« Les Œuvres poétiques de M. Bertaut » : différence entre les versions
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CANTIQUE NAISSANCE N.S
Soit que de vostre corps vous viviez déchargez,
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le remede aux blessez, la rançon aux vendus,
la voye aux esgarez, la vie aux ames mortes.
à ce coup nostre chair est unie à son dieu,
et les extremitez conjointes sans milieu,
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Il commence d' estre homme, et reste tousjours Dieu,
cachant pour nostre bien dedans ce pauvre lieu
l' admirable grandeur de son pouvoir supréme :
et se rendant si foible, et demeurant si fort,
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que tu viennes livrer aux douleurs de la croix
ton fils Dieu comme toy pour l' homme miserable ?
Vas-tu point preferant, par trop grande amitié,
à ta saincte justice une injuste pitié,
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CANTIQUE POUR LE FEU ROY
Donne, Dieu tout-puissant, donne au roy ta justice,
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Ne vois-tu pas, seigneur, quels violens orages,
quels vents d' ambition esmeuz en nos courages
soufflent de tous costez prests à nous abysmer,
si toy, de qui l' amour et bonté paternelle
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redonne un heureux sceptre à son bras valeureux :
et fay par ton esprit à leurs ames entendre,
qu' estant leur bien commun, ils ne se sçauroient rendre,
eux, heureux que par luy, ny luy, grand que par eux.
Donne qu' entre eux et luy vive une guerre sainte
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dont tousjours combatans sans jamais se ceder,
ils rendent si douteux l' honneur de la victoire,
qu' en egale balance ils acquierent la gloire,
eux de bien obeyr, luy de bien commander.
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qu' elle paroist gemir dessous un plus grand faix.
Rens tous ses ennemis vaincus par son courage,
faisant voir leurs pourtraits couchez sous son image
dans les arcs triomphaux à sa gloire construits :
estens son pied vainqueur sur leurs testes captives :
puis fay que ses lauriers se changent en olives,
dont jamais nos fureurs ne corrompent les fruits.
Et toy, qui sans pareil regnes sur les roys mesmes,
grand dieu, de qui la main départ les diadêmes,
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suivy de peu d' espoir et de beaucoup de crainte,
j' attens mon reconfort de ta seule bonté.
C' est pourquoy dés le poinct où l' aube annonce au monde
le retour du bel astre à qui le scin de l' onde
preste toutes les nuicts son humide sejour,
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Que mon coeur est estreint de mordantes tenailles,
et de pesants marteaux incessamment battu !
Useray-je ma vie en ces tristes allarmes ?
N' esteindras-tu jamais ton courroux en mes larmes ?
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Mais aussi sçais-tu bien qu' en sa sphere plus basse
le ciel n' a rien enclos, qui sans l' heur de ta grace
d' un pas irreprochable en ta voye ait marché :
que ta seule pitié nous tient lieu d' innocence :
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seigneur ne vueilles point dedaigner ton ouvrage,
ains ton oeil de pitié sur mes maux retourner :
fay croistre en moy les fruits dont tu veux des offrandes :
opere en moy le bien que de moy tu demandes,
puis juste vien en moy tes oeuvres couronner.
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fermant l' huis de mon ame aux soucis de la terre,
fay qu' à jamais sur toy mon coeur ouvre les yeux.
Encor ne faut-il pas qu' une plainte eternelle
face couler en pleurs le reste de mes jours,
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signe qui me promet qu' orage ny tempeste
qui m' aille menaçant n' est plus pour me noyer.
Pourquoy tremble-je donc sous ce nouvel orage
esmeu contre l' espoir en qui seul j' ay vescu ?
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souffrant qu' il en triomphe avant qu' il l' ait vaincu ?
Non mon coeur, arme toy d' une plus saincte audace :
encor qu' un grand t' assaille, un plus grand est pour toy :
Dieu te promet secours, et le sort te menace :
qui des deux sera veu pouvoir plus sur ta foy ?
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a fin que de ce mal quelque bien je retire,
et que ce qui te plaist ne me desplaise point.
Armé de ta fureur je feray resistance
aux plus rudes assauts livrez par le malheur :
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conçoit de beaux desirs, produit de beaux effects :
et de qui le courage abhorrant la vengeance,
d' un volontaire oubly noye en sa souvenance
les torts qu' il a receus, et les biens qu' il a faits.
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si bien qu' au monde mesme il est absent du monde,
et n' a rien és grandeurs dont sa fortune abonde
de si grand qu' un grand coeur sans fard les dedaignant.
Cet homme-là ressemble à ces belles olives
qui du fameux jourdain bordent les vertes rives,
et de qui nul hyver la beauté ne destruit :
les ruisselets d' eau vive autour d' elles gazoüillent :
jamais leurs rameaux verds leur printemps ne despoüillent,
et tousjours il s' y trouve ou des fleurs ou du fruit.
Nul effroy, nulle peur en sursaut ne l' éveille :
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et bien qu' il semble avoir son paradis au monde,
si porte-il malheureux son enfer quant et soy.
Le ver qui dans le coeur jour et nuit le consume
tournant tous ses plaisirs en dolente amertume,
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Car le seigneur est juste autant que debonnaire,
et sa saincte equité paye à tous le salaire
que meritent leurs faits soient cogneus soient cachez :
encor que moins enclin aux peines qu' à la grace
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et maintenant, seigneur, pour l' heur de l' univers
tu fais que sa couronne est de paix couronnee.
Au lieu de beaucoup d' ans à ses ans adjoustez,
qui luy sont ardemment en nos voeux souhaittez,
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Puisse-il les voir un jour en cendres convertis,
du feu de ta fureur pesle-mesle engloutis,
et tous vifs devorez des flammes de ton ire :
puisse-il voir le trespas sans pitié les faucher,
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CANTIQUE PSEAUME 143
Benist soit le seigneur, le grand dieu des armees,
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Car en fin, ô seigneur, l' homme n' est rien qu' un songe
qui de songes menteurs se repaist et se ronge
en son plus ferme estat n' ayant rien de constant ;
une ombre que le jour dissipe à sa venuë :
un éclair allumé dans le sein de la nuë ;
dont l' estre et le non estre ont presque un mesme instant.
Seigneur, baisse ton ciel, et tout ceint de tonnerres
descends en ta fureur sur ces maudites terres.
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ô seigneur, continuë à delivrer mon ame
d' une gent si superbe, et romps l' injuste trame
des barbares desseins que sa rage a conceus :
estens du ciel le bras armé pour ma vengeance,
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Car sa main ne se plaist qu' aux méchans artifices :
la seule impieté luy fournit de delices :
et son coeur, dont la rage est souvent sans effect,
paist de si fiers desseins le desir qui l' affame,
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L' abondance y demeure et ses douces compagnes :
mille et mille troupeaux en couvrent les campagnes
de joye et de repos leurs ames tu repais :
la trompette s' y taist, et la voix des allarmes :
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la nomme bien-heureuse, et de voeux t' importune
pour de pareils effects de celeste faveur :
mais quelque heur que le ciel verse dessus leurs testes
plus heureux est encor, mesme au fort des tempestes,
celuy de qui ton bras daigne estre le sauveur.
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que la flame barbare en cendre avoit reduite,
rendans nos plus saincts lieux deserts et desolez.
Nos cantiques de joye où Dieu daignoit se plaire,
entre tant de douleurs condamnez à se taire
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Non, ja ne plaise au ciel, que la barbare audace
nous face prophaner par priere ou menace
les saincts vers qu' Israël chantoit en son bon-heur :
plustost soient par la mort nos douleurs assoupies,
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Mais toy qui nous punis, ô grand dieu des armees,
frappe aussi quelque jour ces cruels idumees
qui de nos ennemis les fureurs attisoient,
quand il plouvoit sur nous tant de feux de ton ire,
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PARAPHRASE PSEAUME 147
Heureux hostes du ciel, sainctes legions d' anges,
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le ciel ne voit grandeur, sceptre, ny diadéme,
immortel, ny mortel, qui s' en peust dispenser.
Chantez-le donc aussi vous enfans de la terre
qui composez de cendre en cendre retournez,
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d' une tonnante voix haut loüez son pouvoir.
Fay-le bruire aux torrens des valons que tu laves,
neige qui vests les monts d' un blanc et froid manteau :
et toy gresle polie, et toy glace qui paves
au pesant chariot les sentiers du bateau.
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témoignez son pouvoir à ses moindres ouvrages,
semant par l' univers la grandeur de son los.
Faittes-la dire aux bois dont vos fronts se couronnent,
grands monts, qui comme rois les plaines maistrisez :
et vous humbles coustaux ou les pampres foisonnent,
et vous ombreux vallons, de sources arrousez
feconds arbres fruitiers, l' ornement des collines,
cedres qu' on peut nommer geans entre les bois,
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naissez, vivez, mourez, sa loüange exaltans.
Chantez-la d' une voix, que nul soin n' interrompe,
grands rois parmy son peuple assis comme en son lieu :
et vous fiers potentats qui pleins de vaine pompe
estes dieux sur la terre, et terre devant Dieu.
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touchez d' un pied tremblant les bornes de la vie,
faites son nom sans cesse en vos chants retentir.
Bref, que tout genre d' estre, et tout sexe, et tout âge,
benisse le seigneur ses biensfaits racontant,
d' un parler si conforme aux pensers du courage
que se taisant la voix le coeur l' aille chantant.
Car il est l' esprit seul en qui vit et respire
tout estre ou non visible, ou visible à nos yeux,
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CANTIQUE FORME DE COMPLAINTE
Tandis que le desir d' une juste vengeance
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je passe, travaillé d' eternelles allarmes,
et mes jours sans lumiere, et mes nuicts sans repos.
Pardon, seigneur, pardon : la douleur qui me blesse
me rend trop tourmenté :
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ma vie et leur erreur,
que ce qui me déplaist leur estant agreable,
nous sommes l' un à l' autre en mutuelle horreur :
ma pluie est leur beau temps, mon repos leur misere,
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j' en souspire la cause, et non pas les effects :
et battant ma poitrine, à par moy je lamente
non les maux que j' endure, ains les maux que j' ay faicts.
Ah que ne puis-je dire au fort de mon angoisse
comme l' un de tes saincts disoit en sa langueur :
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que c' est la mort du corps qu' estre separé d' elle,
c' est aussi son trespas que de l' estre de toy.
De l' autheur du mensonge ayant suivy l' eschole,
j' ay mon precepteur mesme en cet art surmonté :
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mais comment (mes erreurs se rendant eternelles)
n' en seroit pas tousjours la memoire en vigueur ?
Mon ame dés l' enfance aux pechez asservie,
t' irrite si souvent de l' oeuvre et du penser,
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devroit pour chastiment mille morts recevoir :
et j' ose cependant lever encor la face
vers les cieux qui, peut-estre, ont horreur de me voir.
ô seigneur, que fais-tu, qui décoches ta foudre
sur le dos innocent de quelque vieux rocher,
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Ce qu' avec tant de voeux mon ame a desiré,
comme le seul remede à nos maux preparé,
s' accomplit maintenant pour l' heur de cet empire :
le roy plante en son coeur la foy de ses ayeux,
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il ne veut plus souffrir que tousjours loin du port
la nef de ce royaume en la tempeste flotte :
bien monstre-il que ce coup n' est point un oeuvre humain,
et que le coeur des rois est vrayment en sa main,
comme le gouvernail en celle du pilote.
C' est luy seul qui touchant l' esprit d' un si grand roy,
quand moins on l' attendoit, l' a fait venir à soy
par le chemin tracé du seul pas des fidelles.
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Maintenant verrons nous le bras de l' eternel
s' armer pour nostre cause, et d' un soin paternel
estendre sa faveur dessus nos entreprises,
les efforts ennemis de pretexte manquer,
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J' estois comme celuy qui du haut d' un rocher
voit perir dans les flots ce qu' il a de plus cher,
et ne l' ayde au peril que de voeux et de larmes :
contre son bel esprit souvent je m' indignois,
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Ainsi matin et soir mon coeur parloit en moy :
tousjours priant le ciel qu' en repurgeant sa foy
de la faulse doctrine, il y plantast la vraye :
et voila, le seigneur a mes voeux exaucez,
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couronné mais lié par une mesme main,
recompensant son zele, on punist son audace.
C' est pourquoy cognoissant combien manquent en moy
de graces pour loüer celles d' un si grand roy,
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Mais comme ces tableaux exposants à nos yeux
les pourtraits abregez de la terre et des cieux,
souvent marquent d' un point une grande province,
ainsi pressant l' honneur de vos gestes divers,
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Mais soit que l' on souhaitte un prince valeureux,
soit, qu' on le vueille juste, et d' un coeur genereux,
soit prudent à regir le frein de son empire,
soit clement, soit pieux, soit doux à commander,
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et possedons en vous ce qu' en eux on desire.
Quel oeil n' eust pensé voir ce Cesar de nos roys,
ce Charles trois fois grand, rendre és champs navarrois
du sang des espagnols la campagne trempee ;
s' il vous eust veu de prés, le sanglant fer au poing,
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mais je la sens tousjours attrister mon penser,
sçachant bien que pour voir vostre bras l' exercer,
il nous faut estre en crainte, et vous faut estre en peine.
Aussi vostre clemence est-elle en plus grand prix :
l' une et l' autre vertu forçant bien nos esprits
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Quand à vostre prudence, elle luist aux effects,
en ne chancelant point dessous un si grand faix
comme est le faix royal qui charge vos espaules :
ains avec un parler sage, attrayant, et doux,
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En qui plus desormais nous faut-il esperer,
si le cours de ce mal ne cessant d' empirer,
malgré tous vos conseils dure en sa violence ?
Bien pourrons nous alors nous resoudre à perir :
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avez trenché la teste à l' horrible Meduse
qui changeoit en rochers les coeurs de vos sujets,
grand roy, venez revoir vostre belle Andromede
qui n' aguere exposee aux monstres du malheur,
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qu' un orage excité par la fureur du sort
alloit ensevelir dans les flots de son ire
sans vostre heureux secours, son vray phare et son port :
voyez comme le ciel l' en ayant preservee
elle brave l' orgueil des vents plus inhumains,
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tant chacun aime à voir revivre en vostre vie
les fameuses vertus des grands rois vos ayeux :
et bien doit-elle aimer l' honneur de voir reluire
l' astre qui luy faisant sa douceur esprouver,
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qui, comme luy de Rome alors serve et plaintive,
as chassé de mon sein tant de mauvais françois :
donné la vie à ceux dont l' ingrate insolence
dressoit contre ton coeur le poignard insensé,
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Le ciel vueille assister la valeur de tes armes,
grand roy qui conjoignant la force au jugement,
sçais si vaillamment vaincre és plus sanglans allarmes,
et puis de la victoire user si doucement.
Bien monstrent tes effets (prince nay pour estaindre
les flames qui souloient la France consumer)
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qu' estre domptez par vous leur est autant utile,
comme à vous glorieux de les avoir dontez.
Croissez en ceste gloire, ô l' honneur des bons princes :
vainquez et pardonnez, le ciel le veut ainsi :
puis si tousjours ce mal travaille vos provinces,
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non pour ceux qui conduits d' une impie esperance,
arment d' ingrats desseins leurs desirs insensez.
Ayez escrit au coeur d' une encre perdurable,
que tout vice fleurit sous un prince trop doux :
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Mais ne commets-je point une faute pareille
à celle d' une lampe éclairant au soleil ?
Quoy, faut-il qu' un grand roy que Dieu mesme conseille,
d' une langue mortelle écoute le conseil ?
ô sire, pardonnez à ce coeur temeraire
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c' est assez qu' un remords de la faute passee
leur en cause dans l' ame une secrette horreur.
Il falloit que pour voir quel est vostre courage,
de ces tragiques maux vostre esprit fust battu ;
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s' élevoit bien desja jusqu' aux voûtes celestes,
et sembloit que du monde éclairant tout le rond
rien ne peust augmenter le lustre de ses gestes :
mais plus clair que jamais il reluist aujourd' huy,
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Aussi d' un tel effect recueille-il un honneur
de qui la renommee est si loin épanduë
qu' il vaut mieux pour sa gloire, et pour nostre bon-heur,
l' avoir reprise ainsi que non jamais perduë.
Ah dieu ! Que de perils ont conjuré sa mort
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tantost quelque sortie où les nostres surpris
eussent perdu sans luy la palme accoustumee.
Nous sçavions qu' à toute heure, au hazard d' un méchef,
veillant dans la trenchee il souffroit mainte allarme :
et que ce qu' il commande en grand et sage chef,
il l' accomplit luy-mesme en valeureux gendarme.
