« De la Division du sol et de la valeur croissante de la propriété immobilière en France » : différence entre les versions
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''La mécanique agricole'' a déjà réalisé de grandes choses en Angleterre; elle commence petit à petit à rencontrer chez nous une application utile sous des formes aussi variées que les besoins agricoles mêmes. La vapeur ne se borne plus à filer, à tisser, à broder, à imprimer, à travailler le bois, à raboter, à forer, à percer, à scier le fer comme le bois lui-même, à pousser des villes flottantes sur l’océan et des convois de milliers d’hommes qui se croisent en tout sens, entraînés comme par le cheval de l’Apocalypse, sur deux bandes de fer attachées au sol; elle bat le grain et le change en farine; elle transforme en sucre et en esprit le produit de nos champs, elle féconde ceux-ci par l’irrigation de l’engrais, elle s’apprête à les défoncer, à les labourer et à faire la moisson !
Ici comme dans la manufacture, l’application des esclaves inanimés et obéissans que le génie de l’homme a évoqués pour supprimer à tout jamais la plaie hideuse de l’esclavage fait réaliser une grande économie, et donne des profits considérables. L’industrie agricole exercée sur une grande échelle ne saurait se dispenser de recourir à ce merveilleux agent, qui naturellement favorisera l’agglomération des propriétés partout où ''la petite culture'', comme le petit métier vis-à-vis de la manufacture, ne pourra point lui opposer l’instrument, plus énergique encore, de l’intelligence, ou profiter des facilités du ''marché''
Ajoutez encore la hausse du salaire, générale aujourd’hui, et qui, nous devons l’espérer, ne sera pas un fait purement transitoire. Elle contribuera, avec le manque de bras, à populariser l’emploi des machines agricoles, et par conséquent à augmenter les avantages relatifs de la grande culture.
Par un concours de circonstances aussi remarquable que naturel, quand l’emploi de la puissance mécanique devient de plus en plus nécessaire, le capital indispensable pour lui donner naissance grandit dans une progression rapide. — Qu’on ne s’y trompe point: si le taux de l’intérêt s’est beaucoup élevé partout dans ces derniers temps, ce n’est pas que le monde manque de ressources; c’est que le capital, rencontrant aujourd’hui un grand nombre d’emplois très productifs, ne se localise plus : il va chercher dans l’univers entier le mode de placement le plus avantageux. Tout grandit à la fois au milieu d’une situation économique florissante, — l’intérêt, la rente et le salaire.
Le capital mobilier augmente; il fournit donc les moyens de construire les machines, et en même temps il se présente avec plus d’abondance pour acquérir la machine fondamentale de la production, la terre, partout où cette acquisition peut lui promettre un avantage sérieux.
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Qu’on ne voie point ici un jeu de l’imagination, ni une fantaisie optimiste. Le mouvement parallèle du progrès accompli simultanément par la grande, par la moyenne et par la petite propriété ne se borne pas à être l’expression d’un vœu. Dès aujourd’hui, c’est une réalité acquise, et il n’est pas besoin, pour l’assurer, de recourir à aucun artifice de la loi civile.
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| 8 80
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| De 10 à
| 1,514,250
| 1,614,897
| 6 65
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| De 20 à
| 739,206
| 791,711
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| 9 89
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| De 100 à
| 398,714
| 440,104
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| 11 63
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| Au-dessus
| 13,361
| 16,346
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Il est peu de documens de nature à fournir de plus importantes indications.
Le fait capital qui résulte de ce parallèle, c’est que, si le chiffre total des cotes foncières a augmenté de 618,313, c’est-à-dire de moins de 5,7 pour 100, cet accroissement s’est proportionnellement réparti sur toutes les catégories des cotes foncières, en suivant (à l’exception des cotes au-dessous de 5 francs, qui ont plus augmenté que celles de 5 à 10 fr.) ''une progression constante, à mesure que s’élève la quotité de l’impôt''
Est-ce que l’augmentation simultanée survenue dans toutes les cotes foncières, et qui se prononce d’autant plus que celles-ci s’appliquent à une propriété plus importante, ne justifie pas notre opinion d’une manière éclatante? — Hâtons-nous d’ajouter que, si depuis 1835 à 1842 le capital mobilier s’est accru, sa force d’expansion est incomparablement plus grande aujourd’hui, et que la mécanique agricole n’en était alors qu’à quelques faibles et timides essais. Les deux causes efficientes de l’agglomération de la propriété agiront maintenant avec une énergie bien plus développée.
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Ce sont, dites-vous, toujours des prolétaires : soit; mais, s’ils ne possèdent qu’une masure, au moins n’ont-ils pas de loyer à payer: s’ils n’ont qu’un carré de jardin, ils peuvent y puiser un utile supplément de denrées, grâce à ce travail sain et fortifiant que procure le contact de la propriété. Les plaindrait-on moins, s’ils n’avaient ni abri, ni coin de terre à leur disposition? Ces ''lois parcellaires'', qui appartiennent aux journaliers de la campagne ou aux ouvriers de la fabrique, ne sont-ils pas un des faits les plus remarquables et les plus rassurans de la situation présente?
Que ceux qui regrettent un passé impossible à ressusciter gémissent; qu’ils disent, en déplorant la substitution de ce qu’ils appellent la ''loi agraire'' à la ''loi féodale'', objet de leur aveugle préférence : « Les terres ont été divisées, et de là s’est formé cet ordre de paysans qui ont envahi l’Europe et subdivisé le sol
La division du sol procure en effet une existence indépendante au plus grand nombre, une aide à la fois matérielle et morale à ceux qui demandent leur entretien au salaire.
