« Chronique de la quinzaine - 31 janvier 1834 » : différence entre les versions

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{{journal|[[Revue des Deux Mondes]], tome 1, 1834 |[[Auteur:François Buloz|F. BULOZ.]]|Chronique de la quinzaine.- 31 janvier 1834}}
 
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Nous avons laissé le ministère encore tout ému de la chaude alarme que lui avait donnée l'imprudent discours du duc de Broglie, mais remis sur ses bases par la rétractation du noble duc. Depuis ce temps, il a reçu des secousses bien plus violentes, qui l'ont ébranlé jusque dans ses fondemens. Il n'était pas question cette fois de savoir si, dans une éventualité plus ou moins prochaine, la France respectera les traités de 1815, ou de reconnaître, avec M. Guizot, que la restauration a été un gouvernement paternel et favorable au pays; il s'agissait de savoir combien nous paierons cette année pour l'excellent ministère, pour l'honorable et glorieux gouvernement dont nous jouissons. M. Humann est venu le dire avec sa grosse franchise allemande, et sans se faire tirer l'oreille.
 
Nous n'aurons à tirer de nos poches, pour l'année prochaine, que la faible somme de ''un milliard trente millions quatre-vingt dix mille cinq cent quarante-sept francs''. Le ministère nous fait grace des centimes. Seulement comme cette petite somme ne dépasse guère que de quarante-cinq millions le budget de l'année dernière, M. Humann a bien voulu nous apprendre qu'elle ne suffira pas aux besoins, et que si
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nous tenons à conserver ce cher ministère dont il fait partie, il faudra nous décider à ouvrir un léger emprunt de soixante-dix millions, ce qui porte la totalité des demandes financières adressées aux chambres, dans la semaine dernière, à ‘‘‘un milliard cent millions quatre-vingt-dix mille cinq cents’‘‘, etc. Nous ne parlons pas d'un crédit, de vingt-cinq millions demandé par le même M. Humamn pour le régiment des indemnités accordées aux États-Unis d'Amérique. Nous avons déjà dit, dans nos ''Lettres sur les hommes d'état de la France'', comment cette indemnité avait été fixée successivement, par trois commissions, à la somme de quinze millions, et élevée par M. Sébastiani, de son autorité privée, à vingt-cinq millions. On a hésité quelque temps à porter aux chambres ce traité, et il était question de l’enfouir dans les cartons jusqu'à l'année prochaine. Quelqu'un aura sans doute judicieusement fait observer que ce petit brûlot de vingt-cinq millions passerait inaperçu entre le gros milliard qui cinglait majestueusement vers la chambre, sous le pavillon ministériel, et qu'on pouvait le lancer impunément. En effet, personne n'a daigné tourner la tête pour le voir venir.
 
On sait quelle longue guerre ont soutenue l'un contre l'autre, dans le conseil, le maréchal Soult et le ministre des finances. On sait que le maréchal Soult, s'inquiétant fort peu de la quotité des crédits qui lui ont été alloués par la chambre, les a dépassés sans aucune mesure, en disant qu'il se f… bien de pareilles misères, et qu'il ne connaît rien quand il s'agit de former une armée à la France. Il faut bien en prendre son parti. Le maréchal est un homme de l'empire : il ne comprend rien, il ne veut rien comprendre au gouvernement constitutionnel, et de ce côté il mourra dans l'impénitence finale, comme il le disait, il y a peu de jours, du haut de la tribune, à M. Larabit, qui lui reprochait une illégalité d'un autre genre, celle de l'introduction des lieutenans d'artillerie de marine dans l'armée de terre. Le maréchal n'a-t-il pas refusé dernièrement d'ordonnancer le paiement des pensions accordées par les chambres aux anciens gardes-françaises qui ont marché contre la Bastille, en disant que ce fut un acte d'indiscipline, et qu'il serait dangereux de l'encourager? On aurait mauvaise grace d'ailleurs à se plaindre de M. le maréchal Soult, quand on marche sans murmurer avec M. de Broglie, qui a déclaré à la chambre qu'il ne reconnaît d'autre loi que la nécessité, et que tout ce qui a été fait depuis 1830 est illégal; avec M. Thiers, qui soutient à la tribune que le gouvernement a le droit de sortir de la légalité quand il lui plaît, comme il est arrivé lors de l'arrestation de la duchesse de Berry, et avec M. Guizot, le promoteur de l'état de siège. M. le maréchal Soult représente dignement ce ministère, qui s'est placé hors de toutes les
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conditions du gouvernement représentatif, et on ne saurait le blâmer sans condamner tous ses collègues.
 