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et ce qui nous touchoit comme simples sujects,
vous touchoit comme soeur aimante et bien aimee.
C' est pourquoy maintenant qu' il retourne vainqueur,
la joye et le plaisir qui vos larmes essuye
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de pouvoir magnanime aux vaincus pardonner,
ce soit l' unique bien qu' il cherche en sa victoire :
aussi de la vengeance éloignant son desir
sans qu' aucuns accidents la clemence en estrangent,
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SUR MARIAGE DU ROY
Encor la loy celeste, encor la destinee
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seront dignes tesmoins de la juste allegresse
que ce sainct hymenee excite en nos esprits ?
Qui ressent le plus d' aise, ou vous valeur extréme,
possedant la beauté d' une si rare fleur,
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la beauté devant-elle est presque sans soy-mesme,
et les graces sans grace, et Venus sans appasts,
son estre estant tissu d' une si rare trame,
qu' on doute qui des deux a des charmes plus forts,
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content qu' en vostre coeur ses flammes s' eternizent,
et qu' Amour soit pour vous sans ailes desormais.
Monstrez qu' en ce courage où la vertu n' assemble
que des desirs tous pleins de saincte ambition,
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et qui tous rois qu' ils sont, d' eux mesmes ne sont
rien :
mais d' un si venerable aux ames plus felonnes,
qu' estant, en ce sommet et de puissance et d' heur,
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qui mesme entrant au monde auront tout le visage
fierement ombragé de superbes lauriers.
L' acier leur armera la dextre et la senestre,
et de fer tout doré leur sein ira brillant.
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qui nageans sur les flots sont asseurez presages
que bien-tost leur courroux les doit faire escumer.
Le ciel ayant donné, par l' effroy de la guerre,
un si genereux prince à nos loix pour appuy,
Ligne 1 683 ⟶ 1 531 :
la publique harmonie, et la paix de nos villes,
tu seras pour loyer assis entre les dieux.
Vueille faire le ciel que ce presage advienne :
et que de ton empire un jour on se souvienne
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Et cet heur adviendra : tout desja nous l' augure :
tout fait que l' esperance en nostre ame figure
l' estat delicieux d' un durable repos :
et semble que desja tournant l' oeil sur les armes
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Aussi manquois-tu seul aux souhaits de la France,
et sans le doux espoir qui naist de ta naissance,
bien eust peu croire encor la publique douleur,
tant d' illustres effects de bon-heur manifeste
Ligne 1 765 ⟶ 1 607 :
Qui d' entre les mortels dignement pourra dire
quel heur à ta grandeur, et quel à ton empire
ce royal enfançon apporte quand et soy ?
Il fait qu' en doux repos ton estat se maintienne :
Ligne 1 791 ⟶ 1 631 :
Qu' il ayme les beaux arts dont les muses s' honorent
et sçache que les ans toutes choses devorent
fors les sacrez labeurs d' un illustre écrivain :
que l' espee est sans nom qui ne doit rien au livre :
Ligne 1 819 ⟶ 1 657 :
Bref, que pour estre en fin comparable aux celestes,
il croye à tes conseils, et se mire en tes gestes,
sans monstrer ses beaux faits d' aucun vice enlaidis :
qu' il te revere et serve, et qu' il serve et revere
Ligne 1 845 ⟶ 1 681 :
Et toy repose en paix dessus un lict de palmes,
roy de qui les labeurs rendans nos troubles calmes
font maintenant sous toy reposer tant d' esprits :
et que ce doux sommeil dont apres la victoire
Ligne 1 872 ⟶ 1 706 :
IMITATION PSEAUME 71
Grand monarque du ciel, de la terre, et de l' onde,
Ligne 1 893 ⟶ 1 725 :
de ceux que la vertu produit de ses racines,
et que toy, grand soleil, tu fais croistre et meurir.
Il ira loing de luy chassant la calomnie,
et fera voir la foy que la fraude a banye,
Ligne 1 921 ⟶ 1 751 :
Il plantera ses loix sur toute l' estenduë
que l' une et l' autre mer largement épanduë
borne tout à l' entour de limites flottants :
son sceptre deviendra la mesure du monde :
Ligne 1 948 ⟶ 1 776 :
Car offencé de voir l' equité violee,
il deffendra des grands la vefve desolee,
et le pauvre orfelin à qui l' on fera tort :
il leur ira servant et d' espoux et de pere,
Ligne 1 974 ⟶ 1 800 :
Soit sa gloire icy bas incessamment benie :
soit l' honneur de son los de duree infinie,
et d' un lustre eternel par le monde éclairant.
Que tout cet univers en son nom se benisse,
Ligne 1 997 ⟶ 1 821 :
Desja tant de vitesse empenne mes propos,
qu' ils pourroient devancer le vol le plus dispos
de la plume d' un scribe extreme en diligence,
comme n' estans polys par aucun art humain,
Ligne 2 024 ⟶ 1 846 :
Toy que le tout-puissant a luy mesme vestu
d' un manteau tout filé des mains de la vertu,
marche comme en triomphe au milieu de tes princes ?
Non paré de rubis rayonnants de clarté,
Ligne 2 050 ⟶ 1 870 :
Car tu n' es que douceur, foy, sagesse et bonté :
le vice te desplaist ; tu hais la cruauté :
tu cheris la raison ; tu defends l' innocence :
ton coeur n' est que pitié ; ton throsne que splendeur.
Ligne 2 076 ⟶ 1 894 :
Les filles des grands ducs y font de tous costez
reluire en ton honneur l' esclat de leurs beautez,
et le feu dont leur oeil plus doucement éclaire.
Ton seul contentement est l' object de leurs voeux :
Ligne 2 103 ⟶ 1 919 :
Desormais, sage royne, il te faut effacer
et patrie et parents du fonds de ton penser,
pour ce vaillant monarque à qui tu t' es liee :
quoy que tu sois issuë et de ducs florissants,
Ligne 2 129 ⟶ 1 943 :
Ny les perles ny l' or qui par tant de dangers
font voller nos vaisseaux aux havres estrangers,
ny les plus riches dons qu' en leurs bords on amasse,
ne te manqueront point des princes plus fameux,
Ligne 2 156 ⟶ 1 968 :
Là, les dames d' honneur qui de pres t' approchoient
là, tes filles encor en leur ordre marchoient ;
beautez (n' eust esté toy) dignes lors de merveille.
Tout l' air retentissoit du gay son des haubois ;
Ligne 2 182 ⟶ 1 992 :
Puissent-ils en tenir le sceptre entre leurs mains,
justes, vaillants, heureux, devots, sages, humains,
rendants tout l' univers le livre de leurs gestes ;
et de tant d' ornements sainctement revestus,
Ligne 2 197 ⟶ 2 005 :
HYMNE DU ROY A DUC DE MONPENSIER
Entre tant de grands rois que l' univers admire,
Ligne 2 215 ⟶ 2 021 :
faisant trembler d' effroy les trois parts de la
terre,
et qui pour delivrer de la chaine et des fers
les champs où nostre Dieu destruisit les enfers,
Ligne 2 244 ⟶ 2 048 :
Et quand le ciel luy-mesme ouvrant tous ses thresors,
et meslant tous les dons de l' esprit et du corps,
voudroit mouler un prince à la race mortelle
digne de gouverner la terre universelle :
Ligne 2 276 ⟶ 2 078 :
desseins,
estoient de son conseil les oracles plus saincts,
et le guidoient ainsi par la mer de ce monde
que la boussole guide un vaisseau dessus l' onde.
Ligne 2 306 ⟶ 2 106 :
l' air qui rit à l' entour, et les astres propices
monstrans que Dieu reçoit et benit leurs premices :
de mesme, sa vertu produisoit des effects
d' homme entier et parfaict en ses ans imparfaits,
Ligne 2 339 ⟶ 2 137 :
que donne à des enfans leur humeur peu sensible,
la vertu la donnoit à ce coeur invincible :
le rendant desja tel que par l' art du pinceau
Hercule est exprimé, lors qu' encor au berceau,
Ligne 2 369 ⟶ 2 165 :
Que peut un brave mot de la bouche d' un roy !
Ce propos leur versa dans l' ame un tel effroy,
qu' encor que le glaçon d' une prudente crainte
ne rendist pas deslors leur frenaisie estainte :
Ligne 2 397 ⟶ 2 191 :
La France et l' Angleterre au combat animees
avoient sur la Saintonge épandu leurs armees :
d' icy les traits francois s' élancoient dedans l' air,
et de là les anglois se hastoient de voler :
Ligne 2 425 ⟶ 2 217 :
L' ennemy s' estonnant d' un trait si valeureux,
prévoit bien que ce jour luy sera malheureux :
se sent de l' estomach toute audace ravie :
ne pense plus à vaincre, ains à sauver sa vie :
Ligne 2 456 ⟶ 2 246 :
n' accordast tous les deux, bien que jeune et vainqueur,
et qu' un clement oubly n' effaçast de son coeur
le crime du poison que la haine et l' envie
avoient en leur fureur brassé contre sa vie.
Ligne 2 484 ⟶ 2 272 :
Ses beaux faits sont écrits és annales celestes,
l' Asie où s' estendit la grandeur de ses gestes,
Memphis que sa valeur souloit espouvanter,
sont encor entendus sa memoire vanter :
Ligne 2 513 ⟶ 2 299 :
de la mer et du Nil, jonchant trois fois ses bords
de chevaux infinis et de barbares morts :
le grand siege du Caire, où la victoire acquise
se convertit en dueil par l' ennuy de sa prise :
Ligne 2 543 ⟶ 2 327 :
Laissant donc les discours ses combats racontans
à ceux de qui les vers eux-mesmes combatans,
de meurtre et de fureur semblent armer leur stile,
et faire que le sang de leur plume distille,
Ligne 2 573 ⟶ 2 355 :
Devoré de ce zele, et craignant en son coeur
de se voir reprocher par la saincte rigueur
des jugemens divins, le vice et l' ignorance
de ceux qu' il choisiroit dans les parcs de la France,
Ligne 2 603 ⟶ 2 383 :
les eloquents discours de ceux dont les esprits,
ayans en bien-disant le bien faire à mespris,
avec leurs actions démentent leurs paroles,
et font que leurs conseils sont des contes frivoles ?
Ligne 2 631 ⟶ 2 409 :
luisans d' une vertu de scavoir illustree,
sur les saincts tribunaux de l' immortelle astree.
Les rois ses devanciers de leur gré consentans,
ou cedans par contrainte au malheur de leur tans
Ligne 2 661 ⟶ 2 437 :
si tost que sa vertu dontant ses adversaires
se fust assise en paix au thrône de ses peres,
soigneux il exila de l' empire gaulois
ceste fatale mort des lettres et des loix :
Ligne 2 693 ⟶ 2 467 :
c' estoient des voix de Dieu dont l' homme estoit
l' organe.
Aussi n' épargnoit-il chastiment ny loyer
qu' avec heureux effect sa main peust déployer
Ligne 2 724 ⟶ 2 496 :
Son coeur, toute sa vie, eut en horreur extrême
sur tous autres forfaits le meurtre et le blaspheme :
aussi l' autheur de l' un n' évitoit point la mort,
s' il ne l' avoit commis en repoussant l' effort
Ligne 2 754 ⟶ 2 524 :
Quel prince fut jamais sur la terre habitable
plus que ce grand monarque aux pauvres secourable ?
Maints rois s' armans les bras d' un fer victorieux
rendent par l' univers leur renom glorieux :
Ligne 2 787 ⟶ 2 555 :
refusoit un mary, fanissant en tristesse :
la miserable fleur de sa verte jeunesse
nourrir des orphelins, et ceux qui souffreteux,
couvrans leur propre mal d' un silence honteux,
Ligne 2 817 ⟶ 2 583 :
accabloient leurs sujets de tributs tyranniques,
et puis les consumans en festins magnifiques,
et se rians de ceux qu' ils avoient devorez,
beuvoient sans nulle horreur en leurs vases dorez
Ligne 2 849 ⟶ 2 613 :
ne tient ny Dieu pour Dieu, ny les hommes pour
hommes.
Mais où m' emporte ainsi hors du ton de ma voix
le recit des propos qu' à la honte des rois
Ligne 2 879 ⟶ 2 641 :
sans donner audience, et d' un sainct exercice
verser sur ses sujets les fruits de sa justice :
regrettant en son ame, et tenant pour perdus
ceux que moins dignement il avoit despendus :
Ligne 2 909 ⟶ 2 669 :
Aussi de tous costez oyoit-on par la France
ses sujets benissans le jour de sa naissance,
l' appeller leur vray pere, et charger les autels
de voeux luy souhaittans des siecles immortels :
Ligne 2 938 ⟶ 2 696 :
Mais ce genereux roy tousjours tousjours marchant
par la voye incognuë aux erres du meschant,
n' en souloit retenir la publique licence
qu' avec le juste frein de sa seule innocence :
Ligne 2 967 ⟶ 2 723 :
quand s' y mirant soy-mesme il s' estonnoit d' y lire
ce que l' on dit des rois, et qu' on n' ose leur dire !
Qu' il estoit transporté de doux ravissemens
par les divins discours des sacrez testamens,
Ligne 2 997 ⟶ 2 751 :
ce fut ce brave prince, à qui plus est semblable
quiconque en ces vertus se rend plus admirable.
Les rois qui de son temps l' univers regissoient
le reverans pour tel sa grandeur benissoient :
Ligne 3 028 ⟶ 2 780 :
et sa valeur manquer au sceptre de la France,
ou le sceptre françois à sa rare vaillance.
Un fils non supposé n' exprima jamais mieux
son pere en sa démarche, en sa bouche, en ses yeux,
Ligne 3 056 ⟶ 2 806 :
comba pour tes enfans contre l' injuste effort
d' un roy de qui l' audace estant hors de tout bord,
comble par les effects de ses cruelles armes
ce miserable empire et de sang et de larmes.
Ligne 3 086 ⟶ 2 834 :
avec si peu d' espoir d' en voir calmer les flots,
que je croy (si le ciel touché de nos sanglots
quelque rare faveur au besoin ne nous preste)
qu' apres maintes saisons, la cruelle tempeste
Ligne 3 115 ⟶ 2 861 :
l' eternel souvenir des bien-faits que ma vie
reçoit de sa grandeur, jour et nuict me convie
à prier que ta main son tige benissant,
rende ce royal arbre à jamais florissant :
Ligne 3 145 ⟶ 2 889 :
que son nom seulement luy gaigne des trophees :
que d' infinis lauriers ses mains soient estoffees :
que tous ses ennemis de son joug soient dontez :
et que le seul honneur de se voir surmontez
Ligne 3 173 ⟶ 2 915 :
que je ne face au ciel des voeux pour sa grandeur :
le priant que sa main la comble de tant d' heur,
qu' entre tout ce qu' on voit de plus grand sous la
lune
Ligne 3 202 ⟶ 2 942 :
dans le jardin des cieux les immortelles roses
de toute eternité pour les anges écloses.
Car il m' a fait sentir au fort de mon ennuy
combien la courtoisie estoit parfaitte en luy,
Ligne 3 231 ⟶ 2 969 :
si tost qu' il paroistra combien je suis chargé
des noeuds où tes bien-faits me tiennent engagé,
la marque d' un ingrat sur mon front ne s' imprime,
et qu' en fin mon malheur ne me soit pour un crime.
Ligne 3 261 ⟶ 2 997 :
je ne faisois point voir, pour le moins de parolle,
que rien à mon penser la memoire n' en volle :
et n' eternisois point, autant qu' il est en moy,
les royales vertus qui florissent en toy :
Ligne 3 289 ⟶ 3 023 :
ny ne croy point qu' au monde un prince soit vivant,
qui d' un plus grand courage et plus haut s' élevant,
suive, entre les erreurs du vain siecle où nous
sommes,
Ligne 3 323 ⟶ 3 055 :
comme aspirants plustost à l' honneur imparfait
de sembler liberaux que de l' estre en effet.
Mais ce coeur genereux qui se plaist à bien faire,
et qui, sans en attendre au monde autre salaire
Ligne 3 351 ⟶ 3 081 :
Les cieux (aymable prince) ont orné ta jeunesse
de si glorieux traits de constante sagesse,
de pieté, de foy, de bonté, de valeur,
que les muses n' ont point d' assez vive couleur
Ligne 3 381 ⟶ 3 109 :
qu' à fin de tesmoigner aux siecles advenir
qu' il t' a pleu loin de moy l' infortune bannir :
et qu' en ayant acquis par tes mains la victoire,
mon coeur est obligé d' honorer ta memoire
Ligne 3 408 ⟶ 3 134 :
maintenant en repos je passe icy ma vie,
et malgré les malheurs dont elle est poursuivie,
d' icy, comme du fest de quelque grand rocher
d' où les flots de la guerre ont crainte d' approcher,
Ligne 3 436 ⟶ 3 160 :
Icy pendent muets, donnans repos à l' air,
ces meurtriers instrumens que le feu fait parler :
sinon lors que leur sein, gros de plomb et de
pouldre,
Ligne 3 467 ⟶ 3 189 :
Aussi le jeu, la joye, et les doux passe-temps
qui s' engendrent de l' aise en des esprits contens,
entre mille plaisirs font icy leur demeure,
tandis qu' à l' environ toute la France pleure.
