« Les Œuvres poétiques de M. Bertaut » : différence entre les versions
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<poem>
[Les]
CANTIQUE NAISSANCE N.S
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soit que dans la prison où Dieu vous a logez
le lien de la vie encore vous enserre,
esprits de qui sa grace est
jettez des cris de joye, et chantez
la mort de vostre mort daigne naistre sur terre.
fait son entree au monde, apportant en ses mains
les sainctes clefs du ciel pour en ouvrir les portes :
le remede aux blessez, la rançon aux vendus,
la voye aux esgarez, la vie aux ames mortes.
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à ce coup nostre chair est unie à son dieu,
et les extremitez conjointes sans milieu,
pour affranchir nostre ame à
à ce coup
et
Le voicy qui desja souffrant pour le peché
plore dans une creiche où foible il est couché,
bien
car pour
sous nostre petitesse il cache sa grandeur,
naissant non en sa gloire, ains en nostre misere.
Regardez quels effects
afin que moins luysante elle nous illumine :
Dieu se fait fils de
afin
Mortel, qui vois icy ton sauveur nouveau né
gisant si pauvrement,
ce
il a le mesme bras dont les cieux il voutoit,
car il ne cesse pas
mais ce
Il commence
cachant pour nostre bien dedans ce pauvre lieu
p3
et se rendant si foible, et demeurant si fort,
il vient homme impuissant pour endurer la mort,
Ligne 55 ⟶ 57 :
Quel esprit peut comprendre et quelle voix chanter,
combien sa main voulant le peché surmonter
faict voir icy
Fut-il onc un miracle à cestuy-cy pareil,
où
une vierge accoucher, un dieu prendre naissance ?
Un dieu prendre naissance, et se rendre mortel,
ains se rendre victime, et
afin de nous donner son propre sang à boire ?
Comme un nouveau decie au trespas
pour le commun salut du monde perissant,
afin que de sa mort naisse nostre victoire ?
ô dieu que tes bontez font
Et
Tu
tu
par la mort de ton fils rachetant ton esclave.
Quel est nostre merite, ô puissant roy des roys,
que tu viennes livrer aux douleurs de la croix
ton fils Dieu comme toy pour
p4
Vas-tu point preferant, par trop grande amitié,
à ta saincte justice une injuste pitié,
condemnant
Ah ! Seigneur ja
conservant de ses faits
fera voir ta justice unie à ta clemence :
mais comme de tes loix tout desordre est banny,
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Dieu pur en subsistance il ne sçauroit mourir,
luy qui vient par sa mort donner vie à nostre ame :
et partant homme et Dieu ta main nous
comme un Dieu tout-puissant
comme un homme mortel il est né
ô ! Bien-heureux enfant payeur de nos rançons,
puis que tu nais en vain si nous ne renaissons
eternels heritiers de ta saincte promesse,
prens mon
me comblant de tant
afin que de nouveau moy-mesme je renaisse.
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Donne, Dieu tout-puissant, donne au roy ta justice,
afin
et que tout icy bas
allumant ses desirs
il regne sur soy-mesme en regnant dessus nous.
Fay que prenant pitié du pauvre qui souspire,
sa clemente rigueur serve à tout cet empire
et
Affermy sur son chef sa royale couronne :
fay que sous ta faveur sans cesse elle fleuronne,
ceinte de mainte palme, et de lauriers espaix :
afin que
nous voyons desormais et nos champs et nos villes
dormir entre les bras
Ne vois-tu pas, seigneur, quels violens orages,
quels vents
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soufflent de tous costez prests à nous abysmer,
si toy, de qui
nous paroist sommeiller en ta saincte nasselle,
ne veux par ton réveil ces tempestes calmer ?
rendant de tout respect les barrieres forcees,
a faict
que ceux qui luy devroient sacrifier leur vie,
pour sauver sa grandeur du malheur poursuivie,
le pensent obliger de ne
Las ! Seigneur, sois sa garde entre tant
son royaume à jamais fameux par ses miseres
aux traicts de ton courroux a trop servy de blanc.
Prens pitié de nos maux : esteins les vives flames
de ce feu qui
ne pouvoir estre esteint
Rassemble ses subjets sous sa juste puissance :
rens luy
redonne un heureux sceptre à son bras valeureux :
et fay par ton esprit à leurs ames entendre,
rendre,
eux, heureux que par luy, ny luy, grand que par eux.
Donne
de mutuel devoir et
dont tousjours combatans sans jamais se ceder,
ils rendent si douteux
p7
eux de bien obeyr, luy de bien commander.
Ou
ait
fay que sa main le pose alentour de son chef,
non taché
et sans
sur les autheurs du mal verse tout le méchef.
Fay cognoistre à tous ceux qui contre luy
enyvrez de
de
à leur fureur rebelle une entiere ruïne,
Ne laisse point tomber sa constance lassée,
sous le fardeau des maux, qui chargeans sa pensee
mais fay que son courage à la voute ressemble,
qui
Rens tous ses ennemis vaincus par son courage,
faisant voir leurs pourtraits couchez sous son
Ligne 191 ⟶ 193 :
grand dieu, de qui la main départ les diadêmes,
et de qui seul les loix et la foy nous suivons,
fay
et vueilles desormais vivre en nous par ta grace,
comme par ta puissance en toy seul nous vivons.
Ligne 197 ⟶ 199 :
CANTIQUE
Seul espoir des humains despoüillez
qui de
oy les tristes souspirs de mon
Car entre tant
suivy de peu
monde
le retour du bel astre à qui le scin de
preste toutes les nuicts son humide sejour,
et dés que le réveil dessille ma paupiere,
consacrant à ton nom les premices du jour.
ô mon unique espoir, que ma vie est troublee !
Que je suis dégarny de force et de vertu !
Que mes fieres douleurs me donnent de batailles !
Que mon
et de pesants marteaux incessamment battu !
p9
Useray-je ma vie en ces tristes allarmes ?
Flambera-
Veux-tu rendre ma mort aux vivants effroyable ?
Et la mesme pitié
moy seul
Las ! Regarde en pitié ceste ame infortunee,
de reconfort, de paix,
où les traicts de la mort sans pitié sont fichez :
regarde quel ennuy boit le sang de mes veines :
et
que celuy de ton ire a peu voir mes pechez.
Si la juste rigueur qui les peines dispense,
quels esprits dans le ciel se verroient couronnez ?
Ceux
diroient-ils ton honneur quand mesme ta loüange
est ainsi
Las ! Entre tant de maux qui font que je souspire,
je sçay bien
dessus mon chef coulpable espand tous ses vaisseaux :
et que ma vie estant de tes biens arrousee,
puis
ton courroux a raison
Mais aussi sçais-tu bien
le ciel
p10
que ta seule pitié nous tient lieu
et que ceux-là sans plus sont nets en ta presence,
dont tu daignes toy-mesme effacer le peché.
Ne vien donc point du ciel en fureur me reprendre :
pardonne à ceste pauvre et miserable cendre :
Si ma cause
ou
de toy plein de vengeance à toy plein de pitié.
Mais que dy-je impudent ? Auroy-je bien
de qui
Le sacrilege atteint, et voisin de sa prise,
les cornes de
ô seigneur, tes bontez ceste audace
promettant aux pecheurs qui vers toy se retirent,
non seulement pitié, mais faveur et guerdon :
et bien doit-on attendre un arrest favorable,
quand le juge se monstre advocat du coulpable,
et
Toy donc, que seul
seigneur ne vueilles point dedaigner ton ouvrage,
ains ton oeil de pitié sur mes maux retourner :
Ligne 276 ⟶ 278 :
opere en moy le bien que de moy tu demandes,
puis juste vien en moy tes
Seul salut de mon ame et son remede unique,
touche de ce pecheur
qui gist sans mouvement sur la terre estendu :
fay, seigneur, que ta grace en soit la medecine,
Ligne 286 ⟶ 288 :
verse avec tes rayons ta lumiere en mon ame,
meslant de quelques jours ses eternelles nuits :
et calmant de mon
rens moy
au lieu que
Sainte clef de David, sceptre solide et ferme,
qui fermes et nul
clef qui nous a ouvert la
clef qui nous a fermé les portes de la guerre,
fermant
fay
p12
Encor ne faut-il pas
face couler en pleurs le reste de mes jours,
ny que de mes ennuis la source estant mortelle,
je souffre
Ne gemir point du tout la douleur qui
eust fait paroistre un
mais aussi la plorer et souspirer sans cesse,
monstreroit un esprit remply de lascheté.
Tary donc, ô mon
ravy toy-mesme au temps
se plaindre de sentir des ennuis et des peines,
Un
souvent fait que son mal en bien se convertit :
une douleur
Ce deluge de maux que le courroux celeste
a faict dessus mon chef plouvoir si longuement
à la fin a pris cesse, et tout ce qui
Maintenant Dieu me fait au dessus de la teste,
ainsi
signe qui me promet
qui
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Pourquoy tremble-je donc sous ce nouvel orage
esmeu contre
Quoy ! Luy veux-je desja submettre mon courage,
souffrant
Non mon
encor
toy :
Dieu te promet secours, et le sort te menace :
qui des deux sera veu pouvoir plus sur ta foy ?
ô mon
à
quand mesmes
le naturel du mal te doit faire esperer.
La douleur a ce bien, que quand elle est durable
Ligne 340 ⟶ 342 :
et quand son aspreté la rend intolerable,
sa duree est petite et passe en un moment.
Que si
imitant nostre chef et marchant apres luy,
il est bien mal-heureux qui jamais
Vueilles tant seulement, toy vers qui je souspire,
croistre ma patience au tourment qui me poind,
Ligne 353 ⟶ 355 :
aux plus rudes assauts livrez par le malheur :
et pourveu que ta grace augmente ma constance,
je ne te requier point
CANTIQUE PSEAUME 1 DAVID
Ligne 359 ⟶ 361 :
Bien-heureux est celuy qui parmy les delices,
dont le monde a sucré le poison de ses vices,
et parmy tant
regit si prudemment les desirs de son ame,
que nul secret remors son courage
pour avoir augmenté le nombre des méchans.
Qui
qui ne fait point hommage au sceptre de fortune :
qui ne luy laisse avoir nul empire sur soy :
qui vrayement et
qui de nul maistrisé, de soy-mesme est le maistre,
regnant sur ses desirs, et leur donnant la loy.
Ligne 375 ⟶ 377 :
p15
les torts
Qui ne pouvant du corps
des folles vanitez dont le lustre nous trompe,
si bien
et
de si grand
dedaignant.
Cet homme-là ressemble à ces belles olives
qui du fameux jourdain bordent les vertes rives,
et de qui nul hyver la beauté ne destruit :
les ruisselets
jamais leurs rameaux verds leur printemps ne
despoüillent,
et tousjours il
Nul effroy, nulle peur en sursaut ne
endormy Dieu le garde, éveillé le conseille :
conduit tous ses desseins au port de son desir :
puis fait
ce
il le recueille au ciel en repos et plaisir.
Il
et la loy du seigneur, et la voix de
soy-mesme estant son dieu, son eglise, et sa loy :
sa plus parfaicte joye en douleurs est feconde :
et bien
si porte-il malheureux son enfer quant et soy.
p16
Le ver qui dans le
tournant tous ses plaisirs en dolente amertume,
luy fait avec horreur regarder le soleil :
et plein
il voit à tous moments
de
Ny pompe, ny grandeur, ny gloire, ny puissance
ne sçauroient destourner le glaive de vengeance
pendant dessus son chef des mains de
de qui
fait
tesmoin, juge et bourreau, non moins que criminel.
Non, les fiers aquilons de leur venteuse haleine
ne promenent pas mieux sur le dos
la paille rencontree au champ du laboureur,
que Dieu le poursuivra sur le front de la terre,
Ligne 428 ⟶ 430 :
alors le miserable envoyé pour pasture
au feu qui sert là bas aux ames de torture,
payra ses courts plaisirs
Car le seigneur est juste autant que debonnaire,
et sa saincte equité paye à tous le salaire
Ligne 434 ⟶ 436 :
que meritent leurs faits soient cogneus soient cachez :
encor que moins enclin aux peines
tous les jours sa bonté nos merites surpasse,
et jamais sa rigueur
CANTIQUE PSEAUME 20
Les biensfaits que ta grace espand sur nostre roy,
seigneur,
comme en
car toy seul en ses maux as esté son support,
et toy seul le sauvant
ou nul ne peut surgir
La voix de sa requeste a le ciel penetré,
ses
du bien que son desir attendoit de ta grace :
ny
quand il voit que son heur ses attentes surpasse.
le feu de mainte pierre, et la flamme egaller,
ta main a dés long temps sa teste environnee :
tu
et maintenant, seigneur, pour
tu fais que sa couronne est de paix couronnee.
p18
Au lieu de beaucoup
qui luy sont ardemment en nos
tu luy sembles promettre une vie immortelle :
et pour
son royaume fleurir plein de richesse et
Nul tiltre
qui ne rende son nom illustre et memorable :
et semble que ta main tous ses faits benissant
Ligne 474 ⟶ 476 :
Aussi, contre les maux dont il est tourmenté
son esprit recourt-il à ta seule bonté,
sans attendre
elle seule es perils luy monstre ton secours :
le remplit
moins certain du combat,
Puisse eternellement, ainsi
la force de son bras trouver ses ennemis,
un mont les cachast-il au fond de ses entrailles,
Ligne 490 ⟶ 492 :
et tous vifs devorez des flammes de ton ire :
puisse-il voir le trespas sans pitié les faucher,
puis
nul ne
Car les meschans desirs dont ils sont possedez,
se sont contre ton nom ingrattement bandez :
Ligne 497 ⟶ 499 :
ont basty contre toy des desseins malheureux,
qui, comme mal fondez, tomberont dessur eux,
changeant en un tombeau
ô seigneur leve toy, reveille ta vertu,
faisant voir à nos yeux ton ennemy battu
ne sçavoir où fuir les traicts de ta colere.
Ne temporise plus,
mais puis que le meschant devient plus endurcy
de te trouver si doux,
ta bonté dessus nous ses aelles estendant,
et monstrant que le soin de ton peuple la touche,
nous
ayant incessamment tes faits devant les yeux,
ton amour dans le
CANTIQUE PSEAUME 143
Ligne 518 ⟶ 520 :
dont la seule vertu rend mes mains animees
aux glorieux travaux des princes valeureux :
qui
et par qui tout esprit entendant nos histoires
me dira
et rempare mon
contre tous les ennuis qui
luy seul
a fait mes ennemis tomber sous mon espee,
et sous mon sceptre en fin mes subjets se ranger.
Seigneur,
pour ne dedaigner point
et loger en ton
Tu luy soubmets le ciel,
et semble que la main ouvriere de ce monde
qui de rien crea tout, crea tout pour un rien.
Car en fin, ô seigneur,
qui de songes menteurs se repaist et se ronge
p21
en son plus ferme estat
une ombre que le jour dissipe à sa venuë :
un éclair allumé dans le sein de la nuë ;
dont
instant.
Seigneur, baisse ton ciel, et tout ceint de tonnerres
Ligne 547 ⟶ 549 :
frape les plus hauts monts des armes de ton ire,
fay-les fumer et fondre ainsi que de la cire,
et
Remply tout
de tes dards enflamez estonne les courages
des méchants dont
fay gronder en ta main
puis
à fin
Car
que leur bouche arrogante a vomy le blaspheme
aiguisant contre moy tant de traits inhumains :
leur langue incessamment ourdit des calomnies :
leur esprit orgueilleux se plaist aux tyrannies :
et tout mal-faire est
ô seigneur, continuë à delivrer mon ame
p22
Ligne 567 ⟶ 569 :
estens du ciel le bras armé pour ma vengeance,
et pousse en ta fureur ceste maudite engeance
dans les sanglants filets
à fin que sur un luth monté pour tes loüanges,
associant ma voix avec celle des anges,
je chante que
toy qui les garantis des meurtrieres atteintes :
toy qui rends leurs grandeurs venerables et saintes,
et qui fais que la terre en adore les loix.
moy sur qui la bonté de ta main paternelle,
seigneur, a fait du ciel mille graces plouvoir,
contre tant
que la paix de mon sceptre appartient à ta gloire,
comme un nouveau miracle où reluit ton pouvoir.
Persevere, seigneur, ne baille point ma vie
en pillage au tyran qui
mais, comme il nous a faict, le faisant souspirer,
au sang de ses sujets trempe son diadême,
à fin que justement il éprouve en soy-mesme
les maux
Car sa main ne se plaist
la seule impieté luy fournit de delices :
p23
et son
paist de si fiers desseins le desir qui
de quelque méchant acte, il croit
Rens luy ce
donnant quelque remede à
qui rongeant ce royaume a destruit sa beauté,
encor que nous vivions si dignes de misere,
Ligne 602 ⟶ 604 :
Voy quel malheur poursuit ces terres desastrees,
et quel heur cependant rit dedans les contrees
sans
qui dans ce pauvre estat causent tant de naufrages
ait peu troubler un air si tranquile et si doux.
Là le peuple fleurit en repos et liesse,
comme ces arbrisseaux plantez en leur jeunesse
dedans
là comme un riche temple à colomnes dorees,
les dames en tout temps superbement parees
mille et mille troupeaux en couvrent les campagnes
p24
de joye et de repos leurs ames tu repais :
la trompette
et tant
que leur moindre bon-heur
Aussi toute la terre enviant leur fortune,
la nomme bien-heureuse, et de
pour de pareils effects de celeste faveur :
mais quelque heur que le ciel verse dessus leurs
Ligne 632 ⟶ 634 :
rendant par ta bonté ces tempestes plus calmes,
où nous faisant du ciel recevoir quelques palmes,
si nous
PARAPHRASE PSEAUME 136
Ligne 646 ⟶ 648 :
Nos cantiques de joye où Dieu daignoit se plaire,
entre tant de douleurs condamnez à se taire
par le martel ennuy regnant en nostre
et nos luts qui pendoient aux saules de la rive,
ploroient en se taisant sa liberté captive,
et souspirante aux pieds
Bien nous alloient pressant
ceux qui de nos malheurs paissans leur insolence
nous avoient pour jamais aux liens condamnez :
Ligne 656 ⟶ 658 :
de mesler des chansons aux souspirs de nos plaintes
par ceux qui triomphans nous menoient enchainez.
Chantez nous (disoient-ils)
qui faisoient retentir les resonnans portiques
de vostre fameux temple en glorieux accens
lors que quelque victoire à Sion advenuë
poussoit vos cris de joye au dessus de la nuë,
et chargeoit vos autels
Helas (respondions-nous, parlant dedans nous mesmes)
pourrions-nous bien redire en ces douleurs extrémes
les vers que nous chantions le front paré de fleurs ?
Superbes cruautez de nos maux non soulees,
ignorez-vous encor
commander les chansons
Non, ja ne plaise au ciel, que la barbare audace
nous face prophaner par priere ou menace
p26
les saincts vers
plustost soient par la mort nos douleurs assoupies,
que nous facions entendre à ces terres impies
Ligne 684 ⟶ 686 :
ô Sion, ô sainct temple autrefois nostre gloire,
maintenant la douleur dont ma triste memoire
va, comme
quelque ennuy que mon
Que ceste main tremblante et ce
die adieu pour jamais aux charmes de ma lyre,
chassant tout reconfort au loin de mes malheurs,
si pour quelque accident que le ciel nous envoye,
vostre affranchissement
ainsi que vos liens sont mes seules douleurs.
Mais toy qui nous punis, ô grand dieu des armees,
Ligne 705 ⟶ 707 :
exterminez ses tours, confondans pesle-mesle
ses plus bas fondemens à ses plus hauts sommets :
rasez ceste maison de lames
luy faisant succeder une plaine deserte
où le lieu de ses murs soit douteux pour jamais.
Ingrate nation, fiere et perverse engeance,
le ciel se souvenant aux jours de sa vengeance,
face aux âges futurs cognoistre en ton supplice,
combien est déplaisant à
Et toy, fiere Badel, superbe vainqueresse,
bien-heureux soit celuy dont la main vengeresse,
Ligne 725 ⟶ 727 :
p28
Heureux hostes du ciel, sainctes legions
guerriers qui triomphez du vice surmonté.
Celebrez à jamais du seigneur les loüanges,
et
Soleil dont la chaleur rend la terre feconde,
lune qui de ses rais emprunte ta splendeur,
lumiere,
loüez, bien que muets, sa gloire et sa grandeur.
Tesmoigne sa puissance, ô toy voûte azuree,
Ligne 737 ⟶ 739 :
et vous grands arrousoirs de la terre alteree,
vapeurs dont le corps rare est en pluye épaissy.
Car
sa parole
et tout ce qui
est
Il a prescrit des loix à la nature mesme,
le ciel ne voit grandeur, sceptre, ny diadéme,
immortel, ny mortel, qui
p29
Chantez-le donc aussi vous enfans de la terre
qui composez de cendre en cendre retournez,
soit vous que
soit vous qui librement par
Beny son sainct pouvoir en tes caves profondes,
monstre de qui le sein peut cent flots abysmer :
Ligne 758 ⟶ 760 :
quand faisant icy bas mille flammes plouvoir
elle tranche en fureur la teste à quelque roche,
Fay-le bruire aux torrens des valons que tu laves,
neige qui vests les monts
manteau :
et toy gresle polie, et toy glace qui paves
Ligne 767 ⟶ 769 :
aux vagabonds vaisseaux des tremblants matelots,
témoignez son pouvoir à ses moindres ouvrages,
semant par
Faittes-la dire aux bois dont vos fronts se
couronnent,
Ligne 775 ⟶ 777 :
p30
feconds arbres fruitiers,
cedres
sapins dont le sommet fuit loin de ses racines,
chantez-le sur les vents qui vous servent de voix.
Animaux qui paissez la plaine verdoyante,
et vous que
vous trainez apres vous
naissez, vivez, mourez, sa loüange exaltans.
Chantez-la
grands rois parmy son peuple assis comme en son
lieu :
Ligne 792 ⟶ 794 :
hommes, femmes, enfans, donnez à sa loüange
le matin, le midy, le soir de vos beaux jours.
Vous que la fleur de
vous qui chassez du monde, et ja prests
touchez
faites son nom sans cesse en vos chants retentir.
Bref, que tout genre
âge,
benisse le seigneur ses biensfaits racontant,
que se taisant la voix le
p31
Car il est
tout estre ou non visible, ou visible à nos yeux,
et le seul roy qui tient,
le throsne de sa gloire elevé sur les cieux.
Alors que tout flambant
il
et nul ange
De là sont envoyez devers sa troupe elevë
ces merveilleux secours qui la sauvent des fers :
Ligne 817 ⟶ 819 :
Soit à jamais sa gloire en nostre ame adoree,
soit à jamais son nom par nos chants celebré :
soit
mesme apres
Que le sceptre eternel dont si sainct et si juste
il regit tout le monde, et le range à ses loix,
Ligne 825 ⟶ 827 :
Et luy qui tout-puissant au sort mesme commande
vueille de nos destins combatre la rigueur,
delivrant de tourment
CANTIQUE FORME DE COMPLAINTE
Ligne 832 ⟶ 834 :
p32
Tandis que le desir
flambe dedans ton
seigneur
sur mon coulpable chef les traits de sa rigueur :
sursiez un peu
poursuit ma mauvaistié,
ne le prononçant point, que ta saincte justice
ne
Voy, seigneur, voy du ciel mon esprit qui se pasme
sous
regarde moy malade et du corps et de
pour me donner santé plustost que chastiment :
et te daignant en fin souvenir qui nous sommes,
Ligne 849 ⟶ 851 :
hommes
qui sont dés leur naissance aux vices attachez.
Quelle plus
Nul ennuy sur mon
cent tourments font la guerre à chacun de mes sens :
mille bruslants soupirs, mille sanglantes larmes
versant à tous propos
je passe, travaillé
et mes jours sans lumiere, et mes nuicts sans repos.
p33
Ligne 864 ⟶ 866 :
foiblesse ;
non trop pour ta justice, ains trop pour ta bonté :
las ! Ne vaut-il pas mieux
de mes transgressions,
tu destruises plustost le peché par ta grace,
que le pauvre pecheur par les punitions ?
Helas ! Je suis semblable à celuy
au sepulcre enfermé,
une image de mort, un fantosme de cendre
qui suis au lieu
ma bouche incessamment ouverte aux tristes plaintes
ne fait que souspirer :
et de mes pauvres yeux les prunelles esteintes
ne me servent de rien si ce
Cependant des ingrats, seigneur, qui de ta voye
ont destourné leurs pas,
se couronnent de fleurs et font des feux de joye,
de voir mes jours descendre en la nuict du trespas :
nul son, tant soit-il doux,
que mes gemissemens :
et nul si grand ennuy le
que de voir quelque bien consoler mes tourmens.
Aussi vont cheminant
ma vie et leur erreur,
que ce qui me déplaist leur estant agreable,
p34
nous sommes
ma pluie est leur beau temps, mon repos leur misere,
mon plaisir leur douleur :
et comme
estant jour à mon ame il est nuit à la leur.
Tenant entre tes mains la grace, et le supplice
la clemence, et la loy,
déploye, ô tout-puissant,
de ton siege eternel et sur eux et sur moy :
sur eux, celle qui juge et condamne à la peine
Ligne 905 ⟶ 907 :
CANTIQUE FORME DE CONFESSION
durant le cours des maux dont je suis oppressé ;
ce
mais de les meriter pour
Ma faute, et non ma peine, est ce qui me tourmente :
et battant ma poitrine, à par moy je lamente
non les maux que
faicts.
p35
Ah que ne puis-je dire au fort de mon angoisse
comme
seigneur, fay pour le moins que mon ame cognoisse
pourquoy ta main me traitte avec tant de rigueur.
Helas tout au contraire, il faut
je crie, en me plaignant
ô seigneur tu commets, tu commets injustice
ne me punissant pas
Car quel poinct de ta loy sert de regle à nostre ame,
que ton oeil
Mon
de voir
Ce
daigna choisir pour temple et purger de peché,
je
et de son vif autel ton portrait arraché.
De venimeux serpents
mis
et tout ses saincts vaisseaux prophanez et ravis.
puis
que
p36
De
et
mon secours au besoin ne
et
Mais en vain, ô seigneur, mes forfaits je te conte,
tu les sçais, et leur nombre ainsi cogneu de toy,
pensant à ta bonté me fait rougir de honte,
pensant à ta rigueur me fait pallir
Aussi (las ! )
mais je te les découvre afin que tu les caches,
et te les ramentoy pour
Heur que
te laissoient effacer les vieilles de ton
mais comment (mes erreurs se rendant eternelles)
p37
Mon ame dés
et tant
Et je vy cependant, moy dont
devroit pour chastiment mille morts recevoir :
et
vers les cieux qui, peut-estre, ont horreur de me
voir.
ô seigneur, que fais-tu, qui décoches ta foudre
sur le dos innocent de quelque vieux rocher,
que tu ne reduits point ce méchant
dont nul roch en durté ne sçauroit approcher ?
Tu le peux justement, mes crimes le meritent :
mais, ô souverain juge, il me prend bien de voir
ton vouloir ne va pas égalant ton pouvoir.
CANTIQUE SUR CONVERSION DU ROY
Ce
comme le seul remede à nos maux preparé,
p38
le roy plante en son
et fait par ce sainct
de voir finir le dueil dont
Benist soit le seigneur, nostre unique support :
il ne veut plus souffrir que tousjours loin du port
la nef de ce royaume en la tempeste flotte :
bien monstre-il que ce coup
humain,
et que le
comme le gouvernail en celle du pilote.
roy,
quand moins on
par le chemin tracé du seul pas des fidelles.
Signe que
lors que pour nous sauver du danger de perir,
inutile est
ô que ce changement non preveu des mutins
changera desormais le cours de nos destins,
nous guidant au laurier par une heureuse voye !
Non, je
et nos pleurs de tristesse en des larmes de joye.
Maintenant verrons nous le bras de
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estendre sa faveur dessus nos entreprises,
les efforts ennemis de pretexte manquer,
et
Car que diras-tu plus insolente Enyon,
ce prince ayant quitté
receuë és tendres ans de sa jeune ignorance,
que seule tu disois oster à sa valeur
le bien que luy donnoient en despit du malheur
les droits de la nature, et les loix de la France ?
Maintenant
qui dans un
ne va plus rien logeant que des graces royales :
et qui pour son royaume auroit tout
si la main qui le ceint de lauriers tousjours verds
rendoit à sa valeur ses conquestes égales.
Ah ! Que mon triste
quand loin du droit chemin son ame
apres
par
sans la guide qui seule aux mortels
enseigne et la lumiere, et la voye, et la vie !
voit perir dans les flots ce
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et ne
contre son bel esprit souvent je
me plaignant de celuy pour qui je me plaignois,
de le voir sans pitié se meurtrir de ses armes.
Ligne 1 054 ⟶ 1 056 :
qui comme un feu la nuict dans ta belle ame éclaire ?
Helas ! Bien peu te vaut un si rare ornement,
puis que hors de
et que par le mal croire on destruit le bienfaire.
aux fleurs
des branches
elles procedent bien
mais pour ne vivre plus dans le sein maternel,
sans produire aucun fruit elles tombent sechees.
Dedans le tige sainct revien te faire enter,
et non seulement vivre, ains te donner la vie.
ceux qui
vien faire aussi mourir tes ennemis
Ainsi matin et soir mon
tousjours priant le ciel
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de la faulse doctrine, il y plantast la vraye :
et voila, le seigneur a mes
delivrant son esprit de ses charmes passez,
et du champ de son ame arrachant ceste yvraye.
Puissent mille succés parfaitement heureux
desormais témoigner à ce
qui de tous nos malheurs cherche la delivrance,
il se rend tout
du royaume celeste, et du sceptre de France.
Ligne 1 088 ⟶ 1 090 :
dont vostre ame royalle a vaincu son malheur,
et forcé le destin qui vous estoit contraire,
ont fait
que quiconque entreprend
Il est fort temeraire, et
qui de son entreprise ignorant la grandeur
anime sa pensee au dessein
meriteroit
couronné mais lié par une mesme main,
recompensant son zele, on punist son audace.
p42
de graces pour loüer celles
ne vien-je pas
ce seioit trop
et ne
Un stile aussi fameux en la gloire des vers,
que vostre heureuse espee est crainte en
seul merite icy bas
sinon à quelque Apelle, et non à
Car quand bien
que sçauroit ma loüange à leur gloire adjouster
qui de vostre grandeur accreust la cognoissance ?