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Au château, une négociation très active, poussée par M. Thiers, et, dit-on, M. d'Argout, portait le maréchal Gérard à la présidence du conseil et au ministère de la guerre. Cette combinaison devait entraîner
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M. Guizot et M. de Broglie avec le maréchal Soult. Une autre négociation, plus secrètement entamée par M. Guizot, portait également le maréchal Gérard à la présidence et à la guerre, et poussait dehors M. Thiers et M. d'Argout. Ainsi tous les efforts se réunissaient contre le maréchal Soult, sauf à s'entendre ensuite; et pour en finir plus tôt, on convint de traîner le vieux maréchal devant cette commission du budget, composée avec tant de sollicitude.
 
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Le maréchal Soult parla le premier, et dit en peu de mots que, désirant éviter toute difficulté avec la chambre, il venait pour s'entendre avec
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sa commission, et annonça tout de suite que, pour lui, il était prêt à réduire son budget. Il ajouta que toutes les dépenses se centralisant dans le ministère des finances, M. Humann allait prendre la parole.
 
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Toute réduction réclamée au-delà de cette somme porterait sur les ''dépenses gouvernementales'', et le ministère a déclaré ''à l'unanimité'' devant la commission qu'il remettrait ses portefeuilles plutôt que d'y souscrire.
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M. Thiers seul parla après M. Humann; encore se contenta-t-il de s'écrier de cette voix qu'on lui envierait à la chapelle Sixtine, qu'il ne pourrait accepter la responsabilité qui porterait sur lui avec un budget moindre. Or on sait combien M. Thiers est difficile en fait de responsabilité.
 
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On ne pouvait faire un meilleur choix que celui du maréchal Maison, qui a été précédé à Saint-Pétersbourg par la recommandation du roi de Prusse, et par le souvenir de ses liaisons amicales avec l'empereur Alexandre. On sait que le maréchal Maison, chargé de défendre, en 1814,
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la ligne du nord, se conduisit si vaillamment, que l'ennemi, rendant justice à son caractère, lui conserva la dotation impériale qu'il avait dans les provinces du Rhin. Depuis ce temps, le roi de Prusse a eu l'occasion de voir fréquemment le maréchal Maison, dont les possessions touchent au terrain où les grandes manœuvres d'été s'exécutent, et ces rapports n'ont pas été inutiles an maréchal près de l'empereur Nicolas. D'après une lettre particulière, écrite par notre ambassadeur, il parait que l'empereur n'était nullement an courant des affaires de la France, qu'elles lui avaient été présentées sous un jour complètement faux, et qu'une conversation soutenue par le maréchal avec la brusque franchise qu'on lui connaît, lui a valu l'accueil public qui a causé tant d'étonnement en Allemagne. Nous aimons à le croire, mais nous savons par expérience que nos ambassadeurs et nos ministres ne sont pas toujours les mieux informés de ce qui se passe dans la plus haute région du cabinet; et ainsi qu'une promesse verbale faite à Londres a facilité les négociations de M. de Talleyrand, il se pourrait que la correspondance autographe eut porté à Saint-Pétersbourg des engagemens que tout le monde ignore. La suite nous l'apprendra.
 
Quand M. de Rayneval fut nommé ambassadeur à Madrid, il se rendit, comme il est d'usage, près de M. Casimir Périer, alors président du conseil, pour lui demander ses instructions. M. Périer, qui n'était pas très bien informé des affaires de l'Espagne, et qui s'entendait fort peu à la politique étrangère, se contenta de lui dire «Mais vous savez cela mieux que moi. Faites ce qui vous plaira, faites pour le mieux ! » Et M. de Rayneval quitta le ministère en riant et en disant : « Je vous promets de leur donner tant d'embarras chez eux, qu'ils ne vous causeront pas d'inquiétudes. » M. de Rayneval a tenu parole, mais les inquiétudes sont venues cependant. Tant que M. Zéa-Bermudez, le ministre de Ferdinand VII, a conservé le pouvoir, la royauté de juillet n'a pas conçu d'effroi de la révolution espagnole; mais depuis qu'il a passé à Martinez de la Rosa et à ses amis, on entrevoit qu'il pourrait tomber bientôt aux mains d'hommes moins modérés, et l'on trouve que les Pyrénées ne sont pas assez hautes. Le gouvernement des barricades voulait à toute force maintenir le régime absolu en Espagne, mais un despotisme éclairé, disait-il, c'est-à-dire obéissant à ses inspirations. La Russie tenait d'ailleurs à M. Zéa; et comme on veut plaire maintenant à la Russie, M. de Rayneval sera rappelé pour n'avoir pas défendu M. Zéa avec assez de zèle. La réception faite au maréchal Maison vaut bien le rappel de M. de Rayneval. C'est M. Decazes qui se rend à Madrid pour remplir le poste laissé par M. de Rayneval, mais M. Decazes n'a consenti à accepter cette mission
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qu'avec le titre d'ambassadeur extraordinaire. On cherche à l'entourer de tout l'éclat nécessaire pour la remplir, et après un séjour de quelques mois, si les circonstances n'exigent plus sa présence, il sera remplacé par un ambassadeur. Le ministère espagnol actuel, composé de ''modificantes'' ou ''pastelleros'', est parfaitement en harmonie avec les opinions politiques de M. Decazes; mais ce ministère durera-t-il long-temps? Nous en doutons.
 
