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; on le représente sous la forme d’un vieillard armé d’un arc, conduisant avec sa langue les hommes enchaînés par les oreilles. Il a suffi qu’un peintre, voulant manifester aux yeux la force de l’éloquence, eût ajouté à Ogmios la massue et la peau de lion d’Héraclès, pour qu’on regardât Ogmios comme l’Héraclès gaulois et qu’on établit entre les deux divinités un rapport fondé uniquement sur un attribut symbolique.
peuplade gauloise qui occupait le pays de Caux ; Vellaunus est conservé comme second terme dans le nom propre breton Cat-wallaun qui signifie brave au combat.
 
Parmi les surnoms d’Apollon : Anextio-marus qui a pour second terme l’adjectif maros, en breton cœur grand ; dans Cobledu-litavus, le second terme est apparenté à litanus de Srmertu-litanus ; Mogounus est apparenté au nom gaulois Mogetilla ; Vero-tutus à Vero-dunum ; Vindonnus dont le premier terme se trouve dans le nom de ville celtique Vindo-bona et est conservé en irlandais sous la forme find, en breton sous la forme guenn blanc ; les deux termes deToutio-rix sont celtiques.
 
Les surnoms de Jupiter s’expliquent difficilement dans les langues celtiques ; il en est de même de ceux d’Hercule, de Silvain et de Minerve à l’exception peut-être du surnom Beli-sama que l’on peut comparer pour le second terme à Rigi-samus.
 
Ces exemples suffisent à démontrer que la plupart de ces surnoms appliqués en Gaule aux dieux romains, sont d’origine celtique. On peut se demander quelle en est la valeur. Cette valeur est évidemment variable. Certains de ces surnoms sont employés tantôt comme épithètes, tantôt seuls. Tels sont : Borvo, Grannus, Belenus, Segomo, Camulus, Belatucadrus, Nodons (Nodens ou Nudens), Sulis, Belisama. Dans ce cas, il est probable que ces surnoms sont les noms mêmes des divinités celtiques. Quelquefois le surnom a une signification locale : Arvernus Arverne, Cimbrianus de Cimbrie, Condates de Condé, Pœninus des Alpes Pennines ; il est alors vraisemblable que nous avons affaire à une divinité romaine, objet d’un culte local. Restent les surnoms qui n’ont pas un sens local et qui ne s’emploient que comme épithètes. Un certain nombre d’entre eux peuvent désigner des divinités gauloises que l’on a assimilées à celles des divinités romaines qui avaient des attributs analogues.
 
L’étude des inscriptions gallo-romaines complète donc et rectifie le texte de César. Les dieux romains auxquels les dieux gaulois ont été assimilés sont bien Mercure, Mars, Apollon, Jupiter et Minerve. Il faudrait y ajouter peut-être Hercule et Silvain. Le nom de Mercure est bien moins fréquent dans les inscriptions que celui de Mars. Peut-on en conclure qu’à l’époque gallo-romaine le grand dieu des Celtes était, comme à l’époque des invasions, un Mars plutôt qu’un Mercure ? Ou bien, pour adopter la séduisante hypothèse de M. Jullian, Mars et Mercure ne seraient-ils que deux aspects différents du même dieu qui présidait à la fois aux travaux de la guerre et à ceux de la paix ? Tite-Live [9] nous a vaguement conservé le souvenir d’un roi des Celtes Ambigatus ou Ambicatus qui avait réuni sous sa domination vers la fin du cinquième siècle avant notre ère une grande partie de l’Allemagne actuelle et de l’Autriche, la France moins le bassin du Rhône, et près des deux tiers de la péninsule ibérique. Il est possible que l’unité politique ait alors été complétée chez les Celtes par une sorte d’amphictyonie religieuse, et que les diverses nations celtiques aient reconnu un dieu suprême protecteur de toute la race. Quand l’empire d’Ambicatus se fut démembré et que le lien qui unissait les tribus des Celtes se fut relâché, les dieux locaux, dont le prestige avait du quelque temps céder à l’autorité du dieu suprême, furent de nouveau l’objet d’ex-votos et de dédicaces.
 