Ligne 3 498 ⟶ 3 218 :
et le triste recit de tant de cruautez
qui rendent cet estat sanglant de tous costez,
bien souvent nostre esprit deceu par les delices
du repos dont il suit les oyseux exercices,
Ligne 3 528 ⟶ 3 246 :
et ne peut maintenant d' un miserable pain
le soldat qui les passe y repaistre sa faim,
s' estans en fin rendus, au bout de tant de pertes,
les bourgs deshabitez, et les plaines desertes.
Ligne 3 556 ⟶ 3 272 :
Rien n' est sacré ny sainct à ces ames barbares,
les temples bien souvent sentent leurs mains avares ;
monstrans qu' ils craignent peu de voller les mortels,
puis qu' ils vollent Dieu mesme en pillant ses autels.
Ligne 3 586 ⟶ 3 300 :
d' avoir un protecteur grand en toute vertu,
qui parmy tant de maux dont ce regne est battu,
estend si bien sur nous la grandeur de ses aelles,
qu' il n' en parvient icy que les seules nouvelles :
Ligne 3 614 ⟶ 3 326 :
vous conserve longs temps à la saincte esperance,
non de nous seulement mais de toute la France :
qu' un renom perdurable et sans cesse vivant,
aille dans le soleil vostre nom escrivant :
Ligne 3 645 ⟶ 3 355 :
DISCOURS ROY ALLANT PICARDIE
Les malheurs que le ciel a versé en son ire,
Ligne 3 672 ⟶ 3 380 :
Quelle ame n' admira l' heur de vostre fortune,
quand Arques et les champs qu' il oppose à Neptune,
vous veirent d' un si brave et si vaillant effort,
rompre tous les filets tendus pour vostre mort,
Ligne 3 702 ⟶ 3 408 :
Ah ! Qu' une froide peur n' aguiere s' espandit
dans le coeur des françois, quand leur ame entendit
qu' en la derniere charge où l' orgueil de l' Espagne
de son sang et du nostre abreuva la campagne,
Ligne 3 734 ⟶ 3 438 :
Ignore-il que souvent la cruauté du sort
fait qu' en cherchant la gloire on rencontre la mort ?
Sa chair en l' eau de Styx n' a pas esté trempee
pour estre inviolable au trenchant de l' espee,
Ligne 3 762 ⟶ 3 464 :
Hé, qui n' eust excusé les habitans de Troye,
si voyans leur Minerve abandonner en proye
à l' audace des grecs son portrait bien-aimé,
contre sa mal-vueillance ils eussent blasphemé,
Ligne 3 792 ⟶ 3 492 :
et de qui la vertu surmontant la fortune,
ne trouva rien d' égal sous le rond de la lune,
florirent deux guerriers sagement valeureux,
et d' honneur et de gloire ardamment amoureux,
Ligne 3 823 ⟶ 3 521 :
que jadis quelque nymphe endurcissoit par charmes,
pour estre impenetrable aux atteintes des armes :
nous n' aurions point le sang dans les veines glacé,
quand des perils mortels le voyant menacé,
Ligne 3 854 ⟶ 3 550 :
blessures
ne nous en ont donné que des preuves trop seures :
l' image ne s' en peut de nostre ame effacer,
et nos coeurs ne sçauroient sans horreur y penser !
Ligne 3 884 ⟶ 3 578 :
en sacrifice à Mars, parmy tant d' ennemis,
pour ceux qu' un juste regne à vos loix a soûmis :
si l' amour de nostre heur ardamment vous embraze,
si vous n' ignorez point d' estre l' unique baze
Ligne 3 912 ⟶ 3 604 :
ô grand roy, ce desir de gloire perdurable
qui de vostre pensee est l' hoste inseparable,
et par qui si souvent nostre teint a blesmy,
est vostre plus mortel et plus fier ennemy :
Ligne 3 940 ⟶ 3 630 :
que les lis ont repris leur premiere beauté,
et que nostre oeil revoit l' antique majesté
du royaume et des loix dedans son thrône assise,
il ne faut plus donner au malheur tant de prise
Ligne 3 968 ⟶ 3 656 :
Sire, combatre ainsi, c' est combatre en monarque,
pour laisser de ses faits une eternelle marque :
non aller à clos yeux dans le sang se plonger
où regne peu de gloire, et beaucoup de danger.
Ligne 4 000 ⟶ 3 686 :
que n' ont fait d' autres rois mourant pour sa
querelle :
et cedez au desir de vos humbles vassaux
qui pensent, vous voyant courir à tant d' assaux,
Ligne 4 029 ⟶ 3 713 :
par le fier ennemy que les armes au poing
vostre vaillant courroux s' en va chercher si loing.
Je sçay bien quelle rage en son ame boüillonne
de voir la main d' enhaut benir vostre couronne,
Ligne 4 059 ⟶ 3 741 :
il fuira, le cruel, si tost que dedans l' air,
il verra seulement vos enseignes branler,
et par sa fuitte encor, d' un faux tiltre couverte
taschera d' amoindrir vostre gloire et sa perte.
Ligne 4 090 ⟶ 3 770 :
secondé de vostre heur et suivy de nos voeux,
porter l' ire du ciel et l' espandre sur eux,
qu' on ne vous conte point les appareils de guerre
qui font sous leur orgueil trembler toute la terre,
Ligne 4 119 ⟶ 3 797 :
qui lors que le soucy des sceptres de la terre
les alloit agitant par les flots de la guerre,
ont eu Dieu si propice, et qui victorieux
ont atteint par sa grace un port si glorieux,
Ligne 4 149 ⟶ 3 825 :
au lieu de s' ébranler par le mortel effroy
des tourments preparez pour combattre leur foy,
s' obstinent à l' encontre, et bravant les supplices
font gloire qu' on les offre en sanglants sacrifices
Ligne 4 177 ⟶ 3 851 :
en souffrant ont rendu la poussiere sanglante,
plus ils ont arrousé ceste fatale plante,
et fait evidemment regermer et fleurir
ce que l' espoir humain pensoit faire mourir.
Ligne 4 208 ⟶ 3 880 :
procurer sa victoire, et combattant pour elle
monstrer qu' avec ardeur on defend sa querelle,
ce sont les vrais sentiers conduisans au bon-heur
de revoir triompher l' espouse du seigneur,
Ligne 4 237 ⟶ 3 907 :
ô que ce grand pontife à qui par dessus tous,
Dieu commet le troupeau qu' il garantit des loups,
en recevra de joye, et qu' apres tant de craintes
dont il ressent pour nous les secrettes attaintes,
Ligne 4 265 ⟶ 3 933 :
laissant la France en proye à l' audace enragee
des maux dont elle estoit sans pitié saccagee :
car pour me destourner d' y recevoir tes pas
que ne supposoit-on, que ne disoit-on pas,
Ligne 4 293 ⟶ 3 959 :
ne pouvant les beaux faicts par ta main terminez
d' un laurier plus illustre estre icy couronnez.
Persevere grand prince, et du courage mesme
qui t' a si vaillamment sauvé ton diadême,
Ligne 4 322 ⟶ 3 986 :
SUR TRESPAS RONSARD
Quand l' esprit de Ronsard de son corps dévoilé,
Ligne 4 347 ⟶ 4 009 :
Là, sous les flots marins un roch est élevé,
où, comme une grand' sale, un bel antre est cavé,
qu' en observant les loix d' un superbe edifice
il semble que nature ait fait par artifice :
Ligne 4 376 ⟶ 4 036 :
cheminent par la voûte, et lambrissants la salle
d' un superbe planché qui se courbe en ovale,
imitent en leurs jeux les treilles des jardins,
et leur pendent des bras des perles pour raisins.
Ligne 4 404 ⟶ 4 062 :
Or l' avoit ce jour-là, dans l' antre paternel,
la deesse honoré d' un souper solemnel,
et ja les demy-dieux alloient lever la table,
quand portant en son ame un dueil insupportable,
Ligne 4 434 ⟶ 4 090 :
D' autant que dans le sein du terroir vandomois,
avant que par le ciel se soient tournez sept mois,
un enfant te naistra dont la plume divine
egallera ta gloire à la gloire latine,
Ligne 4 462 ⟶ 4 116 :
Mais, à ce que je voy, ceste douce promesse
qui ne tendoit alors qu' à tromper ma tristesse,
a trompé du depuis mon esperance aussi :
car ce divin ouvrier, ma gloire et mon soucy,
Ligne 4 490 ⟶ 4 142 :
de mes princes derniers, et sur tous de celuy
qui dans sa juste main tient mon sceptre aujourd' huy :
roy de qui la prudence aux conseils occupee,
a banny de mon sein le regne de l' espee.
Ligne 4 518 ⟶ 4 168 :
et que, si sa fureur son courage y convie,
elle me vienne aussi despouïller de la vie,
encor que ta faveur m' accordant des autels,
me daigne faire assoir au rang des immortels :
Ligne 4 546 ⟶ 4 194 :
de ne la finir point, puis que c' est seulement
pour prendre quelque fin qu' on prend commencement ?
Jette l' oeil du penser dessus tout ce qu' enserre
entre ses larges bras le grand corps de la terre :
Ligne 4 575 ⟶ 4 221 :
Regarde à moy qui suis le monarque celeste,
encor ay-je senty que peut l' heure funeste :
encor m' a fait gemir la rigueur de son trait,
et bien souvent outré de dueil et de regret,
Ligne 4 607 ⟶ 4 251 :
Un temple est à Paris, dans l' enclos où commande
l' Oreste de Ronsard, son fidelle Galande :
là se doivent trouver en vestemens de dueil,
pour aller d' eau sacree arrousant son cercueil,
Ligne 4 623 ⟶ 4 265 :
et ne paroissant Dieu sinon en son parler,
il laisse un fleuve d' or de ses lévres couler,
et versant dans les coeurs les doux flots de sa langue,
prononce de Ronsard la funebre harangue :
consacre sa memoire, et comme aux immortels
Ligne 4 636 ⟶ 4 277 :
Au reste, belle royne, asseure ton penser,
que si jamais un nom s' est veu Styx repasser,
ou sorty du tombeau d' avec la froide cendre
sur tout le large front de la terre s' estendre,
Ligne 4 664 ⟶ 4 303 :
ô nompareil esprit qui rens toutes les muses
avec toy maintenant dans la tombe recluses,
et de qui nous pouvons justement prononcer,
sans que les plus sçavans s' en puissent offenser,
Ligne 4 695 ⟶ 4 332 :
me rendit d' une humeur pensive et solitaire,
et fist qu' en dédaignant les soucis du vulgaire,
mon âge qui fleury ne faisoit qu' arriver
aux mois de son printemps, desja tint de l' hyver.
Ligne 4 725 ⟶ 4 360 :
Il est vray que l' éclair de la vive lumiere
qu' espandoit vostre gloire en ma foible paupiere,
m' ébloüissant la veuë au lieu de m' éclairer,
m' eust fait de vostre suite à la fin retirer,
Ligne 4 756 ⟶ 4 389 :
Pleurs que ton cher Binet en souspirant ramasse,
puis les meslant aux siens en de l' or les enchasse,
et dolent les consacre à l' immortalité,
pour estre un jour tesmoins de nostre pieté :
Ligne 4 783 ⟶ 4 414 :
et détranché des coups de l' acier ennemy,
gemissant s' approcha de Daphnis endormy :
de Daphnis grand heros, demy-dieu de la terre,
qui tremblant de le voir és perils de la guerre,
Ligne 4 813 ⟶ 4 442 :
et monstré ce que peut és mains d' un furieux
l' insolente rigueur du fer victorieux.
J' ay senty des premiers les effects de sa rage,
par mille et mille voix animee au carnage :
Ligne 4 841 ⟶ 4 468 :
Doncques adieu Daphnis ma richesse et ma gloire,
et le plus cher object qui vive en ma memoire.
Je jure la terreur de l' empire des morts,
et Styx de qui je vois outrepasser les bords,
Ligne 4 870 ⟶ 4 495 :
que tu peux bien jetter quelques larmes pour moy,
qui mon sang et ma vie ay répandus pour toy.
Ainsi luy dit le songe, et sur ceste parole
le sommeil en sursaut loin de ses yeux s' envole,
Ligne 4 900 ⟶ 4 523 :
mais pouvant plus sur luy la crainte du malheur,
que l' attente du bien qui flatoit sa douleur,
et se trouvant moins ferme à porter ce naufrage,
qu' à le prevoir de loin il n' avoit esté sage,
Ligne 4 931 ⟶ 4 552 :
et laisser au passant qui le voit trébuché,
juger de quel effort ce trait fut delasché.
Soudainement ses yeux perdirent leur lumiere :
son esprit desarmé de sa force premiere
Ligne 4 961 ⟶ 4 580 :
il voulut mettre un frein au cours de ses regrets,
devorer ses souspirs, et de cris plus secrets
lamenter ce desastre, encor que les attaintes
qui luy perçoient le coeur luy permissent les
Ligne 4 991 ⟶ 4 608 :
Helas ! J' eusse juré par ces divines flames
qui nous avoient fait faire échange de nos ames,
que toy n' estant toy-mesme et ne vivant qu' en moy,
ny moy n' estant moy-mesme et ne vivant qu' en toy,
Ligne 5 021 ⟶ 4 636 :
Las ! Si tu m' eusses creu, ces sources miserables
qui versent de mon chef des ruisseaux perdurables
seroient encor des yeux ouverts pour t' admirer,
et non des surgeons d' eau coulans pour te plorer :
Ligne 5 049 ⟶ 4 662 :
et par un certain gage au monde témoigner
que rien ne la pourroit de ton ame éloigner.
Hé dieux estoit-ce là ceste preuve et ce gage
qui m' en devoit donner un si seur témoignage ?
Ligne 5 077 ⟶ 4 688 :
que ma vie en la tienne alloit courre fortune
puis que de nos destins la trame estoit commune :
et cependant on dit qu' aussi tost que tu vis
les lauriers esperez t' avoir esté ravis,
Ligne 5 105 ⟶ 4 714 :
et tant que tu pourras joignant d' un bel accord
le soucy de la vie au mespris de la mort.
Tu t' en vas où la gloire au peril se marie :
où plus qu' en aucun lieu la fortune varie :
Ligne 5 136 ⟶ 4 743 :
ô douloureux retour ! ô malheureux depart !
ô penser qui mon coeur perces de part en part !
ô Lysis, et faut-il qu' une seule journee
ait si piteusement changé ta destinee,
Ligne 5 167 ⟶ 4 772 :
m' eussent remply le front des effects de leurs
charmes,
afin qu' en lamentant je peusse jours et nuits
fournir jusqu' au tombeau de pleurs à mes ennuis,
Ligne 5 195 ⟶ 4 798 :
Puis revenant à toy de qui peut estre alors
l' ame n' eust point encor abandonné le corps,
j' eusse au moins de mes doigts ta paupiere fermee
quand la mort l' eust du tout de flammes desarmee :
Ligne 5 226 ⟶ 4 827 :
Qu' à jamais soit maudit le jour plein de douleur
que ton trespas a teint en si noire couleur :
soleil, pere des ans, grande lampe celeste,
rens ce jour-là semblable à celuy de Thyeste :
Ligne 5 256 ⟶ 4 855 :
Ainsi parla Daphnis faisant luire en son oeil
mille éclairs de courroux au milieu de son dueil :
puis se rendit aux pleurs, baillant en cent manieres
son coeur à devorer aux douleurs ses meurtrieres :
Ligne 5 285 ⟶ 4 882 :
trop sensible est le coup qui ta poitrine entame,
et trop de sentiment vid dedans ta belle ame :
tu l' aymois trop, Daphnis, lors qu' il estoit vivant,
et l' amour et la foy dont il t' alloit servant
Ligne 5 315 ⟶ 4 910 :
fussent-ils assez grands pour noyer de leur onde
les plus fermes esprits qui regentent le monde,
coulez en ta belle ame et dans ce brave coeur
de qui rien de mortel ne deust estre vainqueur,
Ligne 5 347 ⟶ 4 940 :
La bonté de ton ame aux saints desirs ouverte
ne veut pas que tu sois insensible à ta perte :
non, n' en fais pas du tout mourir le sentiment,
mais fay qu' elle te gesne avec moins de tourment,
Ligne 5 376 ⟶ 4 967 :
non pas luy bastissant des temples comme aux dieux :
non pas te promettant de luy donner les cieux :
mais rendant sa valeur à jamais memorable
par tout ce qui peut rendre un renom perdurable.