Le cours
enfleroit-il la mer
Ou ce qui remplit tout prendroit-il accroissance ?
Non, sire, le renom qui vous rend si fameux,
franchissant de nos mers les rempars écumeux,
a couru tout le rond de la terre et de
et pour trouver encor quelque peuple icy bas
qui
il faudroit quelque part chercher un autre monde.
Mais comme ces tableaux exposants à nos yeux
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p43
souvent marquent
ainsi pressant
en ce parlant tableau que depeignent mes vers
reduy-je au petit pied le los
se verra proposer à tout
sous le nom merité
et
que les rares vertus dont son
Car les dons
il les a tellement en vous seul ramassez
par le son paternel de sa main liberale,
Ligne 1 146 ⟶ 1 148 :
ce corps infatigable, et de soy nonchallant,
et ces autres rayons de vertu plus commune :
je tais mesme ces traits
comme fruits ou non moins au succés
vostre vertu partage avec vostre fortune.
Mais soit que
soit,
p44
Ligne 1 156 ⟶ 1 158 :
soit clement, soit pieux, soit doux à commander,
nous voyons en ces dons les autres vous ceder,
et possedons en vous ce
Quel oeil
ce Charles trois fois grand, rendre és champs
navarrois
du sang des espagnols la campagne trempee ;
monstrer en maints combats, combien sert au besoing
à la juste querelle une vaillante espee ?
Certes vostre valeur bravant mille hazards,
est parvenuë en fin sur les pas des Cesars,
mais je la sens tousjours attrister mon penser,
sçachant bien que pour voir vostre bras
il nous faut estre en crainte, et vous faut estre en
peine.
Aussi vostre clemence est-elle en plus grand prix :
à loüer les beaux faits dont leur gloire est feconde :
mais les fruits
Quand à vostre prudence, elle luist aux effects,
en ne chancelant point dessous un si grand faix
Ligne 1 184 ⟶ 1 186 :
ains avec un parler sage, attrayant, et doux,
gaignant tout, charmant tout, et conjoignant en vous
à
Mais premier que mes chants mes ans
si les vers de cet hymne en chantant honoroient
chacun de vos beaux faits
tous ceux qui plus fameux vous devancent en âge.
Ah ! Que les fiers destins qui dominent sur nous
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et plus favorisé de la bonté celeste !
Helas, nous devoit-il tant de mal arriver,
que la rigueur du sort nous forçast
sous un roy si clement un regne si funeste !
La France ne vid onc un roy plus accomply,
cependant le venin dont
par son corps languissant plus que jamais pullule,
Trajan tient en sa main le grand sceptre gaulois,
et le peuple ressent les ans de Caligule.
En qui plus desormais nous faut-il esperer,
si le cours de ce mal ne cessant
p46
malgré tous vos conseils dure en sa violence ?
Bien pourrons nous alors nous resoudre à perir :
et ce
Mais nous ne serons point si long temps malheureux
non, rien
surmontant nos malheurs ces tempestes ne calme :
vous les dompterez, sire, et la mesme vertu
qui pour rendre ce monstre à vos pieds abbattu
vous met
Poursuivez seulement
et malgré les travaux qui vous vont combattant,
chassez en fin ce mal du fond de nos entrailles :
Ligne 1 228 ⟶ 1 230 :
Vous qui comme Persee, avec la sage ruse
dont la vertu conduit ses genereux projets,
avez trenché la teste à
qui changeoit en rochers les
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grand roy, venez revoir vostre belle Andromede
qui
ne doit sa delivrance à nul autre remede
Venez revoir Paris, ceste antique navire
alloit ensevelir dans les flots de son ire
sans vostre heureux secours, son vray phare et son
port :
voyez comme le ciel
elle brave
et trouve moins de joye au bien
que de gloire en
Ceste ville sans pair, cet abregé de France,
où repose et le throne et le sceptre des rois,
vous veit comme un esclair luire à sa delivrance
quand elle recogneut
semblable à ce feu sainct qui paroist en
sauve les matelots de peril menacez,
puis soudain se retire en
comme si pour sauver paroistre estoit assez.
Mais cela
de jouyr plus long temps du regard de vos yeux,
tant chacun aime à voir revivre en vostre vie
Ligne 1 259 ⟶ 1 261 :
p48
et bien doit-elle aimer
aima mieux la sauver et la pouvoir destruire,
que non pas la destruire et la pouvoir sauver.
Non, ceste ville auguste (invincible monarque)
ne sçauroit desormais fleurir
sa grandeur
et de vostre clemence et de vostre bon-heur :
vous, vous
et sauver une ville est plus que la fonder.
Aussi
tout couronné de tours et tout ceint de rempars
detestant à vos pieds
qui la donnoit en proye à la rage de Mars,
vous dire incessamment, ô grand roy qui pardonnes
dés que le ciel a mis la vengeance en tes mains,
il
Ce que fut un Camille à sa ville captive,
la celeste bonté fait que tu me le sois :
Ligne 1 285 ⟶ 1 287 :
p49
donné la vie à ceux dont
dressoit contre ton
et fait voir au pardon de mainte griève offense,
avec quelle injustice on
De combien de mutins que les loix de
condamnoient à sentir les rigueurs du trespas,
as-tu rendu la crainte heureusement trompee,
les pouvant mettre en poudre et ne le faisant pas ?
Par quels traits de clemence illustrans ta memoire
de tes ennemis mesme as-tu gaigné le
certain que qui sçait bien se vaincre en sa victoire,
est vrayment invincible, et doublement vainqueur ?
Je ne sçaurois plus voir la pompe de mes temples,
ny
sans voir luire à mes yeux cent glorieux exemples
de la douceur qui regne en un
mille murs foudroyez serviront de trofee
à la juste fureur de ton bras indomté,
Ligne 1 315 ⟶ 1 317 :
les flames qui souloient la France consumer)
que ny ton ennemy ne peut assez te craindre,
ny ton sujet loyal ne peut assez
Ainsi dit tous les jours souspirant vostre absence
le daemon gardien des grands murs de Paris :
Ligne 1 321 ⟶ 1 323 :
du cours de ses malheurs les surgeons a taris :
ainsi maints boute-feux de la flame civile,
comme à vous glorieux de les avoir dontez.
Croissez en ceste gloire, ô
princes :
vainquez et pardonnez, le ciel le veut ainsi :
puis si tousjours ce mal travaille vos provinces,
vainquez et punissez, le ciel le veut aussi.
Ne faites point
(pour estre de Cesar trop grand imitateur)
ces effects de clemence et de douceur extrême,
conserver tout le monde, et perdre leur autheur.
La clemence est pour ceux que
ou la juste douleur en la faute a poussez :
non pour ceux qui conduits
arment
p51
Ayez escrit au
que tout vice fleurit sous un prince trop doux :
et
ne pardonnant à nul, et pardonnant à tous.
Mais ne commets-je point une faute pareille
à celle
Quoy, faut-il
conseille,
ô sire, pardonnez à ce
par les clemens lauriers dont le ciel vous fait don :
puis que mon imprudence a besoin de pardon.
Vous avez dedans vous pour un secret oracle
qui conseille vostre ame et conduit ses desseins,
vostre juste prudence, et
a conservé le sceptre elevé dans vos mains :
suivez-en les conseils ; et
qui rend vostre trophee orné de tant
face que desormais sans douleur on remarque
la bonté du vainqueur au salut des vaincus.
Cependant bannissez loin de vostre pensee
le triste souvenir de leur fatale erreur :
leur en cause dans
p52
Ligne 1 369 ⟶ 1 371 :
de ces tragiques maux vostre esprit fust battu ;
la peine de calmer un moins cruel orage
Ne vous lassez donc point de voir la France armee
exercer si long temps vostre heureuse valeur :
les palmes qui pour fruit portent la renommee
ne croissent
Que si par des travaux consacrans la memoire
un nom se veit jamais fleurir en mille lieux,
ces malheurs fourniront
pour
SUR LA REDUCTION
Si jamais quelque prince habitant icy bas
merita que son peuple adorast sa vaillance,
que les cieux ont donné pour monarque à la France.
Nul ne peut sans merveille entendre avec quel heur
de ses sujets captifs la chaine il a coupee,
et par combien
ses mains ont obligé son sceptre à son espee.
La gloire des lauriers qui luy ceignent le front
et sembloit que du monde éclairant tout le rond
p53
rien ne peust augmenter le lustre de ses gestes :
mais plus clair que jamais il reluist
ceste ville imprenable à tout autre
que le fier espagnol nous ravit par surprise.
Un barbare ennemy remplissant tout
la volla de nos mains en corsaire homicide :
mais ce vaillant guerrier
contre un nouveau Cacus estant un autre Alcide.
Aussi
de qui la renommee est si loin épanduë
bon-heur,
Ah dieu ! Que de perils ont conjuré sa mort
durant les tristes mois que ses armes
Et que ceste valeur qui contre tout effort
nous remplissoit
qui
sçachant bien
il
Tantost nostre adversaire estonnoit nos esprits
du superbe appareil de sa puissante armee :
Ligne 1 422 ⟶ 1 424 :
p54
Nous sçavions
méchef,
veillant dans la trenchee il souffroit mainte
allarme :
et que ce
il
Nous craignions une mine, image des enfers :
nous craignions ce canon par qui tout se renverse :
bref, autant que de Mars les perils sont divers,
autant de nostre peur la face estoit diverse.
Mais nous
ces frayeurs maintenant sont en nous estouffees :
et ces divers malheurs par son bras surmontez
ne luy sont plus perils, ains glorieux trophees.
Princesse à qui le ciel a permis de tourner
dans le flanc
princes,
esprit que vous verriez mille fois couronner
si les seules vertus regnoient sur les provinces,
combien affligiez-vous vostre
lors
vous qui de ses succés, heureux, ou malheureux,
ne vous reservez rien que le dueil, ou la joye ?
Jetter
vous rendoit de douleur la poitrine entamee :
et ce qui nous touchoit comme simples sujects,
vous touchoit comme
p55
la joye et le plaisir qui vos larmes essuye
que le beau temps est doux apres la longue pluye.
Aussi devez vous bien ressentir vivement
son destin quel
quand mesme, ainsi que nous, vous
reverant comme roy, non aymant comme frere :
car
que pour nostre salut les astres ont fait naistre,
et
à se rendre obey,
Quelle sienne victoire (où
En quel esprit de roy veirent oncques les cieux
loger tant de douceur avec tant de courage ?
Il
où le plus asseuré de peur deviendroit blesme,
et diroit-on
porter un corps
Puis sentant les lauriers sa teste couronner,
son esprit se desarme, et semble que la gloire
de pouvoir magnanime aux vaincus pardonner,
ce soit
p56
aussi de la vengeance éloignant son desir
sans
son
que les plus irritez sentent quand ils se vengent.
ô France, recognoy que luy seul des humains
est ton fatal Ancile en ce temps lamentable,
et
nul Namure icy bas
remply pour luy le ciel
puis
les dieux ayant conjoint
ta gloire à sa valeur, et ta paix à sa vie.
Quant à moy que la muse a rangé sous les loix
ne pouvant advenir
je sois son coutelas, je seray sa trompette :
et si craindray plustost, loüant et benissant
des vertus dont la gloire au ciel mesme est escrite,
de paroistre envieux en les amoindrissant,
que
SUR MARIAGE DU ROY
Ligne 1 504 ⟶ 1 506 :
Encor la loy celeste, encor la destinee
unit le lis de pourpre aux trois grands lis dorez,
et par les chastes
reconjoint leurs fleurons par la mort separez.
La vierge chasseresse à la fin
aux douces loix du joug fuy si longuement,
bien
que pour la saincte amour de Mars tant seulement.
Victoire,
seul entre tous les grands a remporté la gloire
de soubmettre à
ne se pouvant courber sous
que par la plus fameuse et plus vaillante espee
qui jamais se fist creindre en la main
Quels festons, quelles fleurs, quels doux chants de
liesse,
Ligne 1 526 ⟶ 1 528 :
p58
Qui ressent le plus
possedant la beauté
ou vous fleur de beauté seule égale à vous-mesme,
conjointe au parangon de clemente valeur ?
Ligne 1 533 ⟶ 1 535 :
ou bien si sa douceur vous paist diversement,
celuy de vous qui brusle en de plus vives flames
est le plus transporté
car plus
plus en
et le contentement qui suit la jouïssance
se mesure tousjours à
Vous que tout
grand roy, goustez un peu
jouïssant
Nul qui vive icy bas ne peut voir sans merveille
luire en un corps humain tant de graces des cieux,
et ceux que son renom attiroit par
son regard maintenant les ravit par les yeux.
La douce majesté qui pare un diadême
la beauté devant-elle est presque sans soy-mesme,
et les graces sans grace, et Venus sans appasts,
p59
son estre estant tissu
ou
ou
Aussi doit vostre
que
domptant ses grands rochers couronnez de chasteaux :
et faut
de myrte et de laurier vostre front tout-autour,
les triomphes sanglants de la fiere Bellonne
cedent la gloire à ceux de Junon et
Bien paroist-il à
que Bellonne et
Mais vous
un si rude ennemy qui vous ait affronté,
larmes,
vous fait icy joüir
Bruslez dedans le feu que ses graces attizent
content
et
p60
Monstrez
que des desirs tous pleins de saincte ambition,
la raison et
et que vostre devoir est vostre passion.
Comme qui conjoindroit deux flambeaux par les meches,
leurs feux se confondans
faites
unissent à jamais leurs saincts et chastes feux.
Soyez, en bien aymant,
à faire que le sien croisse de jour en jour :
et ce que par devoir vostre vertu merite,
Ligne 1 594 ⟶ 1 596 :
et que sa grace appelle à ce sort bien-heureux
de voir sous vostre sceptre un si puissant empire,
et
royne de qui la gloire emplit la terre et
voyez de quel honneur vostre front est vestu,
certaine de passer les plus grandes du monde
en extreme bon-heur aussi bien
Vous ne possedez point le
à qui
qui pour toute loüange ont de riches provinces,
et qui tous rois
rien :
p61
mais
plus grand par ses vertus
couronnes,
son double diadême est sa moindre grandeur.
Ligne 1 619 ⟶ 1 621 :
et soyez desormais comme deux pyralides
qui dans un mesme feu veulent vivre et mourir.
Vous
dont
et
a le front tout couvert de lauriers frais cueillis :
mais ce sont des effects que son bon-heur enfante :
et
hazards,
où
ainsi devoit Diane estre conjointe à Mars.
Face la loy du ciel que ce soit un presage
qui mesme entrant au monde auront tout le visage
fierement ombragé de superbes lauriers.
p62
et de fer tout doré leur sein ira brillant.
Ainsi nasquit Pallas : ainsi nous doivent naistre
les magnanimes fils
Mais non, que
en pacifiques rois plustost
aussi bien vivront-ils sans guerrieres conquestes :
le pere en ravira le sujet aux enfans.
Avant que
si rien doit arrester ses triomphes divers,
ce sera ne pouvoir estendre son empire
par de-là les confins qui bornent
ne laissent à la France aucun mal redouter,
sinon que les fureurs des civiles tourmentes
Ligne 1 660 ⟶ 1 662 :
p63
Le ciel ayant donné, par
un si genereux prince à nos loix pour appuy,
ne peut plus nous donner rien de grand sur la terre,
Ligne 1 667 ⟶ 1 669 :
SUR NAISSANCE DAUPHIN
Nos
nous jouyssons de
de nos justes desirs se promettoit en fin :
la paix a maintenant une baze asseuree ;
et pour rendre eternel le bien de sa duree,
le ciel à nos souhaits a faict naistre un dauphin.
Dauphin tant desiré,
que tu repais nos
de voir
et ton nom seulement appaisant tous orages,
la planette de Mars regnante en nos courages
Ligne 1 689 ⟶ 1 691 :
Vueille faire le ciel que ce presage advienne :
et que de ton empire un jour on se souvienne
comme
où te rendant la France un pacifique hommage,
combien un vaillant pere eut un fils valeureux.
Aussi bien ta naissance et la voix des oracles
obligent ton espee à
imitant ce grand roy ta gloire et nostre appuy :
car sa rare valeur
tu serois bien toy-mesme une estrange merveille,
de
Mais, ô nouveau Cesar, que ce soit
ou la thrace guerriere, ou
qui fournisse à ton chef des lauriers tousjours verds,
quand
de la foudre des coups tombants de ton espee
le bruit en tonnera parmy tout
Que desormais sous toy sommeillent nos provinces :
que nous ne voyons plus nos peuples et nos princes
se meurtrir sans pitié de parricides coups.
Assez long temps la France a ploré ses trophees :
y soient à
nous manquant le sujet de triompher de nous.
Et cet heur adviendra : tout desja nous
tout fait que
p65
et semble que desja tournant
où ton genereux pere a tant passé
du sein de ton berceau tu leur tiens ces propos :
armes, que le grand roy qui vous rend glorieuses
Ligne 1 723 ⟶ 1 725 :
la paix pour quelques ans vous a fait dépouïller :
mais moy je vous tiendray si long temps devestués,
vous ont fait resplendir, je vous feray roüiller.
Je vous feray roüiller à
et que
succedant à sa gloire avec tant de merite,
que nulle vive voix, que nulle histoire escrite
Ligne 1 734 ⟶ 1 736 :
et tout ce grand royaume, à qui tu sers de gage
du repos que le ciel luy promet desormais,
secondant de ses
monstre en des cris de joye atteignans
poles,
que tout ce
Aussi manquois-tu seul aux souhaits de la France,
et sans le doux espoir qui naist de ta naissance,
Ligne 1 743 ⟶ 1 745 :
bien eust peu croire encor la publique douleur,
tant
ne nous estre donnez de la bonté celeste,
que pour servir de proye à quelque autre malheur.
Mais ainsi que le dieu qui les ans renouvelle,
en naissant attacha
déle ondoyante encor sur le flot azuré :
ainsi, royal enfant, ta naissance a la gloire
le repos de la France encor mal-asseuré.
tant de cris
et du bruit des canons fait tout
certes, puis que ce bien rend sa crainte amortie,
sa joye est juste et saincte ; et
sentie,
il
Mais si ceste allegresse en
bien doit-elle, ô grand roy, te ravir à toy mesme,
et faire refleurir les plaisirs de ton
puis
il ne te restoit plus que
apres
Qui
quel heur à ta grandeur, et quel à ton empire
p67
ce royal enfançon apporte quand et soy ?
Il fait
dés
et te rend en naissant le bien
De nombrer les lauriers que le ciel luy destine,
mais bien peut-on prévoir des yeux du jugement,
combien, en pratiquant tes vaillans exercices,
à vingt ans te rendra de glorieux services
celuy qui
Puisse-il faire
soit de ton juste empire une seule partie,
où sa gloire fleurisse ainsi comme
tant
aymé pour sa justice et craint pour sa vaillance,
desja chenu par
Cependant
et
ta valeur, ta bonté, ta clemence, et ta foy :
non pour
Mais pour avoir
de
et sçache que les ans toutes choses devorent
p68
fors les sacrez labeurs
que
et que pour acquerir
si
beny, chery de tous il se rende inutiles
les gardes dont ses flancs seront ceints nuit et
Ligne 1 812 ⟶ 1 814 :
que des moindres sujets aux plus grands rois du
monde
redoutable est la crainte où ne vit point
celuy sous qui la terre et le ciel mesme tremble,
et sans qui nul estat ne sçauroit se fonder.
et qui montre aux plus grands en mille insignes marques
Bref, que pour estre en fin comparable aux celestes,
il croye à tes conseils, et se mire en tes gestes,
p69
sans monstrer ses beaux faits
celle
que bien-heureuse femme un jour tu la rendis.
Car, certes, bien doit-elle heureuse estre nommee,
et de toy, de ta France, et de ton peuple aimee,
elle qui rend ainsi ton estat bien-heureux :
et qui te donne plus en ce
que si
elle triploit ton sceptre en ton poing valeureux.
Puisse-elle avecques toy sans cesse bien-heureuse
repaistre en doux repos son ame genereuse
du nectar des plaisirs dont contant tu te pais :
digne
et
Puisse-elle avecques toy long temps regir le monde,
eusse-tu pour ta part de la machine ronde
ce que les premiers ans diviserent en trois ;
puis
sa prudente beauté luy donne entre les dames
le nom que ta valeur
Et toy repose en paix dessus un lict de palmes,
roy de qui les labeurs rendans nos troubles calmes
p70
font maintenant sous toy reposer tant
et que ce doux sommeil dont apres la victoire
Alexandre dormoit au giron de la gloire,
Ligne 1 856 ⟶ 1 858 :
monarque :
un renom fleurissant et vainqueur de la parque
ou si quelque repos des tormentes humaines
peut estre le loyer de tes fameuses peines,
ce doit estre celuy
Bien tost puisses-tu voir de ta chaire royale,
ton bien-heureux dauphin joüer emmy ta sale,
et sur ses petits pas luy-mesme
de ses petites mains tastonner ton espee :
dresser
et dés le berceau mesme apprendre à commander.
Et puis, ayant franchy les bornes de
aller rendre
et soubmettre à ton joug ses sultans, et sophis :
et par mille beaux faits passans toute loüange,
meriter justement
IMITATION PSEAUME 71
Ligne 1 877 ⟶ 1 879 :
p71
Grand monarque du ciel, de la terre, et de
preste ce jugement dont tu regis le monde
pour regle et pour exemple aux soings de nostre roy :
fay que
et donne au fils du roy pour guide ta justice,
afin que tous ses pas cheminent en ta loy.
Ceste rare vertu conseillant ses pensees,
il sera le support des ames oppressees,
et
le pauvre et
et les justes sous luy recevants quelque offence,
Par luy la douce paix et ses cheres compagnes
verseront tous leurs fruits sur le dos des montagnes,
pour
et la saincte equité chargera les collines
de ceux que la vertu produit de ses racines,
Ligne 1 900 ⟶ 1 902 :
et fera voir la foy que la fraude a banye,
revenir demeurer sur ce ferme element :
arrachant et le pauvre et
des ongles du méchant, et de celuy qui semble
avoir receu des mains pour ravir seulement.
Aussi, tant
et de
autant vivra sa gloire illustre et reveree :
la seule eternité mesurant sa duree,
et
Nos champs fumoient encor des flames de la guerre,
plus doux que
sur le publique espoir
il fera succeder à
le regne
Et, seigneur, tu rendras cet espoir veritable,
ornant la majesté de son trosne équitable
Ligne 1 920 ⟶ 1 922 :
et le feras regner, que la lune argentee
ne versant plus ça bas sa lumiere empruntee,
cessera
Il plantera ses loix sur toute
que
p73
borne tout à
son sceptre deviendra la mesure du monde :
et les champs infinis de la terre et de
verront ses subjects seuls estre leurs habitants.
Ceux que le Nil abreuve en ses ondes naissantes
Ligne 1 936 ⟶ 1 938 :
fuiront de sa vaillance aux pieds de sa mercy.
Les rois de qui la mer couronne les provinces,
et ceux que
viendront chargez de dons implorer sa bonté :
tous reverants autant les loix de sa puissance
que si ne vivre point sous son obeissance,
Bref le ciel ne verra sceptres ny diademes
qui
dont il fera par tout ressentir les effects :
et de qui le renom, et la gloire, et les charmes
pourront plus sur les
armes,
que le sanglant acier sur ceux
Car offencé de voir
il deffendra des grands la vefve desolee,
p74
et le pauvre orfelin à qui
il leur ira servant et
tellement que leur bien naissant de leur misere,
ce sera leur bon-heur que manquer de support.
Il bannira de luy le traistre et le perfide :
vengera sans pitié sur la dextre homicide
le sang de
et fera
estre à tort affligé soit un mal desirable,
et sujet
Vive donc à jamais son los et sa memoire :
et vive sa grandeur riche
de
Que toute ame icy bas le benisse et le loüe,
face pour luy des
son regne estre le nom
Mille forests
flotteront au sommet des costes moins fecondes,
sembleront imiter les grands bois du Liban :
et les peuples heureux fleuriront dans les villes,
comme on voit fleurir
quand avril rajeunit le visage de
Soit sa gloire icy bas incessamment benie :
soit
p75
et
Que tout cet univers en son nom se benisse,
et
bien-heureux en soy-mesme, et chacun bien-heurant.
Mais sur tout, ô seigneur, le los de tes merveilles
Ligne 1 986 ⟶ 1 988 :
ce nom de qui les rois tiennent leur majesté.
Tout est plein de ta gloire, aussi tout la publie :
car mesme, quand
sa propre ingratitude éleve ta bonté.
PARAPHRASE PSEAUME 43
Mon
y conçoit en
de conter pour premier un que nul ne seconde.
Desja tant de vitesse empenne mes propos,
p76
de la plume
comme
mais un divin esprit les dictant à ma main,
et la verité seule en estant
ô roy de qui la vraye et parfaite beauté
qui rend si glorieux le renom de tes armes ;
que de faveurs du ciel Dieu te fait recevoir !
Et que sa grace a mis en tes mains de pouvoir !
En ton
Ceins, valeureux guerrier, ceins autour de tes reins
ceste fameuse espee à qui
a tant acquis de nom, de puissance, et de gloire :
fais en vivre sans fin et la vaillance et
et consacre à jamais son heureuse valeur,
en paix, à
flambent de diamants alliez aux rubis,
mais ce qui
eux :
semblables à ces flots richement sablonneux
de qui, pour le seul or,
Toy que le tout-puissant a luy mesme vestu
p77
Ligne 2 033 ⟶ 2 035 :
dont tu conduit le frein qui regit tes provinces.
Ce sont les ornements qui font que ta grandeur
reluit toute de gloire, et de puissance et
conjoints à ceste auguste et fameuse vaillance,
qui sans crainte en
a produit de ta main des faits si merveilleux,
que presque la merveille en destruit la creance.
Tels effects de vertu par la terre annoncez
te sont comme des traits vivement élancez,
dont
ils percent tous les
et frappent tes sujets quand et tes ennemis :
mais les uns
ô dieu que ton honneur
Ton throsne se verra des ans victorieux :
ton sceptre aura le nom
tes plus pesantes loix deviendront un doux faix :
tu verras
en paix avecques tout, fors avecques le vice.
Car tu
le vice te desplaist ; tu hais la cruauté :
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tu cheris la raison ; tu defends
ton
Qui
mais qui
Aussi, Dieu
comme
afin que la constance et force de ton
luitant contre nos maux pour
incessamment
De là vient que le nom de tes faits genereux
te publiant si doux, si grand, si valeureux,
et desja ta loüange estant par tout semee,
telle odeur que
lors que
telle odeur par le monde épand ta renommee.
Regarde aussi quel heur fleurit entre tes mains,
il flechit sous tes loix cent millions
le sein de tes palais brille
leur superbe artifice estonne
encor que ressentant
leur hoste, et non leur or, soit le plus de leur gloire.
Les filles des grands ducs y font de tous costez
reluire en ton honneur
p79
et le feu dont leur oeil plus doucement éclaire.
Ton seul contentement est
leurs yeux ont pour toy seul des charmes et des feux,
et ne leur plaisent point
plaire.
La royne est à tes flancs, ceinte pompeusement
des superbes replis
et de maints diamants formez en diadéme :
elle est toute paree et de perles et
mais sa chaste beauté la parant mieux encor,
fait
Aussi te la donnant apres tant de bon-heur,
le ciel a couronné ta joye et ton honneur
tu la rends grande royne, elle toy prince heureux :
elle ayme ta valeur, toy son
sa grandeur est en toy, ta richesse est en elle.
ô belle et chaste royne, exemple de nos jours,
preste un peu maintenant
et la sage faveur de ceste ame royale,
dont le clair jugement orne tant la bonté,
que nul sur qui le ciel respande sa clarté,
en
Desormais, sage royne, il te faut effacer
et patrie et parents du fonds de ton penser,
p80
pour ce vaillant monarque à qui tu
quoy que tu sois issuë et de ducs florissants,
et de grands empereurs, qui justes et puissants
parmy tout
Car ce prince invaincu, ton espoux et ton roy,
ne voit rien icy bas
ny dont il prise tant les vertus et les graces.
Ses yeux rendent tousjours son
car les autres objects
ne luy font que monstrer combien tu les surpasses.
Continuë à luy rendre et cet honneur sans fard,
et ce parfaict amour despoüillé de tout art,
dont ta vertu le lie en ses
et par ta patience et constance et douceur,
poursuy de posseder ton juste possesseur,
puis que le seul amour vainq les
Demeurant à jamais le
autant tien par
tu verras les plus grands humbles te rendre hommage :
un seul de tes regards ou destruire, ou sauver :
et chacun, pour le sort qui luy doit arriver,
regarder en tremblant
Ny les perles ny
font voller nos vaisseaux aux havres estrangers,
p81
ny les plus riches dons
ne te manqueront point des princes plus fameux,
qui de tous les thresors de
Aussi brilleras-tu
comme le ciel de feux la nuit
quand le serein de
bien que quelque ornement qui te pare au dehors,
au dedans soit ta gloire, au dedans tes thresors,
estans mille vertus les perles de ton ame.
Souviens-toy
comme espouse
tu luy fus amenee entre maintes princesses,
qui mesme quand leur pompe honoroit ton convoy,
ne sembloient en grandeur que femmes devant toy :
bien
deesses.
Un aimable esquadron te suivoit pas à pas,
qui
eust peu des plus vaillants emporter la victoire :
mais de quelque sujet
si le vaincu sans plus eust eu des yeux au
jamais autre que toy
Là, les dames
là, tes filles encor en leur ordre marchoient ;
p82
beautez (
Tout
et de tous les costez, ou la veuë, ou la voix
tiroit
Entre tant
tu fus conduitte au temple és mains de ton espoux,
afin
et là, pleine
tu te donnas à luy, tu le ravis à soy ;
Mais
afin
ton pouvoir
et touchant maintenant au midy de son tour,
pour
En vertu de ce bien qui
au lieu des puissants ducs qui furent tes ayeux,
il
enfants qui desormais, par les celestes loix,
ne peuvent estre au monde autres princes que rois,
ny rois
Puissent-ils en tenir le sceptre entre leurs mains,
justes, vaillants, heureux, devots, sages, humains,
p83
rendants tout
et de tant
ce
Moy puissé-je envoyer ton renom et le leur,
et le tien, ô grand roy, nostre gloire en valeur,
Puisse la main divine à jamais vous benir ;
et la publique voix des siecles advenir
estre un jour sous mes chants
loüanges.
