« La Religion des Celtes » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
déplacé
déplacé
Ligne 5 :
 
 
<pages index="Dottin - La religion des Celtes.djvu" from=4 to=2427 />
Les écrivains de l’antiquité s’accordent à reconnaître la religiosité des Gaulois. Au témoignage bien connu de Ceésar qui dit que les Gaulois sont un peuple très adonné aux pratiques religieuses [20] , il faut ajouter ceux de Tite Live [21] et de Denys d’Halicarnasse [22] . Les Celtes étaient les plus habiles des peuples en science augurale [23] , et le Galate Déjotarus passait pour un augure remarquable [24] . La divination s’exerçait par divers oiseaux, le corbeau, l’aigle ; même, chez les Bretons, par la course d’un quadrupède, le lièvre [25] . Des oiseaux indiquent à des armées la direction qu’elles doivent suivre [26] ; averti par le vol d’un aigle Déjotarus revient sur ses pas [27] . Il reste encore à l’époque la plus ancienne des souvenirs du culte que l’on rendait à certains animaux. Chez les Bretons, l’oie, la poule et le lièvre sont tabous [28] . Les Galates de Pessinonte ne mangent pas de porc [29] . Nous avons cité plus haut le surnom de Mercurius : Moccus qui signifie cochon. On sait que le cochon sauvage, le sanglier, était l’insigne guerrier des Celtes, et qu’il figure comme tel sur l’arc de triomphe d’Orange. Nennius nous parle d’un animal merveilleux, porcus troit poursuivi par le roi Arthur dans une chasse fantastique ; c’est le twrch trwyth du roman gallois intitulé Kulhwch et Olwen, et ce porc ou ce sanglier fameux est sans doute dans la légende celtique un souvenir du temps où le porc était le symbole et le totem d’une tribu gauloise. Sur le fronton de l’autel de Reims est sculpté un rat ; le petit autel tricéphale trouvé dans la même ville est surmonté d’une tête de bélier. Nous avons déjà parlé du taureau aux trois grues, du serpent à tête de bélier et des dieux à cornes de bélier et de cerf qui ne rappellent plus que par un détail le culte primitif des animaux sacrés.
que l’on est tenté de regarder la triade comme une conception celtique, c’est que la triade est dans la littérature des Bretons du Pays de Galles un genre de composition qui a eu un grand succès et qui a été appliqué au droit, à la littérature, à l’histoire. Mais la plus ancienne triade galloise provient d’un manuscrit du XIIe siècle et chez les Irlandais la triade n’a point eu la fortune prodigieuse qu’elle eut chez les Gallois. Saurons-nous jamais si quelque lien relie la triade religieuse des Gallo-Romains au genre littéraire si en honneur chez les Bretons d’Outre-Manche ?
 
Pour terminer ce qui a trait aux divinités celtiques et à leur représentation, il faut dire quelques mots de certains signes symboliques que l’on trouve sur divers monuments. On a depuis longtemps renoncé à voir dans les monuments mégalithiques l’œuvre d’un peuple celtique et les cupules creusées dans ces monuments et environnées d’un nombre plus ou moins grand de lignes circulaires ne sauraient appartenir à notre sujet. Mais il est possible que les Celtes aient anciennement attaché une idée religieuse au stwastika ou croix gammée ainsi appelée parce qu’elle est formée de quatre gammas grecs dont la barre horizontale est tournée dans le même sens ; ce signe est souvent associé à la roue ou rouelle formée d’un cercle et d’un nombre variable de rayons, que l’on trouve aussi employée seule. On trouve la croix gammée sur des médailles et des monnaies gauloises, quelquefois associée à une tête d’Apollon ; et aussi sur des cippes sans inscriptions de la région pyrénéenne, et des stèles irlandaises du VIIe siècle. On sait que la croix gammée se trouve sur les vêtements de plusieurs personnages représentés sur des peintures des catacombes, où elle semble bien n’avoir qu’une valeur ornementale. Quant aux rouelles, on les trouve figurées avec la croix gammée sur les cippes pyrénéens dont nous venons de parler ; dans de nombreuses enceintes gauloises, on a trouvé en abondance des rouelles en or, en argent, en bronze, en plomb qui servaient sans doute d’amulettes et étaient peut-être, comme l’a pensé M. H. Gaidoz [19] , un symbole du culte du Soleil. Rien ne nous prouve que les Celtes l’aient ainsi interprété.
 
