« Une Analyse du Soleil par la Chimie d’après les découvertes de MM. Kirchhoff et Bunsen » : différence entre les versions

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Quand on regarde une tache pendant plusieurs jours, on observe des changemens fort curieux dans les contours de la tache noire et de la pénombre. Si les taches étaient adhérentes au corps même du soleil et, comme La Hire et Maupertuis le croyaient encore à la fin du siècle dernier, étaient des sortes d’îles ou d’écumes dans l’océan solaire, on verrait naturellement s’évanouir d’abord une partie de la pénombre, puis le noyau noir central, puis l’autre côté de la pénombre. Il arrive au contraire que la tache avançant vers le bord occidental du disque solaire, la pénombre occidentale, au lieu de diminuer, augmente de largeur, la pénombre orientale se rétrécit, s’efface; enfin le noyau noir central disparaît lui-même avant la pénombre occidentale. A la suite de cette observation, due à Wilson, William Herschel avait imaginé, dès 1779, pour en donner l’explication, que le soleil a une enveloppe de nature toute particulière» Au centre, d’après lui, serait un noyau solide et obscur, de toutes parts entouré d’une atmosphère gazeuse et transparente, comme l’atmosphère terrestre ; cette atmosphère se composerait de deux couches : la couche extérieure lumineuse, véritable photosphère du soleil, la couche inférieure obscure ou faiblement éclairée par réflexion. Comment expliquer, d’après cette hypothèse, les apparences des taches solaires? Imaginez qu’une tempête, un ouragan, déchire l’atmosphère sur un espace immense (il y a des taches dont l’étendue ne le cède en rien à la surface de la terre); dans ce gouffre sans fond, un observateur terrestre apercevra le noyau solide du soleil comme un point obscur, et la première atmosphère, peu transparente et peu éclairée, comme une pénombre entourant la tache centrale. On comprendra aussi facilement que le mouvement de rotation du soleil dérobera à nos regards obliques l’un des côtés et le fond de ce vaste gouffre avant de nous dérober le côté opposé. Tous les phénomènes décrits par Wilson s’expliquent ainsi très aisément. Sous l’influence de quelles forces le voile lumineux du soleil et le second voile à demi diaphane que recouvre le premier se déchirent-ils pour nous montrer le noyau obscur? C’est ce qu’on n’a jamais pu expliquer. Herschel supposait que le noyau solide était couvert de volcans, dont les vapeurs lancées avec une grande force pouvaient faire une brèche dans l’atmosphère; mais c’est la une supposition tout à fait gratuite que rien n’est venu corroborer.
 
Une découverte faite par Arago en 1811 contribua à donner à l’étrange hypothèse de Herschel sur la constitution du soleil un nouveau degré de probabilité. On avait cru pendant longtemps que la lumière émise par des corps incandescens n’était point polarisée <ref> (1) On dit que la lumière est polarisée quand les vibrations lumineuses s’exécutent dans des directions déterminées par rapport à la direction du rayon lumineux lui-même.</ref> ; Arago observa au contraire que la lumière provenant d’un corps incandescent, solide ou liquide, présente toujours des traces de polarisation. La flamme d’un gaz en combustion présente seule les propriétés de la lumière normale. Cette observation fournissait un moyen très simple de découvrir la constitution physique du soleil. S’il était composé d’une masse incandescente liquide, il devait envoyer de la lumière polarisée. Si la photosphère était gazeuse, c’est le contraire qui devait avoir lieu. Or, en regardant le soleil avec un polariscope, Arago n’y a trouvé aucun indice de polarisation : il en a conclu que la partie lumineuse du soleil est gazeuse, et non liquide ou solide.
 