Ligne 2 202 ⟶ 2 204 :
p84
Entre tant de grands rois que
et de qui la prudence a regy cet empire,
plantant avec le fer ses bornes plus avant,
et par les bonnes loix en paix le conservant,
celuy qui couronné
luist de plus saincts rayons de grandeur et de gloire,
et pour avoir le monde au monde surmonté,
du clair sang de Bourbon la celeste lumiere,
ce fameux Sainct Loys, le patron des bons rois,
qui
qui signala sa vie en tant
faisant trembler
terre,
p85
Ligne 2 221 ⟶ 2 223 :
et qui pour delivrer de la chaine et des fers
les champs où nostre Dieu destruisit les enfers,
guida la France armee aux rives de
Quand je ly ses vertus, et les faicts genereux
qui
et qui font que sa gloire icy bas se renomme :
je ne les juge point ouvrages
ains de quelque ange sainct
vestu,
pour monstrer aux mortels les pas de la vertu :
de qui les grandes courts sont fatales nourrices,
parmy des voluptez qui de leur doux appas
trompant les plus accorts les meinent au trespas,
un roy tenant la bride à son pouvoir suprême,
que la raison defende au genereux desir,
ains que tousjours son ame ait la vertu suivie,
Ligne 2 242 ⟶ 2 244 :
Car il ne fut jamais de roy plus accomply,
ny de qui le courage ait plus esté remply
des augustes vertus
en la main qui conduit les resnes
Et quand le ciel luy-mesme ouvrant tous ses thresors,
et meslant tous les dons de
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voudroit mouler un prince à la race mortelle
digne de gouverner la terre universelle :
il
un plus digne de prendre en ses royales mains
pour le commun salut le gouvernail du monde,
durant une saison en orages feconde :
tant
lors
conjoignit en son
a la crainte des dieux
vertus qui font regner és empires mortels
la seureté publique, et
servent de fondement aux grandes republiques :
donnent aux puissans rois des sceptres pacifiques :
font que de leurs sujets ils sont crains et cheris :
que la main tout-puissante épandant sur leur face
une douce terreur qui les vices menace,
Ligne 2 269 ⟶ 2 271 :
les bons craignent pour eux, et sont craints des
méchans.
ô combien son grand
de
Lors que plein de constance il osa tesmoigner
que regnant pour celuy qui le faisoit regner,
ces deux divines
desseins,
estoient de son conseil les oracles plus saincts,
Ligne 2 281 ⟶ 2 283 :
et le guidoient ainsi par la mer de ce monde
que la boussole guide un vaisseau dessus
Elles deux
luy firent dédaigner,
les rois qui se parans
regnoient sur tout le monde excepté sur eux-mesmes :
par
et par
par
il fist que son pouvoir se retint de mal faire :
et par
il en retint son peuple, et vit durant ses jours
le bon-heur de la paix florir en son royaume
et dans les palais
chaume.
Il
et mit entre les mains de sa virile enfance
le glorieux fardeau du grand sceptre de France :
Ligne 2 306 ⟶ 2 308 :
donnent des fruits pareils en grosseur et bonté
à ceux dont les rameaux ont maint lustre conté :
monstrans que Dieu reçoit et benit leurs premices :
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de mesme, sa vertu produisoit des effects
démentans les tesmoins de son tendre et bas âge,
et prouvans
soit à la volupté, dédaignant ses appas ;
soit aux perils futurs, méprisant le trespas ;
soit à ses passions, leur faisant resistance ;
soit aux malheurs humains, estant plein de constance,
car autant que son
et que dessous ses loix en crainte il flechissoit,
autant
par dessus la fortune, et
des vanitez du monde, à qui sont adressez
les plus ardants desirs des mortels insensez :
de
et portant cet oracle escrit en son penser,
que le roy qui craint Dieu, le servant sans se
Ligne 2 332 ⟶ 2 334 :
ne doit rien craindre au monde, et de tout se voit
craindre :
ou celuy qui sa crainte en son ame
se voit presque tout craindre, et de nul
creint.
Muny de ce penser, comme de fortes armes
sur qui
il bravoit les perils assaillans sa valeur,
et ceste ame tranquille au plus fort
que donne à des enfans leur humeur peu sensible,
la vertu la donnoit à ce
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le rendant desja tel que par
Hercule est exprimé, lors
poursuivy de Junon, les monstres il assomme,
Il le fit bien paroistre à ces princes mutins,
qui faisans peu de cas de ses ans enfantins,
Ligne 2 352 ⟶ 2 354 :
troubloient tout son estat de rebelles menees,
munissoient contre luy ses villes et ses forts,
quand pour guarir ce mal par un mal necessaire
avant
le coutelas au poing, il prevint leurs assaux,
et bravant leur manda, que comme ses vassaux
ils vinssent desarmez luy rendre obeissance,
ou bien comme ennemis combattre sa puissance :
françois :
que
la vengeance et
et des maux qui suivoient leur rebelle entreprise :
que
et
si leur aveugle esprit de
ils trouveroient en
honte.
Que peut un brave mot de la bouche
Ce propos leur versa dans
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ne rendist pas deslors leur frenaisie estainte :
si la vit-on depuis tous les jours
et sa flamme en fumee en fin se convertir :
eux, de qui la fureur songeoit des diadêmes,
leur cause abandonner,
se desunir
chassant le vain espoir qui
de bonne heure appliquer au mal de son offense,
pour remede asseuré, la royale clemence :
les autres redoutans
aller chercher secours en la main des anglois :
colorer leur forfait de serviles excuses :
armer
mais en fin, ces moyens croissans leur deshonneur,
autant que de bon droit dépourveus de bon-heur,
Ligne 2 397 ⟶ 2 399 :
firent encontre luy, sous leurs fiers estendarts,
marcher tant de forests de lances et de dards ?
La France et
avoient sur la Saintonge épandu leurs armees :
p91
et de là les anglois se hastoient de voler :
la Charante opposant, ainsi que deux barrieres,
Ligne 2 409 ⟶ 2 411 :
dont la perte ou le gain sembloit, outre la gloire,
promettre ou refuser le prix de la victoire.
fierement regentant les plaines
à la palme asseuree alloit par ceste voye :
quand le roy le premier sur le pont
et
surmonte en ce combat la memoire
de morts et de blessez pave toute la place :
rend le courage aux siens de peur desja blesmis :
arreste la victoire allant aux ennemis ;
et comme si
soustient presque tout seul le faix de la bataille,
servant
que le combat luy lance et de loin et de prés,
cependant que son camp imitant son courage
gaigne avecques le fer le reste du passage.
prévoit bien que ce jour luy sera malheureux :
p92
se sent de
ne pense plus à vaincre, ains à sauver sa vie :
le roy poursuit sa pointe, et
charge avec tous les siens ce camp espouvanté :
y jette le desordre, en destruit la conduitte :
met les vaillans à mort, et les lasches en fuitte :
bref, pour
que son bras fut à vaincre, en peu
conquit
la palme toute entiere à
du sang de ses guerriers ou point ou peu tachee.
Mais comme par
dont aux yeux de la France il avoit combattu
sa valeur en vainquant fist reluire sa gloire,
sa bonté se fist voir usant de la victoire.
Car de deux ennemis contre luy conjurez
qui
et
ceste sanglante attainte abbattit contre terre,
une trefve sauvast les ais de son naufrage,
ny
que ce genereux roy tirant soudain la bride
au courroux qui rendoit sa victoire homicide,
et
p93
le crime du poison que la haine et
avoient en leur fureur brassé contre sa vie.
Qui pourroit raconter, qui pourroit taire aussi
les illustres vertus dont son los éclaircy
fist par tout
apres que les broüillas de la saison premiere
furent tous dissipez par les rayons luisans
lors que voyant la paix florir dedans sa terre,
aux vices de son regne il denonça la guerre ?
Ligne 2 476 ⟶ 2 478 :
Sa vie est une image où les traits des plus saints
des plus sainctes vertus sont vivement dépaints :
et comme
le desir est loüable, et
autant inimitable en estant la beauté
aussi vouloir au vif ses merveilles dépeindre,
et se mettre au hazard, comme un mauvais sonneur,
Ses beaux faits sont écrits és annales celestes,
p94
Ligne 2 491 ⟶ 2 493 :
sont encor entendus sa memoire vanter :
et là le fameux nom du grand Loys Neufiesme
ne regnerent jamais dedans
plus saint, plus craignant Dieu, plus abhorrant le
vice
qui paroist le servir, et destruit son service :
plus desireux de voir le seul bien se priser :
la puissance de Christ
et sur
dresser un triomphant et glorieux trophee.
Bruslant de ce desir il planta par deux fois
sur les bords africains
donna sa vie en proye aux hazards de la guerre :
tenta mille dangers et par mer et par terre :
Ligne 2 512 ⟶ 2 514 :
achevez outre mer par son bras valeureux :
le sac de Damiette, et le sanglant ravage
de la mer et du Nil, jonchant trois fois ses bords
de chevaux infinis et de barbares morts :
Ligne 2 518 ⟶ 2 520 :
le grand siege du Caire, où la victoire acquise
se convertit en dueil par
la saincte majesté que du thrône des cieux
Dieu fist descendre en terre et
quand deux mahometans qui portoient leurs espees
du sang de leur soudan encor toutes trempees,
Ligne 2 529 ⟶ 2 531 :
son voyage en Libye, où ce grand champion
fut encor à Carthage un second Scipion :
le laurier
vaillamment couronnant sa vie et ses fortunes :
bref, tenter le recit de tant
ce seroit un dessein de qui le pesant faix
iroit trop surpassant les forces de mon ame :
et pour dignement tistre une si grande trame,
il faudroit que la main
avec un fil tout
Quant à moy, rejettant
qui nous vient
je tiendray mon labeur
si le parlant pinceau,
pour colorer les vers, sçait dignement portraire
les rayons moins luisans dont sa memoire éclaire.
Ligne 2 551 ⟶ 2 553 :
comme estans plus que moy du ciel favorisez,
je diray bassement les lauriers moins prisez
et travaillant sa vie en divins exercices.
Car comme je ne puis sa vaillance exprimer,
aussi ne puis-je voir le silence enfermer
sous les muettes clefs
le soin religieux, et le zele admirable
qui luy fist desirer, dés sa jeune saison,
Car en ceste vertu nulle grandeur royale
ne
Non pource
que le sauveur du monde entre infinis tourmens
arrousa de son sang, et dont encor la veuë,
mais pource
il se rongeoit le
ains brusloit
de ne voir commander en la nef de
que des sages, sçavans, et soigneux matelots,
qui peussent faire teste à
et par leurs saincts labeurs
des ondes et des vents conspirants son naufrage.
Devoré de ce zele, et craignant en son
de se voir reprocher par la saincte rigueur
p97
des jugemens divins, le vice et
de ceux
pour bergers des troupeaux soubmis à son pouvoir :
quand son devoir royal
avec un soin extréme il épluchoit leur vie,
encor
et
qui du temple de Dieu sont les thrônes sacrez,
que ceux qui conjoignans à
la doctrine eminente, et la gloire du livre,
sçavoient en vigilans et fideles pasteurs
Ligne 2 591 ⟶ 2 593 :
et soigneux dispenser la celeste pasture
aux troupeaux du seigneur manquans de nourriture :
non ceux qui
ou
faisoit trouver pareils aux Mercures antiques
assis pres des chemins pour addresses publiques,
Ligne 2 598 ⟶ 2 600 :
du doigt monstroient la voye, et ne la suivoient pas.
Comment pourroient servir de conduite et de phare
à
ceux de qui
ne peut les droits chemins discerner des tortus ?
Ou comment guariroient
que
les eloquents discours de ceux dont les esprits,
ayans en bien-disant le bien faire à mespris,
Ligne 2 610 ⟶ 2 612 :
et font que leurs conseils sont des contes frivoles ?
Non, le sçavant esprit despoüillé de vertu,
ny le
ne peut dans le troupeau que le sauveur allaite
porter le faix sacré de la saincte houlette,
avec
ceux qui cherchent à voir la gloire en prosperer.
Il faut
pour dignement regir sa saincte bergerie.
En vain de son honneur feignants
nous parlons en pasteurs quand nous vivons en loups.
Ainsi disoit ce prince, et le mesme courage
qui luy tiroit du sein ce vertueux langage
la foy victorieuse, et par
la vigne du seigneur dignement cultivee.
Le soin de voir fleurir la majesté des loix,
et ce qui fait regner la puissance des rois,
ne rendoit pas son
de ceux
quand du glaive public armant leurs justes bras,
il les faisoit assoir au rang des magistrats
luisans
sur les saincts tribunaux de
p99
Les rois ses devanciers de leur gré consentans,
ou cedans par contrainte au malheur de leur tans
qui jugeoit la richesse et
faisoient de ces estats un trafic miserable :
et ne regardoient point
le bon droit,
de piller leurs subjets sous ombre de defence,
et que
ce que du plus entier la vertu meritoit.
Luy, voyant cet abus ouvrir ainsi la porte
aux lamentables maux que
le méchant se sauver, perir
le bon droit ne servir, le tort ne nuire en rien,
mais la seule faveur, sous une robbe feinte,
regner és jugemens sur la raison esteinte :
la justice au palais sa balance employer
a peser, non le droit, mais
soüiller leur saincteté
et revendre sans honte ou respect
ce
bref, voyant son estat prest à faire naufrage,
les publiques larcins de tout fein debridez,
non seulement permis ains mesme commandez,
Ligne 2 665 ⟶ 2 667 :
p100
soigneux il exila de
ceste fatale mort des lettres et des loix :
imitant du sauveur le magnanime exemple
Ligne 2 671 ⟶ 2 673 :
temple.
Que si lors quelque esprit remply de pieté,
joignant la suffisance avec
luy faisoit esperer
la vefve et
que du bon droit du pauvre il seroit le sauveur :
que sans mains aux presens, sans yeux à la faveur,
constant à la menace, et sourd à la priere,
il mettroit toute haine et tout amour arriere,
quand, ainsi
où
donnoit pour magistrat aux
honoré de la charge à qui
les mysteres plus saincts du temple de Themis.
Desirable saison, mais en vain desiree,
que le mespris de
ô combien sous les loix
ton cours estoit paisible, et tes peuples heureux !
Et luy digne de voir la terre universelle
rendre malgré les ans sa loüange eternelle !
Par luy
et par luy les arrests cessans lors
au lieu que maintenant la faveur les prophane,
l’organe.
p101
Aussi
contre
qui
et
ne veut point cultiver la vertu pour neant.
Car sçachant
vices
plus de pyrrhes nouveaux que de seconds Fabrices,
et craignant sagement que la faim
ne fist outrepasser les bornes du devoir
à ceux
pour se rendre en justice aux peuples admirables :
il armoit leur vertu contre la pauvreté
faisant secrette guerre à leur integrité,
de loyers qui pouvoyent forcer la tyrannie
dont les cruelles loix
brisant toute autre loy de leur sceptre de fer,
des plus nobles esprits se sentent triompher.
Et puis si la faveur, la haine, ou
tiroit
il chastioit leur faute avec tant de rigueur,
que les loix recouvrant leur antique vigueur,
Ligne 2 723 ⟶ 2 725 :
qui fit asseoir le fils sur la peau de son pere
justement écorché, bien que barbarement,
pour
Son
sur tous autres forfaits le meurtre et le blaspheme :
p102
aussi
dont sa vie attaquee avoit esté contrainte
qui du blasphemateur la langue outre-perçant,
apprenoit pour jamais à la bouche coulpable
Ligne 2 738 ⟶ 2 740 :
qui dans le ciel, sur terre, et sous terre adoré,
est par les anges mesme en tremblant proferé.
ô
où Venus est venale aux débauches publiques !
Le pasteur qui descouvre une engeance
sous un monceau pierreux
ne leur va point menant une plus aspre guerre,
desolant leur maison
de menaçantes loix, et
Il en bailloit le toict à devorer aux flames :
il en faisoit razer les murailles infames :
et
celles
estant son
que (si
onc nuls embrassemens ne luy furent cogneus,
sinon ceux
Quel prince fut jamais sur la terre habitable
plus que ce grand monarque aux pauvres secourable ?
p103
Maints rois
rendent par
brident de sainctes loix la populaire audace :
laissent de leur prudence une eternelle trace ;
et gaignent tout
par les arts de la paix, et par ceux des combats :
mais peu daignent tourner leur superbe paupiere
vers le pauvre estendu sur la vile poussiere,
et penser
gemissant
se lamente à nos pieds de la faim qui
et promet pour du pain le celeste heritage.
ô
eloignoit bien ses pas de vostre cruauté :
car souvent descendant du plus haut de son thrône
pour semer et cueillir les saincts fruicts de
l’aumône,
tout ce que la conduitte égalant la splendeur
dont sa maison ornoit son auguste grandeur,
soustrayoit par
il
pour ceux qui languissoient pauvres, vieux, et
mal-sains,
ayder la triste veufve à qui
estoit sujet de plainte et surcroist de misere :
racheter des captifs : doter la chasteté
Ligne 2 792 ⟶ 2 794 :
nourrir des orphelins, et ceux qui souffreteux,
couvrans leur propre mal
estouffoient en secret en leurs chetives coûches
les souspirs que la faim arrachoit de leurs bouches :
brief, ne respandre pas sur le pauvre en langueur
moins
ains monstrer
le souvenir
Il aymoit tant son peuple et
que
dont la chetive France à toute heure affligee,
par les rois ses ayeux avoit esté chargee,
il souloit de ses pleurs son visage arrouser,
quand le besoin pressant le forçoit
sur ses foibles sujets quelque charge nouvelle,
tant juste, ou necessaire, ou legere fust elle,
ce
et seulement alors que Bellone excitoit
contre les lis dorez quelque orage de guerre,
de ceux qui font tomber les couronnes par terre.
Car quant à la despense ornant la dignité
qui
il ne la puisoit point dans une autre fontaine
detestant
qui pour dorer
accabloient leurs sujets de tributs tyranniques,
et puis les consumans en festins magnifiques,
p105
et se rians de ceux
beuvoient sans nulle horreur en leurs vases dorez
le miserable sang du chetif populaire,
Ligne 2 831 ⟶ 2 833 :
Inhumains, qui de sang ayant les ames teintes,
mauvais pasteurs de peuple écorchez vos troupeaux,
pour changer en draps
Pensez-vous que le ciel qui hait la tyrannie
favorise la vostre ou la laisse impunie ?
Non non, il destruira vostre injuste pouvoir :
et faisant contre vous vos sujets
ce courroux punisseur qui les regnes desole
vous rendra de grands rois petits maistres
brisera vostre sceptre orgueilleux de tributs,
vous en ostant
Ou bien il maudira les cruels artifices
et fera que vostre or fondant en vostre main,
plus vous devorerez et plus vous aurez faim,
nouveaux erisichthons
forcera de se rompre et déchirer soy-mesme,
donnant un chastiment exemplaire et honteux
à cet orgueil impie, à ce
qui chargeant ses sujets
ne tient ny Dieu pour Dieu, ny les hommes pour
hommes.
p106
Mais où
le recit des propos
pressans lors de tributs leurs esclaves provinces,
prononçoit en courroux ce prince des bons princes ?
Reprenons, reprenons le fil de nostre chant :
laissons à part le vice, et plustost le cachant
que
retournons aux vertus dont nous chantons la gloire.
ô
aux statuts que le ciel propose à son devoir
ne
il a soin de son peuple, et paye en
ce que tout grand monarque à Dieu va promettant
quand le manteau royal, sous maints sacrez mysteres,
entre les cris de joye, et les
ceux qui sont dénuez des plus rares vertus !
De tels rois qui prenans la raison pour escorte
mesurent leur grandeur aux fruits
non à
non aux peuples divers sous leur joug fléchissans,
estoit
nous payons ce
Car joüissant en paix
il ne laissoit perir la clarté
sans donner audience, et
verser sur ses sujets les fruits de sa justice :
p107
Ligne 2 885 ⟶ 2 887 :
regrettant en son ame, et tenant pour perdus
ceux que moins dignement il avoit despendus :
certain que de
dont
en escoute la plainte, et juste a soucy
le seigneur le regarde, et le ciel oit ses
que ce pompeux, illustre, et glorieux servage
ne se deust appeller, le nommant proprement,
que les rois furent faits pour les peuples du monde,
non les peuples pour eux : et si la terre et
adore leur grandeur, des loix
que
mais à la voix du peuple, et des ames qui vivent
sous
bref, que
le travail est la gloire, et le soin la grandeur.
De tels enseignemens la vertu maternelle,
entre mille travaux,
et luy qui les receut en son royal esprit,
homme alloit pratiquant ce
escoutant du plus vil la requeste et la plainte,
et sage preferant une peine si sainte
au plus doux passe-temps que son
entre tant que la vie offroit à son desir.
Aussi de tous costez oyoit-on par la France
Ligne 2 913 ⟶ 2 915 :
p108
de
comme si ce souhait consommant leur priere,
eust compris tous les
coustumiere
luy demandant la paix, la riche liberté,
la publique abondance, et tous les biens
fait germer dans le sein
Quels traits, quelles couleurs animans les discours,
pourront representer aux princes de nos jours,
ceste integrité
dont
ne
ains que chacun remarque en ce
comme admirable à tous, mais à nul imitable ?
pour
jadis a veu des rois cheminans sur les traces
des tyrans plus fameux, qui par fieres menaces,
et par tout ce
retenoient leurs sujets de reprendre leur vie,
bien
Mais ce genereux roy tousjours tousjours marchant
par la voye incognuë aux erres du meschant,
p109
donnant si peu de prise aux plus aigres esprits,
et
ne se consumer point
que du desir de voir tous librement oser,
et nul ne le pouvoir justement accuser.
Flateurs envenimans les ames par
pernicieuse engeance aux lierres pareille,
qui destruisant en fin ce que vous embrassez,
de repas si mortels les vices nourrissez,
miserable
pestes de la vertu, faux masques de la foy,
vous estiez mal venus aupres de ce grand roy,
Ligne 2 962 ⟶ 2 964 :
et comme empoisonneurs de publiques fontaines
vous ayant en horreur, eust plustost souhaitté
tant un
aymant le vray honneur, hait la fausse loüange.
du plaisir que
quand
ce que
p110
par les divins discours des sacrez testamens,
où
Dieu distribue aux siens le celeste heritage !
Ce
dont les graces
se peut dire de luy reverant les miracles
de
il les tenoit enclos comme un riche thresor
dans un coffre odorant de cedre et de fin or :
il les souloit nommer la fleur de ses delices,
Que si le soin public luy laissoit du loisir,
il ne
fait savourer aux
Et bien paroissoit-il par les rares effets
de
ne tomboit point le grain de la saincte parole.
Car si jamais esprit des vices
si jamais entre nous belle ame accompagna
contre
mesprisa les plaisirs du vice
fut debonnaire aux bons et severe aux méchans,
ce fut ce brave prince, à qui plus est semblable
Ligne 3 001 ⟶ 3 003 :
p111
Les rois qui de son temps
le reverans pour tel sa grandeur benissoient :
les affligez
les puissans pour amy, les contendans pour juge,
lors
par la voye usitee à la fureur des rois,
à qui les durs combats ensanglantans les plaines
tiennent le lieu
ains qui contre
et par
(soit ou leur sceptre en guerre, ou leur terre
usurpee)
la raison en la force, et la paix en
Or est-ce
ceste illustre famille, aux vertus si bien nee,
qui depuis deux cens ans de lauriers couronnee,
levant plus haut son chef le ceint à ceste fois
du diadéme
Celuy qui
establit ou fait choir tous les thrônes du monde,
en vueille
et
autant heureusement ceste saincte couronne
que le droit successif justement la luy donne :
sans que jamais les ans retournans en leur ronds
puissent voir les destins en ceindre
et sa valeur manquer au sceptre de la France,
ou le sceptre françois à sa rare vaillance.
p112
Un fils non supposé
son pere en sa démarche, en sa bouche, en ses yeux,
que ceste race auguste et vrayment legitime
fille
Car soit que le courage on en vueille admirer,
soit la constante foy qui
soit
les ruisseaux en vertus égalent leur fontaine.
Nous en soient pour témoins la vaillance et la foy
pour témoins les vertus de deux grandes princesses
que ce tige royal égale à deux deesses :
Ligne 3 048 ⟶ 3 050 :
que la France regarde, au fort de ses tempestes,
comme astres de bon-heur rayonnans sur leurs testes.
qui comme deux soleils luisent entre les princes,
sont cogneus pour leur gloire és estranges provinces.
Bon roy, premier autheur
où triomphans du monde à jamais trouvent place
ceux qui goustent le bien de voir Dieu face à face,
comba pour tes enfans contre
p113
comble par les effects de ses cruelles armes
ce miserable empire et de sang et de larmes.
Ne vueille point souffrir que
qui faisant de la France à la France un cercueil,
avec tant de fureur la desole et saccage,
Ligne 3 070 ⟶ 3 072 :
mais impetre à leur regne ou des siecles plus calmes,
ou remplissant leurs mains de lauriers et de palmes,
fay que nul ennemy
qui ne voye à leurs pieds son orgueil abbatu,
afin
les reverent en paix et les craignent en guerre.
de ce bien souverain
maintenant que sa grace épandant sur ton ame
les rayons glorieux de ceste heureuse flame
par qui
rend ce que tu requiers garanty de refus.
Obtiens-le donc, grand roy, par tes sainctes prieres :
fay couler dessus nous du pere des lumieres
quelque rayon de grace illuminant
de ces mortelles nuits de volontaire erreur,
où nous font égarer, depuis quarante annees,
des mers
avec si peu
que je croy (si le ciel touché de nos sanglots
p114
quelque rare faveur au besoin ne nous preste)
dont il plaist au destin ce royaume assaillir,
et nous aura veus naistre, et nous verra vieillir.
ô toy qui ces fureurs déchaines ou captives,
qui depars les lauriers, qui depars les olives,
grand dieu,
si nos maux sont encor au milieu de leurs cours,
et
au moins en si perverse et cruelle saison
garanty de méchef ceste auguste maison,
et fay que les malheurs qui combattent sa gloire
servent
ses plus fiers ennemis se renversans à bas,
fameux par leur defaitte et non par leurs combats.
Ce sont
fait devant tes autels avec toute la France,
certain
ta grace a reservé par un sort bien-heureux,
intestine,
ou
Mais quand pour le respect du publique bon-heur
je ne concevrois point ces
reçoit de sa grandeur, jour et nuict me convie
p115
Ligne 3 122 ⟶ 3 124 :
rende ce royal arbre à jamais florissant :
et que sous ses rameaux tous chargez de couronnes
qui du grand fils
Car que peut recevoir
une basse fortune à mon merite égale,
que mon propre desir, de
Que ne doy-je aux vertus de ce prince invincible
qui
Ma langue
sans les diminuer, et succomber au faix
et moins dire en parlant que ne dit mon silence.
Le juste roy des rois qui tient entre ses mains
la recompense deuë aux merites humains,
en vueille en ma faveur les faveurs recognoistre,
monstre et tout ce que
et tout ce que le ciel peut à
sans
y reste à desirer que
et sous luy tous malheurs avorter en naissant :
que son nom seulement luy gaigne des trophees :
que
p116
Ligne 3 153 ⟶ 3 155 :
par le plus vaillant roy qui vestit onc les armes,
decorant leur ruine en console les larmes.
si
le vivant souvenir de la faveur extréme
que
ce modelle accomply de royale douceur
que les dieux en naissant luy donnerent pour
et si je
monstrant en mille vers ses loüanges escrites,
indigne de joüir des rayons du soleil.
Car si quelque repos accompagne ma vie :
Ligne 3 167 ⟶ 3 169 :
je le tient de sa grace apres celle des cieux :
estant comme un bel astre apparuë à mes yeux
pour
autour de mon vaisseau tonnoit plus vehemente,
sans jamais se lasser
que je
Aussi ramentevant
je la beny sans cesse, et nul jour ne se passe
que je ne face au ciel des
le priant que sa main la comble de tant
p117
lune
rien sinon sa vertu
Un prince est maintenant dans le tombeau logé,
à qui tant de bien-faits me font vivre obligé,
car lors
en eternels ennuis je consumois mes jours,
ma fortune ayant fait un malheureux naufrage
en la mort de ce prince à qui
lors que je
que nul astre pour moy
et que le fier destin
ce fut luy le premier qui me tendant la main
et reserva ma vie à plus douce fortune.
Tout le bien souhaittable à
des hostes du tombeau puisse honorer ses os,
les oeillets, et les lis non plus serrez
mais joints à des lauriers dont les vives racines
ne desseichent jamais, ombragent son cercueil,
pendant
dans le jardin des cieux les immortelles roses
de toute eternité pour les anges écloses.
p118
Car il
combien la courtoisie estoit parfaitte en luy,
voulant ceste belle ame, aux affligez propice,
que le salaire en moy precedast le service.
Mais
que je doive honorer de temples et
non chargez nuict et jour de sanglantes victimes,
mais de parlans tableaux où ses faits magnanimes
vivent en mille traits de merveilles remplis,
qui sage, et valeureux enrichis la memoire
du sang de Montpensier
et de qui la vertu reluit si clairement
que
ornement.
Quel dieu
afin
de forcer mon desastre, et vaincre sa rigueur
par le rare bienfait dont juste et favorable
tu
ô genereux esprits ; je crain que
pour me voir sans espoir
ceste extreme bonté
tant elle part
si tost
des
p119
la marque
et
Car ce
trompé du vain espoir qui paist les courtisans,
au service des rois et des grands de la France
qui
ta grace, en un seul jour, me
de ceste heureuse main qui
et qui se plaist autant à semer des bien-faicts,
que
offrande,
pour le moins ce que peut un
je le paye à ton nom, ressentant, confessant,
publiant tes bien-faits, et
Gange
essayant de pousser le bruit de ta loüange,
encor que ton genie, au bien du tout voüé,
cherche
Aussi me monstreroy-je avoir une ame impie,
ou
si sentant mon esprit devoir à ta grandeur
plus
je ne faisois point voir, pour le moins de parolle,
que rien à mon penser la memoire
p120
et
les royales vertus qui florissent en toy :
afin de témoigner
puis que le petit champ
luy produit pour le moins quelques roses
Bien sçay-je que payant ce prix à ton merite,
en termes bas et lourds ma langue
mais vaincu des bien-faits dont tu
grossier en mon parler
et plustost
Vienne doncques ma fin à pas lents ou hastez,
et soient mes vers un jour mesprisez ou vantez,
Ligne 3 282 ⟶ 3 284 :
de ce logis mortel, je te loüeray sans cesse,
consacrant à ton nom les plus rares douceurs
du fruit que je ramasse aux jardins des neuf
ainsi
de qui jamais la parque ait devidé la trame.