A côté des dieux qui ne nous sont connus que sous des noms latins accompagnés ou non d’épithètes celtiques, on trouve, tant chez les écrivains que dans les inscriptions, les noms celtiques de quelques divinités. C’est d’abord chez Lucain les vers célèbres où il énumère trois divinités celtiques : Taranis dont l’autel n’est pas plus doux que celui de la Diane scythique, le cruel Teutatès que l’on apaise par un sang affreux, et l’horrible Hésus aux sauvages autels [10] . Taranis est à comparer au Deo Taranucno « fils de Taranus » d’une inscription [11] et s’explique sans doute par le gallois taran « tonnerre ». Nous avons déjà trouvé, comme épithète de Mars, Toutates qui est une variante de Teutatès. Nous parlerons plus loin de l’Esus de l’autel de Paris dont le nom forme le premier terme des noms d’hommes gaulois Esu-genus, Esu-nertus. Peut-être Lucain nous donne-t-il ainsi les noms celtiques des dieux assimilés aux grands dieux des Romains. Taranis serait un Jupiter ; Teutatès un Mars ; cependant les scholiastes de Lucain identifient Teutatès à Mercure [12] . D’autre part, le culte d’Esus, Taranis, et Teutatès semble être localisé chez quelques peuplades gauloises [13] .
 
Lucien nous apprend que les Celtes donnent à Héraclès le nom d’Ogmios : « Ils le représentent sous la forme d’un vieillard très âgé, chauve sur le sommet de la tête ; le peu de cheveux qui lui restent sont entièrement blancs. Il a peau ridée et brûlée par le soleil au point d’être noire. Il est revêtu de la peau de lion ; il tient la massue dans sa main droite ; de la gauche il présente un arc tendu ; un carquois est suspendu à son épaule. Cet Héraclès vieillard attire à lui une multitude considérable qu’il tient attachée par les oreilles ; les liens dont il se sert sont de petites chaînes d’or et d’ambre, d’un travail délicat et semblables à des colliers de la plus grande beauté. Malgré la faiblesse de leurs chaînes, ces captifs ne cherchent point à prendre la fuite, quoiqu’ils le puissent aisément, et loin de faire aucune résistance, de roidir les pieds, de se renverser en arrière, ils suivent avec joie celui qui les guide ; ils le comblent d’éloges ; ils s’empressent de l’atteindre ; ils voudraient même le devancer et par cette ardeur ils relâchent leur chaîne ; on dirait qu’ils seraient fâchés de recouvrer leur liberté. Ce qu’il y a de plus bizarre dans cette peinture, c’est que l’artiste, ne sachant où attacher le bout des chaînes, car la main droite du héros tient rune massue, la gauche un arc, a imaginé de percer l’extrémité de la langue du dieu et de faire attirer par elle tous ces hommes qui le suivent. Héraclès, le visage tourné vers eux, les conduit avec un gracieux sourire [14] . » Nous retrouvons le dieu Ogmios dans la littérature épique de l’Irlande, en la personne d’Ogmé, un des champions des Tuatha Dê Danann, dont l’épithète ordinaire est grian-ainech, « à la face du soleil » l’inventeur de l’écriture oghamique. Le texte de Lucien nous donne un exemple intéressant de la méthode suivie dans l’assimilation des dieux celtiques aux dieux étrangers. Ces assimilations sont semble-t-il, encore plus superficielles qu’on ne le pouvait supposer. Un dieu grec s’appelle Héraclès ; c’est le dieu de la force virile ; on le représente d’ordinaire sous la forme d’un homme fort, barbu ou imberbe, tantôt assis avec une expression de lassitude ou de courage satisfait, tantôt debout, animé d’un mouvement impétueux, appuyé sur la massue, la peau de lion drapée sur le bras gauche. Un dieu des Celtes s’appelle Ogmios ; c’est le dieu de l’éloquence ; on le représente sous la forme d’un vieillard armé d’un arc, conduisant avec sa langue les hommes enchaînés par les oreilles. Il a suffi qu’un peintre, voulant manifester aux yeux la force de l’éloquence, eût ajouté à Ogmios la massue et la peau de lion d’Héraclès, pour qu’on regardât Ogmios comme l’Héraclès gaulois et qu’on établit entre les deux divinités un rapport fondé uniquement sur un attribut symbolique.
 
Dion Cassius [15] signale le culte chez les Bretons de Boudicca d’une déesse de la Victoire, Andatê ou Andrastê à laquelle on offrait des sacrifices humains. Le nom de cette déesse semble une mauvaise leçon du nom grec Adrastê [16] , « l’Inévitable », traduction ou défiguration d’un nom celtique (Cf. Andarta, déesse des Voconces).