Les deux enveloppes atmosphériques dont Herschel et Arago ont admis l’existence autour d’un soleil central obscur peuvent avoir environ 4,000 kilomètres d’épaisseur; mais les singuliers phénomènes observés pendant l’éclipse totale du soleil du 8 juillet 1842 obligèrent les astronomes à reconnaître qu’il existe encore une troisième atmosphère solaire au-dessus de la photosphère proprement dite. Ces phénomènes ont été aperçus de nouveau pendant l’éclipse de l’année 1860. Au moment où la lune vient recouvrir entièrement le disque solaire lumineux, l’écran lunaire s’entoure d’une auréole lumineuse brillante, d’un blanc argenté, qu’on nomme la ''couronne''; sur le bord de la lune s’élèvent des hauteurs, ou ''protubérances'', que les observateurs comparent tantôt à des montagnes roses dentelées, tantôt à des masses de glace qui seraient rougies, tantôt à des flammes rouges immobiles. Ces protubérances ont une hauteur qui peut atteindre 80,000 kilomètres, distance qui dépasse le diamètre même du soleil. L’ancienne théorie de Herschel ne peut rendre compte de ces étranges apparitions. Si le soleil avait la photosphère pour enveloppe extérieure, le ciel devrait être complétement obscur au moment où le disque lunaire recouvre tout à fait l’astre lumineux. On a donc été forcé d’admettre qu’il existe une troisième atmosphère, très épaisse et assez transparente, qui entoure la photosphère elle-même.
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Quoi qu’il en soit, à mesure que l’astronomie étudie avec plus de soin les phénomènes du ciel, elle y rencontre de plus surprenantes merveilles. Que de belles découvertes faites récemment dans notre propre système solaire, que l’on se flattait pourtant d’avoir entièrement exploré! Parmi ces découvertes, celle de MM. Kirchhoff et Bunsen restera comme une des plus importantes. L’analyse spectrale de l’atmosphère solaire a donné la preuve de l’unité chimique de notre système planétaire, et peut-être un jour, appliquée aux étoiles du plus vif éclat, révélera-t-elle une parenté physique entre notre système et tous ceux qui remplissent les infinies profondeurs de l’espace; mais si elle nous ouvre en quelque sorte les portes de l’infiniment grand, elle nous ramène encore par un autre chemin à l’idée de l’unité dans la nature. En étudiant le spectre, nous reconnaissons aujourd’hui chaque corps simple tenu en suspension dans la flamme dont le prisme de verre décompose les rayons; mais qu’est-ce qu’un corps simple qui trahit sa présence non par une seule raie brillante, mais par deux, trois, quelquefois par soixante raies? À mesure que le spectre augmente de netteté, le nombre des raies lumineuses augmente pour chaque substance ; les verrons-nous jamais toutes? Il est permis d’en douter. Il y a donc là une multiplicité et une indétermination qui s’accordent assez mal, il faut l’avouer, avec l’idée théorique que nous nous faisons d’un corps ''simple'', substance non composée, toujours semblable à elle-même, ''substratum'' de toutes les combinaisons chimiques. Faudrait-il, avec quelques esprits hardis, admettre que les corps que nous nommons simples ne nous le paraissent que parce que jusqu’ici nous n’avons pu réussir à les décomposer? Doit-on croire que les divers corps simples, s’il y en a vraiment de tels, ne sont formés que d’une seule et même matière à des états divers de condensation? Nous nous trouvons ainsi entraînés à l’idée de l’unité de substance. Gaz, liquides, solides, vide et plein, corps et espaces célestes, satellites, planètes, soleils, etc., ne seraient que les formes transitoires de quelque chose d’éternel, les images éphémères de quelque chose qui ne peut changer, et, dans le tourbillon des phénomènes, dans l’éternel mouvement de toute substance, l’histoire du monde nous montre partout le devenir dans l’être, l’être, dans le devenir.
 
 
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<small> (1) On dit que la lumière est polarisée quand les vibrations lumineuses s’exécutent dans des directions déterminées par rapport à la direction du rayon lumineux lui-même.</small><br />
 
 
AUGUSTE LAUGEL.
 
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