Car je ne pense point
de ces nobles vertus et vrayment heroïques
ny ne croy point
qui
p121
Ligne 3 296 ⟶ 3 298 :
sommes,
ce qui rend les humains plus hommes et plus
qu’hommes :
qui mieux scache, en fuyant les indignes plaisirs,
donner à la raison le frein de ses desirs :
qui plein de vive foy plus humblement encline
sa mortelle puissance aux pieds de la divine :
qui
monstrant sa courtoisie égale à sa grandeur,
plus
et sur elle
qui brusle
qui mieux prouve aux esprits se fians en sa foy
que peut
qui ses propres bien-faits plus promptement oublie :
et qui daigne en son
des services
Il
aiguillonnent
qui vendans leurs bien-faits plustost
donnent
veulent
soient des arcs triomphaux à leur gloire erigez :
desirent
en leur donnant du bien les privent de franchise :
et par les vains honneurs demandez pour tribut
monstrans bien la vertu
que regardent les traits des desirs
craignent de faire bien sans tesmoins qui le vantent,
comme aspirants plustost à
de sembler liberaux que de
p122
Mais ce
et qui, sans en attendre au monde autre salaire
que le bien-faire mesme, abhorre en obligeant
ce
dissimulant plustost et cachant la splendeur
de ses illustres dons
comme si sa belle ame en courtoisie extréme,
croyoit en bien-faisant faire bien à soy-mesme.
Aussi rendant par là son merite augmenté
fait-il tant plus fleurir
car lors que secourant les ames oppressees
il satisfait aux
et
il fait
et moins il la desire, et plus il la merite.
Mais
et pour finir mon chant mes ans seroient trop cours,
si proposant aux grands pour eternel exemple
la beauté des vertus dont ton ame est le temple,
et par tout
Les cieux (aymable prince) ont orné ta jeunesse
de si glorieux traits de constante sagesse,
Ligne 3 356 ⟶ 3 358 :
de pieté, de foy, de bonté, de valeur,
que les muses
entre celles dont
qui dignement en puisse exprimer la peinture :
tant
vain,
une plume vulgaire, un vulgaire escrivain
puisse representer une beauté si rare,
et
fait resserrer la voile et rechercher le port,
de peur
un naufrage à la fin
au pied de ce tableau, tesmoin de mon devoir,
les plus vertueux rendre à tes vertus hommage,
sous le portrait
Car si
comparable au grand roy qui respire en ces vers,
l’ensuivre
fais
Aussi, comme à son sang, et
je
tant à fin de monstrer que ta douceur exprime
p124
et
mon
autant
et sans idolatrie un autre homme adorer.
Ligne 3 394 ⟶ 3 396 :
Tandis que la fureur du plus cruel orage
qui menaça jamais un estat de naufrage,
tempeste en ce royaume, ainsi
et tandis que les
combattent sans effect contre sa violence,
qui superbe
patron et gouvernail, et mast, et matelots,
bouleverse à son gré dessus
la miserable nef en ce poinct desarmee,
laissant pour dernier ancre aux plus fermes esprits
Ligne 3 406 ⟶ 3 408 :
moy cependant couvert de la main secourable
dont un genereux prince aux muses favorable,
me retirant des flots, soigneux
maintenant en repos je passe icy ma vie,
et malgré les malheurs dont elle est poursuivie,
p125
je regarde à
retiré sous
Icy coulent sans peur et la nuict et le jour :
icy la douce paix semble faire sejour,
Ligne 3 422 ⟶ 3 424 :
Icy ces bruits menteurs qui des plus advisez
remplissent tous les jours les esprits abusez
ne viennent point tromper nos ames de leur feinte :
ou si pour nous charger
le démon qui regit ceste douce demeure
ne permet point
ains
et des discours plus gais qui regnent parmy nous.
Non autrement
dedans
y defend au terroir
et si quelques vaisseaux par les ondes rampans
en y portent du sein de quelque autre contree,
fait que vaincus de
Icy pendent muets, donnans repos à
ces meurtriers instrumens que le feu fait parler :
p126
Ligne 3 445 ⟶ 3 447 :
ou sur les animaux habitans aux forests,
ou sur les passagers volans par les marests,
oyseaux demy-poissons, de qui
fait cueillir du plaisir mesme au
Icy ce bruit tonnant dont on oit nos tambours
changer le guet des nuits à la garde des jours,
ne rompt point en sursaut
qui si doux au matin charme
ains un muet silence y nourrit le sommeil
de son jus de pavots sous les voiles de
depuis
fait
le soleil visiter sa dixiesme maison.
Bref, la paix, le repos, et la simple abondance
Ligne 3 468 ⟶ 3 470 :
porte de raisins blancs la teste environnee.
Aussi le jeu, la joye, et les doux passe-temps
qui
p127
entre mille plaisirs font icy leur demeure,
tandis
Et ce qui rend ce lieu de tant
qui creintive à la guerre, et hardie au pillage,
tous les bourgs
ne fait point éprouver à ceste terre icy
ce que peut la licence en un
à qui
arme
Ce bien, cause des biens qui nous vont bien-heurant,
fait voir le poulet
parmy les bassecours des maisons mesnageres,
en croissant parvenir à
puis ayant accomply les ans de son destin,
par un jour solemnel honorer le festin
que son maistre soigneux à ses amis appreste,
comme une hostie offerte en
Ce bien rend nos logis de meubles decorez :
fait voir encore au soir, quand les rayons dorez
Ligne 3 494 ⟶ 3 496 :
maints troupeaux retourner de la plaine voisine :
bref, ne nous donnant point pour butin aux voleurs,
et cachant à nos yeux
qui saccagent la France et la trempent de larmes,
nous tient en tel repos, que sans le bruit des
Ligne 3 504 ⟶ 3 506 :
bien souvent nostre esprit deceu par les delices
du repos dont il suit les oyseux exercices,
penseroit vivre encor en
que la paix nous rendoit si doux et si plaisans.
Ah combien il
le sort de nos voisins habitans la campagne
qui manquent de support, et
un bouclier qui les couvre et sauve de tels coups !
Las ! Ces pauvres chetifs gemissent et lamentent
Ligne 3 519 ⟶ 3 521 :
qui ne sentist mollir son courage felon,
voyant de quels tourmens leur vie est affligee
par des
sous le nom de soldat és trouppes forcenant,
va
Ces loups pleins de fureur, vestus
exerçans de froid sang des cruautez enormes
par tout où quelque armee à ses flots débordez,
ont si barbarement tous les champs brigandez,
fumans encor du feu dont ils furent la proye :
et ne peut maintenant
le soldat qui les passe y repaistre sa faim,
p129
les bourgs deshabitez, et les plaines desertes.
Car le renom des maux
a semé tant de crainte au sein du laboureur,
entre en quelque bourgade où leur rage est conneuë,
on voit avec le bien qui peut estre emporté
Ligne 3 542 ⟶ 3 544 :
criant, et gemissant, et pour toute allegeance
appellant à longs cris la celeste vengeance.
ne sçachant où fuir, erre à pas égarez :
ait porté sa furie et ses meurtres ailleurs :
et tout sanglant encor de quelque neuve playe,
laissant enfans et femme à leur fiere mercy,
Ligne 3 556 ⟶ 3 558 :
Maudite ambition, cause de ces douleurs,
que ta triste semence est feconde en malheurs !
Rien
les temples bien souvent sentent leurs mains avares ;
p130
monstrans
puis
Le malheureux qui tombe en leur main implacable,
autant
Il a contre leur chef son poignard aguisé,
si du mal
ses malheureux moyens luy tenans lieu
et sa seule rançon estant son innocence.
ou
en vain et la priere et la plainte
leur fierté qui sçait bien que sa proye est sa paye,
est sourde à tous propos de grace et
et leurs ames
Les maux
où les va conduisant la fureur de ces guerres :
les larmes du pauvre homme eschapé de leurs mains :
Ligne 3 580 ⟶ 3 582 :
inhumains :
la cendre des maisons par leur rage embrasees :
les bourgades
les cris,
eux
par tout où
nous monstrent tous les jours combien nostre fortune
marche en felicité loin devant la commune,
qui parmy tant de maux dont ce regne est battu,
p131
estend si bien sur nous la grandeur de ses aelles,
et
Mais à qui des mortels sommes nous redevables
de tant
ô prince genereux, race de ce grand roy
qui fut des sarrazins la terreur et
prince dont la vertu soy-mesme se surpasse,
à vous seul apres Dieu nous devons ceste grace :
le seul respect
rend loin de nostre chef ces malheurs écartez :
et le soin que de nous vostre esprit daigne prendre,
fait
que ce lieu sert
fuyans de toutes parts de leurs bourgs saccagez :
exerce avec les champs son innocente usure :
chacun y vit paisible et maistre de son bien :
bref, que sous vostre nom qui defend ceste terre,
nous possedons la paix au milieu de la guerre.
Aussi nul jour
sans nous voir requerir que la bonté des cieux
vous conserve longs temps à la saincte esperance,
Ligne 3 618 ⟶ 3 620 :
p132
aille dans le soleil vostre nom escrivant :
que les siecles futurs admirans vostre gloire,
Ligne 3 624 ⟶ 3 626 :
que cent lauriers vainqueurs, verds en toute saison,
ceignent de toutes parts vostre illustre maison :
que le sceptre françois jamais ne
mais
que Dieu vous assistant
soit de vos ennemis
que son bras estendu sous vostre joug les donte :
que la memoire en meure, ou vive pour sa honte :
Ligne 3 633 ⟶ 3 635 :
ce soit de ne pouvoir en vivant esprouver
de malheur qui suffise à rendre tesmoignage
combien plus
bref, que si jamais prince a vescu comblé
de pouvoir, de repos, de gloire et de grandeur,
soit és siecles passez ou soit au cours du nostre,
son bon-heur
Ainsi disent les
que pour vous, prince illustre, et pour vostre
maison,
nous envoyons au ciel et de
soit que le jour se leve ou soit
ces costaux, ces vallons, ces plaines et ces bois
font la mesme requeste en leur muette voix.
Ligne 3 653 ⟶ 3 655 :
sur les belgiques champs soubmis à vostre empire,
depuis que le destin vous les fist esloigner,
pour aller autre part
et les heureux succez dont les flots de la Saone
vous ont veu sur leurs bords replanter vostre thrône,
grand roy, nous ont monstré par des faits plus
qu’humains,
que tout
mains :
que Dieu ne luy depart une seule victoire,
de qui vostre valeur ne
que sans vous les conseils plus sagement donnez
produisent des effects du tout infortunez :
et
Maint endroit que le sang et les pleurs ont baigné
assez par cy devant nous
mais ces derniers succez où la chance des armes
à nos champs de triomphe a meslé quelques larmes,
nous
Quelle ame
quand Arques et les champs
p134
vous veirent
rompre tous les filets tendus pour vostre mort,
vous sauvant
au travers du peril et de
Ce traict-là de vaillance estonna nos esprits.
Et depuis les destins à vos mains ont appris
en tant
le glorieux mestier qui gaigne les victoires,
effet.
Aussi, tant de valeur reluit en vos armees,
quand de vostre presence elles sont animees,
et si peu de desseins ont
lors que
destruit quelque province ou force quelque place,
nos
comme si vous, sans plus, nous teniez lieu de tous :
bien que le
poitrine,
deslors tant seulement que nostre ame imagine
le moindre des perils où
vous jette le desir de finir nos tourmens,
voir cet estat paisible, et ces ondes plus calmes,
et les lis refleurir à
Ah !
dans le
p135
de son sang et du nostre abreuva la campagne,
vostre seule valeur vous ayant emporté
Ligne 3 712 ⟶ 3 714 :
par les effects meurtriers du fer et de la flame,
le malheur avoit veu mainte tremblante lame
assaillir vostre sein non à
que des armes
pistoles
dont la foudre esclatoit dans les mains espagnoles :
et vous en ceste flamme aux coups vous exposant
ne voir point le peril ou
comme si le trespas estant lors vostre envie,
vous eussiez eu querelle à vostre propre vie.
Ah dieu ! (ce dismes nous troublez
discours)
ce prince en trop osant desolera nos jours :
sa valeur nous perdra : de ce mesme courage
Que pense-il en son
que le bien de
Il est roy, non soldat : chef, non main de
il sieroit mal aux rois
qui peut ceindre le front
Quel droit ou quelle loy permet à sa vaillance
Ignore-il que souvent la cruauté du sort
fait
p136
Sa chair en
pour estre inviolable au trenchant de
et de son vif esprit la bouïllante vigueur
Ainsi parlasmes nous pleins
accusant et loüant par une mesme plainte
la genereuse erreur qui vous fist trop oser,
et nostre unique attente à la mort exposer,
sans vous ressouvenir combien nos destinees
sont
quels gouffres de malheurs nous auroient engloutis,
et quel monstre nouveau de contraires partis
Ligne 3 753 ⟶ 3 755 :
une lerne de maux sous une hydre de princes,
si quelque plomb fatal, guidé par le malheur,
avoit
Et bien que nous douloir de ce brave courage
qui pour nous garantir
aux plus mortels perils
ce soit ingratitude, ou peu de sentiment :
si semble-il que
qui rendroient par sa mort nos siecles lamentables,
excuse nostre plainte, et luy fait pardonner
ce que la raison mesme y pourroit condamner.
Hé, qui
si voyans leur Minerve abandonner en proye
p137
à
contre sa mal-vueillance ils eussent blasphemé,
sçachans bien que perdant ceste fatale image,
la gloire
et la femme gregeoise ondoyant
devorer leurs maisons et les temples des dieux ?
Certes nous ne pouvons, en si tristes allarmes,
Ligne 3 777 ⟶ 3 779 :
de vous abandonner si librement aux coups,
pource que vostre vie en ces flots agitee
nous est ce
nous meritons pardon implorant tous les jours
au milieu des perils
pource
vostre seule vaillance en doit estre
et merite pardon la publique douleur
qui
à deux contraires
nous faisant desirer ce
Car qui vaincroit pour nous ne vous point hazardant ?
Et qui nous sauveroit, vous aussi vous perdant,
puis
et le mal de la perte, et
Entre ces vieux romains qui veirent la rondeur
de
et de qui la vertu surmontant la fortune,
ne trouva rien
p138
florirent deux guerriers sagement valeureux,
et
dont
fut nommé leur bouclier, et
Sire, ces beaux surnoms entre-eux deux departis,
vous sont deuz des françois par vous seul garantis :
vous estes
vous faites
vous estes son espee au milieu des combats,
quand vous jettez vainqueur ses ennemis à bas :
Ligne 3 809 ⟶ 3 811 :
employant les effects de la seule prudence,
vous voyez leur fureur arrivee à tel poinct,
Tandis que ceste espee aux conquestes apprise,
tandis que ce bouclier, qui genereux mesprise
les atteintes de Mars, nous armera les mains,
la victoire qui porte és combats inhumains
nous vaincrons ennemis, et fortune et destin :
et foulant sous nos pieds le traistre et le mutin,
nous verrons tous les jours nos camps
proye,
et devant nos palais flamber des feux de joye.
Ligne 3 827 ⟶ 3 829 :
p139
nous
quand des perils mortels le voyant menacé,
nous sçaurions que sur luy la cruelle insolence
des hazards de la guerre auroit tant de licence :
ains dirions comme Aenee alors
de son fatal escu le lustre estinceller,
ô combien de douleurs et de morts asseurees
sont à nos ennemis desormais preparees !
Et que les rouges flots des rivieres profondes
en rouleront de corps et
violent les sermens si sainctement jurez :
ils verront que le ciel estant nostre defense,
nous sçavons mieux punir
Ainsi parlerions-nous mesprisans tout danger,
maintenant que
à de nouveaux combats par force vous rappelle.
Mais vous
et le laict que huma dans le sein nourricier
voctre plus tendre enfance apres
ne se convertit point en la chair
pour estre invulnerable, et resister aux coups
de tant de coutelas mis au poing contre vous.
Helas !
blessures
ne nous en ont donné que des preuves trop seures :
p140
et nos
vous porter derechef dans les flots
où tonnent cent canons arrangez flanc à flanc,
où greslent mille morts, où la pluye est de sang,
nous recourons aux
larmes,
prions le tout-puissant
sa faveur vous defende, et sauve en vous sauvant,
cet estat dont
Entens ceste requeste, ô monarque suprême
des peuples, des seigneurs, des rois, et des dieux
Ligne 3 874 ⟶ 3 876 :
couvre ce vaillant roy de tes bras tout puissans
contre tant de perils sans fin le menaçans :
estens dessus son chef, au milieu des batailles,
cest invisible escu
destiné pour couvrir ceux qui te bien-aimant
et bien-aimez de toy sont armez de ta garde :
et pour nostre bon-heur plus
le doit, loin de la terre, emporter dans les cieux.
Et vous roy sans pareil, qui
vous offrez tous les jours ainsi
en sacrifice à Mars, parmy tant
pour ceux
p141
si
si vous
sur qui fatalement nostre espoir est fondé,
par
pour Dieu, prince invaincu, concevez quelque envie
comme la seule mort des desseins insensez
qui ne sçauroient fleurir si vous ne perissez.
Ne vueillez plus jamais
face encore trembler sous la fiere mercy
monstrant aux yeux du ciel
de briser pour jamais le sceptre de la France.
les traces de vos coups à grand peine gueris,
et saignans tous les jours dedans nostre pensee
Ligne 3 913 ⟶ 3 915 :
vostre heureuse vertu mespriser son pouvoir ?
ô grand roy, ce desir de gloire perdurable
qui de vostre pensee est
p142
et par qui si souvent nostre teint a blesmy,
est vostre plus mortel et plus fier ennemy :
ne prestez pas
il veut en vous perdant perdre ceste couronne,
et pour un peu
de tout ce grand estat le royal bastiment,
comme dedans Argos il ruina
que bastissoit la main du vaillant roy
La valeur du soldat recognoist
que ne fait la puissance et majesté des rois :
le plus fameux laurier qui ceigne un diadesme
Ligne 3 931 ⟶ 3 933 :
se voit naistre plustost, comme une autre Pallas,
du chef en commandant, sans peril et sans peine,
que du bras dont
Bien nous fut-il besoin peu de mois sont passez,
à la sage conduite il vous pleust de conjoindre
la valeur de
des vulgaires soldats, exposer à la mort
ceste auguste grandeur
Mais puis que des françois
par vous a surmonté la rebelle manie,
que les lis ont repris leur premiere beauté,
et que nostre oeil revoit
p143
du royaume et des loix dedans son thrône assise,
il ne faut plus donner au malheur tant de prise
dessus vostre vertu :
si par art et conseil vos troupes ordonnant
vous rendez au peril leur vaillance allumee,
et servez comme
de la mesme façon
ses machines de guerre, au temps
contre le camp romain les murs de Syracuse,
luy seul estant la vie en leurs membres infuse,
et lançant par leurs bras contre les assaillans
tant de traits et de dards le peuple esmerveillans,
combattre luy tout seul la puissance romaine.
Ainsi sans plus courir où
pourroit de vostre vie à son gré triompher,
devez-vous desormais par la seule prudence
faire à vos ennemis sentir vostre presence :
vous contentant de voir
en mille lieux divers mouvoir cent mille mains,
faire dessous vos loix trencher cent mille espees,
rendre des ennemis les forces dissipees :
et bref, de tant
vaincre par sa conduite, et par les mains
Sire, combatre ainsi,
pour laisser de ses faits une eternelle marque :
p144
Ligne 3 974 ⟶ 3 976 :
non aller à clos yeux dans le sang se plonger
où regne peu de gloire, et beaucoup de danger.
Il
couronne ses desseins
et quand il adviendroit, peu durable est
qui doit toute sa gloire aux effets du bon-heur.
Donc par ceste vaillance aux travaux endurcie
qui vous fait desirer
vous jettant aux perils pour nous en preserver,
et taschant de vous perdre afin de nous sauver :
par
attainte,
par le triste sujet de nostre sage crainte,
conservez vostre vie en qui seule est compris
tout ce
Ne la hazardez plus au peril volontaire :
obligez de ce bien la France vostre mere
qui plorant vous en prie, et
craindre plus un malheur qui vous renverse à bas,
que desire le gain de cent fieres batailles,
sçachant bien vostre mort estre ses funerailles.
Delivrez son esprit de ce mortel effroy :
octroyez au soucy
que plus vostre valeur aux coups ne se hazarde.
Mais se garde soy-mesme ainsi
Souffrez
que vous estes celuy
qui
que
querelle :
p145
et cedez au desir de vos humbles vassaux
qui pensent, vous voyant courir à tant
voir és plus grands perils dont la guerre est suivie
leurs femmes, leurs enfans, leur fortune, et leur
vie.
Mais las ! à quel esprit sont ces
Ou quel dieu me promet
Helas !
Ce courage amoureux des bourrasques guerrieres
nous a trop tesmoigné par des faits non pareils
Ligne 4 018 ⟶ 4 020 :
que qui cherit sa vie il mesprise sa gloire.
Que faut-il donc en fin promettre à nos esprits
que le feu de sa joye esclaire en son visage
quand il trouve un peril égal à son courage ?
Sinon que le malheur tant de fois mesprisé
se sera peu vanter de
changeant nos cris de joye en complaintes mortelles,
et nostre courte paix en guerres eternelles.
mais quant à moy chetif, je
et ne puis sans fremir peindre dans ma pensée
le peril dont la France est en vous menacee
par le fier ennemy que les armes au poing
vostre vaillant courroux
p146
Je sçay bien quelle rage en son ame boüillonne
de voir la main
et malgré ses efforts et son trop esperer
le sceptre des françois en vos mains
Je scay que nostre crainte est sa seule esperance :
et je crains justement
de ses desirs trompez tout espoir defaillant,
une plus grande peur ne le rende vaillant.
Desja sent-on un bruit par les villes
voyant le
du vent
ce que Dieu permettant, je crain pour vostre teste,
camps
Mais seroit-il bien vray que
du loup qui
parmy les animaux desarmez et paoureux,
peust soustenir
Non non, je me deçoy : la peur qui me commande,
me peint de ce peril la figure trop grande :
non, sire, le cruel ne vous attendra pas :
il sçait trop
il recognoist trop bien ces armes redoutees
il fuira, le cruel, si tost que dedans
il verra seulement vos enseignes branler,
p147
et par sa fuitte encor,
taschera
Ou bien
de ses fiers regiments en pieces détranchez
fourniront aux corbeaux de mets espouventables
rendus par sa deffaitte à jamais memorables.
et Somme, et Sainct Quentin bruyans
aises de voir vanger sur
du jour de Sainct Laurens la perte et
et pense voir Dourlens, que ce tygre estranger
dans le sang des francois nagueres fist nager,
essuyer de son
quoy
Allez, sire, allez donc, Dieu luy-mesme est pour
vous :
la faveur de son bras vous couvrira des coups :
allez
la terreur de
le conquereur de Gaule entre mille hazars,
et, sinon le premier, le second des Cesars :
Ligne 4 087 ⟶ 4 089 :
la flamme vengeresse en vostre ame allumee :
soyez de ces cruels le fatal punisseur,
et pour
Allez favorisé des publiques auspices,
assisté de
secondé de vostre heur et suivy de nos
porter
p148
qui font sous leur orgueil trembler toute la terre,
sinon pour vous monstrer combien
appreste à vos soldats un glorieux butin :
car vous les deferez
si vous ne cessez
vous de qui les lauriers couvrent de toutes parts
le tragique eschaffaut des sanglans jeux de Mars.
Ligne 4 107 ⟶ 4 109 :
Si jamais mon esprit conceut quelque esperance
de voir les deux partis qui divisent la France
reconjoints en un seul, et comme ils
roy,
certes
puis
(ô roy de qui la terre admire la grandeur)
je vous voy travailler sans relasche et sans feinte,
pour le progrez
sainte.
Car je ne puis douter que ces heureuses mains,
que ce
qui lors que le soucy des sceptres de la terre
les alloit agitant par les flots de la guerre,
Ligne 4 125 ⟶ 4 127 :
ont eu Dieu si propice, et qui victorieux
ont atteint par sa grace un port si glorieux,
maintenant que pour luy, pour une
pour
vous rongez vostre esprit de soucis immortels,
et paroissez brusler
Trois rois vos devanciers desireux de trouver
un chemin qui les fist à ce bien arriver,
peines
pource
combats,
par les monceaux poudreux des murs jettez à bas,
par
par ce qui fait trembler les plus constantes ames :
et la preuve a monstré
apporter à ces maux des remedes plus doux,
et purger la fureur qui tant
par
et non par la terreur de la flamme et du fer,
qui seuls la combatans
Car en ces passions, sorcieres des pensees,
les ames et de zele et
au lieu de
des tourments preparez pour combattre leur foy,
p150
font gloire
à la haine du peuple estonné de leurs chans
poussez
Tellement
dont nos premiers martyrs leur faisoient resistance,
il advient
et
leur obstinee ardeur des peuples admiree
semblant une vertu de Dieu mesme inspiree.
Dequoy nous ont servy tant de feux allumez
quand ces germes de maux par
firent premierement formiller sur la terre
les erreurs, la discorde, et le schisme et la guerre ?
Ligne 4 171 ⟶ 4 173 :
et ceste vengeresse et cruelle journee
où la fureur du peuple en courroux deschainee,
par erreur de penser destruire ainsi
remplit Paris de sang, de carnage et
De la cendre des corps devorez par les flames
ceste erreur
plus vive et plus feconde : et par un mauvais sort,
plus ces nouveaux croyans affamez de la mort
Ligne 4 182 ⟶ 4 184 :
et fait evidemment regermer et fleurir
ce que
que ceux ou de la guerre ou des autres supplices,
il faut chercher en Dieu les moyens
sa feconde racine, ou la faire seicher :
et ces moyens-là, sire, il faut que la memoire
vous defere à jamais la loüange et la gloire
de les avoir trouvez, si vos sages desseins
succedent aussi bien
Car comme avoir assis le vice et
dans les thrônes sacrez des eglises de France,
a fait que ces malheurs lors encore naissans,
Ligne 4 199 ⟶ 4 201 :
exciter par bien-faicts les champions de Christ
à combatre pour luy de bouche et par escrit,
asseurer des faveurs de sa royale main
ceux que la seule peur
retient en
dont le soucy public nourrit leurs ministeres,
brief, sçachant
roy,
procurer sa victoire, et combattant pour elle
monstrer
p152
ce sont les vrais sentiers conduisans au bon-heur
de revoir triompher
Agar se déchasser, quelque espoir qui la paisse,
et Sarra demeurer seule dame et maistresse.
Or, sire, qui ne sçait que des chemins si doux
sont pour la plus
à qui ne parut point
Quand ce docte prelat, en qui luit le pouvoir
combatoit devant vous des armes de
pour la foy dont la garde en vos mains
commise ?
Vous sembliez du desir combatre avecques luy :
chaque mot vous combloit ou de joye ou
et tout autant de fois
soudain le feu de joye en luisoit dans vos yeux
estincelans alors comme estoilles des cieux.
Ligne 4 234 ⟶ 4 236 :
de ce petit combat, mis plusieurs camps en fuite :
gaigné plusieurs lauriers non sanglamment vainqueurs
et conquis tout
qui maintenant pour vous bruslent
et qui pour vostre vie iroient à la mort mesme.
ô que ce grand pontife à qui par dessus tous,
Dieu commet le troupeau
p153
en recevra de joye, et
dont il ressent pour nous les secrettes attaintes,
il concevra
les malheurs de la France heureusement finir !
Il
vous dire
grand roy, face le ciel que les traits du malheur
se trouvent tous sans pointe assaillans ta valeur,
puis que rendant mon ame en ses
tu ne me frustres point de la fidelle attente
que je conceu de toy, quand malgré les efforts
des divers ennemis qui
quand malgré le conseil, quand malgré la menace,
des uns pleins
au milieu des frayeurs
sans autre gage humain que celuy de ta foy,
de qui la renommee est par tout florissante,
et conseillé de Dieu durant mon oraison
Si lors
et les rusez conseils de
que ceux du tout-puissant, je
sa saincte bergerie et son parc bien-aymé,
laissant la France en proye à
des maux dont elle estoit sans pitié saccagee :
p154
car pour me destourner
que ne supposoit-on, que ne disoit-on pas,
dépeignant sous les traits
de ton regne advenir
Lors que regnant en paix tu te verrois soubmis
tous ceux que leur malheur te rendoit ennemis,
Ligne 4 278 ⟶ 4 280 :
de ce prince apostat qui sacra les premices
de son regne au vray Dieu, puis en se dévoilant
et
fist naistre pour
et fut par sa douceur
que les autres sanglants et cruels potentats
engendroient des martyrs, et luy des apostats.
Ligne 4 286 ⟶ 4 288 :
puis desployant en fin de plus cruelles armes
devenir ce sanglier, juste effroy du veneur,
Mais (ô vif parangon des plus nobles courages)
tes faits ont dementy ces funestes presages :
que si par le present il se peut definir
quels seront icy bas tes gestes à venir,
la gloire
entre tous les humains
ne pouvant les beaux faicts par ta main terminez
p155
Persevere grand prince, et du courage mesme
qui
defens celuy de Christ, secondant des effets
les
au poinct le plus sacré du plus sainct des mysteres,
baignant mes tristes yeux de cent larmes ameres.
Si tout bruslant de zele envers la pure foy
ton ame a soin de Christ, il aura soin de toy.
La vaillance des rois
toutes deux font les grands regner en divers lieux,
mais
cieux.
Ainsi pense-je ouïr (prince illustre en clemence)
ce grand pasteur Clement vous dire en son silence :
puis remply de
benir et vostre sceptre et vos justes desseins.