Ligne 5 398 ⟶ 4 987 :
SUR LA MORT MERE FEU ROY HENRY 3
Que n' est ma voix semblable à celle d' un tonnerre
Ligne 5 417 ⟶ 5 004 :
Peuples, ceste princesse à qui depuis trente ans
mille flots de malheur la France tourmentans
ont servy de tesmoins en l' honneur qu' on luy donne
d' avoir forcé l' orage et sauvé la couronne :
Ligne 5 448 ⟶ 5 033 :
et trainant son grand corps rudement escaillé
de fer qu' en mille endroits le sang a tout soüillé,
cache dessous ses flancs les provinces entieres :
démembre les humains de ses griffes meurtrieres :
Ligne 5 476 ⟶ 5 059 :
faites des feux de joye, et rendez tesmoignage
par vos chants redoublez du dueil qui nous outrage.
Car si jamais la France esprise des fureurs
qui ravissent le sceptre aux plus grands empereurs,
Ligne 5 505 ⟶ 5 086 :
dont tant d' horribles maux doivent estre produits,
en avancer par tout les miserables fruits ?
Desja depuis long temps l' audace mercenaire
des clairons de la guerre embouchez de Megere,
Ligne 5 533 ⟶ 5 112 :
Le peuple forcenant de douleur et de rage,
pour ces princes esteins, poursuit, volle, saccage
tous ceux qui pour servir de vengeance à leur mort
ne veulent point prester la main à son effort,
Ligne 5 562 ⟶ 5 139 :
d' hommes que le desir d' un public changement,
ou leur propre courroux luy donne incessamment.
Ce courroux, ce desir, luy font ouvrir les portes
des bourgs et des chasteaux, et des villes plus
Ligne 5 591 ⟶ 5 166 :
pitoyables esprits, dont l' heur soit perdurable
puis que vous deplorez nostre estat miserable,
accusans avec nous la cruauté du sort,
aydez nous à gemir et plaindre ceste mort :
Ligne 5 621 ⟶ 5 194 :
Jamais le ciel ne veit un plus noble courage :
ny dans le plus parfait d' aucun mortel ouvrage
Dieu n' illustra jamais avec tant de splendeur
de royales vertus la royale grandeur.
Ligne 5 649 ⟶ 5 220 :
Qu' elle n' ait mille fois de ses seules vertus
combattu les malheurs qui nous ont abatus :
qu' elle n' ait preservé de ruine asseuree
la grandeur de ce sceptre à sa fin conjuree,
Ligne 5 679 ⟶ 5 248 :
de la vague abayante, à ses coups s' opposoit,
et par soin et par art sa fureur maistrisoit.
La nef alors sans bride erre apres où l' emporte
l' arrogance et des vents et de l' onde plus forte,
Ligne 5 707 ⟶ 5 274 :
Quelquefois son courage au mal fait resistance :
mais la douleur rebelle aux loix de sa constance,
est semblable à ces mers craintes des matelots,
dont tant plus un destroit reserre les grands flots,
Ligne 5 735 ⟶ 5 300 :
au temps que la tempeste et l' orage croissant
qui va de tous costez la France menaçant,
rendoit plus que jamais contre mes adversaires
ta vie et tes conseils à l' estat necessaires ?
Ligne 5 764 ⟶ 5 327 :
quand l' ennuy qui le coeur des plus grands rois
entame
me livrant quelque assaut m' accabloit de tourment,
me le faisois ou vaincre, ou souffrir constamment :
Ligne 5 792 ⟶ 5 353 :
tu n' aurois, ô belle ame, en allant au trespas,
devancé que d' un peu la suitte de mes pas :
et si l' aspre douleur pouvoit oster la vie,
le jour qui lamentable a la tienne ravie,
Ligne 5 822 ⟶ 5 381 :
qu' un regret de ta mort de qui le pesant faix
seul égale en grandeur le poids de tes bienfaicts.
Jurant par ce respect qui sainct et perdurable
me rendra ta memoire à jamais venerable,
Ligne 5 847 ⟶ 5 404 :
et qui n' a dedans l' ame aucune loy gravee,
auroit horreur de voir sa fureur arrivee.
En fin l' impieté des rebelles desseins
prophanant les respects plus sacrez et plus saints
Ligne 5 875 ⟶ 5 430 :
des vices plus brutaux nous emportons le prix,
et ce que la fureur de nos cruels esprits
n' a point eu de remords ny d' horreur d' entreprendre,
nul esprit sans horreur ne le sçauroit entendre.
Ligne 5 903 ⟶ 5 456 :
Helas ! Ce meschant acte (à qui bien le contemple)
comme il est sans excuse, et aussi sans exemple.
Un puissant roy de France extraict de tant de rois,
qui des civiles mers passant tous les destrois
Ligne 5 933 ⟶ 5 484 :
s' alloit-il relever par ceste mort cruelle,
et faire naistre en France une paix eternelle ?
Quoy ? L' amour de la foy dont ton habit menteur
te monstroit par dehors d' estre ardant zelateur,
Ligne 5 963 ⟶ 5 512 :
Te sentant bourrelé de l' invisible geine
qui fait avoir la vie et les vivans en heine,
quand de quelque forfait les angoisseux remords
donnent au coeur coulpable un million de morts :
Ligne 5 994 ⟶ 5 541 :
Tant soit avantureux ce que nostre ame embrasse,
il est en son pouvoir, s' il est en son audace.
Allons, et de ce fer gravons dans les esprits,
que quiconque a sa vie en horreur et mespris,
Ligne 6 023 ⟶ 5 568 :
qu' on croit avoir forgé sur la tienne de fer
ce traistre assassinat des marteaux de l' enfer :
et de qui les conseils armans celle des princes
du glaive ambitieux qui destruit les provinces
Ligne 6 051 ⟶ 5 594 :
ou de ceste autre terre encor plus esloignee
à qui la loy de Christ fut naguiere enseignee.
Car je me hay moy-mesme, et hay mon jour natal,
de me sentir extraict d' un peuple si brutal,
Ligne 6 081 ⟶ 5 622 :
ô dieu, que le destin m' eust esté favorable,
puis que j' avois à naistre en ce val miserable,
s' il m' eust fait enroller au nombre des vivans
ou plus tost ou plus tard de six vingtaines d' ans,
Ligne 6 111 ⟶ 5 650 :
Car en fin, que servoient à nos coeurs enchantez
tant de sages conseils receus de tous costez,
de nous garder de ceux qui souvent sous la feinte
d' un humble et sainct habit ont une ame peu sainte,
Ligne 6 141 ⟶ 5 678 :
Et lors ramentevant que celuy dont les os
dormoient entre les vers dedans ce plomb enclos,
naguere estoit au monde et mon prince et mon maistre,
celuy d' où tout mon heur se promettoit de naistre,
Ligne 6 171 ⟶ 5 706 :
Permets moy de tenir le sapin que tu couds,
que j' en touche les ais, que j' en touche les clouds :
que ma tremblante main un à un te les donne,
et que de ce devoir en pleurant je couronne
Ligne 6 201 ⟶ 5 734 :
tout ce qui peut les coeurs justement émouvoir,
l' honneur, la pieté, la raison, le devoir,
feront-ils point qu' au moins une ombre de vengeance
donne à nostre douleur quelque vaine allegeance ?
Ligne 6 231 ⟶ 5 762 :
mais par le vil acier d' un couteau malheureux,
c' est vostre propre sang, c' est ce sang genereux
qui prenant source en vous, et depuis tant d' annees,
d' un cours vainqueur du temps, vainqueur des destinees
Ligne 6 261 ⟶ 5 790 :
Et toy, valeureux roy, la terreur des mutins,
la gloire de nos ans, et l' heur de nos destins :
prince à qui le grand roy que ce plomb environne
en mourant resigna son sceptre et sa couronne :
Ligne 6 291 ⟶ 5 818 :
Si vainqueur tu le fais les siecles à venir
s' en verront pour ta gloire à jamais souvenir,
comme d' une vertu que cet âge barbare
rend en un successeur autant belle que rare.
Ligne 6 318 ⟶ 5 843 :
car tu ne luis point pour les morts,
et je suis du tout mort au monde :
vif aux ennuis tant seulement,
et mort à tout contentement.
Ligne 6 346 ⟶ 5 869 :
ne trouble point de tes remords
la triste paix des pauvres morts !
Assez lors que j' estois vivant
j' ay senty tes dures attaintes :
Ligne 6 374 ⟶ 5 895 :
ô ma seule gloire et mon bien
qui n' es plus qu' un petit de poudre,
et sans qui je ne suis plus rien
qu' un tronc abattu par la foudre,
Ligne 6 400 ⟶ 5 919 :
Car gemissant dessous le faix
dont m' accable une peine extrême,
et survivant comme je fais
à tout mon heur voire à moy-mesme,
Ligne 6 429 ⟶ 5 946 :
ce teint qui ravissoit de sa vive fraischeur
à la nege des monts le prix de la blancheur.
Car le mortel ennuy dont elle estoit pressée
d' esloigner pour jamais le bien de sa pensee,
Ligne 6 458 ⟶ 5 973 :
la flame
sembloit donner la vie et le jour à ton ame,
d' une eternelle nuict en la tombe couvers
ne sont plus maintenant que le repas des vers.
Ligne 6 486 ⟶ 5 999 :
Mais en me desolant d' estre absente de toy,
je beny d' autre part la saincte et juste loy
du suprême destin qui regit cet empire,
et qui veut qu' en repos desormais il respire,
Ligne 6 515 ⟶ 6 026 :
qui m' avoit sans sujet ta presence ravie,
privoit de ce bon-heur les termes de ma vie.
Que si mes humbles voeux en larmes prononcez
peuvent se voir encor de ton ame exaucez :
Ligne 6 545 ⟶ 6 054 :
quand quelque bon genie accourant devers elle
luy viendra raconter l' heur de ceste nouvelle.
Car je ne puis souffrir, sans mourir derechef,
qu' une autre me succede à posseder la clef
Ligne 6 573 ⟶ 6 080 :
Les myrtes sont pour moy transformez en cyprez :
amour n' a plus de laqs, de flammes ny de traits
qui puissent rien sur moy, son trophee est par terre :
la mort, et non l' amour seule fera la guerre
Ligne 6 601 ⟶ 6 106 :
Je tais infinis dons cachez et manifestes,
que t' avoient départis les puissances celestes,
et diray seulement que jamais icy bas
nulle beauté qui tinst un monarque en ses lacs,
Ligne 6 630 ⟶ 6 133 :
trouvant heureusement en toy seule amassé
tout ce qu' en maints sujets les dieux ont dispersé.
Las ! Faut-il que la mort resolve en pourriture
un si rare thresor dedans la sepulture ?
Ligne 6 660 ⟶ 6 161 :
ton esprit embrasé d' une si longue ardeur
eleveroit ma vie à ce poinct de grandeur.
D' autres chaines d' amour, d' autres flames t' attendent,
et ja d' entre les dieux, invisibles, descendent
Ligne 6 688 ⟶ 6 187 :
Il s' éleve une sale au palais de la Parque,
où des dieux et des rois le pere et le monarque
reserre les destins des grands de l' univers
profondement gravez en des tableaux divers,
Ligne 6 719 ⟶ 6 216 :
d' arriver à la France, il falloit que ma vie
me fust loin de tes yeux avant l' âge ravie :
ne pouvant advenir que ton ardente amour,
moy vivante et voyant la lumiere du jour,
Ligne 6 748 ⟶ 6 243 :
et la superbe main du destin rigoureux
ne peut rien desormais ny contre eux ny pour eux.
Bien m' est-il doux de voir que pour ma vie esteinte
quelque trait de douleur rende ton ame atteinte :
Ligne 6 778 ⟶ 6 271 :
Le ciel vueille inspirer ceste heureuse beauté
que tu dois en ton thrône asseoir à ton costé,
de les voir d' un bon oeil, de leur estre propice,
et d' un coeur favorable accepter leur service :
Ligne 6 805 ⟶ 6 296 :
TRESPAS SOEUR UNIQUE DU ROY
Donc, ô grande princesse, apres la vaine attente
Ligne 6 828 ⟶ 6 317 :
dont ta blesme langueur trompoit nostre desir,
nous faisant embrasser avec joye et plaisir
ce qui devoit en fin apres maintes allarmes,
se terminer pour nous en un sujet de larmes.
Ligne 6 845 ⟶ 6 332 :
par la fureur des vents la flotte a fait naufrage :
qu' on en voit sur la mer ondoyer les morceaux :
et qu' en fin les thresors qui chargeoient ses vaisseaux
espars de tous costez par la plaine azuree
ne font plus qu' enrichir les palais de Neree.
Ligne 6 857 ⟶ 6 343 :
et fraudant nostre espoir donnoit tout au contraire
non la vie à l' enfant, mais la mort à la mere.
Que ne dismes-nous point rendans graces aux dieux,
quand un si doux abus vint essuyer nos yeux ?
Ligne 6 865 ⟶ 6 349 :
que ne disons-nous point tançans la cruauté
du sort qui rend tes ans finis en leur esté ?
Nous nous plaignons du ciel presque avec des blasphemes :
accusons le destin : nous accusons nous mesmes :
et sans fin maudissons l' erreur de ce penser
qui faisoit loin de toy les remedes chasser,
et tant choyer en vain la vie encor à naistre,
qu' on s' est rendu meurtrier par la crainte de l' estre.
Mais ces tristes effects de cuisante douleur,
ne nous servent de rien contre nostre malheur :
Ligne 6 887 ⟶ 6 369 :
ô combien les vertus qui te faisoient aimer
nous rendent maintenant leur souvenir amer,
et que ces dons du ciel qui te servoient de charmes
font sourdre en nostre coeur de souspirs et de larmes !
La royale bonté de ton coeur genereux
nous remplit maintenant de regrets douloureux :
Ligne 6 902 ⟶ 6 381 :
Les muses tous les jours pleurent s' en souvenant :
et d' âche et de cyprés leur teste couronnant,
monstrent par leurs souspirs combien tu leur fus chere,
ou soit comme leur soeur, ou soit comme leur mere.
Car tu fus l' un et l' autre autant que leurs beaux arts
Ligne 6 919 ⟶ 6 397 :
et si lors Calliope eust envié ta voix,
Apollon tout de mesme eust envié tes doigts.
Je tais mille autres dons d' esprit et de courage
qu' il pleust encor au ciel t' octroyer en partage,
Ligne 6 947 ⟶ 6 423 :
car quelque amer ennuy qu' il cause à la pensee,
la fidelle memoire en sera moins blessee
des douleurs dont un coeur peut estre tourmenté,
que l' oubly n' en seroit marqué d' impieté.
Ligne 6 975 ⟶ 6 449 :
deplorant jour et nuict ta mort et son malheur,
se monstrer non beau pere, ains pere en sa douleur.
Mais tu verrois sur tous celuy dont Hymenee
tenoit en tes liens la vie emprisonnee,
Ligne 6 984 ⟶ 6 456 :
combien sent de torments une amour chaste et sainte,
quand de la palle mort les lamentables coups
viennent trencher ses noeuds lors qu' ils semblent plus doux.
Tu verrois son ardeur estre encor toute flame,
et faire prononcer des discours à son ame
Ligne 7 006 ⟶ 6 477 :
les services qu' on rend sans espoir d' aucun bien,
et lors que de les rendre il ne sert plus de rien.
Mais le voile eternel de la nuit qui t' enserre
endormant tout le soing des choses de la terre,
Ligne 7 034 ⟶ 6 503 :
enfants d' une douleur mortellement amere,
n' estre pas estimez dignes fils de leur mere :
et que la France mesme à qui ta dure mort
conforme l' Austrasie en dueil et déconfort,
Ligne 7 046 ⟶ 6 513 :
EPITAPHE CHRISTOPHLE DE THOU
Apres avoir long-temps heureusement porté
Ligne 7 065 ⟶ 6 530 :
ELEGIE TRESPAS M. DE NOAILLES
Passant, ce peu de terre enferme en ses entrailles
Ligne 7 090 ⟶ 6 553 :
Combien il profita sous l' un et l' autre maistre,
parlant et combattant il le faisoit parestre,
ses eloquens discours monstrans qu' il n' avoit pas
moins de sçavoir au front que de valeur au bras.