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La chambre a ensuite rejeté la demande d'une pension en faveur des veuves des généraux Gérard et Daumesnil. La pension demandée pour les veuves du maréchal Jourdan et du général Decaen ont seules été accordées par la majorité. On assure que les doctrinaires se sont plu à jouer ce malin tour à M. Dupin, qui s'était activement employé pour la veuve Daumesnil; et afin que l'élévation d'esprit et la noblesse d'ame ne manquent de part ni d'autre dans cette affaire, M. Dupin se dispose, dit-on, à rendre aux doctrinaires la pareille, en faisant voter la chambre contre une loi qui les intéresse, celle des pensionnaires de l'ancienne liste civile. Le courage et l'animosité de ces messieurs s'exercent sur de malheureuses femmes qui réclament le prix du sang de leurs maris, sur des misérables qui manquent de pain, et qui implorent la pitié de la nation. Disons, pour en finir de ce
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repoussant sujet, qu'on a regardé comme une inconvenance le rapport de M. Vatout contre le projet d'accorder des pensions à ces veuves. Il semblait que MM. Vatout, en sa qualité de commensal du château, voulût faire passer dans les députés les sentimens de parcimonie ''de la cassette''. Ne serait-il pas à propos de demander l'application au paiement des pensions de l'ancienne liste civile, des sept cent mille francs que la liste civile actuelle s'approprie induement sur le million affecté au duc d'Orléans, et qu'elle enfouit dans ses coffres?
 
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Il n'en est pas ainsi des bals que donne le duc d'Orléans, et qui sont très brillans, dit-on. Toujours est-il qu'on n'y invite pas tous les fonctionnaires hauts et bas, par rang alphabétique, car un jeune ministre, très jaloux de se montrer partout, n'a pu obtenir la semaine passée, une invitation pour sa belle-mère. Nulle démarche n'a réussi, et le ministre a eu beaucoup de peine à faire comprendre à une vanité de femme blessée, que ce n'est pas là une question de cabinet et un motif suffisant de démission. Il paraît que la belle-mère du ministre voulait absolument faire passer le bal du duc d'Orléans pour un bal ''gouvernemental''; mais
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celui-ci, homme d'esprit, a soutenu que ce n'était qu'un bal ''administratif'', et qu'il pouvait garder sa place.
 
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Pour nous, le succès du livre s'explique non pas seulement par son sujet et par les allusions qu'une certaine classe de lecteurs y a cherchées, mais par des tableaux vrais et simples, par une abondance d'idées historiques qui manque à presque toutes les compositions de ce genre, et que
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les études sérieuses de M. Capefigue l'ont mis à même de répandre dans ses écrits. Il est évident que M. Capefigue n'a pas lu les mémoires et les documens diplomatiques dont il fait usage uniquement pour composer un roman; on sent qu'il avait dès long-temps mûri ses lectures avant que de les appliquer. De là ces peintures sans excès et sans efforts qui plaisent dans son livre. Peut-être les scènes qu'il trace sont-elles trop peu développées, trop légèrement touchées quelquefois ; mais elles rachètent ce défaut par leur nombre et leur variété. Ce dont il faut savoir gré surtout à M. Capefigue, c'est de n'avoir pas altéré l'histoire, de n'avoir pas dénaturé les personnages pour les rendre plus bizarres et plus pittoresques, et de n'avoir pas trahi ses études d'historien dans ses loisirs de romancier.