Le ciel de qui la grace aux bons rois est propice
octroyant à nos jours, apres tant de malheurs
qui ne nous ont appris
le bien qui dés le jour
vous prosterner aux pieds du grand chef de
obscurement predit, ardamment desiré,
fut plus craint des mauvais, que des bons esperé.
Ligne 4 327 ⟶ 4 329 :
p156
Quand
comme venu du ciel, au ciel fut revolé,
la France qui pensoit que jamais ses annees
ne verroient par la mort leurs courses terminees,
croyant que pour sa gloire ainsi
et Jupiter luy-mesme et les destins amis,
lors
les trois fatales
et bruslant du laurier prédirent
que
voyant ceste promesse aux vents
et la foy des destins sans raison violee,
constante elle ne peut ce malheur supporter,
ains alla toute en pleurs
qui lors environné
banquetoit chez Tethis au fonds de la marine
dans le sein des grands flots qui
vont aupres de Tollon les Gaules costoyant :
sejour que de tout temps
cherit sur tous les lieux de la plaine azuree.
Là, sous les flots marins un roch est élevé,
où, comme une
p157
il semble que nature ait fait par artifice :
tant sa main imitant son propre imitateur
y monstre et la richesse et
Nymphes de
qui gouvernez
ne vous offensez point si je vois en parlant
de vos palais marins les thresors decelant,
et si
cache dans son abysme aux yeux de tout le monde.
Un jour le grand pasteur des monstres de la mer,
Ligne 4 367 ⟶ 4 369 :
racontant les beautez de ce roch merveilleux,
et les riches tresors dont il est orgueilleux.
Car ce grand corps (dit-il)
entiere,
de qui
tant
y semblent ou vivans ou par art émaillez,
ramper sur les parois richement variees,
de coquilles de nacre à
Mille et mille coraux de la roche naissants,
et de leurs rouges bras
cheminent par la voûte, et lambrissants la salle
p158
imitent en leurs jeux les treilles des jardins,
et leur pendent des bras des perles pour raisins.
Le luisant sable
tout y conjoint la grace avec la majesté,
soit ou beau de richesse, ou riche de beauté :
la mer ne celant rien
dequoy ce sainct palais richement ne se pare,
et
fut fait par les dieux seuls pour les dieux seulement.
Aussi les flots salez dont ceste roche est ceinte,
comme arrestez
quoy que le sueil ouvert les en semble inviter :
ains comme se sentans indignes de
leur onde estant prophane et la grotte sacree,
ils
de grands murs crystalins que transperce le jour.
Là, du plus precieux de tout
sur des tables de jaspe, à treteaux de porphyre,
en pompeux appareil et seul digne des dieux,
le festin est dressé, quand le prince des cieux
vient aux mers de deça visiter chez Neree
Thetis de qui
Or
la deesse honoré
p159
Ligne 4 413 ⟶ 4 415 :
aux pieds de sa grandeur luy dit en sanglottant :
pere, Ronsard est mort : où sont tant de promesses,
tu me jurois un jour par les eaux de là bas,
Certes quand le malheur qui me portoit envie,
rendit mon grand françois captif devant Pavie :
et que les espagnols de mon mal triomphans,
tremperent
alors que de douleur profondement attainte,
prosternee à tes pieds je te faisois ma plainte,
Ligne 4 426 ⟶ 4 428 :
mais il faut que le cours des fieres destinees
aille par ceste voye aux fins determinees
en
disposent à leur gré des sceptres et des rois.
Cependant pour monstrer
nulle pure douleur ny nulle pure joye,
sçaches que ce mesme an qui maintenant escrit
ce mesme an qui te semble à bon droit déplorable,
te sera quelque jour doucement memorable.
avant que par le ciel se soient tournez sept mois,
p160
Ligne 4 441 ⟶ 4 443 :
egallera ta gloire à la gloire latine,
et par qui les lauriers naissans au double mont,
autant que ceux de Mars
je ne soufflay jamais du vent de mon haleine
tant de divinité dedans une ame humaine,
que
afin que surmontant
il
et que les seules fins de ce grand univers
bornent avec son nom la gloire de ses vers :
et pource appaise toy, consolant par
de ce bien avenir
Ainsi flattant mon dueil et
tu me disois alors, grand monarque des cieux,
remarquant de Ronsard la future naissance :
et moy qui me repeu
me devoit bien couster quelque amere douleur :
et
si pour tant de mes fils couchez morts sur le sable,
un au moins me naissoit de qui
Mais, à ce que je voy, ceste douce promesse
qui ne tendoit alors
p161
a trompé du depuis mon esperance aussi :
car ce divin ouvrier, ma gloire et mon soucy,
privé des doux rayons de
aussi bien comme un autre est allé dans la biere,
et
que feroit estant mort un simple vigneron.
Cependant
je croy que cet espoir
que celuy qui
le suivroit
tout ce que
Là je me promettois de voir sa docte plume
vanger de ce vieillard qui tout ronge et consume,
le renom des grands rois qui
de cent peuples divers par la gloire du fer,
forçant les plus fameux en guerriere vaillance,
Là
courant
venir
publier les beaux faits, tant de paix que de guerre,
de mes princes derniers, et sur tous de celuy
qui dans sa juste main tient mon sceptre
p162
roy de qui la prudence aux conseils occupee,
a banny de mon sein le regne de
Mais à ce que je voy,
ceste attente en mon ame en faveur de Henry :
la mort
Ronsard
ont fait tous deux naufrage encontre un mesme écueil,
et tous deux sont allez dans un mesme cercueil.
Ligne 4 505 ⟶ 4 507 :
ne doit point murmurer contre ton ordonnance,
et que des plus grands maux qui nous facent douloir,
aussi, si retractant ton antique promesse,
tu me pousses toy-mesme en
mon ame refrenant ses plus justes regrets,
humbles baisse la teste, et cede à tes decrets,
sans reprocher au dieu de qui
mais si la fermeté de ton premier dessein
reste encor immuable au profond de ton sein,
qui donne ceste audace au pouvoir de la Parque
que les demy-dieux mesme en ressentent
et que, si sa fureur son courage y convie,
elle me vienne aussi despouïller de la vie,
p163
encor que ta faveur
me daigne faire assoir au rang des immortels :
faveur qui maintenant
puis que de tant
mon immortalité ne me sert seulement
que
Ainsi se complaignoit ceste royne dolente,
aux pieds de Jupiter toute en pleurs distilante :
quand luy qui patient ses plaintes entendit,
reprenant la parole ainsi luy respondit.
Les propos
je te teins de Ronsard, magnanime princesse,
ont trompé ton espoir, faute (à ce que je voy)
en toy
ma parole en erreur
pour estre, non mal dite, ains mal interpretee.
Bien te promis-je alors
une immortelle vie et franche du trespas :
mais ceste vie, ô nymphe, il la falloit entendre
de celle-là qui fait
de celle-là qui rend un renom ennobly,
et dont la seule mort
car quand à
le soleil voit-il bien
de ne la finir point, puis que
pour prendre quelque fin
p164
Jette
entre ses larges bras le grand corps de la terre :
tu verras que la faux de la Parque et du temps
Ligne 4 556 ⟶ 4 558 :
tu verras trebûcher les temples magnifiques,
les grands palais des rois, les grandes republiques :
et souvent ne rester
sinon un petit bruit
Et si non seulement le temps fera resoudre
les temples, les chasteaux et les villes en pouldre :
Ligne 4 563 ⟶ 4 565 :
qui ne sçait ou tomber, tombera quelquefois.
Va, plains toy maintenant que par le mesme orage
qui doit tout submerger,
naufrage,
et
Je sçay bien que ta perte estant desmesuree,
elle ne se peut voir suffisamment pleuree,
et
mais encor dois-tu ton angoisse refreindre,
quand tu viens à penser
le destin
et
Regarde à moy qui suis le monarque celeste,
encor ay-je senty que peut
p165
encor
et bien souvent outré de dueil et de regret,
pour mes propres enfans meurtris par les allarmes,
la paternelle amour
si la grandeur du sceptre enclos dedans mes mains,
me permettoit les pleurs aussi bien
Et pource, ô belle nymphe, allege ta tristesse :
permets que la raison ton courage redresse :
souffre un mal necessaire, et pense
braver mieux le destin
On fait tort à Ronsard, tant
l’honore,
si
ceux qui vont tous entiers dedans le monument,
et ne laissent rien
il
survivante à sa mort rend sa gloire animee,
et
qui parmy
Et puis, si les honneurs payez à ceux qui meurent,
adoucissent
ton ame a bien dequoy consoler ses douleurs,
car si jamais trespas fut honoré de pleurs,
Ligne 4 605 ⟶ 4 607 :
dignes
tant de cygnes françois que du pere des cygnes,
son tombeau
Un temple est à Paris, dans
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là se doivent trouver en vestemens de dueil,
pour aller
et payer ce
les plus rares esprits dont cet âge fleurisse,
à
jettans au lieu de fleurs des pleurs et des regrets.
Sur le poinct de la troupe humectant ses paupieres,
dira dessus ses os les paroles dernieres,
je veux que mon Mercure, à
des
en ton grand Du Perron, la gloire de son âge :
afin
et ne paroissant Dieu sinon en son parler,
il laisse un fleuve
et versant dans les
langue,
prononce de Ronsard la funebre harangue :
consacre sa memoire, et comme aux immortels
luy face en mille esprits eriger mille autels.
ressentant bien
dira plus que jamais Ronsard plein de bon-heur,
de voir un tel heraut publier son honneur,
et confessera lors, presque atteinte
que son trespas
Au reste, belle royne, asseure ton penser,
que si jamais un nom
p167
ou sorty du tombeau
sur tout le large front de la terre
et des efforts du temps rester victorieux,
ce sera de Ronsard le surnom glorieux :
et
ny de moins envié, ny de plus enviable.
Un jour doit arriver promis par les destins,
(et ce jour
que des champs espagnols, que de ceux
et mesme de ceux-là que la Tamise baigne,
bref, de toute
où ses escrits seront en vollant parvenus,
on viendra saluër le sepulchre où repose
son ombre venerable et sa despoüille enclose,
pour estre seulement de ceste aise pourveu,
de
tant son illustre nom apres la vie esteinte
luira
Ainsi dit Jupiter, chatoüillant de tels mots
de la mer de douleur en son ame coulee,
se leva de ses pieds à demy consolee :
rentra dedans soy-mesme, et remit sur son chef
les fleurs
ô nompareil esprit qui rens toutes les muses
avec toy maintenant dans la tombe recluses,
Ligne 4 669 ⟶ 4 671 :
et de qui nous pouvons justement prononcer,
sans que les plus sçavans
à ce jour-là mourut la mort de
lumiere de cet âge eclipsee à nos yeux,
mais luisante à nos
si quelque sentiment reste encor à ta cendre,
tant
entendre,
entends, grand Apollon du parnasse françois,
ces vers
et ne
le repos que tu prens dessous la sepulture,
venant dire à tes os inhumez en ce lieu,
et le dernier bon-jour, et le dernier adieu :
mais prens en gré mon zele, et reçoy favorable
de ces tristes presents
de ces tristes presents qui sont comme les fruits
que ta vive semence en mon ame a produits.
Car jour et nuict te lire enchanté de ta grace,
non esteindre ma soif és ruisseaux de Parnasse,
un nom si glorieux ce
Je
dont ta muse
car deslors un desir
me rendit
et fist
p169
mon âge qui fleury ne faisoit
aux mois de son printemps, desja tint de
Depuis venant à voir les beaux vers de Desportes
que
ce desir
fol qui
qui va cachant son art
que la facilité qui le fait estimer.
Lors à toy revenant, et croyant que la peine
de
je te prins pour patron, mais je peu moins encor
avec mes vers de cuivre égaler les tiens
si bien que pour jamais ma simple outrecuidance
en gardant son desir, perdit son esperance.
Alors vos escrits seuls me chargerent les mains :
seuls je vous estimay
à toute heure, en tous lieux, je senty vostre image
devant mes yeux errante exciter mon courage :
Ligne 4 722 ⟶ 4 724 :
comme les temples saincts voüez aux immortels,
voyant la palme grecque en vos mains reverdie :
bref je vous adoray (
tant de vostre eloquence enchanté je devins,
comme des dieux humains ou des hommes divins.
Il est vray que
p170
rebuté pour jamais des rives de Permesse :
si de mon jeune espoir confirmant la promesse,
vous
me redonnant le
Toy principalement, belle et genereuse ame
dont le juste regret tout le
qui voyant mon destin me voüer aux neuf
me promis quelque fruit de mes premieres fleurs :
et
me disant que Clion
lors que mon premier jour veit les rais du soleil :
il falloit longuement mourir dessus le livre :
et que
je
Vueillent les cieux amis, ô
rendre
et ne permettent point que
Cependant prens en gré, si rien de nous
ces pleurs
sacree,
avec toute la France atteins
nous versons sur ta tombe et de
Pleurs que ton cher Binet en souspirant ramasse,
puis les meslant aux siens en de
p171
et dolent les consacre à
pour estre un jour tesmoins de nostre pieté :
et pour faire paroistre à ceux du dernier âge,
que nous avons au moins cogneu nostre dommage :
et que nous
ne pouvant pas le plaindre autant que nous devions.
Ligne 4 771 ⟶ 4 773 :
Les ombres de la nuict qui suivit la journee
où le vaillant Lysis finit sa destinee,
couvroient encor la terre, et se voyoient en
les celestes flambeaux encor étinceler,
bien que ja le retour de la prochaine aurore
poussast les premiers rais dont le ciel se colore,
et
promptement attelé par la main des momens,
trompe moins les mortels des frivoles mensonges :
quand
se vestit
à celuy de Lysis, puis sanglant, triste et pasle,
ayant le chef percé
et détranché des coups de
gemissant
p172
Ligne 4 791 ⟶ 4 793 :
offroit pour luy sans cesse aux yeux des immortels
mainte et mainte victime en cent divers autels :
et luy dit,
de lamentables sons remplissoient les tenebres :
Daphnis, mon grand Daphnis qui les larmes aux yeux
Ligne 4 797 ⟶ 4 799 :
helas tu pers en vain tes pleurs et tes prieres :
je ne suis plus vivant trois atteintes meurtrieres
qui servit hier à Mars
et de qui la fureur couvrant toute la plaine
des sanglantes moissons de la guerre inhumaine,
a laissé peu de ceux qui pleins
ont tasché
Maint cavalier illustre et de nom et de race,
en est resté pour preuve estendu sur la place,
encor que la valeur du chef des ennemis
presque contre son gré ce carnage est permis.
Mais il
retenir la fureur de
contre ce que
avoit encor laissé de lamentables restes,
et monstré ce que peut és mains
p173
par mille et mille voix animee au carnage :
maints ont suivy mon sort, presque ne daignant pas
apres leur chef esteint
Mesme les tendres ans de mon plus jeune frere
ne
monstroit de sa vertu les premiers coups
la mort entre-meslant ses cruels sacrifices,
des fruits dont sa valeur te sacroit les premices.
Bien pouvoit le pauvret, et bien pouvois-je aussi,
voyant nostre destin si prest
mais abhorrans celuy qui sauvé du malheur
doit sa vie à sa fuite et non à sa valeur,
et sçachans
se sent oster la vie alors
nous avons mieux aimé finir nos tristes jours
Maintenant devestus de nos robes mortelles,
nous allons augmenter de deux ames nouvelles
le nombre des esprits qui parmy les combats
Doncques adieu Daphnis ma richesse et ma gloire,
et le plus cher object qui vive en ma memoire.
p174
Je jure la terreur de
et Styx de qui je vois outrepasser les bords,
que ny voir en sa fleur ma jeunesse fauchee,
ny de nostre maison
ny penser que ma mort va tuer de douleur
ma moitié miserable entendant ce malheur :
Ligne 4 854 ⟶ 4 856 :
que sur moy répandront et pere, et mere, et freres :
ny mille autres ennuis ma mort accompagnans,
ne percent point mon
comme est celuy de voir
me ravit pour jamais
regret continuel qui
et qui me fait encor mourir apres ma mort.
afin que de tes mains recevant quelques fleurs,
et si ce
pleurs,
il en ressente
et
Quant à moy qui vivant entre les bien-heureux
ne seray plus alors
si
ta bouche en souspirant dire à ma froide cendre,
que tu peux bien jetter quelques larmes pour moy,
Ligne 4 875 ⟶ 4 877 :
Ainsi luy dit le songe, et sur ceste parole
le sommeil en sursaut loin de ses yeux
luy laissant les esprits
et la jouë et les yeux de larmes tous trempez.
Il est vray
avec un grand souspir, sa bouche et ses paupieres,
et ses esprits adonc leur erreur démentans,
il essuya les pleurs de son front degoutans,
lors
que de ceste advanture à son ame annoncee,
les fantosmes
qui sont le plus souvent trompeurs et mensongers.
Mais si ne peut son
tellement de ceste ombre abolir la figure,
il
et ne dist maintesfois, humectant ses prunelles,
ô Lysis, que
de ton jeune courage, et combien les hazars
environnans la gloire et les palmes de Mars,
me font craindre
ne me rende ce songe une piteuse histoire !
Avec ces tristes mots prononcez en plorant,
il
encor que quelque espoir vivant en sa pensee,
charmast un peu le mal dont elle estoit blessee :
mais pouvant plus sur luy la crainte du malheur,
que
p176
et se trouvant moins ferme à porter ce naufrage,
tantost vaincu de dueil il souffroit que
jettast son
tantost renouvellant ses
dolent il regardoit les celestes lumieres :
tantost il
tantost avecques pleurs il accusoit les cieux :
et fut ainsi deux jours, meslant les
plaintes,
et pour un peu
de sang, et de sueur, et de larmes trampé,
triste, la couleur pasle, et la veuë égaree,
Ligne 4 922 ⟶ 4 924 :
que chacun de ses mots estoit un coup mortel,
soubmist presque à ses yeux le tragique spectacle
du malheur dont le songe avoit esté
Qui pourroit exprimer
les violents effets des extrémes douleurs
qui vindrent tout
foudroyant sa vertu par ce mortel orage ?
Il en fut terrassé comme on voit sur les monts
qui de vertes forests se couronnent les fronts,
quelquefois renverser un gros chesne par terre,
et laisser au passant qui le voit trébuché,
Ligne 4 937 ⟶ 4 939 :
Soudainement ses yeux perdirent leur lumiere :
son esprit desarmé de sa force premiere
abandonnant les sens
dedans le fort du
comme un soldat quittant la bréche defenduë,
quand il la voit forcee et la ville perduë.
Ligne 4 944 ⟶ 4 946 :
la parole aussi tost en sa bouche mourut,
et tellement le dueil monstra sa violence
Tant seulement le
et lamentant parloit ce langage sans voix
que la douleur enseigne en ses tristes écholes,
Ligne 4 951 ⟶ 4 953 :
En fin quand ses esprits en leurs sens retournez
se furent longuement au dueil abandonnez,
et
se fut et de sanglots et de larmes soulee,
il revint à soy-mesme, encor
puis
qui
et voyant à travers des tenebres obscures
de tristesse et
tant de dolents effects
convenir mal au sceptre à qui les destinees
consacrerent ses mains dés leurs tendres annees,
Ligne 4 966 ⟶ 4 968 :
lamenter ce desastre, encor que les attaintes
qui luy perçoient le
plaintes :
mais vaincu du tourment qui gesnoit ses esprits,
il ne peut tant forcer ses lamentables cris,
il
et
plorant il ne luy dist comme
Lysis, mon cher Lysis, la moitié de ma vie,
et
pour ne voir jamais plus la lumiere des cieux,
et
de Mars et de la mort
poudre ?
ô beau jour de printemps dont le cours du destin
pres-
que la cruelle mort esteignant ta lumiere
au poinct le plus luysant de ton heure premiere,
precipite ma vie en de profondes nuits
tenebreuses de dueil, de tristesse, et
Ah Lysis, mon Lysis ! Et comme est-il possible
moy vivant tu sois mort mon espoir decevant,
et que toy rendu mort je sois resté vivant ?
Helas !
qui nous avoient fait faire échange de nos ames,
p179
que toy
ny moy
il
et que ton seul trespas eust la mienne ravie :
chetif qui regardois, balançant nostre sort,
ce que peut
qui foulant sous ses pieds les plus fiers diadesmes,
et
contre les vrais amis se vange sans pitié
de
Mort cruelle à nos
ciel ou cruel, ou sourd, ou tous les deux ensemble,
qui jamais
aux
que vous avez destruit une amitié fidelle
rompant une union digne
Et toy-mesme Lysis, las ! Que tu
coulpable du desastre où ton
mesprisant les conseils
me fit un jour verser en ton jeune courage,
quand le voyant espris de la fureur de Mars
et voulois
le soin de ton salut que celuy de ta gloire,
depeur de voir en fin quelque plomb hazardeux
Las ! Si tu
qui versent de mon chef des ruisseaux perdurables
p180
seroient encor des yeux ouverts pour
et non des surgeons
tu vivrois ô Lysis, et de ma vie amere
tu me rendrois la course encor et douce et chere :
mais ton mauvais genie envieux sur mon heur,
et ceste ardente soif de loüange et
que le feu du courage en nos ames éveille,
au son de mes conseils boucha lors ton oreille.
de la cruelle fin qui te ravit à moy,
puis que tu
où ta seule valeur
un aussi grand desir sembloit
de recevoir la mort, comme de la donner ?
Helas il me souvient
te separoient de moy les yeux baignez de larmes,
et que les miens aussi ne faisoient que plouvoir
comme
entre infinis serments de memoire eternelle
tu me dis, tout bruslant de la flamme
qui voudroit voir son roy sur cent peuples vainqueur,
que tu
de
et par un certain gage au monde témoigner
que rien ne la pourroit de ton ame éloigner.
Ligne 5 054 ⟶ 5 056 :
Hé dieux estoit-ce là ceste preuve et ce gage
qui
ô Lysis falloit-il
pour
Ta preuve (entier amy) ta preuve est trop cruelle :
il me couste trop cher de te voir si fidelle :
par ce gage de foy tu cesses
et me rends par mon mal asseuré de mon bien.
Car ce
me payoit de la mienne et si vraye et si sainte :
mais le gage inhumain non demandé ny deu
qui me le prouve ainsi par ton sang épandu,
dessous trop de douleurs rend mon ame abattuë :
et fait que malheureux je me vois tourmentant
de me voir tant aimé de ce que
Bien sçay-je que la fin que tu
rend ta mort glorieuse et ta vie honoree,
mais les loix
de chercher de la gloire au dueil de tes amis,
un laurier de vertu dégoutant de nos larmes ?
Las ! Tu
te fist donner en proye au publique malheur,
que ma vie en la tienne alloit courre fortune
Ligne 5 081 ⟶ 5 083 :
p182
et cependant on dit
les lauriers esperez
tu demandas la mort
que les moins courageux ne demandent la vie :
et
changeant
tu
du coup qui sans pitié
Ah Lysis ! Quel penser vivoit lors en ton
Cruel, desplaisoit-il à ta jeune rigueur
ton salut pour le moins consolast nostre perte ?
Haïssois-tu ta vie, ou nous haïssois-tu
qui de
Las ! Ce
qui faisoit boüillonner ces desirs en ton ame,
je versois en ton
quand me baisant la main pour le dernier adieu,
tu me veis deceler en mon pasle visage
Ligne 5 103 ⟶ 5 105 :
Mon cher Hephestion, va (te dy-je) et revien :
romps le chef ennemy, mais conserve le tien :
fay
donnant,
et tant que tu pourras joignant
le soucy de la vie au mespris de la mort.
p183
Tu
où plus
où souvent à grands pas la victoire suivant,
on rencontre la mort qui se met au devant.
Ne croy point trop
une ame genereuse à vaincre accoustumee,
quand au fort du combat erre devant ses yeux
je sçay de quel pouvoir les
et comme elle éguillonne une jeune poitrine :
je
elle pensa mener ma vie au dernier jour.
Et partant, toy qui sçais que
le destin a tissu ton ame avec mon ame,
si ce
à tout le moins, Lysis, vy pour
de moy de qui la vie, apres la tienne esteinte,
ne seroit jamais plus
Ainsi te dy-je alors, mais ces propos perdus
furent emmy les vents sans effect espandus.
Cependant
te renvoyroit bien tost grand de nom et de gloire :
et voila maintenant
au lieu des doux lauriers
attendre,
et pour toy ma chere ame un peu de froide cendre.
ô douloureux retour ! ô malheureux depart !
ô penser qui mon
p184
ô Lysis, et faut-il
ait si piteusement changé ta destinee,
que tant de riches dons de nature et des cieux
Ligne 5 147 ⟶ 5 149 :
pour te faire admirer, non à des ames basses,
mais aux plus élevez et plus nobles esprits,
ne soient plus maintenant
que
et ton nom si fameux le nom
ô cruel changement ! Toy seul peux faire voir
que la rigueur du sort égale son pouvoir.
Ah
que pour plorer mon mal autant
une infinité
me fussent maintenant dedans le chef entez,
par où ma triste vie en larmes écoulee
veist ma peine et ma perte en plaintes égalee,
et le sang que Lysis a respandu pour moy
paye
On dit
fleuve
qui sous un nouveau ciel baigne une terre neuve,
dont qui gouste une fois ne voit jamais tarir
les ruisseaux de ses pleurs
mourir.
Helas, pleust-il aux dieux que ces fruits porte-larmes
charmes,
p185
afin
fournir
et comme un
sacrifier au dueil les restes de ma vie.
Mais helas ! Veu le poinct où
pour plorer mon tourment
il faut que le
se fonde tout en sang aussi bien
encor, eussé-je au front autant
comme les cieux la nuit en ont de flamboyans,
et mon
son propre sang conjoint à celuy de mes veines,
mes larmes ne sçauroient égaller ma douleur
ny ma douleur non plus égaller mon malheur.
Ah ! Pourquoy
qui seul donne des loix aux fuseaux de la Parque,
que le mesme combat qui tes jours a finis
Ligne 5 192 ⟶ 5 194 :
ou le serois au moins avec quelque vengeance.
Car quand un diamant eust armé tout-autour
celuy qui
et fait que ton meurtrier eust esté ta victime.
Puis revenant à toy de qui peut estre alors
p186
quand la mort
à tes derniers souspirs mes souspirs confondant,
dans ton sang épandu mes larmes épandant :
et peut estre ce coup de douleur nompareille
qui ne
et nous fussions ensemble envolez dans les cieux.
Mais la cruelle Parque à mes
voyant
heureuse
pour me tuer deux fois
ou bien, le grand moteur qui de loix eternelles
regit le cours fatal des affaires mortelles,
ayant icy fiché la borne de tes ans,
a voulu que les miens leurs fussent survivans,
afin
qui peust en ta faveur à
qui de dignes regrets peust ta fin déplorer,
et
Loy que si les destins
me plaisant à penser, pour mon seul reconfort,
que tant plus je vivray tant moins tu seras mort,
puis
la memoire des morts leur sert
que ton trespas a teint en si noire couleur :
p187
Ligne 5 232 ⟶ 5 234 :
soleil, pere des ans, grande lampe celeste,
rens ce jour-là semblable à celuy de Thyeste :
que jamais ta splendeur ne
comme à la plus sanglante et cruelle journee
qui par le rond des cieux se soit oncques tournee.
Et toy, qui que tu sois, homme impie et cruel,
qui pour
avec le coup meurtrier des foudres de Megere
as osé violer une teste si chere :
sçaches que si le plomb contre elle décoché,
avec ta cognoissance a commis ce peché,
nul paisible sommeil
que ton sang malheureux épuisé de tes veines,
et tes membres en proye aux corbeaux exposez
Ligne 5 250 ⟶ 5 252 :
dont le courroux du ciel armé pour le vanger
te viendra par ma dextre en fureur saccager,
si pressé
tu ne te vas cacher au sein de la mort mesme.
Levant la main au ciel ainsi je le promets
aux cendres de Lysis esteintes pour jamais,
et vous prens à tesmoins du serment que
ô vous race presente, et vous race future.
Ainsi parla Daphnis faisant luire en son oeil
Ligne 5 261 ⟶ 5 263 :
puis se rendit aux pleurs, baillant en cent manieres
son
quand son cher Megathyme, autheur des plus beaux
faits
ne pouvant endurer de voir tant de tristesse
affoler un esprit fameux pour sa sagesse,
Ligne 5 270 ⟶ 5 272 :
vint calmer sa tourmente et moderer ses flots.
Et quoy ? Cher nourrisson de Mars et de memoire,
en fin ceste douleur aura-
dont ta sage constance a tant bravé le sort ?
Quoy ? Ce
sera-
et tant de gloire acquise à te ; royales fleurs
fera-
ô genereux Daphnis souviens-toy de toy-mesme,
de tes fameux lauriers, de ton saint diadême,
et ne tourmente point les ombres de Lysis
par
Bien seroit un rocher, bien seroit une souche
celuy qui defendroit les plaintes à ta bouche
maintenant
qui
trop sensible est le coup qui ta poitrine entame,
et trop de sentiment vid dedans ta belle ame :
p189
tu
et
brusloit en son esprit
pour le voir maintenant, sans larmes et sans plainte,
par un meurtre inhumain au cercueil estendu
nager dedans son sang pour toy seul espandu.
Car si plus que sa vie estimer ton service,
si ses plus beaux desirs
ne respirer que toy, ta gloire et ton repos,
suffit aux habitans de ceste ronde masse
pour acquerir tant
meriter en vivant quelque effect
meriter en la mort quelque trait de pitié,
rien jamais de ton
ne tira des regrets ny des larmes plus justes.