Ligne 7 118 ⟶ 6 579 :
où cent corps ennemis par ta main abbatus
se verroient et de vie et d' armes dévestus :
non pas en une guerre, helas, si peu guerriere :
sans faire à tout le moins que l' audace meurtriere
Ligne 7 146 ⟶ 6 605 :
C' est celle qui rendant ta memoire ainsi vive,
garde qu' à l' eau d' oubly jamais elle n' arrive :
et fait que ton renom affranchy du tombeau
volle plus que jamais au monde entier et beau.
Ligne 7 174 ⟶ 6 631 :
ses eternels souspirs son dueil vont tesmoignant,
et servent de parole à son coeur se plaignant :
mais moy qui de nature, et par un long usage,
des souspirs amoureux entens bien le langage,
Ligne 7 198 ⟶ 6 653 :
des fruits de sa vertu la fleur de sa jeunesse :
fruits que l' injuste sort n' a point laissé meurir,
fleur qu' en son beau printemps la Parque a fait mourir,
depeur que sa vertu croissant quand et sa vie
n' acquist l' estre immortel dont la gloire est suivie
au corps qu' elle animoit, et n' affranchist ses ans
du tribut que la mort prend sur tous les vivans.
Aussi vit-on qu' en crainte, et d' une main tremblante
elle arracha de terre une si belle plante,
Ligne 7 219 ⟶ 6 671 :
d' avoir veu ce beau jour à midy terminé :
ainsi le veut la loy prescrite à la nature :
tousjours le plus beau temps est celuy qui moins dure :
mais les fleurs de vertu regnent plus d' un printemps,
et ceux qui vivent bien vivent assez long temps.
Ligne 7 230 ⟶ 6 681 :
fist que Mouchy Le Jeune en sa premiere fleur
enferma ses beaux ans dans ceste sepulture.
Passant, ne t' enquiers point quelle en fut l' avanture,
ne renouvelle point nostre antique douleur :
Ligne 7 257 ⟶ 6 706 :
Et quant à sa valleur, maints perilleux endroits
en ont fourny de preuve aux yeux de deux grands rois,
à qui d' un coeur fidelle il consacra sa vie,
et pour qui sa vertu du malheur poursuivie,
Ligne 7 283 ⟶ 6 730 :
DE MME ET MLLE DE BOURBON
Icy gisent les coeurs de deux grandes princesses
Ligne 7 298 ⟶ 6 743 :
qu' au monde elle a vescu comme estant morte au monde,
afin que de la terre elle achetast les cieux.
L' autre à qui maint desastre a long temps fait la guerre
par effect a monstré que son coeur mesprisoit
le soin de voir son corps plaire aux yeux de la terre,
Ligne 7 307 ⟶ 6 751 :
mais que sert aux mortels la royale naissance
contre ce qui destruit et rois et royautez ?
Devotieux passant qui vois combien peu durent
les dons que l' univers tient pour souverain bien :
Ligne 7 321 ⟶ 6 763 :
en l' amour des grandeurs dont le desir la poind :
n' estant rien devant Dieu le monde ny sa pompe,
non plus qu' au prix du ciel la terre n' est qu' un point.
Bien monstra de le croire estant encor en vie
le saint couple des coeurs gisans en ce cercueil :
Ligne 7 333 ⟶ 6 774 :
DE M. DE L'ARCHANT
Si ce sont les vertus des hommes remarquables
Ligne 7 360 ⟶ 6 799 :
soit qu' en ce siecle ingrat, et barbar, et sans foy,
l' on estime un sujet qui fidelle à son roy
vueille à clos yeux pour luy courir toute fortune,
et dont en divers sors l' ame est tousjours toute une,
Ligne 7 390 ⟶ 6 827 :
et qui dedans la tombe à la fin l' ont mené :
le malheur ayant fait qu' au siege infortuné
qui pressoit de Roüen la muraille rebelle,
l' effort d' une sortie, et la meurtriere gresle
Ligne 7 417 ⟶ 6 852 :
sage Achille françois qui vivant m' as servy
de conduite et d' exemple aux hazards de la guerre :
je prevoy qu' enfermant au sein de ceste pierre
ton coeur qui me resta quand la mort t' eust ravy,
Ligne 7 434 ⟶ 6 867 :
Passant, ce peu de marbre avarement enserre
les coeurs ensevelis de trois proches parens,
tous trois morts en trois ans en trois actes de guerre,
tous trois pareils en sort, et tous trois differens :
car l' un perdit la vie au fort d' une bataille,
Ligne 7 443 ⟶ 6 875 :
Ils bruslerent tous trois d' une commune flame
dont la sainte vertu fut l' unique flambeau :
leurs trois corps en vivant n' eurent qu' une mesme ame :
leurs trois coeurs estans morts n' ont qu' un mesme tombeau.
SUR MORT FILLE MME DE LA BARRE
Les rayons de vertu trop clairs et trop luisans
Ligne 7 474 ⟶ 6 902 :
Amour qui te voyoit ton âge surpasser,
et beauté sur beauté tous les jours amasser,
desja se preparoit à de nouveaux trophees,
qu' en rendant de desir mille ames eschaufees
Ligne 7 493 ⟶ 6 919 :
d' avoir osé si tost tes beaux jours amortir :
mais voyant luire en toy plus d' effects de sagesse
qu' en plusieurs dont le poil se blanchit de vieillesse,
et tes aimables moeurs n' avoir rien d' enfantin,
elle a pris pour le soir de tes jours le matin :
Ligne 7 503 ⟶ 6 928 :
Mais si quelque douleur hors d' icy t' a suivie,
d' avoir perdu si tost les plaisirs de la vie,
ou si d' avoir quitté ces miserables lieux
quelque regret attaint ceux qui vivent és cieux,
Ligne 7 530 ⟶ 6 953 :
ne pouvant vivre ailleurs és poictrines mortelles,
et ne se voulant pas choisir d' autre cercueil.
Non, je faux : les vertus d' une ame si parfaite
n' ont point senty le coup que donne le trespas,
Ligne 7 559 ⟶ 6 980 :
et peut-on justement tesmoigner de sa vie,
que pour mourir heureuse il falloit vivre ainsi.
Nous pleurerions sa mort de mille et mille plaintes,
s' il nous estoit permis de plorer son bon-heur :
Ligne 7 585 ⟶ 7 004 :
TIMANDRE
L' effect des changemens que la fuite des jours
Ligne 7 608 ⟶ 7 025 :
car apres l' avoir euë à ses voeux favorable,
et s' en estre promis une amour perdurable,
de quel oeil eust-il peu la voir lors mespriser
le feu qui la souloit elle-mesme embraser ?
Ligne 7 636 ⟶ 7 051 :
Car ce qu' amour me fait ardamment souhaiter,
je sens au mesme instant mon coeur le redouter,
et trouve en la douleur d' où ma plainte procede,
egalement cruels le mal et le remede.
Ligne 7 664 ⟶ 7 077 :
il se la proposoit cruelle et dédaigneuse,
ne faire plus de cas de sa peine amoureuse,
et craignoit qu' en voyant son malheur de plus pres,
l' object du bien perdu n' en accreust les regrets.
Ligne 7 694 ⟶ 7 105 :
Dequoy souffrant en l' ame une douleur extréme,
et laschant en courroux maint amoureux blaspheme
contre la cruauté des destins ennemis
luy ravissans ainsi l' heur qu' il s' estoit promis :
Ligne 7 724 ⟶ 7 133 :
le ciel dans l' ocean secoüer ses estoilles :
les vaisseaux sur la mer singlans à pleines voiles,
s' arrester à sa voix comme au fond attachez
avec les croches dents de cent ancres cachez :
bref, le secret pouvoir de sa seule parole
aux flots estre un Neptune, aux vents un autre Aeole :
et sur les elemens tel empire exercer,
qu' encor tout effrayé je tremble d' y penser.
Ligne 7 738 ⟶ 7 144 :
où depuis quelques mots bassement murmurez,
on apperçoit mouvoir les obscures images
de ceux qu' on cherche à voir sous leurs mesmes visages,
et s' ils ne dorment point au silence des morts,
en la mesme action qui les occupe alors.
Ligne 7 754 ⟶ 7 159 :
ne si la pesanteur de cent fers inhumains
chargeoit point jour et nuict ses miserables mains,
j' eu recours, je l' advoüe, à ce muet oracle,
et le vy là dedans (pitoyable spectacle)
Ligne 7 784 ⟶ 7 187 :
j' aime mieux pour chasser la douleur qui me suit,
une sombre clarté qu' une eternelle nuit.
C' est pourquoy je te prie, allons, et donnons treve,
sinon paix à mon coeur encor que fausse et breve :
Ligne 7 812 ⟶ 7 213 :
qu' il aime tant à voir, animer sa surface,
et le feu de ses yeux briller en ceste glace.
Quelle fut la merveille, et quel fut le plaisir
dont un si doux object vint son ame saisir,
Ligne 7 842 ⟶ 7 241 :
cependant persevere en l' ardeur de ta flame,
et tien pour asseuré, que l' amour d' une dame
n' est jamais si brulant que quand il est contraint
par quelque injuste loy de se monstrer esteint.
Ligne 7 864 ⟶ 7 261 :
ly dessus mon visage où mes maux volontaires
sont vivement escrits en piteux caracteres
d' un encre fait des pleurs que j' espans nuict et jour,
et pour preuve de foy signez des mains d' amour.
Tels ou semblables mots luy redisoit Timandre,
Ligne 7 871 ⟶ 7 267 :
et la nymphe elle-mesme avoir peur d' irriter
le courroux du fantosme en voulant l' arrester,
il imposa silence aux plaintes commencees,
et laissa prononcer le reste à ses pensees.
Ligne 7 901 ⟶ 7 295 :
vestir un faux visage, et paistre le desir
d' une fausse esperance ou d' un faux desplaisir.
J' en conserve pour preuve au sein de ma memoire
le dolent souvenir d' une sanglante histoire
Ligne 7 920 ⟶ 7 312 :
aupres des rois de Dace entre leurs courtisans,
non aux vains passetemps d' une noblesse oisive,
mais aux plus dures loix que l' honneur nous prescrive,
eut pour espouse Aimonde, une jeune beauté
de qui si la constante et chaste loyauté
Ligne 7 930 ⟶ 7 321 :
l' histoire du malheur qui causa son naufrage
la fist trouver en fin plustost chaste que sage.
Contre ceste beauté s' armoit secretement
des poignans eguillons d' un fier ressentiment
Ligne 7 960 ⟶ 7 349 :
Ce fut aussi de là que prist son origine
la fiere inimitié dont ceste neuve Alcine
animoit la fureur de son coeur sans mercy
contre la belle Aimonde et contre Adee aussi.
Ligne 7 990 ⟶ 7 377 :
mais plein et d' une adresse et d' une grace extrême,
auroit peu faire rire un Heraclite mesme.
Aussi, comme embellie et de semblables moeurs,
et de mesmes vertus, et de mesmes humeurs,
Ligne 8 020 ⟶ 7 405 :
Cependant ils vivoient en ces chastes delices
sans aucun sentiment des amoureux supplices,
avec tant de franchise et tant de privauté,
qu' encor qu' un saint lien d' estroicte parenté
Ligne 8 033 ⟶ 7 416 :
du coeur de son espouse eust le sien pour témoing,
ne peut tant maistrizer ceste odieuse crainte,
qu' il n' en sentist par fois quelque secrette attainte :
mais fuyant et le mal et le nom de jaloux,
mal qui blessant le coeur d' imaginaires coups,
Ligne 8 051 ⟶ 7 433 :
et qui presque joignant sa fin à son exorde
monstroit bien qu' il touchoit ceste odieuse corde
avec la mesme peur dont se voit empescher
l' homme qui sent son mal et qui n' oze y toucher.
Ligne 8 079 ⟶ 7 459 :
non à s' estre cruelle, et priver son desir
de ce qui sans offence aporte du plaisir,
par crainte d' exciter les injustes murmures
d' un peuple qui ne parle et ne croit qu' impostures :
Ligne 8 107 ⟶ 7 485 :
Or ne sçavoit-il pas que la jalouse Ogiere
(Ogiere estoit le nom de la nymphe sorciere)
eust veu jamais Adee à ses loix asservy,
ny que de ses liens Aimonde l' eust ravy :
Ligne 8 117 ⟶ 7 493 :
sans qu' il eust par sa bouche acquis la cognoissance
de son enchainement ny de sa delivrance.
Croissants donc tous les jours les soupçons en son coeur,
et le mal se rendant à la fin son vainqueur :
il faignit un matin d' aller prendre à la chasse
Ligne 8 138 ⟶ 7 513 :
du defaut que l' on dit confondre les figures
par où l' oeil d' un enfant voit les choses futures.
Aussi sembloit Gernande y prester plus de foy
qu' aux mysteres plus saints qu' adore nostre loy,
Ligne 8 166 ⟶ 7 539 :
tout presque s' en offence, et j' en porte en mon coeur
un depit qui sans cesse acquiert vie et vigueur :
bien que la chasteté cogneuë en mon espouse
m' ait long temps deffendu d' avoir l' ame jalouse,
Ligne 8 193 ⟶ 7 564 :
sur l' éhontée ardeur du desir qui les point,
qu' à ceste heure on epie avec moins d' impudence,
et quelque plus grand soing, les jours de mon absence.
J' ay cogneu le pouvoir de ce verre enchanté
qui n' aguere tenoit ton regard arresté :
je sçay que j' y puis voir, si ses vertus ne cessent,
de quels contentemens à ceste heure ils se paissent :
Ligne 8 219 ⟶ 7 587 :
Car le moindre malheur qui s' en puisse enfanter,
c' est de voir toute paix loing de toy s' absenter,
tels estans ces soupçons qu' à grand peine ils s' arrachent
de l' ame où par malheur une fois ils s' attachent :
dont il advient qu' en fin pour comble du torment,
Ligne 8 228 ⟶ 7 595 :
C' est pourquoy si ton ame eust tant sceu mépriser
ces frivoles soupçons, ou tant les maistriser
lors qu' encor leur pouvoir estoit en son enfance,
que bien tost leur trespas eust suivy leur naissance,
Ligne 8 256 ⟶ 7 621 :
Avec de tels propos d' une ame apprise à faindre
allumants en effect ce qu' ils sembloient esteindre,
Ogiere en apparence essayoit de pousser
le desir de Gernande à quelque autre penser :
Ligne 8 286 ⟶ 7 649 :
dont le coeur d' un mary, mesme une ame jalouse,
puisse estre son honneur blessé par son épouse.
Qu' il soit faux c' est tout un : mon esprit outragé
cherche non d' estre instruit, mais de se voir vengé :
vengez moy donc, demons : derechef t' en conjure
vostre humeur d' elle-mesme assez prompte à l' injure.
Ligne 8 304 ⟶ 7 664 :
et devant elle Adee ainsi comme chantant.
Pour le second regard (car ces vaines images
ne laissoient pas long temps contempler leurs visages,
ains les traits s' en monstroient en peu d' heure obscurcis
il les revit tous deux pres l' un de l' autre assis
presser un mesme lit, et rendre par leurs gestes
Ligne 8 317 ⟶ 7 675 :
de ces ombres sans corps tantost apparoissants,
et tantost du miroir leur image effaçants,
à la fin il les vit pareils à l' androgine
s' exercer és combats de Mars et de Cyprine.
Ligne 8 333 ⟶ 7 689 :
et d' un oeil egaré regardant la sorciere,
avec un grand soupir, adieu, dist-il, Ogiere,
c' est assez, j' ay trop veu : qu' eussent voulu les cieux
me faire naistre au monde insensible ou sans yeux.
Ayant ainsi parlé, plein du mal qui le domte,
Ligne 8 346 ⟶ 7 701 :
s' en retournoit chez soy sans penser à l' envie
que le destin portoit aux aises de sa vie.
Le voir : mettre l' espee aussi tost en la main :
d' un puissant coup d' estoc luy transpercer le sein :
Ligne 8 362 ⟶ 7 715 :
Las ! En me meurtrissant d' un si barbare effort,
apprens moy pour le moins la cause de ma mort.
Ah ! Méchant coeur, dit-il, et digne d' estre en cendre,
nul icy mieux que toy ne te le peut apprendre :
en te donnant la mort t' en suis juste donneur :
Ligne 8 377 ⟶ 7 729 :
les conseils que la trouppe autour de luy reduitte
luy donnoit de chercher son salut en la fuitte.
