« Ainsi parlait Zarathoustra/Troisième partie/L’autre chant de la danse » : différence entre les versions

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== 1. ==
 
 
 
"Je viens de regarder dans tes yeux, ô vie : j'ai vu scintiller de l'or dans tes yeux nocturnes, — cette volupté a fait cesser les battements de mon cœur.
 
— j'ai vu une barque d'or scintiller sur des eaux nocturnes, un berceau doré qui enfonçait, tirait de l'eau et faisait signe !
 
Tu jetais un regard vers mon pied fou de danse, un regard berceur, fondant, riant et interrogateur : deux fois seulement, de tes petites mains, tu remuas ta crécelle — et déjà mon pied se dandinait, ivre de danse. —
 
Mes talons se cambraient, mes orteils écoutaient pour te comprendre : le danseur ne porte-t-il pas son oreille — dans ses orteils !
 
C'est vers toi que j'ai sauté : alors tu t'es reculée devant mon élan ; et c'est vers moi que sifflaient les languettes de tes cheveux fuyants et volants !
 
D'un bond je me suis reculé de toi et de tes serpents : tu te dressais déjà à demi détournée, les yeux pleins de désirs.
 
Avec des regards louches — tu m'enseignes des voies détournées ; sur des voies détournées mon pied apprend — des ruses !
 
Je te crains quand tu es près de moi, je t'aime quand tu es loin de moi ; ta fuite m'attire, tes recherches m'arrêtent : — je souffre, mais, pour toi, que ne souffrirais-je pas volontiers !
 
Toi, dont la froideur allume, dont la haine séduit, dont la fuite attache, dont les moqueries — émeuvent : — qui ne te haïrait pas, grande lieuse, enveloppeuse, séduisante, chercheuse qui trouve ! Qui ne t'aimerait pas, innocente, impatiente, hâtive pécheresse aux veux d'enfant !
 
Où m'entraînes-tu maintenant, enfant modèle, enfant mutin ? Et te voilà qui me fuis de nouveau, doux étourdi, jeune ingrat !
 
Je te suis en dansant, même sur une piste incertaine. Où es-tu ? Donne-moi la main ! Ou bien un doigt seulement !
 
Il y a là des cavernes et des fourrés : nous allons nous égarer ! — Halte ! Arrête-toi ! Ne vois-tu pas voltiger des hiboux et des chauves-souris ?
 
Toi, hibou que tu es ! Chauve-souris ! Tu veux me narguer ? Où sommes-nous ? C'est des chiens que tu as appris à hurler et à glapir.
 
Aimablement tu claquais devant moi de tes petites dents blanches, tes yeux méchants pétillent vers moi à travers ta petite crinière bouclée !
 
Quelle danse par monts et par vaux ! je suis le chasseur : — veux-tu être mon chien ou mon chamois ?
 
A côté de moi maintenant ! Et plus vite que cela, méchante sauteuse ! Maintenant en haut ! Et de l'autre côté ! — Malheur à moi ! En sautant je suis tombé moi-même !
 
Ah ! regarde comme je suis étendu ! regarde, pétulante, comme j'implore ta grâce ! J'aimerais bien à suivre avec toi — des sentiers plus agréables ! — les sentiers de l'amour, à travers de silencieux buissons multicolores ! Ou bien là-bas, ceux qui longent le lac : des poissons dorés y nagent et y dansent !
 
Tu es fatiguée maintenant ? Il y a là-bas des brebis et des couchers de soleil : n'est-il pas beau de dormir quand les bergers jouent de la flûte ?
 
Tu es si fatiguée ? Je vais t'y porter, laisse seulement flotter tes bras ! As-tu peut-être soif ? — j'aurais bien quelque chose, mais ta bouche n'en veut pas !
 
O ce maudit serpent, cette sorcière glissante, brusque et agile ! Où t'es-tu fourrée ? Mais sur mon visage je sens deux marques de ta main, deux taches rouges !
 
Je suis vraiment fatigué d'être toujours ton berger moutonnier ! Sorcière ! j'ai chanté pour toi jusqu'à présent, maintenant pour ''moi'' tu dois — crier !
 
Tu dois danser et crier au rythme de mon fouet ! Je n'ai pourtant pas oublié le fouet ? — Non !" —
 
 
 
== 2. ==
 
 
 
Voilà ce que me répondit alors la vie, en se bouchant ses délicates oreilles :
 
"O Zarathoustra ! Ne claque donc pas si épouvantablement de ton fouet ! Tu le sais bien : le bruit assassine les pensées, — et voilà que me viennent de si tendres pensées.
 
Nous sommes tous les deux de vrais propres à rien, de vrais fainéants. C'est par delà le bien et mal que nous avons trouvé notre île et notre verte prairie — nous les avons trouvées tout seuls à nous deux ! C'est pourquoi il faut que nous nous aimions l'un l'autre !
 
Et si même nous ne nous aimons pas du fond du cœur, — faut-il donc s'en vouloir, quand on ne s'aime pas du fond du cœur ?
 
Et que je t'aime, que je t'aime souvent de trop, tu sais cela : et la raison en est que je suis jaloux de ta sagesse. Ah ! cette vieille folle sagesse !
 
Si ta sagesse se sauvait une fois de toi, hélas ! vite mon amour, lui aussi, se sauverait de toi." —
 
Alors la vie regarda pensive derrière elle et autour d'elle et elle dit à voix basse : "O Zarathoustra, tu ne m'es pas assez fidèle !
 
Il s'en faut de beaucoup que tu ne m'aimes autant que tu le dis ; je sais que tu songes à me quitter bientôt.
 
Il y a un vieux bourdon, lourd, très lourd : il sonne la nuit là-haut, jusque dans ta caverne : — quand tu entends cette cloche sonner les heures à minuit, tu songes à me quitter entre une heure et minuit : — tu y songes, ô Zarathoustra, je sais que tu veux bientôt m'abandonner !" —
 
"Oui, répondis-je en hésitant, mais tu le sais aussi -" Et je lui dis quelque chose à l'oreille, en plein dans ses touffes de cheveux embrouillées, dans ses touffes jaunes et folles.
 
"Tu ''sais'' cela, ô Zarathoustra ? Personne ne sait cela -"
 
Et nous nous sommes regardés, nous avons jeté nos regards sur la vertre prairie, où passait la fraîcheur du soir, et nous avons pleuré ensemble. — Mais alors la vie m'était plus chère que ne m'a jamais été toute ma sagesse. —
 
 
 
Ainsi parlait Zarathoustra.
 
 
 
== 3. ==
 
 
 
<poem>''Un !
O homme prends garde !
Deux !
Que dit minuit profond ?
Trois !
"J'ai dormi, j'ai dormi -,
Quatre !
"D'un rêve profond je me suis éveillé : —
Cinq !
"Le monde est profond,
Six !
"Et plus profond que ne pensait le jour.
Sept !
"Profonde est sa douleur -,
Huit !
"La joie — plus profonde que l'affliction.
Neuf !
"La douleur dit : Passe et finis !
Dix !
"Mais toute joie veut l'éternité —
Onze !
" — veut la profonde éternité !"
Douze !''</poem>
</div>