Mais si ne faut-il pas que ton
laisse au faix de ce mal accabler ta vertu,
ny que servilement ta constance enchainee
Ligne 5 313 ⟶ 5 315 :
dont il faut que la gloire abolisse et consume
de ces cuisans soucis la dolente amertume,
et que tous les torrens de douleur et
que maint orage humain apporte quand et luy,
fussent-ils assez grands pour noyer de leur onde
Ligne 5 319 ⟶ 5 321 :
p190
coulez en ta belle ame et dans ce brave
de qui rien de mortel ne deust estre vainqueur,
soudain soient devorez, sans que tout leur orage
puisse troubler la paix
Non autrement
ou le Nil dont le cours se va tant renommant,
ces deux fleuves fameux qui sortans de leurs couches
vomissent jour et nuit par sept diverses bouches
escumeux
où mille se vont perdre et
On diroit en oyant leur superbe menace
fremir contre les bords qui brident leur audace,
Ligne 5 335 ⟶ 5 337 :
vont noyer la mer mesme et le goust en changer :
cependant, aussi tost que leurs eaux sont coulees
dedans les vastes champs des
les gouffres de Thetis les vont engloutissant
dans
sans en rien alterer leur saveur naturelle,
et sans croistre leurs flots
Daphnis, il faut
ainsi
ces vagues de douleur, ces ondes de soucy
Ligne 5 346 ⟶ 5 348 :
se perdre dans la mer de tes nobles pensees,
se perdre en la grandeur qui fait dessous ta loy
flechir tant de mortels qui
La bonté de ton ame aux saints desirs ouverte
ne veut pas que tu sois insensible à ta perte :
p191
non,
mais fay
et respondant
sens-la comme un amy, porte la comme un homme,
comme un grand, comme un roy, qui grand en tous ses
faits
Quel seroit nostre sort si poursuivant ta plainte
Quels astres dans les cieux prompts à nous secourir
nous pourroient bien alors empescher de perir ?
ô Daphnis nostre vie en la tienne respire :
pense à nous, pense à toy, pense à tout cet empire,
et pour
fay quelque violence aux loix de
Les dieux qui de grandeur avec toy symbolisent
ne pleurent point la mort de ceux
mais leur donnent au ciel des thrônes immortels :
leur font dessus la terre élever des autels :
couronnent leur vertu, couronnent leur memoire
des perdurables fleurs
et de tels ornemens sans fin les honorer,
cela
Toy Daphnis appaisant ces douloureux alarmes
plore ainsi ton Lysis sans souspirs et sans larmes :
Ligne 5 382 ⟶ 5 384 :
mais rendant sa valeur à jamais memorable
par tout ce qui peut rendre un renom perdurable.
Tels effects
si rien
que tout autant de pleurs
sur son Hephestion le monarque Alexandre.
Aussi ces larmes-là ne sont que vaines eaux,
et ces pleurs retirans les morts de leurs tombeaux
se changent mieux que ceux de qui le Pau se vante,
en
Ainsi dit Megathyme, et les poignantes fleurs
de ces libres discours, malgré tant de douleurs
servirent à Daphnis, sinon de Panacee
guarissant tout
pour le moins de Nepenthe, en supprimant le cours
des pleurs
et derechef aux mains luy remirent les armes,
pour respandre à Lysis autre humeur que des larmes.
Ligne 5 403 ⟶ 5 405 :
p193
Que
qui parlant fait trembler tout le rond de la terre,
ou bien à ceste trompe effroyable aux mortels
Ligne 5 409 ⟶ 5 411 :
de ceux que le trespas logera dans la cendre,
se doit faire en sursaut aux morts mesmes entendre,
quand nostre Dieu seant pour juger
ranimera la pouldre et les restes des vers !
Je courrois maintenant dessus quelque montagne
qui verroit
et de
et plus loin
puis
aux peuples estonnez je crierois ces paroles.
Peuples, ceste princesse à qui depuis trente ans
Ligne 5 421 ⟶ 5 423 :
p194
ont servy de tesmoins en
cet astre florentin par tout resplendissant,
et dont les feux conjoints par les feux
à trois de nos soleils la naissance ont donnee :
cet illustre ornement du sang de Medicis,
qui rendoit de son los les plus clairs obscurcis :
ceste royne immortelle, autant que la memoire
peut rendre un nom vivant par
femme du plus grand roy, mere des plus grands rois,
dont le genoüil flechisse à
ô peuples, elle est morte, et semble
soit morte en mesme lict la paix universelle,
qui calmant ceste Europe enchainoit de ses fers
Ligne 5 449 ⟶ 5 451 :
de picques au long-bois et de lances dressees :
et trainant son grand corps rudement escaillé
de fer
p195
Ligne 5 456 ⟶ 5 458 :
perd tout, saccage tout, despeuple les citez,
et transforme en deserts les champs plus habitez.
Desja par tous les lieux où
le ciel ne voit plus rien que meurtre, que ravage,
que laboureurs destruits gemissans et pleurans
par horreur de leurs maux à la mort recourans,
que maisons et chasteaux saccagez par les flames,
et bien tost le suivront (si la sage valeur
et
les grands torrens de sang ondoyans par les plaines,
la famine et la peste aux verges inhumaines,
Ligne 5 472 ⟶ 5 474 :
vous qui depuis le cours de vingt ou de trente ans
avec nos propres mains nostre gloire abattans,
fournissez
par qui tout est destruit en ceste pauvre terre,
si de vos fiers esprits soulans
nos maux
faites des feux de joye, et rendez tesmoignage
par vos chants redoublez du dueil qui nous outrage.
Ligne 5 491 ⟶ 5 493 :
armer ses bras mutins contre son propre roy,
voire en oser aux pieds fouler le diadême,
et luy,
nos plus riches citez rester sans habitans :
nos champs reduits en friche, et comme lamentans
en vestemens de dueil ces terres saccagees,
maudire incessamment nos fureurs enragees :
bref (si contre ces maux Dieu
la caverne
espece de malheur dont elle arme son ire,
pour renverser
empire,
que le fatal arrest du celeste courroux
ne luy face respandre et vomir entre nous.
Et quel homme icy bas est si veuf de prudence,
dont tant
en avancer par tout les miserables fruits ?
p197
Desja depuis long temps
des clairons de la guerre embouchez de Megere,
rappellant des enfers
aux armes a semond la fureur des mutins.
Et voila de nouveau, les plus sanglans outrages
qui puissent des mortels ulcerer les courages,
receus de part et
viennent de ranimer aux meurtres plus cruels
que la haine conseille à
rompant tous les liens dont le saint souvenir
les eust peu quelque jour en un corps reünir.
Ce fameux duc de Guise à qui toute la France
sembloit devoir prester la mesme obeïssance,
aux maires plus vantez du palais de nos rois,
il
le despoüillant de vie, et son prince de craintes,
de la chambre royale a rougy le planché.
Son frere à qui le pourpre environnoit la teste,
Ligne 5 539 ⟶ 5 541 :
tous ceux qui pour servir de vengeance à leur mort
ne veulent point prester la main à son effort,
ny fausser pour cela le
qui nous lie à nos rois presque dés la naissance.
Paris en ces fureurs rallumant le flambeau
qui des grandes citez met la gloire au tombeau,
voire en fin les reduit en campagnes de cendre,
que sans aucun respect de la grandeur des rois,
venerable et sacree és plus barbares loix,
elle a trainé par terre au plus vil de la fange
les images du sien, et
déchiré, poignardé, par le feu consumé
tout ce
Le frere des deux morts, à qui parmy les larmes
la crainte et la douleur ont fait prendre les armes,
Ligne 5 556 ⟶ 5 558 :
monts
où parmy des coustaux détranchez en vallons,
plus le flot
plus il enfle son onde et fait bruire sa course,
que luy traine en passant le ravage des eaux :
ainsi plus il
plus
ou leur propre courroux luy donne incessamment.
p199
Ligne 5 571 ⟶ 5 573 :
peu combattent pour nous : nos yeux en fin ouverts
découvrent tous les jours des ulceres couverts.
Nous
tantost quelque cité
tantost
nous rend tousjours ce doute un naufrage asseuré.
Bref, le courroux du ciel desormais nous appreste
la plus impitoyable et sanglante tempeste,
qui menaça jamais le chef des grands estats,
ou fist trembler
Et ce qui nous ravit
de tout humain secours durant ceste tourmente,
des ans de ceste royne, oracle de nos jours,
en qui seule vivoit
par les charmes divins
porte dans sa parole és publiques traittez
où
monstrer une prudence és grands faits exercee,
et de deux ennemis estre le caducee.
Vous donc qui dépeignez nos malheurs en vos fronts,
vous qui compatissez aux maux que nous souffrons,
pitoyables esprits, dont
puis que vous deplorez nostre estat miserable,
p200
Ligne 5 597 ⟶ 5 599 :
accusans avec nous la cruauté du sort,
aydez nous à gemir et plaindre ceste mort :
car pour plorer les maux qui
le soleil ne voit pas assez
Et vous peuples françois qui passez en malheur
tous les peuples du monde aussi bien
perdant par ceste mort la plus ferme colomne
sur qui se reposast le faix de la couronne,
Ligne 5 610 ⟶ 5 612 :
celle qui se laissoit en vivant consumer,
au soin de rendre un jour la France soulagee
du fardeau des malheurs dont nous
qui
nourrissant en son ame un desir eternel,
fut mere et de nos rois et de nostre royaume :
se privoit de repos pour nous en acquerir :
et, sage, nous estoit ce
à la nef qui sans ancre en la tempeste flote :
ou ce
la main qui peut et veut luy rendre sa santé.
Jamais le ciel ne veit un plus noble courage :
ny dans le plus parfait
p201
Dieu
de royales vertus la royale grandeur.
Aussi fust-ce une estoille en clarté renommee
qui pour guider trois rois fut ça bas allumee :
mais de qui le bel astre a cessé
au temps que le besoin nous faisoit desirer
que sa vie excedant sa borne naturelle,
fust non seulement longue, ains du tout immortelle.
Pleine
vers de petits soucis ne daigna
pleine
pour
elle a si sagement guidé par ces destroits
la nef et de la France, et de nos jeunes rois,
ou voir luire par tout les rayons de sa gloire.
Mais en quel ocean et sans rive et sans fonds
que le ciel espandit
dans le sein genereux
Mesme à vous que la preuve en a rendus tesmoins,
veu que la renommee en volle aux quatre coins
de ce grand univers, avec les mesmes aisles
dont un los immortel volle és bouches mortelles ?
combattu les malheurs qui nous ont abatus :
p202
la grandeur de ce sceptre à sa fin conjuree,
lors que son roy mineur
en voyoit
des vents de nos fureurs
que nous ne luy devions entre tous les mortels
le bien de voir encor és temples des autels :
nul de ceux
ne vit tant insensible aux tempestes publiques,
qui
et
stupide
puis que
Or est ceste princesse, autrefois nostre bien,
maintenant en la tombe un corps qui ne sent rien :
et ne
ce qui la sauvera de la mort eternelle,
sa foy, sa pieté, son zele nonpareil,
et son renom qui voit
Ains le sort
comme on voit quelquefois au fort de la tourmente
un tourbillon venteux, la terreur de la mer,
emporter de la poupe, et dans
le patron
du corps et de
de la vague abayante, à ses coups
et par soin et par art sa fureur maistrisoit.
p203
La nef alors sans bride erre apres où
tant
la brise, et par la mer en espand les morceaux,
effrayant le berger qui de la cyme verte
des costaux
Messager du malheur qui nous fait vivre en pleurs,
et qui du lis royal en arrouse les fleurs,
je crierois ces propos
aux peuples dont
et si ces tristes cris parmy
pouvoient faire payer les regrets qui sont deus
à la mort
que la majesté mesme éleut pour son hostesse,
je ferois que la France en pleurs se resolvant
Ligne 5 701 ⟶ 5 703 :
et que le juste dueil de toute la province
conjoindroit ses souspirs aux souspirs de son prince,
qui portant
du regard dont un fils est justement blessé,
voyant la mort cacher dedans sa nuict profonde
Ligne 5 716 ⟶ 5 718 :
et rend ces costes-là fameuses de naufrages.
Dieu ! Quel trait de douleur par la mort élancé
rendit de part en part son
quand il en veit le corps froid, insensible et palle,
et monstrer par la nuict qui luy bandoit les yeux,
Son esprit invincible à tant
qui de sa fermeté battoient les forteresses,
rendit alors la place à
et la douleur alors triompha de son
Si bien que le soleil acheva trois carrieres
devant que sa constance essuyast ses paupieres,
ou
son courage forcé par une angoisse extresme
cedant à la douleur
Ah ! (disoit en plorant la voix de ses souspirs)
remede et reconfort de tous mes déplaisirs,
à qui je doy mon sceptre, à qui je doy ma vie,
quel destin ennemy
au temps que la tempeste et
qui va de tous costez la France menaçant,
p205
rendoit plus que jamais contre mes adversaires
ta vie et tes conseils à
Helas ! Divin esprit, la fuite de tes jours
trop tost pour nostre bien a terminé son cours.
Car encor que ta vie, au monde assez illustre,
ait passé de deux ans son quatorziesme lustre,
et
nul
si
presageant la fureur de ces civiles flames :
et voit-on bien aux maux qui nous donnent la loy,
que
Car à qui plus pourray-je avec tant
bailler à soustenir le grand sceptre de France,
lors que sa pesanteur me venant rendre las
me permettra
à qui fieray-je plus ces secrettes pensees
que tant de grands soucis
et qui pour leur conduite auroient besoin des yeux
que ton clair jugement avoit receus des cieux ?
Qui me donnera plus ces conseils salutaires,
dont le fil a conduit le pas de tant
parmy le labyrinthe et les cachez destours
où la guerre intestine a consumé tes jours ?
Toy seule en conseillant ou consolant mon ame
quand
entame
p206
me livrant quelque assaut
me le faisois ou vaincre, ou souffrir constamment :
au lieu que ton trespas arrache de ma vie
tout
me laissant icy bas au milieu des ennuis
sans flambeau qui
Mes plus doux chants de joye en si rudes attaintes
sont changez par ta mort en funebres complaintes :
les verdoyans lauriers que tant
je voy de jour en jour mon empire décroistre :
mon sceptre autrefois
et desplait à la main qui
Hé ! Qui me pourroit plaire en ceste angoisse extréme
où ta mort
Helas ! Elle a de moy tout plaisir estrangé,
et puis dire à bon droit
ma couronne de fleurs en couronne
et fait seicher mes lys jusques à leurs racines.
Ah ! Que
de rompre ou de trancher avec leurs propres mains
les liens odieux dont leurs ames gesnees
sont contre leur vouloir à leurs corps enchainees :
tu
devancé que
p207
et si
le jour qui lamentable a la tienne ravie,
et qui tout mon bon-heur en ta mort a destruit,
eust veu
Car je vy malgré moy, voyant la vie ostee
à celle qui la mienne en naissant
à celle en qui le ciel pour ma gloire a fait voir
tout ce
pour le plus cher enfant dont on
à celle qui bruslant
me mit entre les mains, à peine hors
dessous mon frere roy la royale puissance :
à celle qui pour moy cent travaux a soufferts :
Ligne 5 817 ⟶ 5 819 :
et que mesme la mort (qui peut seule appaiser
tous les flots des soucis tourmentans nostre vie)
ne prive point au ciel
Pour lesquelles faveurs surpassans doublement
tout espoir de revanche et de ressentiment,
ô bel ange du ciel, je ne te sçaurois rendre
avec ces tristes pleurs que
seul égale en grandeur le poids de tes bienfaicts.
p208
Ligne 5 830 ⟶ 5 832 :
que les pleurs dont mes yeux sont maintenant lavez,
se trouveront en moy tousjours autant privez
le mal
et que quand leur humeur à mes yeux defaudra,
mon
ne verra pas pourtant leur riviere seichee,
ny moins grosse de dueil pour estre plus cachee :
Ligne 5 839 ⟶ 5 841 :
est apres un long cours par la terre englouty,
qui pour le reserrer en ses veines profondes
COMPLAINTE MORT FEU ROY
En fin la cruauté,
dont nos peuples mutins ont armé leur courage,
en est là parvenuë où le barbare
et qui
auroit horreur de voir sa fureur arrivee.
p209
En fin
prophanant les respects plus sacrez et plus saints
qui se doivent aux fronts ornez
et se peut bien charger la teste de lauriers,
si sa main exercee en tant
vouloit par quelque audace à nulle autre seconde
vaincre en meschanceté tous les crimes du monde.
ô bon pere ancien, de quel temps vivois-tu,
qui de nos devanciers benissant la vertu,
tesmoignes
Helas ! Si du destin
eust fait couler ta vie en ces malheureux jours,
nos prodiges
nos rebelles discords, et nos fieres manies
forceroient maintenant ta plume à confesser
Ligne 5 872 ⟶ 5 874 :
dont elle ne soit mere ou nourrice feconde.
Non, nul crime ne regne au milieu des mortels,
violant le respect que
le droit sacré des gens, et la nature mesme,
qui ne nous ait pollus de quelque offense extresme :
Ligne 5 879 ⟶ 5 881 :
p210
nul esprit sans horreur ne le sçauroit entendre.
Helas ! Et pouvions-nous aux siecles avenir
laisser un plus funeste et sanglant souvenir
de
que
Celuy que nous avions en un temps desolé
par des
Qui parvenant au sceptre, avoit à son entree
veu de tant de mortels sa gloire idolatree :
et que si sainctement Dieu mesme avoit sacré,
que la rage des mains qui nous
quelques meschans desirs dont la terre soit plaine,
sembloit estre au dessus de toute audace humaine.
Ah dieu ! Lors que je pense à cet acte maudit,
et regarde la main que
au detestable effect de ceste impie audace,
mon sang gelé
et bien que le pouvoir de ma juste douleur
presse ma triste voix de plaindre ce malheur,
interdit la parole aux souspirs de ma bouche.
Car quel meurtre de prince à cestui-cy pareil
Ligne 5 909 ⟶ 5 911 :
Un puissant roy de France extraict de tant de rois,
qui des civiles mers passant tous les destrois
avoit
sans naufrage enduré tant de sanglans orages :
un roy que cent canons vers sa teste pointez,
que tant de coutelats martelans ses costez,
et taschans de plonger leur pointe en ses entrailles
le malheureux cousteau
de qui rien ne sembloit plus vil ny plus abjet,
presque devant les yeux de sa garde loyale,
de sa noblesse armee, et de la jeune ardeur
de vingt mille soldats marchans sous sa grandeur.
ô prodige effroyable ! ô signe manifeste
de la rage mortelle, et de
Ah ! Bourreau desloyal, sentis-tu point trembler
tes sacrileges mains, et ton sang se troubler
en tirant le cousteau dont le fer detestable
Ton front à tout le moins pallit-il point
te sentant de ta main meurtrir ton propre roy,
de qui la seule image en ta memoire empreinte
devoit remplir ton
Quoy ? Le throsne des loix par la guerre abatu
et faire naistre en France une paix eternelle ?
p212
Quoy ?
te monstroit par dehors
trouvoit-elle en celuy que ta brute ignorance
voüoit pour successeur au sceptre de la France,
plus de desir de voir son empire fleurir
prince qui constamment
et cent fois pour sa gloire abandonné sa vie ?
Ah tigre sans pitié, si cet esprit brutal
que la tienne enfermoit en un
eust de quelques raisons animé sa pensee
au sacrilege effort de ta dextre insensee,
hideusement couverte et de sang et de flame
eust alors repassé devant
et faisant recognoistre à tes sens inhumains
que le fer parricide armant tes fieres mains
les poussoit dans le feu
ce malheureux acier en enfer aiguisé
qui du sang de ton prince alloit estre arrousé.
Mais, cruel, pour oser un coup si detestable,
nul discours de raison ny
sous
Te sentant bourrelé de
qui fait avoir la vie et les vivans en heine,
p213
quand de quelque forfait les angoisseux remords
donnent au
assez
la clarté du soleil à regret regardant :
et voulant insensé tout perdre en te perdant,
tu conceus en ton
rendant
Ou bien, si conduisant
ta malheureuse vie au trespas asseuré,
la meurtriere fureur troublant ta fantasie
forma quelques discours dedans sa frenaisie
mourons (dis-tu cruel) et fuyons au tombeau
mais voulons-nous mourir
Non, non, que tout esprit habitant sous la nuë,
que le ciel, que
sçachent par nostre fin que nous avons vescu :
surmontons Erostrate imitans son exemple :
il ne perdit
nous, renversons la France : et quel plus beau
cercueil
se sçauroit élever
que
Sus sus, erigeons-nous un fameux monument
es ruineux monceaux
Tant soit avantureux ce que nostre ame embrasse,
il est en son pouvoir,
p214
Allons, et de ce fer gravons dans les esprits,
que quiconque a sa vie en horreur et mespris,
quelque petit
de celle du plus grand que le ciel ait veu naistre.
Ainsi dis-tu, meurtrier, si le cruel dessein
avec quelques discours
à tremper dans le sang un si sainct diadesme.
Mais seroit-il bien vray que
peust former des propos ressentans un courage
plein
que le tremblant effroy
en son meschant dessein
pourveu
histoire,
et que sa propre mort fist vivre sa memoire ?
Non, il
mais
ou si le mesme esprit qui les vices conseille
fut depuis à poursuivre ardemment embrasé :
le ciel, le juste ciel, protecteur des couronnes,
le sçait pour le malheur de ces ames felonnes,
ce traistre assassinat des marteaux de
p215
et de qui les conseils armans celle des princes
du glaive ambitieux qui destruit les provinces
ainsi
font ce siecle de fer estre un siecle de sang.
Ah ! Combien je prevoy que nostre renommee
sen verra desormais justement diffamee !
Helas ! Si par
ce meurtre estoit fatal à nos ans malheureux,
que ne
ou
Faut-il que
en ait barbarement cet âge ensanglanté ?
Soüillant
nostre nom devestu de ses vieilles loüanges,
il soit pris maintenant pour titre injurieux :
et
à
ce soit le surnommer un traistre, un fausse-foy,
un mutin, un rebelle, un meurtrier de son roy ?
Ha ! Je veux desormais,
me vanter
le grand char du soleil las
loin des champs de la France, és rives du Peru :
ou de ceste autre terre encor plus esloignee
Ligne 6 056 ⟶ 6 058 :
Car je me hay moy-mesme, et hay mon jour natal,
de me sentir extraict
qui dressant des autels et des temples au vice,
immole son roy-mesme (horrible sacrifice)
aux cruelles fureurs
puis comme
au lieu que le remords de sa cruelle audace
deust espandre à jamais du pourpre sur sa face.
Mais mon ame
entreprendre à sa main un si traistre forfait :
quelque dire
pour voir la guerre en France à jamais embrasee,
et nous rendre odieux mesme aux peuples amis,
sous le nom
Massacre que
à
et dont le sang versé la poussiere baignant
boüillonnera sans cesse, à dieu se complaignant,
tel que boüilloit celuy de ce grand Zacharie
que de
jadis fist expirer dessous maint coup mortel
entre les saincts parvis du temple et de
Cependant la douleur, le regret, le diffame
en blesse incessamment le plus vif de nostre ame,
et nous fait en plorant justement detester
le siecle où nous voyons tels monstres
ô dieu, que le destin
puis que
p217
ou plus tost ou plus tard de six vingtaines
pour ne point attoucher un siecle si barbare
où le vice est
et triste ne voir point ce
Sainct Cloud, depuis trois mois, a veu devant son
oeil.
Ligne 6 095 ⟶ 6 097 :
estoit de tous costez sans tréve poursuivie,
falloit-il, pour combler mes malheurs de tous points,
tesmoins ?
Car je
en repeint en mon
je voy ce pauvre prince estouffé de douleurs,
et
tantost jetté sur terre, et tantost vers les cieux,
implorer le secours des hommes et des dieux :
la tristesse et
son palais retentir de sanglots et de pleintes :
les uns se condamner
les autres dire injure à leur vain jugement
pour y pourveoir si mal quand il le falloit craindre.
Car en fin, que servoient à nos
tant de sages conseils receus de tous costez,
p218
de nous garder de ceux qui souvent sous la feinte
comme si
de pouvoir en vertu Scaevole surmonter,
si lors que
pour soüiller
estoit entre nos mains preparant ce mechef,
nous luy servions nous-mesme à le conduire à chef ?
Nous-mesmes
Et comme tous troublez
presque luy descouvrions le miserable flanc
de qui son traistre acier alloit boire le sang,
aydans à ce malheur ceux
eust fait, pour
Ou suprêmes destins, arbitres de nos jours,
que souvent vos decrets prennent
Et
qui vainement preveus semblent inevitables !
Helas, il me souvient que quand son pasle corps
fut mis à reposer en la couche des morts
gisoit sans nulle pompe estendu contre terre,
pendant que
de maint ais resonnant
formoit la triste chambre où la fatale marque
des fourriers de la mort logeoit ce grand monarque.
Ligne 6 146 ⟶ 6 148 :
naguere estoit au monde et mon prince et mon maistre,
celuy
et de qui le trespas me venoit de ravir
je vey perdre à mes sens leur usage ordinaire,
par le triste penser qui
que presque evanoüy je tombay sur la place,
en paleur une pierre, en froideur de la glace,
et tel
un marbre
Dieu !
quand apres ce transport je revins à moy-mesme,
et quand par les ruisseaux que mon oeil espandit
Ligne 6 163 ⟶ 6 165 :
Long temps je ressemblay ceste nymphe affligee
qui fut par trop pleurer en fontaine changee :
puis commençant
tourné vers
ô toy (luy dy-je alors
qui de la main celeste as receu ceste grace
pour Dieu ne vueille point envier à ma foy
que luy rend maintenant ton fidelle service.
Permets moy de tenir le sapin que tu couds,
que
p220
que ma tremblante main un à un te les donne,
et que de ce devoir en pleurant je couronne
les services passez
et
Je
apres tant
que ces cuisans souspirs, que cet honneur amer
de pouvoir maintenant au cercueil
et si,
ne
de
Ainsi dy-je, et ces mots firent en mes paupieres
renaistre derechef deux larmeuses rivieres.
Et lors,
qui parut à mes yeux de son sang se tascher,
ah (dy-je) illustre sang, les ames infidelles
de
par le traistre couteau
Quoy ? Ny
ny le respect
dont le front des grands rois vivement se gravant
est un tableau de Dieu respirant et vivant,
tout ce qui peut les
p221
feront-ils point
donne à nostre douleur quelque vaine allegeance ?
ô cieux ! Si
vous escoutez la plainte et les
ne vueillez point laisser
Cieux ennemis des
vangez ce noble sang, vangez la royauté.
La majesté du sceptre est en luy terracee :
tout tant que
des peuples insolents regissants les fureurs,
tous, tous sont outragez en ce cruel outrage
qui fait faire à sa vie un si triste naufrage :
et
qui luy mesme de crainte en son lict palissant
ne doive apprehender
le moindre de son peuple un jour ne le poignarde,
si ses faits, si ses dits injustement pesez
Ligne 6 227 ⟶ 6 229 :
Et vous rois dont la gloire en nul temps ne se passe,
qui de ce grand empire avez fondé la masse,
sur tous ceux qui du monde habitent la rondeur :
car ce sang espandu sans respect sur la terre,
non par un coup de lance és perils de la guerre,
mais par le vil acier
p222
qui prenant source en vous, et depuis tant
coulé jusques à nous par deux ruisseaux divers
a donné tant de rois à ce grand univers.
Princes dont la vertu fut au monde un miracle,
Ou bien si nostre sort vous estant à mespris
ces maux ne troublent point la paix de vos esprits,
bruslez vous point au moins
voyant devant vos yeux la fierté populaire
fouler aux pieds le sceptre, à qui
avoit assujetty
et que vostre vertu rendit si redoutable
aux rois plus redoutez de ce rond habitable ?
Ligne 6 253 ⟶ 6 255 :
vos esprits ont esteint leurs genereuses flames,
ou le soin de la France est bany de vos ames.
Mais un si juste soin
non, vous ne lairrez point ce forfait impuny,
ains vous en ferez choir la severe vengeance
sur les rebelles chefs dont
ayant barbarement cet estat desolé,
par un tel sacrilege en fin a violé
ce que le protecteur des justes diadêmes
rend venerable et saint au
Et toy, valeureux roy, la terreur des mutins,
la gloire de nos ans, et
p223
Ligne 6 271 ⟶ 6 273 :
dans ces rebelles murs où sans peur de tes armes
par mille feux de joye on se rit de nos larmes :
autant que te sont chers, autant
dessus toy ton honneur, ton salut, ton devoir,
puny ce parricide, et dessus les coulpables
Ligne 6 277 ⟶ 6 279 :
tant que mesmes les morts deuz à ce chastiment
en fremissent de crainte au fond du monument.
Chasse alors de ton
que
estre icy trop clement ce seroit cruauté :
pense
que souvent le pardon les injures convie :
que punir ce forfait
Souvien toy des propos que tu tins en pleurant
à ce genereux prince, alors que luy jurant
tu luy baisois la main de tes larmes trempee.
te demandant vengeance, et conjurant ta foy
de joindre en un mesme acte autant sainct que severe,
à
Si vainqueur tu le fais les siecles à venir
p224
comme
rend en un successeur autant belle que rare.
Ta gloire
qui pour te voir
Mais, helas !
dont maintenant tu sens la flamme te saisir,
ne soit lors malgré toy retenu de produire
les effects du penser que
tant je prevoy de maux
et pour esteindre en fin tous ces rebelles feux,
te contraindre à noyer dedans
ceste injure, et la tienne, et celle de la France.
Ainsi dy-je accusant mon propre jugement :
comme un qui sçachant bien
ne sçait en la douleur dont il se sent attaindre,
de qui
COMPLAINTE
Ce
grand soleil, du milieu de
car tu ne luis point pour les morts,
et je suis du tout mort au monde :
Ligne 6 325 ⟶ 6 327 :
et mort à tout contentement.
Aussi fuy-je à voir ton flambeau,
depuis
dans ce lieu triste et solitaire,
où les vers de cent mille ennuis
Ligne 6 332 ⟶ 6 334 :
Or sens-je combien les plaisirs
sont amers à la souvenance,
lors
nous en perdons la jouïssance,
et de combien
est plus doux que
Mes plaisirs
cedans au malheur qui
mes beaux jours se sont écoulez
comme
et
rien que le regret du passé.
Ah ! Regret qui fais lamenter
Ligne 6 350 ⟶ 6 352 :
p226
Assez lors que
assez tes rigueurs éprouvant
pourquoy perpetuant mon dueil
me poursuis-tu dans le cercueil ?
Pourquoy viens-tu ramentevoir
à ma miserable memoire
le temps où mon
comblé
maintenant
Vois-tu pas bien
qui foulent aux pieds ma constance,
je sens
que mon ame a de souvenance,
et
du souvenir
Helas les destins courroucez
ayans ruïné mes attentes,
tous mes contentemens passez
me sont des angoisses presentes :
et
ô ma seule gloire et mon bien
qui
p227
et sans qui je ne suis plus rien
de quel point de felicité
ton trespas
Helas ! Au lieu que toy vivant
nul ennuy ne me faisoit plaindre,
un tel heur alors me suivant
que
maintenant reduit à plorer
je crains tout sans rien esperer.