Cependant le tumulte et le bruit gemissant
dont le sein du logis alloit retentissant,
Ligne 8 407 ⟶ 7 757 :
ô Gernande, dit-il, puis que ta bouche atteste
ne les avoir point pris en forfait manifeste,
quelque apparent suject que ta douleur ayt eu
de devoyer ainsi les pas de ta vertu,
Ligne 8 434 ⟶ 7 782 :
j' ay conduit tes soupçons jusqu' à la violence
dont ta sanglante espee a percé sans pitié
les flancs qui t' ont fait pere, et meurtry ta moitié :
car lors que j' apperceu les privautez passees
et d' Adee et de moy travailler tes pensees,
Ligne 8 466 ⟶ 7 811 :
ah, mon juste regret : c' est toy, chetif, c' est toy
que ce malheureux coup attaint autant que moy,
bien que les tendres ans de ta debile enfance
ne te permettent pas d' en avoir cognoissance.
Ligne 8 496 ⟶ 7 839 :
cachant à ses regards la lumiere des cieux,
luy ferma pour jamais et la bouche et les yeux.
Cependant le doux son de ces tristes paroles
rendant des assistans les paupieres plus moles,
Ligne 8 512 ⟶ 7 853 :
ah dieu, dit-il, Ogiere, ah magiques figures,
m' auriez-vous bien en fin abreuvé d' impostures ?
Ces mots, tesmoins d' un coeur qu' un remords a surpris,
frappans du magistrat l' oreille et les esprits,
luy firent demander vers quel but decochees
Ligne 8 527 ⟶ 7 867 :
lors que rentrant chez soy, frappé du coup mortel
d' un tort ou veritable, ou senty comme tel,
il le vit en sortir superbe encor du gage
ravy sur son honneur par un recent outrage.
Ligne 8 555 ⟶ 7 893 :
n' y vit point son malheur, ny la course hastive
de ceux qui s' avançoient pour la rendre captive,
devant que prevoyant ce mal l' envelopper,
elle peust par la fuite aux liens échapper,
Ligne 8 585 ⟶ 7 921 :
Ces discours entendus, les plus severes ames
condamnerent sa vie au supplice des flames :
mais celles où logeoit un peu plus de douceur,
et celles dont l' amour s' estoit veu possesseur,
Ligne 8 615 ⟶ 7 949 :
eclatter dedans l' air à l' heure imaginee
de sa maudite vie icy bas terminee.
Quant au triste Gernande, et la publique voix,
et le senat contraint par la rigueur des loix
Ligne 8 643 ⟶ 7 975 :
ô, dit-il, chere Aimonde, autrefois ma moitié,
je ne te requiers pas que tu prennes pitié
de ton propre meurtrier, se joindrois l' impudence
d' une injuste requeste à ma barbare offence :
Ligne 8 671 ⟶ 8 001 :
Las ! Nous ne pensions pas quand un sainct hymenee
joignit de nos destins la trame infortunee,
qu' un si triste naufrage en abregeant le cours,
et brisant nostre vie au milieu de nos jours,
Ligne 8 681 ⟶ 8 009 :
ta jeunesse et bien nee et chastement nourrie,
et ma main dés l' enfance és perils aguerrie,
sembloient devoir un jour cueillir de plus doux fruicts
des saints enseignemens où nous estions instruits :
mais ainsi l' a voulu ce monarque supréme
Ligne 8 702 ⟶ 8 029 :
Fais-en de mesme Adee, ame que la manie
de ma cruelle main hors du monde a bannie,
et qu' une mesme offence a mis en mesme rang :
partagez entre vous ce miserable sang
Ligne 8 730 ⟶ 8 055 :
venoit de faire naistre en son coeur amoureux,
de vivre encor au rang des amants bien-heureux.
Il est vray que tousjours la miserable crainte
d' esprouver que ce bien ne fut rien qu' une fainte,
Ligne 8 758 ⟶ 8 081 :
Bien reprist-elle en luy cet estrange remede
où l' ennuy qui les coeurs en absence possede
avoit fait recourir ses miserables yeux,
comme un remede impie et condamné des cieux.
Ligne 8 776 ⟶ 8 097 :
TRAD. DEUXIESME LIVRE AENEIDE
Quand chacun attentif d' oreille et de pensee
Ligne 8 793 ⟶ 8 112 :
Qui pourroit s' abstenir de répandre des larmes,
contant de tels effects de la rage des armes,
fust-il un myrmidon ou dolope inhumain,
ou des soldats qu' Ulysse avoit lors sous sa main ?
Ligne 8 821 ⟶ 8 138 :
Non loin des champs de Troye a rendus si fameux,
Tenede oppose aux flots son rivage écumeux,
isle riche et feconde au temps que la Phrygie
par les loix de Priam en paix estoit regie :
Ligne 8 828 ⟶ 8 143 :
mal fidele aux vaisseaux qui surgissent au bord.
Là se cacherent-ils sur la rive deserte,
dans un sein dont leur flotte estoit ceint et couverte :
au lieu que nos esprits abusez d' un tel art,
estimoient ceste ruse estre un entier depart,
Ligne 8 852 ⟶ 8 166 :
soit qu' il prestast la main aux desseins ennemis,
ou soit que nos destins l' eussent ainsi permis.
Mais Capys, et tous ceux qui dedans leur courage
receloient un penser plus utile et plus sage,
Ligne 8 860 ⟶ 8 172 :
ou qu' on donnast en proye aux plus ardantes flames
cet artifice grec menassant nos pergames :
ou qu' on ouvrist ses flancs, et qu' en leur antre ouvert
on vist ce qu' ainsi creux ils tenoient de couvert.
Sur ces divers conseils, les advis populaires
Ligne 8 883 ⟶ 8 194 :
ou quelque dol caché sans doute s' y conjoint.
ô Teucres, je vous pry ne vous y fiez point :
je redoute les grecs, et cognoissant leur feinte,
lors qu' ils nous donnent mesme, encor en ay-je crainte.
Cela dit, aussi tost joignant la force à l' art,
d' une adresse robuste il eslance un grand dard
Ligne 8 912 ⟶ 8 220 :
impudent, resolu, non capable de crainte,
soit qu' il fallust par art manier ceste feinte,
soit que d' un coeur d' acier à tout sort preparé
il se fallust offrir au trespas asseuré.
Ligne 8 931 ⟶ 8 237 :
n' ayant en ma patrie aucun lieu d' asseurance,
et voyant les troyens justement rigoureux
prests de teindre leurs mains en mon sang malheureux ?
De tels gemissemens il émeut nos courages :
nous faisans lors cesser toutes sortes d' outrages,
Ligne 8 941 ⟶ 8 246 :
Luy despouïllant adonc la frayeur qui l' a pris,
avec un tel discours enchante nos espris :
certes, roy genereux, je vais, sans rien te feindre,
le tout, ainsi qu' il est, entierement depeindre :
Ligne 8 971 ⟶ 8 274 :
(ma langue en ce propos ne dit rien d' ignoré)
decheu de tout espoir, miserable, éploré,
j' ay fait couler ma vie en larmes et tenebres,
et n' ay repeu mon coeur que de plaintes funebres,
Ligne 8 993 ⟶ 8 294 :
Mais pourquoy mon esprit r' aporte-il de si loing
ces odieux discours sans qu' il en soit besoin ?
S' il faut que tous les grecs vous soient en mesme estime,
si me dire l' un d' eux c' est un assez grand crime,
repaissez de mon sang vostre esprit irrité :
Ligne 9 002 ⟶ 8 302 :
Ces mots ainsi tissus font qu' un ardent desir
d' en apprendre la cause alors nous va saisir,
ne scachants rien encor de ses meschantes trames,
ny de l' art abuseur qui regne és grecques ames :
Ligne 9 030 ⟶ 8 328 :
Ceste horrible response ayant esté semee
dans l' oreille des chefs, et des grands de l' armee,
soudain les plus hardis, frappez d' estonnement,
ont senty le glaçon d' un secret tremblement
Ligne 9 058 ⟶ 8 354 :
ja les rubans sacrez ma teste environnoient,
et ja les saincts gasteaux pour moy s' assaisonnoient :
quand rompant mes liens, une fuitte innocente
m' a soustrait, je l' avoüe, à la mort evidente,
Ligne 9 086 ⟶ 8 380 :
l' honore d' une amie et courtoise parole,
et de ces doux propos luy-mesme le console :
qui que tu sois, pren coeur, et mettant pour jamais
la gent grecque en oubly, sois nostre desormais.
Ligne 9 116 ⟶ 8 408 :
Tout l' espoir que les grecs logeoient en leur pensee
d' une guerre si longue à leur dam commencee,
eut tousjours pour appuy la faveur du secours
dont la grande Minerve en secondoit le cours.
Ligne 9 146 ⟶ 8 436 :
premier que recourant à de nouveaux presages,
on ait dedans Argos remporté les images
des dieux que nos vaisseaux chargerent avec eux,
et rendu leur faveur plus propice à nos voeux.
Ligne 9 174 ⟶ 8 462 :
un jour l' Asie armee iroit de toutes parts
assieger à son tour les argives remparts :
et que ce ferme arrest des sainctes destinees
estoit inevitable aux futures annees.
Ligne 9 193 ⟶ 8 479 :
du sang d' un grand taureau sur la rive immolé :
quand voila deux serpens (seulement la memoire
m' en fait trembler d' horreur, racontant ceste histoire)
démarent de Tenede, et sur l' eau déployants
les tours desmesurez de leurs dos ondoyants,
Ligne 9 203 ⟶ 8 488 :
ils font rougir de sang les pointes de leurs crestes :
et dressent haut en l' air leurs effroyables testes :
le reste ondoye apres sur la face des eaux,
courbant en de grands ronds les horribles cerceaux
dont leur dos écaillé voûte sa fiere échine,
et fait en écumant bruire l' onde marine.
Ja tenoient-ils les champs sous leurs ventres baveux,
leurs yeux ensanglantez ardoient de mille feux :
les langues qu' ils dardoient, de venin distilantes
Ligne 9 216 ⟶ 8 498 :
Nous, les voyants venir, fuyons tous éperdus :
eux sur Laocoon ayants les yeux tenduz,
n' en veulent qu' à luy seul, c' est luy seul qu' ils menassent,
et de premier abord, se ployant ils embrassent
avec les noeuds serrez de leurs fermes laçons,
Ligne 9 224 ⟶ 8 505 :
et puis, comme y portant des armes secourables
avec haste et douleur il fut couru vers eux,
ils l' estreignent luy-mesme és prisons de leurs noeuds.
Et desja les grands tours de leurs chaines spiralles
avoient fait sur les reins deux ceintures égalles,
Ligne 9 234 ⟶ 8 514 :
Luy, maintenant essaye avec ses fortes mains
d' arracher de leurs noeuds ses miserables reins,
estant desja sa teste, et ses bandes plus sainctes
couvertes de venin et de sang toutes teintes :
Ligne 9 262 ⟶ 8 540 :
de maint rouleau poly, puis on le tire à force
de gros chables de chanvre et d' estouppe retorse.
La fatale machine enjambe nos rempars,
grosse d' hommes armez, sanglant germe de Mars.
Ligne 9 290 ⟶ 8 566 :
avec joye embrassants les causes de nos pleurs,
nous voilons les autels de rameaux et de fleurs.
Cependant le ciel tourne, et la nuit étoillee
avec son manteau noir sort de l' onde sallee :
Ligne 9 320 ⟶ 8 594 :
l' ingenieur Epee enseigné de Pallas,
le sçavant Machaon, et l' ardant Menelas.
Lors, les armes au poing, la ville ils envahissent
que le somme et le vin par tout ensevelissent :
Ligne 9 348 ⟶ 8 620 :
Sa barbe herissee estoit pleine de crasse :
ses cheveux non peignez luy tomboient sur la face
tous congelez de sang, et paroissoient alors
sur sa teste poudreuse et sur son palle corps
Ligne 9 376 ⟶ 8 646 :
L' ennemy tient nos murs : les superbes sommets
du fameux Ilion vont tomber pour jamais.
La patrie a receu ce qu' on luy devoit rendre.
Si les rempars troyens eussent peu se defendre
Ligne 9 404 ⟶ 8 672 :
Comme quand il advient que la flamme devore
les blondissants tresors dont la plaine se dore :
ou qu' un torrent enflé de neige qui se fond,
precipitant son cours de la cime d' un mont,
Ligne 9 432 ⟶ 8 698 :
Là dessus en effroy Panthe s' offre à mon oeil :
Panthe garde du fort, et prestre du soleil,
qui sauvé de la flamme et des grecques atteintes,
portant nos dieux vaincus et leurs reliques saintes,
et trainant par la main son petit fils pleurant,
insensé de frayeur tend au port en courant.
Et bien, Panthe, en quel point en est nostre fortune ?
Nous reste-il plus de fort, ny d' esperance aucune ?
à peine en luy parlant ma bouche eut ainsi dit,
Ligne 9 450 ⟶ 8 713 :
le grand monstre de bois verse à bas une armee
de guerriers sans pitié qui naissent de son flanc :
sinon met tout en feu, non moins qu' eux tout en sang.
Mille troupes d' ailleurs de fer toutes couvertes
s' y coulent à grands flots par les portes ouvertes,
Ligne 9 464 ⟶ 8 726 :
Frappé de ces propos et de l' ire des dieux,
presque tout hors de moy je m' emporte à clos yeux
par le milieu du fer, du sang et de la flame,
où me semond d' aller la fureur de mon ame :
Ligne 9 478 ⟶ 8 738 :
Choroebe jeune prince, et d' un coeur valeureux,
qui des yeux de Cassandre ardemment amoureux,
comme un gendre que Mars, non moins qu' Amour inspire,
venoit pour secourir Priam et son empire :
heureux, s' il eust ouy mieux que nous insensez
Ligne 9 495 ⟶ 8 754 :
De quel reste d' espoir maintenant animez
contre tant d' ennemis nous sommes-nous armez ?
En vain nostre valeur aux perils exposee
tasche de secourir une ville embrasee :
Ligne 9 523 ⟶ 8 780 :
infinis hommes morts, infinis que l' on tuë,
tous sanglants, tous bruslez, gisent emmy la ruë :
et jonchent de leurs corps en fureur massacrez,
les portaux des maisons et des temples sacrez.
Ligne 9 536 ⟶ 8 791 :
c' est le grec Androgee orné d' un haut cimier,
et fierement suivy d' une nombreuse escorte,
qui nous tenant pour grecs, nous parle en ceste sorte :
hastez-vous, compagnons : hé quelle lascheté
a tenu vostre pas si long temps arresté ?
Ligne 9 550 ⟶ 8 804 :
l' image du peril toute audace luy volle,
et luy fait retirer les pas et la parole.
Comme quand par les bois quelqu' un presse en marchant
un serpent non preveu sous l' herbe se cachant :
il fuit palle de crainte aussi tost qu' il l' advise,
les yeux rouges du feu que sa colere attise,
Ligne 9 583 ⟶ 8 834 :
et s' estant tout couvert du harnois emprunté,
se ceint la grecque espee à l' entour du costé.
Autant en fait Riphee : autant Dymas luy-mesme,
et toute la jeunesse aimant ce stratageme :
Ligne 9 604 ⟶ 8 853 :
du temple de Minerve, et d' entre ses mysteres,
Cassandre eschevelee, et tendant vers les cieux,
d' un regard plein de flamme, en vain ses tristes yeux.
Ses tristes yeux sans plus, car des cordes pressees
tenoient ses tendres mains durement enlacees.
Ligne 9 612 ⟶ 8 860 :
mais desirant la mort, s' élance emmy la presse
des soldats outrageants ceste jeune princesse :
nous suivons tous l' ardeur du courroux amoureux,
et les armes au poing nous nous ruons sur eux.
Ligne 9 619 ⟶ 8 865 :
des hauts sommets du temple, une fiere tempeste
de traits des nostres mesme, et leurs aveugles coups
font naistre ignoramment un grand meurtre entre nous,
par l' erreur qui s' engendre en leurs ames trompees
des boucliers ennemis et des grecques espees.
Ligne 9 641 ⟶ 8 886 :
Ceux aussi que par l' ombre et l' horreur de la nuit,
es destours où le feu moins clairement reluit,
nostre embusche a surpris, et d' une aspre poursuite
chassez par tous les coins de la cité destruite,
Ligne 9 656 ⟶ 8 899 :
et mieux guidant ses pas dans le juste sentier,
que le soleil vist point en toute la Phrygie :
mais ainsi pleust aux dieux dont la Parque est regie !
Hypanis, et Dymas, par un malheureux sort,
de nos compagnons mesme y reçoivent la mort :
Ligne 9 670 ⟶ 8 912 :
ny trait lancé des grecs en ces tristes allarmes :
et que si le destin eust permis à leurs armes
de m' y faire tomber sous leurs coups inhumains,
je l' avois merité par l' effort de mes mains.