Ainsi donc, divinités à noms et à attributs romains, divinités gallo-romaines à noms celtiques, triade de Lucain, Ogmios de Lucien, symboles dont nous ne pouvons pénétrer que par conjecture la signification, voilà les éléments dont se compose le panthéon celtique. Si nous essayons de restituer la physionomie de ces divinités mystérieuses, il faut nous les figurer, non pas semblables aux mythiques habitants de l’Olympe grec dont chacun représente une idée distincte, force de la nature, ou conception de l’esprit, mais plutôt apparentés aux dieux rustiques et guerriers du Latium, dont les aspects sont multiples et les pouvoirs variés. A l’époque des grandes invasions, les dieux des diverses tribus gauloises étaient sans doute presque exclusivement des dieux guerriers. Lorsque les Celtes s’établirent à demeure dans les pays qu’ils avaient conquis, ces mêmes dieux eurent à protéger les villes fortes et les maisons de culture répandues sur le territoire, à distribuer la pluie et le soleil aux champs fertiles ; ainsi qu’aux forêts immenses et impénétrables ; dans la Cisalpine et dans la province romaine, de bonne heure ils présidèrent aux transactions et aux échanges que faisaient les Gaulois avec les marchands romains et les négociants grecs de Marseille ; enfin, de temps à autre leur vertu guerrière se réveillait lorsqu’il fallait défendre l’indépendance du pays, ou essayer de secouer le joug des vainqueurs. Et l’on conçoit que les Romains, étonnés de la multiplicité des attributs de ces divinités complexes, ne surent s’ils devaient les appeler Mars ou Mercure, ou Jupiter ou Apollon ou Minerve, et essayèrent de rattacher au nom d’un dieu ou d’une déesse du panthéon hellénique et romain chaque aspect différent des divinités celtiques.
 
 
 
CHAPITRE III LES PRATIQUES ET LES CROYANCES RELIGIEUSES
 
 
 
La divination. - Les animaux sacrés, - Les arbres et les plantes. - Les bois sacrés. - Les temples. - Les statues. - Les prières. - Les libations. - Les sacrifices humains. - La croyance à l’immortalité de l’âme. - L’autre monde. L’Elysée des Celtes d’Irlande.
 
Les écrivains de l’antiquité s’accordent à reconnaître la religiosité des Gaulois. Au témoignage bien connu de Ceésar qui dit que les Gaulois sont un peuple très adonné aux pratiques religieuses [20] , il faut ajouter ceux de Tite Live [21] et de Denys d’Halicarnasse [22] . Les Celtes étaient les plus habiles des peuples en science augurale [23] , et le Galate Déjotarus passait pour un augure remarquable [24] . La divination s’exerçait par divers oiseaux, le corbeau, l’aigle ; même, chez les Bretons, par la course d’un quadrupède, le lièvre [25] . Des oiseaux indiquent à des armées la direction qu’elles doivent suivre [26] ; averti par le vol d’un aigle Déjotarus revient sur ses pas [27] . Il reste encore à l’époque la plus ancienne des souvenirs du culte que l’on rendait à certains animaux. Chez les Bretons, l’oie, la poule et le lièvre sont tabous [28] . Les Galates de Pessinonte ne mangent pas de porc [29] . Nous avons cité plus haut le surnom de Mercurius : Moccus qui signifie cochon. On sait que le cochon sauvage, le sanglier, était l’insigne guerrier des Celtes, et qu’il figure comme tel sur l’arc de triomphe d’Orange. Nennius nous parle d’un animal merveilleux, porcus troit poursuivi par le roi Arthur dans une chasse fantastique ; c’est le twrch trwyth du roman gallois intitulé Kulhwch et Olwen, et ce porc ou ce sanglier fameux est sans doute dans la légende celtique un souvenir du temps où le porc était le symbole et le totem d’une tribu gauloise. Sur le fronton de l’autel de Reims est sculpté un rat ; le petit autel tricéphale trouvé dans la même ville est surmonté d’une tête de bélier. Nous avons déjà parlé du taureau aux trois grues, du serpent à tête de bélier et des dieux à cornes de bélier et de cerf qui ne rappellent plus que par un détail le culte primitif des animaux sacrés.
 
Comme les Romains, les Celtes cherchent à connattre l’avenir par les entrailles des victimes [30] ; ils ajoutent foi aux indications données parles songes [31] .