Mais que peut craindre desormais
quelques maux dont la vie abonde,
un
qui
et qui vivant desesperé
vit à tout malheur preparé.
Non non, ton trespas
en te perdant
je ne crain plus rien que de vivre :
vivre encor est le seul malheur
qui peut accroistre ma douleur.
Car gemissant dessous le faix
dont
p228
et survivant comme je fais
à tout mon heur voire à moy-mesme,
vivre
SUR LA MORT DE CALERYME
Six jours
qui cachant pour jamais le grand flambeau celeste
aux yeux de Caleryme, enrichit de tombeau
de tout ce que la France eut jamais de plus beau :
lamentant ceste mort ne cessoit de respandre
des pleurs et des sanglots, sans
ny ceder aux raisons qui
quand au fort du sommeil qui seul avec ses charmes
enchantoit ses douleurs et le cours de ses larmes,
Ligne 6 428 ⟶ 6 430 :
ne se monstrassent plus si flambans ne si clairs,
et que dessus son front et par tout son visage
ce teint qui ravissoit de sa vive fraischeur
à la nege des monts le prix de la blancheur.
Ligne 6 434 ⟶ 6 436 :
Car le mortel ennuy dont elle estoit pressée
joint au juste regret de voir finir ses ans
alors
ternissoit les rayons de sa grace premiere,
desanimoit ses yeux de leur vive lumiere,
et cruel violoit de son secret effort
ce
Si tost donc
sombrement éclairer parmy la nuict obscure,
et veit ainsi languir les flammes de son oeil :
ô mon
fantosme desirable à mon ame affligee,
pour voir en quels ennuis ta mort
Ou jouïssante encor de la clarté des cieux
viens-tu pour estancher les larmes de mes yeux,
toy-mesme leur prouvant par ta douce presence
et que les bruits courans qui dolens messagers
ont publié ta mort, sont faux et mensongers ?
Mon ame (respondit animant sa parole
la foible et triste voix de ceste aimable idole)
un faux bruit de ma mort
mon corps
la flame
sembloit donner la vie et le jour à ton ame,
p230
ne sont plus maintenant que le repas des vers.
Accident qui tesmoigne aux hostes de ce monde
combien faux est
puis que rien
que la gloire y fleurit et
que la pompe et
qui luit comme de
et que la mort triomphe, en te privant de moy,
de ce
Mais bien que je sois mort en
lors
me faisoit desirer
si
qui blesse de regret ma dolente memoire,
et cause les souspirs au tombeau me suivans,
que toy, mon seul espoir, et les gages vivans
qui te restans de moy sont pour marque asseuree
de la parfaicte amour dont tu
Vous seuls je vous lamente au milieu du repos
qui fait dormir en paix mes insensibles os,
non faveurs, ny grandeurs, ny gloire, ny richesse
dont le bien de ta grace ait comblé ma jeunesse.
Mais en me desolant
je beny
p231
du suprême destin qui regit cet empire,
et qui veut
de
qui pour ma seule mort
monde
que le cours
en tout
te fera longuement sur la France regner,
victorieux, paisible, admiré par la terre
pour les arts de la paix et pour ceux de la guerre :
penser que ma douleur a pour seul reconfort,
et qui fait
je ne craindrois rien plus que
de ceux dont
Vy donc heureux au monde, et moy veufve du jour
je
où reposent en paix francs de soins et de peines
les esprits devestus de leurs robbes humaines :
contente
pour jamais plus apres libre
voir encore ta face, et te dire moy-mesme
le triste adieu dernier, que
en mourant je priay les tesmoins de ma mort
de te dire en mon nom, puis que
qui
privoit de ce bon-heur les termes de ma vie.
p232
Que si mes humbles
peuvent se voir encor de ton ame exaucez :
par nos feux qui brusloient
et par ta propre foy, je te prie et conjure
de ne plus engager la saincte liberté
que ma mort
pour attacher ton
Accorde moy ce bien pour comble de mes
que je sois la derniere, apres tant
qui
au volontaire joug
Et quand
pour tenter ta constance et débaucher ta foy,
lors que tu sentiras ton
dy soudain à part toy, repensant à ma cendre :
les yeux de Caleryme en la tombe enfermez,
qui ne sont plus que terre, et que
defendent sans parler ceste erreur à mon ame :
leur cendre encor aymee esteindra ceste flame.
Parlant ainsi sans feinte, et
rompant tous les liens qui croiront
tu rendras ta constance illustre et memorable,
et feras que mon ame (autrement miserable
Ligne 6 546 ⟶ 6 548 :
egalera sa gloire à la gloire des dieux,
quand quelque bon genie accourant devers elle
luy viendra raconter
p233
Car je ne puis souffrir, sans mourir derechef,
des genereux pensers
fors celle que les dieux te destinent pour femme.
à ces mots Anaxandre éclatant en souspirs :
ô mon cher desespoir, ô fin de mes desirs,
penses-tu (luy dit-il) que jamais ma pensee
Penses-tu que cet oeil qui fut mon possesseur
en son fatal empire ait onc un successeur ?
Non, non, ma triste vie en tes laqs detenuë
que jamais elle puisse ailleurs se renchainer,
puis
Je suis et seray tien
sois-tu cendre et poussiere : et seulement
de ton oeil, bien
pourra plus dessus moy, que les riants appas
de toutes les beautez qui se plairont à tendre
des filets à mon ame afin de la surprendre.
Je
et ton oeil a bruslé dans le vif de sa flame
tout ce que
Les myrtes sont pour moy transformez en cyprez :
amour
p234
qui puissent rien sur moy, son trophee est par terre :
la mort, et non
desormais à mon
me verront seulement de la tombe amoureux,
la tombe maintenant estant
du feu qui me brusloit et bruslera sans cesse.
Helas ! Quelle beauté pourroit tant me charmer
Où trouverois-je plus ces vivantes merveilles,
qui parfaites en toy
Ce teint, ce poil, cet oeil et ces autres beautez
sorcieres de mes sens par mes yeux enchantez,
Tu
des flots dont cet estat
prenoit quelque relasche, et
il retournoit encor
tu sçavois mes desirs, tu sçavois mes desseins :
mon
et
ny de tant de plaisir, ny de tant de tristesse,
et ma peine décroistre à te le raconter.
Je tais infinis dons cachez et manifestes,
que
p235
et diray seulement que jamais icy bas
nulle beauté qui tinst un monarque en ses lacs,
que
que ces mains qui pouvoient maint orage émouvoir,
en rien
que tu
vices :
et
tout ainsi que ton corps
Toy seule à mon amour ayant coupé les ailes,
tu le tenois lié de chaisnes eternelles :
et ta seule beauté mes desirs arrestant
Car nulle autre que toy ne plaisoit à ma veuë,
tant fust-elle et
ou ses beautez pour moy
et contentant mes yeux, ne tentoient point mon
Toy seule avois pour moy ces charmes et ces prises
qui font courir fortune aux plus libres franchises,
et
ne me sembloit ny grand, ny puissant que par toy.
Aussi
pour estreindre mon
trouvant heureusement en toy seule amassé
tout ce
p236
Ligne 6 637 ⟶ 6 639 :
un si rare thresor dedans la sepulture ?
Quelle hayne des cieux, apres tant de faveur
qui
me poursuit maintenant, et sur ma triste vie
darde ainsi tous ses traits de courroux et
Faisant
tout ce que mon esprit eust jamais de plus cher,
et qui tant contentoit et ma vie et ma veüe,
le voir
et le vivre odieux, privé de tout mon bien.
Clair astre des françois, roy juste et magnanime,
(luy respondit alors
nulle hayne des cieux poursuivant ta valeur
ne
le ciel aime ta gloire, et sans cesse conspire
avec tes saincts pensers pour
mais le bien de
veut que cedant aux
tu
et je
avoit promis
par les sacrez liens de la nopciere loy :
bien que la France ait creu, veu ton amour extréme,
que pour me faire part du royal diadéme,
ton esprit embrasé
eleveroit ma vie à ce poinct de grandeur.
p237
et ja
au
reserve ceste gloire en ses fatales loix.
Princesse qui ne cede à nulle ame qui vive
en rien dont la douceur les plus libres captive :
qui rend de ses beautez
qui nourrissant son
joint aux graces du corps les richesses de
et les vertus
Je ne la nomme point, si ce
car estant icy bas ses vertus sans pareilles,
et desja ses beautez ayant de leurs merveilles
parmy toute la terre espandu leur renom,
que les
pour voir naistre de toy de grands et puissans rois
au sceptre et de la France et des monts navarrois,
voire à toute
qui sous le joug turquesque incessamment souspire :
car celuy qui du monde embrasse le grand tour
ne promet rien de moindre aux fruits
Il
où des dieux et des rois le pere et le monarque
p238
reserre les destins des grands de
profondement gravez en des tableaux divers,
les uns
et les autres de fer, selon que les doit suivre
un sort obscur ou noble, et
de vivre en leurs desseins bien ou mal fortunez.
Là, dans un tableau
je leu
en ce palais fatal guida mes tristes pas,
que le doux fleuve
arrouse
te devoient quelque jour envoyer pour espouse
une belle princesse en qui
assembloit les vertus des grands ducs florentins :
et que les fruits naissans de deux si rares plantes
estans
qui déchirent la France, y feroient refleurir
tous les biens que la guerre a contraints
puis recevans du ciel, apres quelque tempeste,
Occuperoient un jour de leur seule grandeur
tout ce que de ce monde occupe la rondeur,
et feroient que la terre à leurs loix obligee
se verroit à la fin entre eux seuls partagee.
Là, je leu
que pour
me fust loin de tes yeux avant
p239
ne pouvant advenir que ton ardente amour,
moy vivante et voyant la lumiere du jour,
te permist
Et bien
quelques goutes de pleurs sourdissent en mes yeux,
si me reconfortay-je, au lieu
voyant
esteinte
pour
un grand prince appaisant la deesse des bois,
sacrifia sa fille aux
la Parque
Donc, ô rare ornement des grands rois
ne va point plus long temps souspirant mon trespas :
mais pense, en consolant les ennuis qui te rongent,
Ligne 6 743 ⟶ 6 745 :
ne sert de rien aux morts, et peut nuire aux vivans :
pouvant bien ta douleur plus long temps poursuivie
Car la mobile roüe où se tourne le sort
des humains non encor abatus par la mort,
depuis que leur despoüille en la tombe est couchee,
est de cent cloux
et la superbe main du destin rigoureux
ne peut rien desormais ny contre eux ny pour eux.
p240
Bien
quelque trait de douleur rende ton ame atteinte :
car
ce seroit tesmoigner que
qui sembloit ardre en toy,
ou
dont
et tous deux paroistroient te condamner à tort.
Mais en cedant aux loix de ta douleur extréme,
souvien-toy de la France, et de ton diadéme,
certain
ton sceptre te defend ce
Assez as-tu pleuré mes membres froids et palles :
converty le surplus de ces larmes royales
que respand sur ma mort ton
en
soit preservant mon nom
soit donnant à mes os un sepulchre honorable
où
les cendres qui
Je ne te laisse point une insensible image
de
mais trois vivans portraits par le ciel animez,
où les tiens et les miens tendrement exprimez
font desja remarquer en ceux de leur enfance
que
Le ciel vueille inspirer ceste heureuse beauté
que tu dois en ton thrône asseoir à ton costé,
p241
de les voir
et
ne les dédaignant point pour estre nez de moy,
mais plustost les aymant pour estre issus de toy,
de qui tenir le bien et la gloire de naistre
Et toy-mesme, ô grand roy, vueille les eslever
à tout
aime-les, defends-les, et
quelquefois les baisant souviens-toy de leur mere
qui desormais, helas ! Hostesse
oeil :
ne peut plus les baiser si ce
seul et dernier regret dont
apres
sentant la fiere mort pour jamais
de toy, que sans espoir de plus revoir ta face
pour la derniere fois avec larmes
Adieu mon doux regret, le clair astre du jour
Ainsi parla
se perdit dedans
TRESPAS
p242
Donc, ô grande princesse, apres la vaine attente
et de ton cher espoux les souhaits accomplis,
et tous les champs lorrains
au lieu
et dissipé
pour le mal qui sur toy redoubloit son effort,
tu
Donc le ciel rendu sourd à la voix de nos plaintes,
Ny tant de justes
du destin qui vouloit
la rigueur du trespas sacrifiast ta vie ?
Las ! Si
ny des regrets sans fin, ny des habits de dueil,
mais un heureux berceau, mais des chants
à quoy nous preparoit
dont ta blesme langueur trompoit nostre desir,
nous faisant embrasser avec joye et plaisir
Ligne 6 841 ⟶ 6 843 :
des thresors dont on voit les Indes se charger,
balance en son esprit sa richesse future,
discourt sur le voyage, en suppute
prepare ses celiers, ouvre ses magazins,
et rend desja son heur pesant à ses voisins :
quand on luy vient conter que non loin du rivage,
par la fureur des vents la flotte a fait naufrage :
et
vaisseaux
espars de tous costez par la plaine azuree
ne font plus
Ah que
quand son propre desir conduit son jugement !
On croyoit que ton mal, utile à ta province,
animoit dans tes flancs quelque genereux prince
que
et le cruel plustost avançoit ton trespas,
et fraudant nostre espoir donnoit tout au contraire
non la vie à
p244
Ligne 6 870 ⟶ 6 872 :
blasphemes :
accusons le destin : nous accusons nous mesmes :
et sans fin maudissons
qui faisoit loin de toy les remedes chasser,
et tant choyer en vain la vie encor à naistre,
l’estre.
Mais ces tristes effects de cuisante douleur,
ne nous servent de rien contre nostre malheur :
car ny te lamenter ne te rend point la vie,
ny
et les pleurs que nos yeux versent incessamment
tombent autant en vain
Cependant, ny sentir
ne fait point nos regrets en estre moins fertiles,
ny penser que les cieux
ne rend point pour cela nostre mal appaisé :
car en estant la cause et si juste et si grande,
Ligne 6 892 ⟶ 6 894 :
et que ces dons du ciel qui te servoient de charmes
font sourdre en nostre
larmes !
La royale bonté de ton
nous remplit maintenant de regrets douloureux :
ta courtoisie aigrit
et ta propre douceur nous repaist
pensans en quel degré de faveur et de prix
vivoient aupres de toy les excellents esprits,
et ceux que la vertu combloit des vives graces
qui les vont élevant
Les muses tous les jours pleurent
et
monstrent par leurs souspirs combien tu leur fus
chere,
ou soit comme leur
Car tu fus
le pouvoient esprouver en ce regne de Mars :
et tantost ta faveur donnoit vie à leur gloire,
Ligne 6 914 ⟶ 6 916 :
et de ton propre stile y gravant de beaux vers,
tu te faisois paroistre une nouvelle muse
où
Que
le luth que sçavamment ta main alloit touchant,
les esprits attirez sur le bord de
estoient sans jugement
et si lors Calliope eust envié ta voix,
Apollon tout de mesme eust envié tes doigts.
p246
Je tais mille autres dons
depeur
en un tableau tout peint de la main des douleurs :
et diray seulement, le gravant sur ta cendre,
que ce que ta grandeur te souloit faire rendre
de respect et plus digne et plus justement deu,
tes vertus meritoient
Or sont pour tout jamais sur la terre eclipsees
ces lumieres
sans espoir de les voir apres quelque saison
esclairer de nouveau nostre humain horison.
a couvert leurs rayons
et
ces levres qui rendoient nostre esprit enchanté :
ne nous restant plus rien de leurs graces estaintes
Ligne 6 943 ⟶ 6 945 :
piteux restes de toy, mais gardez cherement,
et de qui si la garde apporte du tourment
aux
la perte
Face donc le destin ce que peut sa rigueur,
tousjours ton souvenir vivra dans nostre
car quelque amer ennuy
la fidelle memoire en sera moins blessee
p247
des douleurs dont un
que
Cependant, genereuse et royalle princesse,
reçoy pour vrays tesmoins du dueil qui nous oppresse
te voyant enfermee en la nuict du cercueil,
ces pleurs coulans du
et ces dolents souspirs que nostre ame affligee
paye au juste devoir dont elle est obligee,
non moins à la vertu qui fleurissoit en toy,
Si le bandeau mortel qui te couvre les yeux
te laissoit remarquer ce
tu verrois ce monarque affligé de ta perte,
ayant tousjours la bouche aux complaintes ouverte,
et son auguste espouse, et les grands avec luy,
en vestemens de dueil se voiler tous
non par devoir sans plus ou comme par coustume,
mais le
et telle que la gouste en ses plus tristes soings
un qui se plaint soy-mesme, et pleure sans témoings.
Tu verrois
que la Lorraine adore, et la France revere,
deplorant jour et nuict ta mort et son malheur,
Ligne 6 981 ⟶ 6 983 :
Mais tu verrois sur tous celuy dont Hymenee
tenoit en tes liens la vie emprisonnee,
percé dedans le
qui face point saigner une ame en
descouvrir par les pleurs qui baignent sa complainte
combien sent de torments une amour chaste et sainte,
quand de la palle mort les lamentables coups
viennent trencher ses
plus doux.
Tu verrois son ardeur estre encor toute flame,
et faire prononcer des discours à son ame
qui forceroient la Parque à te rendre le jour,
si la mort entendoit le langage
Et lors le piteux son de ses plaintes ameres
qui mesle à ses regrets ceux des princes ses freres,
tu verrois quant et quant avec quelque pitié
plaindre autour de ton corps tes dames desolees,
Ligne 7 004 ⟶ 7 006 :
tu nous verrois payer en pleurs ensanglantez
ce que nous confessons devoir à tes bontez,
et monstrer par
combien sont esloignez de fard et de faintise
les services
et lors que de les rendre il ne sert plus de rien.
p249
Mais le voile eternel de la nuit qui
endormant tout le soing des choses de la terre,
en interdit la veuë aux yeux
et nous ne pleurons point pour estre regardez :
ains pour en satisfaire à la juste contrainte
de
voyant ravy du monde au milieu de son cours
un vif astre
et convertye en cendre une parfaicte image
de franchise, de foy, de douceur, de courage :
que la mesme bonté sembloit presque animer :
que voir
et que le ciel rendit en vertu sans seconde,
faisant de deux phenix un doux prodige au monde.
non nostre seule perte, ains la perte de tous :
et plaignons
tous ayans part au mal, et nous le pleurants seuls,
nous pleurons maintenant et pour nous et pour eux.
Ligne 7 034 ⟶ 7 036 :
advienne que le ciel nous empesche de voir,
ces gemissants regrets, ces larmes de devoir,
enfants
p250
et que la France mesme à qui ta dure mort
conforme
quelque voile
ne trouve point sa plainte inegale à sa perte.
Car chacun la cognoist et la va gemissant,
mais nul ne la gemit comme la cognoissant,
fors celuy qui pressé
croit la deplorer moins
EPITAPHE CHRISTOPHLE DE THOU
Ligne 7 053 ⟶ 7 055 :
Apres avoir long-temps heureusement porté
dans un corps vif et sain une ame vive et saine :
le premier en estat
et le second à nul en prudence et bonté :
en fin, venu le jour à ses ans limité,
icy le grand De Thou fit reposer sa peine,
pour la celeste vie abandonnant
et trouvant pour le temps
Incoupable en sa vie, en sa mort admirable
il
tant que mesme en
ô seigneur tout-puissant, octroye à mon envie
ou pour mourir heureux une aussi sainte vie,
Ligne 7 073 ⟶ 7 075 :
le froid et palle corps du vaillant De Noailles
à qui rien en vertu ne fut oncques pareil,
tout ainsi
soit
qui servent
soit celles dont la gloire embellit les esprits,
et de qui le labeur est le maistre et le prix.
Il estoit beau, courtois, eloquent, agreable,
sage en ses actions, en ses dits veritable,
magnanime, discret, plein
en son bon-heur modeste, et constant au malheur :
bref, afin
il estoit si parfait
(comme du rare honneur de ce temps vicieux)
toute femme amoureuse et tout homme envieux.
Ligne 7 089 ⟶ 7 091 :
ornant de ses beaux arts sa future vaillance :
puis Mars en print la charge, et parmy ses hazards
Combien il profita sous
parlant et combattant il le faisoit parestre,
p253
ses eloquens discours monstrans
moins de sçavoir au front que de valeur au bras.
Ce
où la France a versé tant de sang et de larmes,
estant donné pour chef à cent chevaux legers
resolus de le suivre au plus fort des dangers :
mais comme la fureur de ces flammes civiles
et comme, plein
pour gaigner une palme entre tant de cyprés :
le feu
alla de ses voisins embraser le courage,
vomy par un mousquet le front luy transperça.
Apollon le plaignit, Mars le plaignit luy-mesme,
outre infinis esprits atteints
de voir la vertu mesme aller dans le cercueil.
Et toy-mesme, ô belle ame, il est aussi croyable
non pour le seul regret de si tost dire adieu,
mais pour ne
Tu voulois que ce fust au choc de deux armees,
des flammes de Bellonne ardemment allumees,
où cent corps ennemis par ta main abbatus
se verroient et de vie et
p254
non pas en une guerre, helas, si peu guerriere :
sans faire à tout le moins que
achetast ceste mort une goutte de sang,
au lieu
Mais, ô
si tu pleures ta vie en si jeune âge esteinte :
car ta vie est parfaite, encore que
le cours de tes beaux ans
Bien as-tu peu vescu si
au seul nombre des ans prescrit par la nature,
et non à ce qui fait
on se rend à soy-mesme à jamais survivant :
mais la seule vertu donne vie à la vie :
et
voit par le cours des ans tout son poil argenté,
Ainsi vit quelque chesne à qui
acquiert la primauté des arbres
mais malheureux celuy qui privé
vivant laisse ignorer
Puis ta belle memoire encor vive sur terre
à ta cruelle mort fait sans cesse la guerre,
et ja triomphe
qui dans les fers
garde
p255
Ligne 7 154 ⟶ 7 156 :
Elle auroit volontiers à ta cendre bruslee
fait son propre estomach servir de mausolee,
mais la loy du cercueil
à faute de ta cendre elle boira ton feu.
Je dy ce feu divin
qui vivant te brusloit
la raison commandant
Las ! Si tost que ta mort luy touche la pensee,
elle plaint et lamente, et de dueil oppressee
maudit autant la Parque en ses funebres cris,
de ne la prendre pas, comme de
Elle reproche au ciel un coup si deplorable :
et souvent ne sçachant en son
que
elle en accuse tout comme
Mais conter les propos que sa plainte souspire,
il
que la sphere de
Ainsi plorent les dieux, si
prononcer que
ses eternels souspirs son dueil vont tesmoignant,
et servent de parole à son
p256
mais moy qui de nature, et par un long usage,
des souspirs amoureux entens bien le langage,
vivant fut bien aymé qui mort est ainsi plaint.
Ligne 7 186 ⟶ 7 188 :
Icy repose en paix la despoüille mortelle
du plus parfait esprit et plus riche en vertu
que le corps
ame qui ne sembloit habiter sur la terre
que pour mener au vice une eternelle guerre,
et monstrer aux esprits errants en ces bas lieux
comme il faut vivre au monde afin de vivre aux cieux,
tant
allumoit en son
et luy faisant haïr les vicieux plaisirs,
ornoit par sa beauté conjointe à sa sagesse,
des fruits de sa vertu la fleur de sa jeunesse :
fruits que
fleur
mourir,
depeur que sa vertu croissant quand et sa vie
au corps
du tribut que la mort prend sur tous les vivans.
p257
Aussi vit-on
elle arracha de terre une si belle plante,
et monstra
elle avoit en horreur sa propre cruauté.
Bien
à nul sinon à ceux
non à ce bel esprit qui
est entré par la mort au celeste repos,
où maintenant il vit, si de son corps delivre
jamais belle ame et sainte y merita de vivre.
Or toy qui plains sa mort, ne sois point estonné
ainsi le veut la loy prescrite à la nature :
tousjours le plus beau temps est celuy qui moins
dure :
mais les fleurs de vertu regnent plus
et ceux qui vivent bien vivent assez long temps.
Ligne 7 234 ⟶ 7 236 :
p258
Passant, ne
ne renouvelle point nostre antique douleur :
et non son adversaire en priva la nature.
Ils cheurent tous deux morts sur la terre estenduz,
mais
impetra de Pluton
où luy trop courageux qui sçavoit mieux garder
sa vie en combattant que de la demander,
ayma mieux rester mort que vivre par priere.
DE M. DE CLERMONT
Celuy de qui le corps repose en ceste place
ne fut pas seulement
mais eut
des plus rares vertus qui surmontent
si la foy, la bonté, la valeur, la sagesse,
sont
Car celuy qui soustient
ne renferma jamais dedans un corps humain
un esprit plus accort, plus exempt
ny plus ferme et constant en la haine du vice.
Et quant à sa valleur, maints perilleux endroits
Ligne 7 261 ⟶ 7 263 :
p259
à qui
et pour qui sa vertu du malheur poursuivie,
vengeant
dessus les champs
au regret de son prince et de toute la France
qui reverant sa foy conjointe à sa vaillance,
de charges en sa vie, et de pleurs en sa mort.
Or
seule dessus la Parque a gaigné la victoire,
le faisoit derechef au monde revenir
pour y vivre sans cesse en nostre souvenir,
tout ainsi
de celle que les cieux luy donnerent pour femme,
qui cherissant la tombe où reposent ses os
comme un lieu qui retient son propre
pres de luy se prepare une maison future :
que la mort quelque jour
et que la mesme ardeur qui les souloit esprendre,
ayant conjoint les feux, en conjoindra la cendre.
Ligne 7 288 ⟶ 7 290 :
p260
Icy gisent les
(maintenant deux esprits de leurs corps devestus)
qui de la bonté mesme ont esté les hostesses
et qui
Toutes deux ont jouy
sans voir nul Hymenee accompagner son cours,
la loy des
et le trespas à
a tellement vers Dieu levé
afin que de la terre elle achetast les cieux.
guerre
par effect a monstré que son
le soin de voir son corps plaire aux yeux de la terre,
puis
De
mais que sert aux mortels la royale naissance
contre ce qui destruit et rois et royautez ?
Ligne 7 312 ⟶ 7 314 :
Devotieux passant qui vois combien peu durent
les dons que
qui vois ce
furent,
apprens de leur trespas à te resoudre au tien.
Apprens de leur grandeur, à qui la loy mortelle
ce que peut la vertu sur
Apprens, lisant ces vers, que nostre ame se trompe
en
non plus
point.
Bien monstra de le croire estant encor en vie
le saint couple des
tant on vit leur grandeur
et leur ame impoluë aux venins de
Revere ceste humblesse, et si tu peux
que la porte du ciel est estroite et petite,
et
DE M. DE
p262
Ligne 7 341 ⟶ 7 343 :
qui rendent à jamais leurs tombes venerables,
et non pas le porphyre ou les marbres gravez
le corps que ce tombeau dans son giron enserre,
tout converty
ornant ce que
doit faire à
du lustre des vertus qui vivoient en son ame
pendant que de ses jours il prolongeoit la trame :
le ciel
de tout ce que jadis on souloit reverer
comme effects de constance et grandeur de courage
en ces nobles heros cogneus du premier âge :
soit
fuyant
suit la verité seule, appris à la defendre,
et se plaist à la dire, et se plaist à
soit
qui
au sanglant lict
soit
p263
vueille à clos yeux pour luy courir toute fortune,
et dont en divers sors
sans
de
Car si jamais esprit abhorra la feintise,
fist en tous ses propos reluire sa franchise,
resista constamment aux assauts du malheur,
eut le courage armé de force et de valeur,
fut fidelle à son prince, et
hait
les astres ont voulu que
de qui le corps sommeille en ce funebre estuy.
Tesmoins les accidents dont le cours de son âge,
passé tantost en calme et tantost en orage,
a veu la destinee exercer sa vertu,
sans voir
tesmoins les champs de Dreux où sa jeune vaillance
offrit ses premiers fruits sur
tesmoins ceux de Hongrie où le brave germain
rougit du sang des turcs sa valeureuse main :
Ligne 7 387 ⟶ 7 389 :
pres de Jarnac arrouse : et la plaine sanglante
où se sied Moncontour : et les rouges sillons
que le combat
outre infinis assaux dont nos rages civiles
ont saccagé
et qui dedans la tombe à la fin
le malheur ayant fait
p264
qui pressoit de Roüen la muraille rebelle,
des balles
luy foudroya le pied,
sur son estre mortel, ce
se permist sur celuy du vaillant Aeacide,
le ciel les égallant, par un mesme malheur,
en espece de mort aussi bien
Or quiconque sois-tu que vers sa sepulture
a conduit le dessein ou la seule avanture,
et qui dedans le marbre éclairant à
vois luire les effects de la constante amour
que sa chere moitié ranimant sa memoire
porte encor à ses os, à son nom, à sa gloire :
avec quelques regrets lamente son trespas :
ou bien,
dans la trace
ne pleure point sa mort, mais imite sa vie.
Ligne 7 417 ⟶ 7 419 :
Guerrier qui te rendant si fameux par la terre
es de tous admiré, mais de bien peu suivy :
sage Achille françois qui vivant
de conduite et
p265
je prevoy
ton
les vaillans y viendront honorer à
et sa muette cendre et le lieu qui
et fait que mainte fleur rit parmy les cyprez
qui de mon juste dueil te rendent tesmoignagne.
Puisse-je, ô grand guerrier, ta vertu
tesmoigner par effect que tu
aussi bien que ton
SUR
Passant, ce peu de marbre avarement enserre
les
tous trois morts en trois ans en trois actes de
guerre,
tous trois pareils en sort, et tous trois differens :
car
noyé dedans son sang coulant de toutes parts :
Ils bruslerent tous trois
dont la sainte vertu fut
leurs trois corps en vivant
ame :
leurs trois
tombeau.