Ligne 9 678 ⟶ 8 918 :
appesantir ses pas, et Pelie est contraint
de retarder le sien, d' un coup d' Ulysse attaint.
Cent cris qui pleins d' effroy vont aux flammes celestes,
nous appellent du bruit de leurs plaintes funestes,
au palais de Priam, où la fureur de Mars
fait plouvoir tant de morts, fait voller tant de dards,
qu' ailleurs, au prix de là, cessent tous traits de guerre,
et nul par la cité n' ensanglante la terre :
veu l' ardeur du combat, veu le boüillant effort
Ligne 9 701 ⟶ 8 938 :
avec ces armes-là vengeans plustost leur mort,
que deffendans leur vie encontre un tel effort :
tant qu' on voit à la fin leurs mains desesperees
rouler les bois sacrez, et les poutres dorees
Ligne 9 729 ⟶ 8 964 :
Là s' élevoit en l' air le mal-joinct edifice
d' une hautaine tour bastie en precipice,
d' où bien souvent nostre oeil, courant de toutes parts,
voyoit Troye à l' entour, et ses larges ramparts :
voyoit les pavillons de tout le camp Argive,
Ligne 9 748 ⟶ 8 980 :
Là, Pyrrhe tressautant d' une insolente joye
brave devant la porte, et tout armé flamboye
d' un brillant feu d' airain dont semble estre embrasé
son harnois reluisant aux flammes opposé :
tel qu' on voit au printemps lever son cou superbe,
Ligne 9 759 ⟶ 8 990 :
il plie en cercles ronds son dos souple et glissant,
dresse haut au soleil, d' un geste menaçant,
sa teste grise-verte, et sa veuë allumee,
elançant les trois dards dont sa langue est armee.
Ligne 9 787 ⟶ 9 016 :
Le son en porte au ciel les plaintes gemissantes !
Les dames en plorant errent toutes tremblantes
par ces grands corps d' hostel ja du feu menassez,
et donnent des baisers aux poteaux embrassez.
Ligne 9 815 ⟶ 9 042 :
et du sang de ses fils avec luy massacrez,
les saincts feux que luy-mesme il avoit consacrez.
Ce grand et doux espoir dont cinquante hymenees
faisoient en ses nepveux refleurir ses annees,
Ligne 9 843 ⟶ 9 068 :
environnoient l' autel, et se serroient entre-elles
comme font en fuyant les promptes colombelles,
quand un nuage épais noircit le front des cieux,
et plorant embrassoient les images des dieux.
Ligne 9 873 ⟶ 9 096 :
tant que quand le chetif parvient devant la face
de ses tristes parens, il tombe sur la place
tout transpercé de coups, et par terre estendu
va respandant sa vie en son sang espandu.
Ligne 9 886 ⟶ 9 107 :
le loyer que dessert ta brutale fierté,
pour ce barbare tour d' ame impie et meschante,
dont tu n' as point d' horreur de voir ta main sanglante,
qui sans aucun respect des autels ny des dieux
as meurtry mon enfant devant mes propres yeux,
Ligne 9 902 ⟶ 9 122 :
Ainsi dit le vieillard, puis de sa foible main
lance un dard qui sans force, ayant attaint en vain
l' airain retentissant, et frustré de l' entree,
se pend à la couronne à demy penetree,
Ligne 9 930 ⟶ 9 148 :
Ce fut là qu' une horreur tout autour épanduë
entra premierement en mon ame éperduë :
l' image paternelle y coule avec effroy,
voyant si sanglamment meurtrir un si grand roy
Ligne 9 958 ⟶ 9 174 :
se tenoit là cachee à l' abry des autels,
odieuse à l' esprit des dieux et des mortels.
Soudain un ardant feu s' embrase en mon courage
dont la fureur m' exhorte à venger le naufrage
de ma chere patrie, et punir sans pitié
les forfaits d' un esprit si plein de mauvaistié.
Quoy ? (disois-je à part-moy) ceste ingrate et meschante
reverra donc sa Sparte heureuse et triomphante :
reverra son époux repris en ses filets :
Ligne 9 987 ⟶ 9 200 :
Tels discours en fureur m' agitoient la pensee,
et desja m' emportoit ceste ardeur insensee :
quand plus claire et luisante en un nuage d' or
que mes foibles regards l' eussent point veuë encor,
Ligne 9 994 ⟶ 9 205 :
me presente emmy l' air sa celeste figure,
et s' advoüant deesse, apparoist à mes yeux
telle en gloire et grandeur qu' elle se monstre aux dieux,
m' arreste par la dextre, et dedans mon oreille
fait couler ce propos de sa bouche vermeille.
Ligne 10 016 ⟶ 9 226 :
ny le rapt de Paris tant condamné de tous,
mais la rigueur des dieux donnants trop au courroux,
qui destruit cet empire, et qui fait que l' on voye
trebuscher la puissance et la gloire de Troye.
Ligne 10 046 ⟶ 9 254 :
Mon fils, retire toy, mets fin à tes combats :
je me tiendray par tout voisine de tes pas,
et sans aucun peril ma conduite fidelle
te fera regaigner la maison paternelle.
Ligne 10 074 ⟶ 9 280 :
Mais quand en cheminant j' euz attaint le portique
du sejour paternel, nostre demeure antique,
mon pere qu' avant tout je cherchois d' enlever
dessus les monts voisins, et le premier sauver,
refuse constamment de vouloir plus estendre
la course de ses jours, Troye estant mise en cendre :
et vagabond souffrir en l' hiver de ses ans
un exil sans retour plein d' ennuis si cuisants.
Ligne 10 105 ⟶ 9 308 :
fist siffler en courroux comme un trait de tempeste
l' ardant vent de sa foudre à l' entour de ma teste.
Ainsi nous respond-il fiché dans son dessein :
et nous, moites des pleurs qui nous baignent le sein,
Ligne 10 125 ⟶ 9 326 :
Est-il cheut de la bouche et du coeur paternel
un mot si condemnable au silence eternel ?
Si c' est l' arrest des dieux que rien ne vive au monde
reste d' une cité si grande et si feconde,
si mesme en ce desir ton coeur veut persister :
Ligne 10 136 ⟶ 9 336 :
le fils devant le pere, et d' une rage extrême,
contre l' autel apres meurtrit le pere mesme.
ô soucy maternel ! Ne m' as-tu dégagé
des armes et des feux qui m' avoient assiegé,
Ligne 10 164 ⟶ 9 362 :
Jettant ces cris en l' air, elle alloit remplissant
tout le sein du logis d' un echo gemissant :
quand un soudain prodige estonnant nos pensees
transforme en d' autres cris les plaintes commencees.
Ligne 10 174 ⟶ 9 370 :
paistre autour de son front ses doux et tiedes feux,
et sa flamme innocente en lécher les cheveux.
Nous, les croyants brusler, jettons, palles de crainte,
de l' eau d' un surgeon vif sur cette flamme sainte :
mais lors ravy de joye, Anchise esleve aux cieux
Ligne 10 195 ⟶ 9 390 :
où sa course va fondre, et clairement traçer
les chemins où nos pas se devoient addresser.
Un long sillon de feu dedans l' air s' en allume,
dont la souffreuse odeur toute la coste enfume.
Ligne 10 223 ⟶ 9 416 :
Vous autres serviteurs, souvenez-vous d' escrire
dedans vostre penser le mot que je vay dire.
Au sortir des remparts un tertre s' offre aux yeux,
sur qui les murs deserts, et le comble ja vieux
Ligne 10 251 ⟶ 9 442 :
de tant de traits volants qui m' accabloient de coups,
et tant d' esquadrons grecs se ruants contre nous,
n' avoient point estonné, maintenant je m' effroye
au moindre vent qui souffle, au moindre bruit que j' oye,
estant de palle crainte égallement transi,
et pour ma compagnie, et pour ma charge aussi.
Ligne 10 280 ⟶ 9 468 :
et je ne retournay vers elle ainsi laissee
ny les regards du corps, ny ceux de la pensee,
qu' avec mon doux fardeau je ne fusse arrivé
sur le tertre où Ceres eut son temple eslevé :
Ligne 10 308 ⟶ 9 494 :
l' horreur dont je me sens de tous costez surpris,
fait le silence mesme effroyer mes esprits.
De là, vers mon palais ma course est retournee,
incertain si son coeur l' avoit là remenee :
Ligne 10 336 ⟶ 9 520 :
L' appellant, la cherchant d' un labeur inutile,
et forcenant sans fin par les toits de la ville,
sa miserable idole attainte de mon dueil,
et son ombre parlante apparut à mon oeil,
Ligne 10 366 ⟶ 9 548 :
et pour user ma vie en langueur et tristesse,
je n' iray point servir les matrones de Grece,
moy, race des grands roys de Dardane venus ;
et belle fille encor de la belle Venus :
Ligne 10 394 ⟶ 9 574 :
Là de tous les costez ils alloient accourant,
et leur bien et leur vie aux hazards preparant :
resolus de me suivre en quelque part du monde
qu' il me pleust les mener par les plaines de l' onde.
Or desja voyoit-on sur
l' astre annonçant Phoebus estre prest d' arriver,
et les troupes des grecs de pillage chargees
Ligne 10 406 ⟶ 9 584 :
Je pars, environné de la bande compagne,
et mon pere enlevant tire vers la montagne.
Voicy quelques vers que le traducteur a
changez depuis l' impression, non pour les
estimer meilleurs que les autres, mais pour ce
qu' ils semblent un peu mieux exprimer l' intention de Virgile.
Page 322 me vers 5 me et 6 me on peut lire
jusqu' à tant que leur camp fist voile à la retraite,
Ligne 10 417 ⟶ 9 595 :
mais je brusle d' ardeur de soudain m' aller rendre
au fort avec les miens, et me perdre en sa cendre.
Il y en a une infinité d' autres, où le lecteur
jugera, s' il luy plaist, que s' il eust esté possible
Ligne 10 432 ⟶ 9 608 :
A LA PIETE
Vertu que rien ne peut dignement exprimer,
Ligne 10 451 ⟶ 9 625 :
AU MESME SEIGNEUR CARDINAL
Vous voyant habiter des terres desolees
Ligne 10 475 ⟶ 9 647 :
prince plein de bonté, nous le devons à l' heur
d' estre comme à couvert sous l' ombre de vostre aisle.
Sans vous nous sentirions la playe universelle
remplir nos tristes champs de plainte et de douleur :
Ligne 10 506 ⟶ 9 676 :
SONET PAR MME SOEUR DU ROY
Cet oeil par trop hardy, cet oeil audacieux
Ligne 10 530 ⟶ 9 698 :
en adorer la gloire et l' aimer sainctement
c' est une pieté qui dessert recompense.
Or les dieux qui sans cesse exercent leur clemence
ne jettent pas les yeux sur l' erreur seulement :
Ligne 10 562 ⟶ 9 728 :
SUR PORTRAICT DUC DE MONPENSIER
Si l' on rend aussi bien quelque honneur à l' image
Ligne 10 586 ⟶ 9 750 :
et d' ailleurs, tant d' effects d' un esprit genereux
m' ont peint vostre amitié dedans la souvenance,
que si je voy sans fruit perir mon esperance
je n' en accuseray que le sort rigoureux :
Ligne 10 617 ⟶ 9 779 :
AU ROY
Voir Alexandre assis dans le thrône de Cyre,
Ligne 10 641 ⟶ 9 801 :
pource qu' au plus profond de ses entrailles seiches
est basty le fourneau du forgeron des dieux :
ainsi pour ce qu' Amour forge dans vos beaux yeux
les fers estincellans dont il arme ses fléches,
Ligne 10 672 ⟶ 9 830 :
SUR VIGNOBLE SIEUR LA PELONNIE
Petit mont d' Helicon d' où les soigneuses peines
Ligne 10 699 ⟶ 9 855 :
EPIGRAMME A MME LA DUCHESSE
Je devrois reserver aux grands coups de fortune
Ligne 10 724 ⟶ 9 878 :
mais aussi d' autre part en cecy dissemblable,
qu' il est en amitié non moins ferme et durable,
que ce vase est fragile au choc des moindres coups :
car bien que mille éclairs luy brillent sur la face,
Ligne 10 755 ⟶ 9 907 :
rendre,
ravissans aux vainqueurs le prix de leurs combats :
riches filets d' amour semez de mille appasts,
cheveux où tant d' esprits font gloire de se prendre :
Ligne 10 781 ⟶ 9 931 :
esprit qu' on ne reprend de rien que de rigueur,
tel s' offense de vous qui vous prise en son coeur,
bien qu' à vous accuser son despit le convie :
car ayant le bien-faire et l' honneur pour object,
Ligne 10 811 ⟶ 9 959 :
et de tendre à ce bien justement desirable
dont jamais un grand coeur ne se doit assouvir.
Rome plus que l' Escoce est digne de servir
de theatre aux vertus qui vous rendent aymable,
Ligne 10 842 ⟶ 9 988 :
A M. DE LOMENIE
Sonet.
Ligne 10 867 ⟶ 10 011 :
un mutuel desir d' eternelle accointance
au profond de nos coeurs s' esmeut également.
Toy, tu t' y veis poussé d' avoir faict jugement
que le sçavoir en moy surpassoit l' ignorance,
Ligne 10 898 ⟶ 10 040 :
AU ROY
Quand ces beaux promenoirs, nourriciers des pensees
Ligne 10 924 ⟶ 10 064 :
te voyant d' un esprit sage et plein de vigueur,
qui cherit les vertus et se plaist à les suivre.
De te faire en mes vers eternellement vivre,
si je le promettois je serois un mocqueur :
Ligne 10 955 ⟶ 10 093 :
PANNARETTE
Les ans dont pas à pas un lustre fait son tour,
Ligne 10 975 ⟶ 10 111 :
et d' un geste sentant son monarque celeste,
leur rendit en ce mots son vouloir manifeste :
le dauphin des françois est prest de recevoir
le nom que me destins luy permettent d' avoir :
Ligne 11 006 ⟶ 10 140 :
Je voy desja la Thrace, et les ondes Aegees
avoir peur d' estre un jour sous ses armes rangees,
et le croissant doré qui se croit sans pareil,
pallir devant les rais de ce nouveau soleil.
Ligne 11 035 ⟶ 10 167 :
et le tranchant acier qui luy pendoit du flanc,
appris dans les combats à se paistre de sang,
comme tout affamé de son mets ordinaire,
monstroit de demeurer l' hoste mal volontaire
Ligne 11 065 ⟶ 10 195 :
Sur le bout de l' espee où l' or n' estoit meslé
d' aucun autre metal ny plein ny cizelé,
nostre roy tout couvert de poudre ensanglantee,
chassoit le fer au poing l' Espagne épouvantee,
Ligne 11 094 ⟶ 10 222 :
Au soudain arriver de ce courrier celeste,
la nymphe composa la fierté de son geste,
et luy qui briefvement instruisit son penser
de propos que le ciel l' envoyoit anoncer,
Ligne 11 125 ⟶ 10 251 :
avancer de leurs jours les bornes naturelles,
et s' immoler sans cesse à de folles querelles,
où presque le vainqueur rougit d' en triompher,
et pour qui mettre au poing la vaillance du fer,
Ligne 11 155 ⟶ 10 279 :
Ainsi l' esprit attaint d' une bigotte erreur,
croit commettre un peché presque digne d' horreur,
quand par oubly des loix qu' à prescriptes l' exemple
non lavé d' eau sacree il entre dans un temple :
Ligne 11 185 ⟶ 10 307 :
ils le sçavoient bien faire, et sans peur du trespas,
nul homme en ce chemin ne devançoit leurs pas.
Tesmoin en est encor la magnanime audace
d' un Curce, d' un Decie, et d' un vaillant Horace,
Ligne 11 216 ⟶ 10 336 :
On composeroit d' eux (si tels qu' ils estoient lors
ils retournoient icy du royaume des morts)
non un seul esquadron, mais une armee entiere
qui seule aux escrivains fourniroit de matiere,
Ligne 11 244 ⟶ 10 362 :
Il est plus mal-aisé que peut-estre il ne semble,
d' estre jeune, et françois, et sage tout-ensemble.
Ce mal vient d' une erreur gravee en leur penser,
qu' un esprit courageux qui se sent offenser,
Ligne 11 272 ⟶ 10 388 :
Cependant disposee à l' attente de mieux,
execute l' arrest du monarque des cieux ;
et demeurant en France où ta gloire est si grande,
fay qu' un jour son pouvoir à la terre commande,
Ligne 11 300 ⟶ 10 414 :
tous deux prindrent leur vol par la plaine celeste,
vers la place arrestee, où s' assembloit le reste
des royales vertus à qui fut ordonné
d' imposer le grand nom par le ciel destiné.
