Jacques au désespoir, car il aurait, disait-il, noyé de sa main sa fille chérie plutôt que de la laisser consommer son déshonneur <ref> ''Proc. de condamn''., t. Ier, p. 132.</ref>. Ce secret, que l'innocente enfant n'osait pas livrer à sa mère, puisqu'il impliquait la cruelle nécessité de s'en séparer, était néanmoins trop accablant pour qu'elle n'en allégeât pas le fardeau par quelques demi-confidences. Il arriva pour Jeanne d'Arc ce qui advient toujours pour les êtres supérieurs à l'humanité. Sa mission fut d'abord reconnue par un cénacle restreint d'initiés. Ce fut la famille Laxart qui reçut les premières semences de la foi destinée à sauver la France. Jeanne annonça à son oncle et à sa tante que les maux du royaume touchaient à leur terme, car, malgré son indignité, les anges et les saints du paradis la visitaient chaque jour pour lui signifier que par sa main les Anglais seraient bientôt chassés du royaume, et qu'elle mènerait le dauphin à Reims pour l'y faire sacrer. Elle avait fait, disait-elle, de vains efforts pour repousser les pensées qui depuis plusieurs années la dévoraient comme une flamme, mais elle n'avait pu soutenir contre Dieu une lutte inégale, et devenue sous sa main comme un roseau pliant, la vierge vaincue répétait du fond de son cœur le grand mot qui précéda la délivrance de l'humanité : ''Qu'il me soit fait selon votre parole'' ! On peut inférer des déclarations des membres de la famille Laxart qu'ils furent promptement subjugués par l'ascendant de la jeune fille, et que les prophéties qui avaient alors grand cours en Lorraine, touchant une future libératrice du royaume, furent le motif principal de leur adhésion <ref> Dépositions de Durant-Laxart et de Catherine Le Royer, de Vaucouleurs, ''Procès de révision'', t. II, p. 443. Voyez aussi, sur les longues perplexités de Jeanne et sa soumission définitive aux ordres de Dieu, les interrogatoires de la pucelle, et plus spécialement ''Sexta Sessio., III martii (Proc. De ondamn''., t. Ier).</ref>.▼
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▲
De plus en plus malheureuse et agitée, Jeanne avait obtenu de ses vieux parens la permission
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/332]]== déposer ; mais les témoins interrogés à Vaucouleurs sont unanimes pour attester la joviale incrédulité avec laquelle le vieux chevalier accueillit le récit du père Laxart. En entendant parler Trop sûre
Le bruit en était déjà arrivé
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/333]]== pouvait rien touchant les intérêts et les affaires des autres princes. Il paraît toutefois Parmi les plus ardens promoteurs de la mission de Jeanne
Devant ces paroles, les hésitations des chevaliers se dissipèrent comme les nuages aux rayons
Ce fut
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/334]]== toute liberté sur ce point-là, tellement que sa force semblait attachée à son costume aussi étroitement que celle de Samson à ses cheveux. Cet habit ne fut La lecture des documens laisse croire que tout fut spontané dans le départ de Jeanne, auquel Baudricourt se borna probablement à ne pas
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/335]]== garde ''moult envis'', comme le disent diverses relations du XVe siècle <ref> ''Journal du Siège Durant ce trajet de cent lieues à travers des pays hérissés de forteresses, Jeanne se tint à cheval comme un homme de guerre, aussi calme
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/336]]== Cependant les choses ne se passèrent point ainsi, et Charles VII se raidit longtemps contre un secours dont il ignorait la véritable nature, et La plupart des gens de guerre éprouvaient une vive répugnance à recevoir dans leurs rangs une femme qui
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/337]]== dauphin ; après que Cependant le monarque, pour qui Jeanne professait une sorte de culte et vers lequel elle était venue à travers tant de périls hésitait beaucoup à
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<center>IV</center>
Personne
On sait également que Jeanne répétait chaque jour à Vaucouleurs
Le mystère, dont la divulgation produisit sur Charles VII
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/339]]== fortune <ref> La confidence du roi au sire de Boisy, son chambellan, fut répétée par celui-ci dans sa vieillesse à Pierre de Sala, La nature de ce secret explique la persévérance avec laquelle Jeanne refusa de le divulguer à Rouen devant les juges qui auraient pu tirer un si dangereux parti des incertitudes du monarque. Poursuivie avec acharnement sur ce point-là,
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/340]]== à peine compatibles avec la faiblesse de son âge et de son sexe. Dès le moment où sa mission eut été reconnue par le roi, Jeanne apparut à tous comme un être extraordinaire, doué de facultés manifestement surnaturelles ; mais aux considérations politiques qui avaient arrêté
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/341]]== de Le procès-verbal des actes de Poitiers
Durant de longues semaines, ces impassibles docteurs, traitant cette jeune fille comme un bachelier en théologie, portèrent le scalpel dans toutes les fibres de son cœur, dans tous les replis de sa naïve intelligence, sans y découvrir autre chose que des trésors infinis de patriotisme et de pureté. Aussi déclarèrent-ils à
Quelque faveur
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/342]]== il faut admettre celles-ci, sur les solennelles affirmations qui les constatent, ou il faut brûler toutes les bibliothèques et fermer tous les tribunaux. Jeanne accomplit si visiblement une mission, elle est si manifestement soumise à une force étrangère à elle-même, que tout lui est commandé jusque dans les moindres détails de son œuvre. Elle semble lire dans un rituel dont elle accomplit les plus minutieuses prescriptions aussi aveuglément