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Que dirons-nous des avantages que présente la petite propriété au point de vue essentiel de la ''répartition des richesses''? Il convient d’écouter à ce sujet un des économistes les plus autorisés de l’Allemagne, Rau : « Quand on veut, dit-il, discerner ce qui est utile ou nuisible au bien-être d’un peuple, il faut ne pas se borner à mesurer la quantité de la richesse générale, mais s’inquiéter de savoir comment cette richesse est répartie entre les divers membres de la société. La petite propriété n’a pas seulement pour elle l’avantage de fournir une plus grande masse de produit ''brut'' et de produit ''net'', elle la répartit mieux. Plus de ''ménages'' peuvent vivre dans l’indépendance, et le nombre des simples ''salariés'' diminue; les plus minces bénéfices répandent au milieu de cette population nombreuse les élémens de l’aisance et du perfectionnement moral. Pendant que l’on écarte le danger de ces existences qui énervent le corps et l’âme, et que multiplie la concentration exclusive de la richesse entre un petit nombre de mains, l’esprit industrieux des petits cultivateurs songe à donner l’emploi le plus productif aux plus faibles épargnes. Sans doute les frais d’exploitation sont plus considérables, mais ils contribuent à fournir l’entretien des hommes laborieux. La population rurale, qui forme, sans contredit, la partie la plus utile de la nation, se développe en mettant en œuvre toutes les forces productives du pays, et en même temps les autres classes peuvent se multiplier, car on leur fournit plus de matières premières et de denrées. Ces avantages se révèlent avec une énergie d’autant plus grande, que ceux qui cultivent possèdent plus généralement le sol comme propriétaires. Alors en effet le ''produit net'', au lieu de s’écouler entre des mains étrangères, profite à l’agriculture. »
Ce sont, dit-on encore, les petits propriétaires qui s’endettent le plus, et l’on fait miroiter le chiffre de 12 milliards de créances hypothécaires; on parle d’intérêts de 10,12 et 15 p. 100. Nous ne saurions épuiser en ce moment la grave question des conditions de l’emprunt contracté par la terre, mais il faut montrer au moins à quoi se réduit en réalité le mal que l’on signale. M. Passy
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Suivant que l’on attribue à la petite culture les prêts de 400 fr. et au-dessous, ou que l’on veuille mettre à son compte, ce qui serait évidemment exagéré, tous les prêts de 1,000 fr. et au-dessous, la dette totale de la petite propriété flotte entre 500 millions et 1 milliard de francs. La valeur de la propriété immobilière dépasse aujourd’hui 80 milliards : elle n’est donc pas grevée, dans son ensemble, ''d’un dixième''.
Quant à l’intérêt, il est élevé dans beaucoup de cas, et surtout pour le petit propriétaire. Parvenir à le ramener à un taux plus modéré, tout en multipliant les ressources affectées au sol, c’est un des problèmes essentiels du moment. Néanmoins, en adoptant cette pensée (et qu’il nous soit permis de le dire, nous avons été des premiers à la soumettre à l’attention du pays
Ici encore, tout en nous hâtant de reconnaître que d’heureuses réformes peuvent être accomplies, nous devons donc repousser les exagérations. La ''dette hypothécaire'' et plus encore la ''dette chirographaire'', dans leur forme habituelle, sont une plaie pour l’agriculture; mais ce n’est pas la petite propriété qui a le moins de ressources pour supporter ce fardeau.
On ajoute enfin : Le paysan n’emprunte pas pour mieux cultiver; il emprunte pour acheter encore de la terre, pour ''s’arrondir''. C’est souvent vrai, et cette tendance peut avoir certains inconvéniens. Faisons-le remarquer néanmoins : le reproche est singulier dans la bouche de ceux qui s’effraient de la division du sol, car ces acquisitions successives constituent un des moyens efficaces d’agglomérer les parcelles. Si le capital employé y passe, il en est un autre qui naît, pour le remplacer, du labeur ardent du propriétaire, qui fertilise le sol en le remuant <ref> Dans l’enquête du conseil d’état ''sur le crédit foncier'' (
D’ailleurs la passion avec laquelle le paysan a épousé la terre présente un élément de force et de sécurité. Nous serions en ce moment plus porté à nous inquiéter de voir cette passion diminuer au contact des séductions qu’exercent les titres des valeurs mobilières, facilement réalisables, — le coupon de rente, l’action de chemins de fer, — et de tant d’autres entreprises, moins solides, qui pénètrent jusque dans nos hameaux. C’est là un entraînement passager que combattra d’une manière efficace l’application féconde de nouvelles forces et de nouveaux procédés à la culture. Les déceptions mêmes qui ont affecté le marché des valeurs mobilières ne peuvent manquer de faire refluer les capitaux vers la terre.
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Il y a eu aussi, nous le reconnaissons volontiers, fractionnement d’un certain nombre de parcelles agricoles; mais comme le chiffre total a ''diminué'' de 2 1/2 pour 100, la moindre contenance d’une certaine partie conduit nécessairement à admettre une contenance plus grande pour l’autre partie, et par conséquent l’''agglomération'', fruit des transactions libres. Notre opinion se trouve donc ''mathématiquement'' démontrée.
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L. WOLOWSKI, de l’Institut.
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