Ligne 11 328 ⟶ 10 440 :
qu' elle abhorre le monde, et l' ayant pour son fleau,
y vit comme un poisson vit estant hors de l' eau,
l' ardante amour du ciel dont le feu la consume,
ne luy laissant ailleurs rien gouster qu' amertume.
Ligne 11 357 ⟶ 10 467 :
couverte d' un habit de qui l' humble apparence
trompant les plus accorts, cachoit leur difference.
En fin pourtant son oeil cherchant de tous costez,
il la trouva cachee en des lieux escartez,
Ligne 11 387 ⟶ 10 495 :
ny ne la trouvoit plus, comme autrefois, assise
dans les saincts tribunaux des roys et de l' eglise,
entre les magistrats qui sont la vive voix,
les sacrez truchemens, et l' esprit de leurs loix.
Ligne 11 417 ⟶ 10 523 :
on s' y poussoit l' un l' autre allant parmy ses ondes
qui deçà, qui delà se portoient vagabondes.
L' un crioit sans respect, l' autre se courroussoit :
l' un courtisoit son juge, et l' autre le pressoit :
Ligne 11 446 ⟶ 10 550 :
aux pleurs qu' il retenoit, et jettant un souspir)
ce feu que la mort seule a pouvoir d' assoupir,
ceste bruslante soif des thresors de la terre,
et tous les maux appris à luy faire la guerre,
Ligne 11 474 ⟶ 10 576 :
vers un dont il jugea l' ame moins traversee,
et presque en mots pareils s' enquerant de Dicee,
cestuy-cy par accort, et d' un parler plus doux,
certes, dit-il, mon fils, peu d' hommes entre nous,
Ligne 11 502 ⟶ 10 602 :
remplit d' edits la France, et croy que maintenant
tu la pourras trouver encor y sejournant ;
si les mesmes abus de qui la tyrannie
l' a de tant d' autres lieux ouvertement bannie,
Ligne 11 530 ⟶ 10 628 :
à ce royal enfant, l' esperance du monde,
par l' eslite des grands dont l' Europe est feconde :
quand un noble debat entre-elle s' émouvant,
retint encor leur vol de passer plus avant :
Ligne 11 561 ⟶ 10 657 :
l' ambitieux esprit des tyrans de la terre,
d' épandre sur ses champs les malheurs de la guerre ;
sa fameuse valeur s' acquerant ce loyer,
qu' il n' est plus à la fin contraint de l' employer.
Ligne 11 590 ⟶ 10 684 :
mais ce que seulement en idee ils ont eu,
je le donne en effect au bras de sa vertu.
Qui ne sçait que moy seule és combats occupee
sers aux autres vertus de bouclier et d' espee ?
Ligne 11 618 ⟶ 10 710 :
Bien est-ce justement qu' on vous donne la gloire
de sçavoir ménager les fruits d' une victoire :
mais l' honneur en est moindre, et tousjours c' est un
bien
Ligne 11 647 ⟶ 10 737 :
ou prier et jeuner, ou donner franchement,
ou s' acquerir l' honneur d' estre doux et clement.
Vive donc la vaillance, et vive la memoire
d' un valeureux monarque au temple de la gloire.
Ligne 11 677 ⟶ 10 765 :
l' art de ne rien jamais follement attenter,
tout beau, dit-elle, Andrie : on peut bien se vanter
sans blasmer ses égaux, et d' un superbe échange,
convertir leur mépris en sa propre loüange.
Ligne 11 708 ⟶ 10 794 :
il erre à l' adventure, et va d' un triste choc
sacrifier sa charge au pied de quelque roch.
Il en prend tout de mesme aux princes de la terre
qui font sans mes conseils ou la paix ou la guerre :
Ligne 11 736 ⟶ 10 820 :
Tu combats vaillamment, et fais que l' on te donne
es victoires du fer la premiere couronne :
mais c' est moy qui par l' art des presages humains,
en dispose la gloire à l' effort de tes mains.
Ligne 11 763 ⟶ 10 845 :
Mais quoy que nostre humeur assez peu se ressemble,
un mesme esprit peut bien nous allier ensemble.
Ce grand roy des françois dont le nom va si loin,
nous en est pour ce siecle un illustre tesmoin,
Ligne 11 794 ⟶ 10 874 :
ou bien de traicts poignants pour sanglamment toucher,
mais qui vollent des mains d' un ignorant archer.
Ainsi Pallas est fainte en la troyenne guerre
avoir par les combats renversé Mars à terre,
Ligne 11 824 ⟶ 10 902 :
Mais quel estat au monde à jamais peut fleurir,
ou plustost quel estat ne s' est point veu perir,
manquant de ma conduite, et laissant la fortune
seule regir le cours de la barque commune ?
Ligne 11 852 ⟶ 10 928 :
que des graces du ciel dont l' ame est enrichie,
il n' apartient qu' à moy d' avoir la monarchie ;
et que comme leur reyne, et l' ame de leurs loix,
sur toute autre vertu je suis digne des rois,
Ligne 11 883 ⟶ 10 957 :
Ce n' est point vostre espee, ô mortels insensez,
ny l' art de vos conseils sagement pourpensez
qui termine pour vous les combats en trophaees,
ou rend en vos estats les guerres estouffees :
Ligne 11 914 ⟶ 10 986 :
à ce bien qui, parfait, ne peut non plus cesser
de t' obliger à soy, que toy de l' offencer.
Fay renger son honneur par toutes tes provinces,
si la faveur du ciel t' assied entre les princes :
Ligne 11 945 ⟶ 11 015 :
Pourquoy donc vainement osons nous consulter
laquelle c' est de nous qu' on doit le plus vanter ?
Celle qui donne à Dieu, celle en fin qui le donne,
c' est celle à qui plustost on doit ceste couronne ;
Ligne 11 973 ⟶ 11 041 :
sçachant bien que d' une ame à bien faire animee,
Dieu ne rejette point une priere armee.
Mais il faut qu' il consacre à sa seule bonté
l' honneur de tout le fruict qu' il aura remporté
Ligne 12 001 ⟶ 11 067 :
qu' il trompa tant de fois les filets du trespas,
que la main de l' envie osoit tendre à ses pas ;
et qu' en tous ses assaux il acquist tant de gloire,
qu' il sembloit presque avoir espousé la victoire.
Ligne 12 030 ⟶ 11 094 :
ne fait pleuvoir du ciel tant de biens sur leurs
testes,
ny ne rend la grandeur des sceptres de leurs mains
si digne de regir cent millions d' humains,
Ligne 12 059 ⟶ 11 121 :
estant celle qui rend, par un mesme soucy,
et les rois bien-heureux, et leurs sujets aussi :
celle d' entre les dons que le ciel mesme avoüe,
pour qui le plus un peuple ou les blasme ou les loüe :
Ligne 12 089 ⟶ 11 149 :
sinon lors que le droit du fer victorieux
en rend la cause juste et l' effect glorieux ?
Et quoy, ces palmes-là dans le sang si plongees,
se cueillent-elles pas és terres saccagees
Ligne 12 117 ⟶ 11 175 :
de qui tant de combats font bruire la memoire,
qu' il faut avec du sang escrire leur histoire ?
Ils ont rendu leur nom un sujet de terreur :
comblé les plus doux champs de ruïne et d' horreur :
Ligne 12 145 ⟶ 11 201 :
Et quand aux roys prudents, mais prudents seulement,
souvent trop de discours naissants du jugement
les font vivre craintifs, les gardent d' entreprendre,
leur font perdre le temps par trop long-temps attendre,
Ligne 12 175 ⟶ 11 229 :
guerre,
et tant penser au ciel qu' ils en perdent la terre.
On peut Evergesie, en loüant tes effects,
craindre de pareils maux des graces que tu fais.
Ligne 12 204 ⟶ 11 256 :
de la bonté celeste, et l' unique rempart
de ceux qui contre moy n' en ont en nulle part ;
si ne te peux-tu dire exempte de la suitte
des maux à quoy souvent l' indulgence est reduitte.
Ligne 12 234 ⟶ 11 284 :
Nul rebelle dessein ne peut prendre naissance,
ou prosperer és lieux soubmis à leur puissance :
et la faveur du ciel leur accorde en payment
d' avoir fait sous les loix trancher également
Ligne 12 264 ⟶ 11 312 :
il les tient pour parfaicts, et quoy qu' ose le sort
garde, en les benissant, leur nom apres la mort
au sein de la memoire, et de l' amour publique,
ainsi qu' une sacree et vivante relique.
Ligne 12 294 ⟶ 11 340 :
bref qu' on m' esleve un siege ou sans rien espargner
on me voye avec vous absolument regner :
et je doreray plus le fil de vos histoires,
que tous vos palais d' or, ny toutes vos victoires,
Ligne 12 322 ⟶ 11 366 :
toy divine Eusebie à qui mesme il ressemble,
tu l' imposes au nom de vous toutes ensemble,
apres qu' il aura faict resonner par six fois,
l' autre nom moins divin attendu des françois.
Ligne 12 350 ⟶ 11 392 :
le souffle de sa bouche estoit un coup mortel :
et luy servoit encor de mal-heureux hostel
un lieu triste et relant, et que nul vent du monde
fors celuy dont l' Afrique en automne est feconde
Ligne 12 378 ⟶ 11 418 :
les antiques parois du royal edifice,
la masse du portail, son arc, son frontispice,
d' un lustre plus riant semblerent esclairer,
et ceste bande saincte en entrant adorer.
Ligne 12 406 ⟶ 11 444 :
La clemente douceur d' un si genereux roy
se face, disoit l' une, un jour reluire en toy :
et l' autre, puisses-tu, des ta vie enfantine,
et sage pieté vaincre et mere et marrine.
Ligne 12 437 ⟶ 11 473 :
puis derechef s' abaisse, et resserre en ses bornes,
quand cet astre inconstant prend ses dernieres cornes :
l' ignoble naturel s' en trouve faire ainsi :
quand le sort le seconde, il s' enfle le sourcy
Ligne 12 465 ⟶ 11 499 :
soit aux justes souspirs du chetif laboureur :
et que, suivant les pas d' un illustre empereur,
il croye avoir perdu le cours de la journee
qu' à de si nobles soins il n' aura point donnee ;
Ligne 12 496 ⟶ 11 528 :
ces trois vaillants guerriers avoient conduit leurs
pas,
allants ainsi chercher la source desiree,
refusa de l' offrir à sa bouche alteree :
Ligne 12 524 ⟶ 11 554 :
que de le consumer és royales dépenses,
ou que tout un royaume a pour seules deffences :
ou de qui la splendeur faict eternelle foy
de la bonté, sagesse, et pieté d' un roy.
Ligne 12 553 ⟶ 11 581 :
sur ceux que sa bonté luy faict favoriser,
ou leurs propres vertus diversement priser.
Qui de ses devanciers franchit onc ces limites,
soit voulant obliger, soit donnant aux merites ?
Ligne 12 583 ⟶ 11 609 :
luy faisant tellement ses bien-faits ordonner,
qu' il donne comme un roy qui veut long-temps donner,
mais qu' une telle ardeur à ceste gloire enflame,
qu' il donne tousjours moins de la main que de l' ame.
Ligne 12 611 ⟶ 11 635 :
à l' or de son espee engravé d' une marque :
il sera recogneu pour fils d' un tel monarque
aux exploits de la sienne, et parmy des hazards
où l' on eust veu pallir les deux premiers Cesars.
Ligne 12 639 ⟶ 11 661 :
et faire devenir, en se trop relaschant,
le temple de salut l' asyle du meschant.
Qu' il ayme et craigne Dieu : qu' il l' honore et le
serve :
Ligne 12 670 ⟶ 11 690 :
couvent,
il se trouve deux roys ou deux partis se trouvent :
mais encor, s' il falloit que tels maux eussent cours
aussi bien de son temps qu' ils ont eu de nos jours,
Ligne 12 703 ⟶ 11 721 :
ce qu' on en doit fuir, ce qu' on en doit apprendre,
et si leur vie honore, ou diffame leur cendre :
qu' il s' y mire soy-mesme, et regarde en autruy
si ce qu' on a escrit, s' escrira point de luy.
Ligne 12 727 ⟶ 11 743 :
STANCES SUR LA MORT DU FEU ROY
Si sentir vivement le mal qui nous fait plaindre
Ligne 12 744 ⟶ 11 758 :
La parolle deffaut aux ames plus dolentes :
les petites douleurs sont seules eloquentes,
et l' object trop sensible esteint le sentiment.
On ne peut bien parler estant à la torture :
Ligne 12 772 ⟶ 11 784 :
reste plustost non plaint, que plaint d' indignes
larmes.
Dont un nom si fameux ne puisse estre honoré.
Soit demandé plustost pourquoy loüant ta vie
Ligne 12 799 ⟶ 11 809 :
Il est vray qu' en un point cet exemple differe :
il fist par vanité ce qu' icy me fait faire
le saint et juste excez d' un dueil non attendu :
son art l' abandonnoit, nul art ne me seconde :
Ligne 12 827 ⟶ 11 835 :
Mais veuille ton bon-heur, imprudente province,
que ceste horrible mort, ceste mort de ton prince
qui mist ta gloire et luy dans un mesme linceul,
soit à d' autres qu' à toy justement imputee :
Ligne 12 853 ⟶ 11 859 :
Ce sera peu de bien, entre tant d' amertume,
au courroux sans espoir dont le feu nous consume,
que de punir en nous l' impieté d' autruy :
mais encor nostre esprit quelque paix y remarque,
Ligne 12 880 ⟶ 11 884 :
L' ennemy tout dépit de voir nos troubles calmes,
voulant que nos cyprés luy produisent des palmes,
(quoy qu' un juste remords luy serve de bourreau)
peut-estre entre les pleurs dont la France est
Ligne 12 908 ⟶ 11 910 :
Cependant preservez des coups de tout orage
ce sacré lys royal, fleuron de son courage,
le couvrant d' oliviers grands et plantez épaix :
et pour le voir bien tost fameux dans les histoires
Ligne 12 934 ⟶ 11 934 :
SUR LA MORT DU GRAND HENRY 4
Sonnet.
Ligne 12 955 ⟶ 11 953 :
STANCES SUR LA FORTUNE
La fureur du demon qui depuis tant d' annees
Ligne 12 972 ⟶ 11 968 :
Un million de cris et de voix gemissantes
s' éleve la dessus des bouches pallissantes
de ceux qui pensent voir qu' en ce mesme accident
petit avec le roy le sceptre de la France,
Ligne 12 999 ⟶ 11 993 :
Il faudroit voir ces doigts fameux par tout le monde
qui peignirent Venus naissante hors de l' onde,
peindre ceste Junon qu' on en tiroit aussi :
car comme nul pinceau n' eut onc tant de courage
Ligne 13 026 ⟶ 12 018 :
Vantez-vous que de grace, et non pas par envie,
le ciel voyant le sort attenter à leur vie,
pour courre leur fortune a voulu vous choisir :
dressez-en un trophee au temple de memoire,
Ligne 13 049 ⟶ 12 039 :
et ne m' estime heureux que lors que ma pensee,
me ravit hors de moy, pour aller vivre en vous.
Aussi la beauté mesme en vous seule reserre,
pour la gloire d' amour, les delices des dieux :
Ligne 13 075 ⟶ 12 063 :
il ne faut reputer ma peine pour salaire,
et penser que le fruict s' en recueille en semant.
L' honneur de la servir paye assez mes services,
si les contentements que la gloire produict
Ligne 13 101 ⟶ 12 087 :
si par vostre rigueur l' Acheron j' outrepasse,
mourant j' orray vanter ma constante amitié.
Bien voudrois-je (et mes voeux soient exempts de
blaspheme)
Ligne 13 128 ⟶ 12 112 :
c' est que mon coeur ardant soit trouvé digne offrande,
de vous sa vive idole, et du feu de vos yeux.
Encore est-ce un souhait impossible en nature :
car pour offrir un coeur aux flames de vostre oeil,
Ligne 13 157 ⟶ 12 139 :
et si je suis menteur au despens de mon ame,
je seray veritable aux despens de mes yeux.
Que donc le chastiment soit digne de l' offence,
mes yeux, pleurez beaucoup, vous avez beaucoup veu,
Ligne 13 184 ⟶ 12 164 :
font que la fin de leurs combats,
c' est tousjours sa fuitte, et sa honte.
Le sort donc les guidant icy,
où tout se range à sa mercy,
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AMOUR VAINCU DE CES NYMPHES
Victorieux du ciel, de la terre, et de l' onde,
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