En même temps que Jeanne reçoit de la main dont elle est
<center>V</center>
Enfin tous les mauvais vouloirs sont vaincus et tous les ajournemens épuisés. Jeanne est mise par le roi en demeure de réaliser ses
Enfin tous les mauvais vouloirs sont vaincus et tous les ajournemens épuisés. Jeanne est mise par le roi en demeure de réaliser ses promesses et de ravitailler Orléans en attendant qu'elle le délivre. Le 27 avril 1429, elle part de Blois avec une armée confondue du changement qui s'est déjà opéré dans son propre cœur. Ces affreux soudards, ivrognes, pillards et dissolus, ont, sur l'ordre d'une enfant qu'ils voient pour la première fois, éloigné d'eux toutes les femmes de mauvaise vie qui les suivaient de temps immémorial. Au lieu des blasphèmes et des cris de l'orgie, on n'entend plus s'élever dans leurs rangs que des hymnes et des prières ferventes. Jeanne n'admet auprès d'elle que des hommes retrempés par la pénitence et nourris du pain des forts; un clergé nombreux et d'étincelantes bannières précèdent l'armée qui porte à Orléans les approvisionnemens devenus si nécessaires. Au dire de tous les écrivains contemporains, depuis Jean Chartier jusqu'au chroniqueur anonyme édité par Denis Godefroy, la marche de ce grand convoi à travers les plaines de la Sologne ressemblait bien plus au mouvement d'une procession qu'à celui d'une armée. Jeanne s'avançait tenant à la main son mystérieux étendard avec une contenance ferme et sereine. Elle était heureuse comme les séraphins qui voient s'accomplir l'œuvre de Dieu; elle était confiante, et pourtant on l'avait trompée !▼
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Effrayés à la pensée de traverser avec si peu de forces les lignes anglaises, aussi nombreuses que bien retranchées, les chefs avaient fait prendre par la rive gauche, malgré les prescriptions de Jeanne, qui entendait les forcer. Cependant, arrivés en vue
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/344]]== Aussitôt les bateaux partirent à pleines voiles et arrivèrent malgré le canon des Anglais. Dunois constate au même interrogatoire que Jeanne refusa
Entrée dans Orléans, Jeanne
Pendant
Ces lettres à Talbot, au duc de Bedford et au duc de Bourgogne, que Jeanne multiplie comme des actes de conscience, sont curieuses
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/345]]== à plus Un matin, tout dormait dans la ville et autour
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/346]]== envoyée pour leur humiliation plus encore que pour leur ruine <ref> Voir sur ce fait, au ''Procès de réhabilitation'', les dépositions concordantes de Dunois, de Jean Jeanne avait emporté la bastille des Augustins ; il
Voyant leurs troupes frappées
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/347]]== anglaise se résolurent à une retraite devenue nécessaire, puisque la prise Orléans était délivré, et la France se sentait revivre. Jeanne avait accompli la première et certainement la plus hardie de ses promesses, car la terreur allait la précéder désormais,
Les incertitudes de Charles YII et de son conseil étaient donc fort naturelles. Ce prince avait été attéré par le secret de Chinon, et la délivrance
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/348]]== rang. Égoïste et pervers, il était aussi incapable de comprendre La résolution royale fut emportée
La soumission de Troyes assurait celle de Reims. La garnison anglaise évacua la ville sans la défendre, et Charles pénétra sans résistance
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/349]]== dans cette terre promise de la royauté, dont un ange lui ouvrait <center>VI</center>
Sitôt après la phase de sa gloire
Dans ses plus mauvais jours, Jeanne est aussi fière et, à bien dire, aussi confiante que dans ses plus magnifiques triomphes. Pourtant les dix mois qui
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/350]]== pas de décliner la responsabilité, on la dirait rejetée de Dieu et des hommes comme un instrument usé et compromis. Le contraste si soudain de ces deux fortunes
Du mois de juillet 1429 au mois de mai 1430, la vie de Jeanne
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/351]]== expéditions sans conséquences sérieuses ; Le plan de cette étude nous interdit de monter avec Jeanne tous les degrés de son long calvaire, et de la suivre durant une année de forteresse en forteresse, de cachot en cachot, de juridiction en juridiction. Aucun commentaire ne suppléerait
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/352]]== question débattue devant ce sombre tribunal est celle-ci : Les prodiges accomplis par La mission de Jeanne eut deux caractères principaux : elle fut grande au point
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/353]]== pas vu depuis son enfance, La mission de la pucelle fut aussi évidente que féconde, car il faut répudier toutes les règles consacrées en matière de certitude historique, ou il faut accepter les faits qui
Telle fut Jeanne
==[[Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/354]]== L’on travaille à faire passer dans le nébuleux panthéon où la république côtoie le scepticisme la sainte qui manque au martyrologe chrétien. On va plus loin, et, par la plus bizarre des imaginations, on présente comme débordant Force est donc de se résigner ou à nier les faits, comme cela
LOUIS DE CARNE.
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