Ligne 7 455 ⟶ 7 457 :
Les rayons de vertu trop clairs et trop luisans
devoient estre à nos
te tiendroit (ô belle ame) attachee icy bas
aux
Le froid gele les fleurs qui trop tost
et nul fruit trop tost meur ne se voit arriver
Car la fiere rigueur du sort inexorable
qui ne veut rien
semble avoir ordonné que pour un chastiment
Qui jamais veit éclorre en
tant de fleurs de bonté, de douceur, de constance,
de libre modestie, et de sage gayeté,
comme tes douces
mesme en tes petits jeux
Amour qui te voyoit ton âge surpasser,
et beauté sur beauté tous les jours amasser,
Ligne 7 479 ⟶ 7 481 :
desja se preparoit à de nouveaux trophees,
tu luy ferois dresser des plus superbes
surmontez par les traits de tes douces rigueurs.
de voir comme la mort a frustré son attente :
et le travaille tant le despit et
qui
si le ciel permettoit que la mort fust mortelle.
Mais que nous serviroit
si pour cela ton corps en la tombe logé
une eternelle nuict luy couvrant la paupiere ?
La mort sent elle-mesme un poignant repentir
mais voyant luire en toy plus
vieillesse,
et tes aimables
elle a pris pour le soir de tes jours le matin :
et se trompant a creu que ton jeune visage
Ligne 7 503 ⟶ 7 505 :
tant que de ceste main qui tout desole et perd
elle a cueilly pour meur un fruit encore verd.
Mais si quelque douleur hors
p268
ou si
quelque regret attaint ceux qui vivent és cieux,
reçoy pour reconfort de
que la plus genereuse et plus sage princesse
que veirent onc du ciel les grands yeux du soleil,
unique
et qui vit elle-mesme icy bas sans égale,
accusant la rigueur de ton heure fatale,
te souspire et regrette, et par
du sanglant desplaisir dont ta mort
monstre combien ton nom est vif en sa pensee :
honneur qui vaut le bien
des vieux ans de Nestor en richesse de jours.
SUR
Les plus rares vertus dont on prise
logeoient dedans ce
mais ainsi que vivant il leur servoit de temple,
maintenant
Car alors
et dans luy pour jamais
ne pouvant vivre ailleurs és poictrines mortelles,
et ne se voulant pas choisir
p269
Non, je faux : les vertus
ains vivent
et la font elle-mesme encor vivre icy bas.
Pour le moins leur memoire incessamment vivante
la maintient immortelle au
à qui bien que la perte en soit dure et cuisante,
le nom ne laisse pas
Aussi portant en
de voir que ceste tombe enferme tout son bien,
donne-til ces souspirs au regret qui le blesse,
et grave sur ce
Paroles qui font voir que rien ne le contente,
sinon le souvenir de leurs aimables feux,
et que dedans ce vase où trompant son attente
la mort
EPITAPHE MME DE VILLERON
Celle qui dort icy fut richement paree
de toutes les vertus
aussi son ame au ciel
quand la mort
Nul amour que divin ne
bien vivre et bien mourir fut son plus grand soucy ;
et peut-on justement tesmoigner de sa vie,
Ligne 7 564 ⟶ 7 566 :
Nous pleurerions sa mort de mille et mille plaintes,
mais elle estant au ciel entre les ames saintes,
nos pleurs luy feroient tort en luy faisant honneur.
Ligne 7 570 ⟶ 7 572 :
SUR MORT MME DE PASSERAT
quand Passerat nous a laissez,
et
il
ses escrits le disent assez.
SUR
Icy, dans le sejour des ombres eternelles,
gist le
dont en fin le trespas est demeuré vainqueur :
non, je faux, sa despoüille en ceste tombe enclose,
puis que son
car tandis
TIMANDRE
Ligne 7 590 ⟶ 7 592 :
p271
apporte
parmy ceux dont la vie est sans cesse agitee,
faisant vivre Timandre absent de Calithee,
la belle et fiere nymphe à qui sa liberté
se sousmist dés le jour
des fideles amants esloignez de leurs dames,
apres six mois passez se lassa
et luy fist naistre au
de revoir la lumiere esclairante à sa vie :
bien
ses yeux ne peussent plus la voir
puis
du feu
faisoit vivre en son ame, et renfermé son
dans les premiers glaçons de sa jeune rigueur,
car apres
et
p272
Ligne 7 615 ⟶ 7 617 :
le feu qui la souloit elle-mesme embraser ?
Tant de rares beautez, autrefois ses delices,
elle
qui
ny ces doux entretiens pleins
quand tout bruslant encor du desir de ce bien,
il se fust souvenu
et
de sa faveur passee eust comparé la gloire.
la crainte des douleurs et des morts asseurees
que ses esprits jugeoient leur estre preparees,
moderoit son envie, et le secret duel
de ces deux passions, luy donnoit mille attaintes
qui luy faisoient souvent former de telles plaintes.
Malheureux que je suis, je vy seul des humains
qui pour un juste
seray du desespoir la miserable proye
soit
Car ce
je sens au mesme instant mon
p273
et trouve en la douleur
egalement cruels le mal et le remede.
Ne voir point la beauté que je vois nuict et jour,
me tuë en y pensant de desir et
et peut-estre la voir, et sentir la rudesse
du trait de ses dédains me tuera de tristesse.
Las ! Si tant seulement la distance des lieux,
et la rigueur du sort
sans
un volontaire oubly
je serois consolé par le bien
que tousjours mon ennuy ne pourroit pas durer,
et
ou
Mais puis que le malheur contre moy conspirant
va par un seul départ deux fois
et
qui me prive et de
quel bien peut consoler ce triste éloignement,
puis que mesme la voir me seroit un tourment ?
Ligne 7 668 ⟶ 7 670 :
p274
et craignoit
tient souvent de deux camps la victoire en balance,
quelque temps, sans sçavoir qui resteroit vainqueur,
au desir de revoir cest aimable visage,
et ces rares beautez qui charmans mille esprits,
de tout autre plaisir leur causoient le mespris.
Car aussi bien, dit-il, puis
ma cruelle deesse absente que presente,
mourir en la voyant
Avec ceste parole en fureur prononcee,
il rompit tous delais, condamnant sa pensee
iroit revoir ou non les rais
Mais comme pour voler vers cet astre des belles,
sa jeune impatience ouvroit desja les ailes,
il pleut à son malheur
par un prompt accident à la France advenu,
qui de tous les liens dont se peut voir estrainte
une ame ressentant la genereuse crainte
sur le lieu
Dequoy souffrant en
et laschant en courroux maint amoureux blaspheme
p275
contre la cruauté des destins ennemis
luy ravissans ainsi
pourquoy
voyant sa passion en souspirs trop fertile :
si voir ton ennemie est
de qui
avant que le soleil en la mer se replonge,
ton ame en repaistra le desir qui la ronge :
sans
où te vient
et sans
quelque dieu favorable en ce lieu te
Non guere loin
il demeure une fee en charmes si sçavante,
pour princes de cet art, ne semblent point avoir
en merveilleux effects surmonté son sçavoir.
pieds nuds, eschevelee, et
les regions du ciel sur la terre marquant,
tous les demons
les ormes et les pins descendre des montagnes :
les bleds se transporter des voisines campagnes
sur la rive deserte, et leurs chefs demy-blonds
ondoyer sous le vent au milieu des sablons :
le ciel dans
les vaisseaux sur la mer singlans à pleines voiles,
p276
avec les croches dents de cent ancres cachez :
bref, le secret pouvoir de sa seule parole
Ligne 7 734 ⟶ 7 736 :
Aeole :
et sur les elemens tel empire exercer,
Or entre les outils sacrez aux ministeres
dont la nymphe accomplit ses prophanes mysteres,
un miroir pend en
où depuis quelques mots bassement murmurez,
on apperçoit mouvoir les obscures images
de ceux
visages,
et
en la mesme action qui les occupe alors.
Quand au combat naval où les flots de Lepante
veirent du sang des turcs leur onde rougissante,
mon frere plein
fut prins en combattant, et captif emmené
par ce fameux corsaire à qui nostre victoire
ne pouvant en
sçavoir comme le sort en avoit disposé,
ne si son palle corps privé de sepulture
Ligne 7 758 ⟶ 7 760 :
p277
et le vy là dedans (pitoyable spectacle)
blessé, maigre, deffait, attaché jours et nuits
aux ceps, à la cadene, et demy mort
tel que je le trouvay sur les flots de Marise
où soudain je couru racheter sa franchise.
Or si te promettant de pouvoir appaiser
ton mal par ce remede il te plaist
il est en ta puissance, et
nous peut rendre au sejour où la nymphe demeure.
Aemile se taisoit, quand un souspir ardant
fut poussé de Timandre ainsi luy respondant :
cher amy, ton conseil repeint en ma pensee
la fainte qui trompa
du superbe Ixion, alors
pour Junon une nuë et les vents engrossa :
non que je le refuse au desir qui me presse
de revoir maintenant ma mortelle deesse,
car il
qui la representant ne contentast mes yeux :
mais helas !
de recevoir ce change, et pour la vive flame
dessus un ombre vain mon regard attacher.
Toutefois puis
veut que mon triste
une sombre clarté
p278
sinon paix à mon
et puis que par malheur, ce que nostre ame veut
nous ne le pouvons pas, vueillons ce
Ayant ainsi parlé, vers
emportez des desirs qui les jeunes dominent :
et là, trouvans la nymphe occupee à tracer
Ligne 7 799 ⟶ 7 801 :
les violents effects du mal qui le surmonte,
et par les trois cens noms des ombres reverez
qui sont
la requiert de tromper avec sa douce fainte
la poignante douleur dont il a
pour ne voir point de
de
Que sert plus de discours ou moins semble suffire ?
Elle octroye à son mal le secours
les mots de qui
en fin apres maints tours, et maints estranges gestes,
commandans aux demons infernaux et celestes
elle fait que Timandre apperçoit la beauté
et le feu de ses yeux briller en ceste glace.
p279
Ligne 7 819 ⟶ 7 821 :
dont un si doux object vint son ame saisir,
le seul fidele amant le peut dire à soy-mesme,
car
sur tout quand il advint
de ce fantosme aimable et la forme et les traits,
il en vit le regard
un papier que
à sa belle deesse afin de luy conter
quel ennuy le souloit loin
Car la douce gayeté que ceste saincte image
faisoit en le lisant rire sur son visage,
luy sembloit ainsi dire, (ou bien
ce favorable abus le trompant luy plaisoit)
puis
qui cherit le trophee il aime la victoire,
ces gages amoureux tesmoins de ton desir,
Ligne 7 836 ⟶ 7 838 :
monstrent ta calithee aimer la souvenance
de ta fidelle amour, servitude et constance,
et son
ne hair point
Mais pourquoy son desir se retient de produire
les rayons de ce feu qui souloit y reluire,
ce sont secrets
quelque jour apprendront à tes esprits contents :
cependant persevere en
et tien pour asseuré, que
p280
par quelque injuste loy de se monstrer esteint.
Ainsi sembloit parler en son muet langage
Ligne 7 852 ⟶ 7 854 :
qui tenant les esprits de Timandre charmez,
en repeut quelque temps les regards affamez :
puis soudain disparut, comme on voit
venuë avec le songe avec luy
Ah !
un object dont son oeil ne pouvoit
et
demeure, ô belle fainte, où fuis-tu si hastive ?
Et pourquoy te plaist-il de si tost me priver
Helas ! Puis que du corps mon malheur me separe,
ne vueilles point de
et si tu prends plaisir de lire les escrits
qui tesmoignent
ly dessus mon visage où mes maux volontaires
sont vivement escrits en piteux caracteres
jour,
et pour preuve de foy signez des mains
Tels ou semblables mots luy redisoit Timandre,
mais les voyant en
et la nymphe elle-mesme avoir peur
le courroux du fantosme en voulant
p281
Ligne 7 879 ⟶ 7 881 :
Or panchoit ja Phoebus vers les bornes du jour,
le rechassant par force aux lieux de son sejour,
où desja tout comblé
il reportoit ses pas, quand en la mesme voye
il rencontra Philon, la gloire des vieillards,
et
qui comme
son amoureux penser avoit pour secretaires,
ayant sceu de sa bouche et la cause et
du chemin dérobé que ses pas avoient faict,
ô Timandre, dit-il, je pardonne à
de revoir la beauté qui sert
la douce illusion dont tes yeux abusez
ont
car je sçay combien cuit à
mais
de
ne recognois-tu point
Les demons sont trompeurs, le vray leur sert
car ils veulent tromper quand ils ne trompent pas :
rien
que de faire icy bas regner quelque imposture,
vestir un faux visage, et paistre le desir
p282
le dolent souvenir
dont mon oeil fut tesmoin, et de qui le penser
ne me peut sans douleur en
Et quelle, dist Timandre, attaint de ceste envie
que la faim de sçavoir ne vit onc assouvie.
Pendant, respondit-il,
me tenoit en Scandie ainsi comme enchainé,
je cogneu là Gernande, homme que sa vaillance
Ligne 7 921 ⟶ 7 923 :
Ce cavalier nourry de ses plus jeunes ans
aupres des rois de Dace entre leurs courtisans,
non aux vains passetemps
mais aux plus dures loix que
prescrive,
eut pour espouse Aimonde, une jeune beauté
de qui si la constante et chaste loyauté
une mort plus heureuse eust terminé sa vie :
mais son
au soin
la fist trouver en fin plustost chaste que sage.
p283
Contre ceste beauté
des poignans eguillons
la jalouse fureur
plus
et pour ses vains effects, impostures des yeux,
venerable à Gernande au pair des demy-dieux :
ses monstres abuseurs luy semblants des miracles,
et ses termes sorciers des celestes oracles :
encor
le mal dont son esprit se sentoit tormenter
par
le seul de tant
elle se travailloit
lors
la jeune et belle Aimonde en frustra son attente,
le tira de son piege, et luy fist mespriser
le fard dont les attraits le souloient abuser.
Il
que de voir par bravade un autre luy ravir
le bien à qui son
Il ne paist que de sang sa plus douce esperance :
voudroit bien enterrer sa vie en sa vengeance,
et tout plein de fureur deplore en son ennuy.
Plus que son propre mal, le triomphe
Ce fut aussi de là que prist son origine
la fiere inimitié dont ceste neuve Alcine
p284
animoit la fureur de son
contre la belle Aimonde et contre Adee aussi.
Car
ainsi
elle
et fust-ce avec un coup sanglamment hazardeux,
ou fust-ce avec un traistre et secret artifice,
payer ceste vengeance, ainsi
aux fureurs de son ame, et par elle appaiser
les cendres de
Bien
elle dissimulast ce desir sanguinaire,
attendant que le temps qui tient tout en ses mains,
en offrist un sujet à ses
et le temps qui deffait ou parfait toute trame,
en presenta bien tost ce moyen à son ame.
Adee estoit aymable, et
dont il accompagnoit sa virile beauté,
non sans quelques vertus en Scandie assez rares,
le rendoient agreable aux ames plus barbares.
Mais entre les esprits que sa grace attiroit,
celuy qui plus que tous en
ou de sa belle voix pour les airs estimee,
ou de son doux parler, aigu, vif, et plaisant,
qui non empoisonné
mais plein et
auroit peu faire rire un Heraclite mesme.
p285
Aussi, comme embellie et de semblables
et de mesmes vertus, et de mesmes humeurs,
et sans luy se trouvant
ains ne pensant rien voir
soit
soit que le promenoir, le bal, la comedie,
ou
ou tel autre sujet
Car luy qui comme espris
ne goustoit point non plus de volupté sans elle,
ne laissoit écouler nul sujet de la voir
que
mais recherchoit par tout le bien de sa presence
avec le mesme effect
sans qui son
Et si, quoy que tous deux égallement aymables
fussent et de beautez et de graces semblables,
les desirs violents dont ils estoient épris :
mais la seule amitié
la semblance des
quand encor la vertu serrant leur liaison,
ce qui plaist par nature est aymé par raison.
Ligne 8 025 ⟶ 8 027 :
avec tant de franchise et tant de privauté,
de qui le ferme neud conjoignit leurs naissances,
les semblast garantir du trait des medisances,
quiconque eust ignoré quel estoit leur penser,
avec juste couleur eust peu
Aussi
y pensant voir reluire une flame impudique.
Et mesme le mary, bien que le chaste soing
du
ne peut tant maistrizer ceste odieuse crainte,
attainte :
mais fuyant et le mal et le nom de jaloux,
mal qui blessant le
se cache avec douleur, se descouvre avec honte,
et dont mieux se guerit qui moins en fait de conte,
il masquoit
monstrant
et souvent en ces maux nyoit toute creance
aux soupçons qui sembloient leur donner accroissance.
ce
et devant sa playe une ulcere profonde,
il en versa la plainte aux oreilles
mais avec un discours qui plus la disposoit
à
et qui presque joignant sa fin à son exorde
monstroit bien
p287
avec la mesme peur dont se voit empescher
Car
que ses vertus sembloient promettre à sa memoire,
et fuir les sujets qui paroissent fournir
Ligne 8 063 ⟶ 8 065 :
il luy fist quand et quand obscurement entendre,
avec quelle couleur on la pouvoit reprendre
du trop de privauté que sans
entre elle et son Adee il enduroit regner :
bien
en admirer plustost que louër le silence :
la priant pour la fin non de plus ne le voir,
Ligne 8 071 ⟶ 8 073 :
aymer sa renommee, et par estre imprudente,
ne perdre point le bien de paroistre innocente.
Ces mots ainsi remplis
si quelque bon demon eust conseillé son
la pouvoient advertir que
et
celuy qui tant en dit, en va bien plus pensant.
Mais elle qui croyoit
par les loix de
non à
de ce qui sans offence aporte du plaisir,
p288
par crainte
elle dy-je sans coulpe et qui sentoit en soy
nulle sienne action
monstra lors par effect
souvent
Mais ne respondant rien, et prouvant sa douleur
par mille changements de geste et de couleur
pareils à ceux
elle en donna racine aux soupçons de Gernande,
qui ne rapporta point ces changements de teint,
au dépit dont un
quand il voit sans raison sa vertu soupçonnee,
mais à
de voir à
le mal
Ainsi
les fist tous deux broncher en une erreur pareille :
elle
les sujets
ains recherchant tousjours la presence
avec la mesme ardeur qui
et luy qui des soupçons
les suivant trop alors quand ils
Or ne sçavoit-il pas que la jalouse Ogiere
(Ogiere estoit le nom de la nymphe sorciere)
Ligne 8 112 ⟶ 8 114 :
eust veu jamais Adee à ses loix asservy,
ny que de ses liens Aimonde
car lors que leurs amours estoient plus enflamees,
Bellonne
et quand la douce paix
desja
sans
de son enchainement ny de sa delivrance.
Croissants donc tous les jours les soupçons en son
cœur,
et le mal se rendant à la fin son vainqueur :
il faignit un matin
le plaisir
pour ne point retourner
laisser courre à son tour la reine du sommeil.
Mais il
exercé le mestier de la chaste Dictyne,
et seul avec un seul luy tenant lieu de tous,
au sein
ou seule il la trouva qui loin de la clarté,
pensive contemploit un miroir enchanté
Ligne 8 138 ⟶ 8 140 :
Car il ne rendoit point les absens moins presens,
et ses angles directs estoient tenus exempts
du defaut que
par où
p290
Aussi sembloit Gernande y prester plus de foy
du vray que promettoient ses trompeuses merveilles.
Tant
que de ne croire rien, et que de croire mal :
et
Quand donc seul avec elle il luy peut sans témoins
librement devoiler ses miserables soings,
Ogiere, luy dist-il, je porte
pour ce
de ne sçavoir pas bien si je me plains à tort.
ce qui mesme est écrit dans la seule pensee,
toy seule peux aprendre à ce
si son mal
pour
la vengeance en la main, ou le repos en
Tu sçais, comme je croy, (car qui
quelle est la privauté qui sans aucun soucy
du renom que la vie acquiert parmy le monde,
persevere entre Adee et ma compagne Aimonde :
tout presque
un depit qui sans cesse acquiert vie et vigueur :
p291
bien que la chasteté cogneuë en mon espouse
et que je sache assez combien les
dont le sang les conjoint leur ont acquis de droits :
mais qui sçait si leur ame ose point
que ce que leur permet la loy du parentage ?
Le sang leur est peut estre un lien foible et vain
qui leur sert de pretexte et non
et la proximité de si pres les aproche,
que la pieté mesme y tient lieu de reproche.
et par quelque secret les secrets decelant
tu me peux faire voir quelle enfin est ma playe,
Ligne 8 186 ⟶ 8 188 :
je te prie ayde moy, ne vueilles plus laisser
en ces doutes mortels mon esprit balancer.
Je sçay que maintenant, durant
que la chasse
car pour avoir monstré que mon oeil
de voir que ceste honte en nul temps ne cessoit,
et gaigné seulement ce miserable point
sur
et quelque plus grand soing, les jours de mon
absence.
qui
p292
je sçay que
de quels contentemens à ceste heure ils se paissent :
pour Dieu satis-fay moy de ce juste desir.
Et soit que
fay moy voir si leur vie exerce une franchise
Ainsi par la Gernande, et tandy
le jaloux
un moyen preparé pour venger son outrage :
mais le tenant couvert sous un geste rusé
que pour se faindre triste elle avoit composé,
Gernande, (respondit
je desplore à par moy la douleur qui te presse :
la conçoy mieux encor que tu ne la dépeins,
et plains mesme avec toy ceux de qui tu te plains,
pour
et les maux
Car le moindre malheur qui
tels estans ces soupçons
s’arrachent
de
dont il advient
quand la cause en est juste, et vray le fondement,
un grand
ces frivoles soupçons, ou tant les maistriser
p293
lors
que bien tost leur trespas eust suivy leur naissance,
sans leur donner toy-mesme accroissance et vigueur,
une sage pensee eust logé dans ton
car de les estouffer maintenant
leur venin en ton ame et vaiqueurs luy commandent,
ce seroit le conseil
et
Ce pendant, tu devrois y forcer ton courage,
te monstrant en cecy moins sensible que sage :
car quel bien ou repos te sçauroit aporter
le hazardeux moyen que ton oeil veut tenter ?
Ma glace est bien au lieu
et je prevoy
ne
mais encor, si par sort la volonté des cieux
confirmant tes soupçons permettoit le contraire,
Ligne 8 252 ⟶ 8 254 :
qui ne devint ton hoste, et forçant ta raison
ne te fist employer le fer où le poison ?
Laisse, laisse, impudent à rechercher
ce
Mieux vaut un mal douteux
ce mal-là ne cuist point quand il est ignoré.
Avec de tels propos
allumants en effect ce
p294
Ogiere en apparence essayoit de pousser
le desir de Gernande à quelque autre penser :
mais
si tost
il redoubla ses
ô Gernande, dist-elle, à la fin tu me forces,
et de ta fureur propre enflames les amorces :
le destin ne veut pas
souvent trop rechercher fait trop trouver aussi.
Ce dit, elle se leve, et tournee en arriere,
Ligne 8 274 ⟶ 8 276 :
pour prononcer dessus les grands et puissans mots
que ce mestier impie enseigne à ses devots :
apres
par trois fois en bâillant haleine sur le verre :
sur les bords du miroir figure quelque traits,
Ligne 8 283 ⟶ 8 285 :
tantost en gestes vrays, et tantost en menteurs,
vangez-moy je vous prie, emplissez la pensee
de ce Gernande icy
qui luy porte la main au poignard impiteux,
exposant à son oeil
dont le
puisse estre son honneur blessé par son épouse.
p295
cherche non
vengé :
vengez moy donc, demons : derechef
vostre humeur
Ayant dit ces propos en foible et basse voix,
elle apella Gernande, et
esteindre et
y brusler du genest arrouzé
et
elle le laissa seul contempler ce cristal,
où la premiere veuë en tremblant elancee
ne monstra rien à
ny faisant voir
et devant elle Adee ainsi comme chantant.
Pour le second regard (car ces vaines images
ne laissoient pas long temps contempler leurs
visages,
ains les traits
obscurcis
il les revit tous deux pres
presser un mesme lit, et rendre par leurs gestes
leurs jeunes privautez un peu trop manifestes,
mesme aux yeux
qui
Que vous diray-je plus ? Apres maintes rencontres
des regards de Gernande avec les fausses montres
Ligne 8 321 ⟶ 8 323 :
p296
à la fin il les vit pareils à
Quel trait lors de douleur vint son
nul,
Tout le sang aussi tost luy fremit dans les veines :
son poil se herissa : cent griffes inhumaines
de honte, de fureur, de haine, et de depit
déchirerent ses flancs : et
tous les plus saints liens dont
avoit jusques alors retenu sa pensee.
Aussi faisant paroistre és paleurs de son teint
duquel coup dedans
et
avec un grand soupir, adieu, dist-il, Ogiere,
cieux
me faire naistre au monde insensible ou sans yeux.
Ayant ainsi parlé, plein du mal qui le domte,
il remonte à cheval ne pensant
rentre dedans la ville, et seul par un destour
se porte à la maison
où (comme sa fureur du malheur fut guidee)
le premier
qui seul avec Aimonde ayant pris quelque temps
les innocents plaisirs dont ils vivoient contens,
que le destin portoit aux aises de sa vie.
p297
Le voir : mettre
et dans son propre sang rendre sa vie esteinte,
ce ne fut
Un grand cry se leva : luy poursuivant ses pas
pour joindre crime à crime et trespas à trespas,
qui venoit de plonger sa fureur au carnage,
avec la mesme espee encor chaude de sang
luy perça
dont jettant de hauts cris, ah ! Dit-elle, Gernande,
que fais-tu malheureux ? Quel esprit te commande ?
Las ! En me meurtrissant
apprens moy pour le moins la cause de ma mort.
Ah ! Méchant
cendre,
nul icy mieux que toy ne te le peut apprendre :
en te donnant la mort
Il vouloit redoubler, mais la trouppe arrivee
retint sa main sanglante au coup desja levee,
et
que si quelque fort bras ne
il alloit aux deux morts adjouster la troisiesme,
et ja meurtrier
Dessein qui sans relasche occupant ses esprits,
faisoit
les conseils que la trouppe autour de luy reduitte
luy donnoit de chercher son salut en la fuitte.
Ligne 8 384 ⟶ 8 386 :
dont le sein du logis alloit retentissant,
tira le magistrat sur le sueil de la porte,
comme il passoit devant ceint
qui voyant à
baigner tout le pavé de son sang espandu,
et sçachant de quel bras elle estoit procedee,
porté de son devoir penetra plus avant :
il trouva sur un lit la miserable Aimonde
en deux sources de sang piteusement feconde,
par ses flancs entamez verser
entre les cris des siens
et son meurtrier Gernande au milieu
prest à
chacun lors condamnant, mais sans aucun effect,
et ce
Le respect qui suivoit une si noble teste
calma dés
il se fait un silence, on desarme la main
du meurtrier insensé de son fer inhumain :
luy doucement severe apres mainte demande
à quoy seul respondoit
ayant en fin appris et la cause et
du meurtre dont luy-mesme il estoit spectateur,
ô Gernande, dit-il, puis que ta bouche atteste
Ligne 8 413 ⟶ 8 415 :
quelque apparent suject que ta douleur ayt eu
de devoyer ainsi les pas de ta vertu,
nous ne pouvons encor
je
Au son de ces propos six archers
qui
Luy ne resistant point, ains monstrant
il iroit volontiers où logeoit son trespas.
Mais comme il
il luy vint à
qui terminant sa vie et ja preste à mourir,
quelque soing
Contraint du magistrat, et chacun
dolent il y retourne : elle adonc ramassant
le reste de sa vie au milieu de sa langue,
luy fait à basse voix ceste triste harangue.
Je vois mourir, Gernande, il
de
dont ta sanglante espee a percé sans pitié
les flancs qui
moitié :
p300
car lors que
et
quelques chastes respects que nous vist observer
peut et doit confesser
car du surplus,
et le dernier moment qui va clorre mes yeux,
que sans jamais soüiller ta couche nuptiale,
je
ainsi me soit propice ou severe la loy
du divin tribunal prest à juger de moy.
Nos entretiens meslez
encor que sans prudence, ont tous esté sans crime :
un jour tu le sçauras, et cognoistras
poussé
Mais je te la pardonne, et de mesme clemence
prie au ciel que les loix
bien tost
y confesser
et me rendes
à ces mots tournant
et bien que ja son corps ne fust plus
les ressorts plus vivants de
se mouvans en son
ah, mon juste regret :
que ce malheureux coup attaint autant que moy,
p301
bien que les tendres ans de ta debile enfance
ne te permettent pas
Si de quelque autre main
je te dirois, mon fils, quand un âge plus fort
voudra que ta valeur ses outrages ressente,
cherche à vanger le sang de ta mere innocente :
rends un jour de tant
que de voir mon meurtrier sur ma tombe immolé :
mais en cet accident,
que de vouloir venger
tu
dont les justes raisons
et
monstrer ta pieté
du malheureux trespas dont tu me vois finir,
ramentoy quant et quant
et puis que du destin
rend ta vie et ma fin
en regrettant la mort, honore le meurtrier.
Adieu, la mort
adieu Gernande, adieu
encor
je meure par ta main, si mourray-je en
ô celeste clemence : elle vouloit poursuivre,
mais ce qui de tout soin icy bas nous delivre,
Ligne 8 503 ⟶ 8 505 :
rendant des assistans les paupieres plus moles,
et les moüillant de pleurs, acquist tant de pouvoir,
que Gernande à la fin
luy qui presque
tandis
estonné de luy voir maintenir constamment
sa chaste integrité
et
dont peut-estre un demon agitoit sa pensee,
et ce
commençant à se rendre en luy mal asseuré :
ah dieu, dit-il, Ogiere, ah magiques figures,
Ces mots, tesmoins
surpris,
frappans du magistrat
luy firent demander vers quel but decochees
tendoient secrettement ces paroles cachees :
et luy, comme saisi de ce vain repentir
recourt avec les pas de sa triste memoire,
luy conte quels objects opposez à ses yeux
et de quelle douleur, comme un trait débandee,
lors que rentrant chez soy, frappé du coup mortel
p303
il le vit en sortir superbe encor du gage
ravy sur son honneur par un recent outrage.
Quels furent les propos que
le vieillard respondit condamnant son erreur,
commis deux si sanglants et cruels homicides,
ma langue le taira, pour dire
aux fraudes des demons ces malheurs imputant,
il commanda
dans les liens publics fut sur
compagne de Gernande à qui fut pour maison
donnee au mesme temps une estroitte prison.
Ce decret
on
du prince des demons
trompant son esperance au besoin luy manqua :
bien
si tost
ou des pegases
La justice divine assistant à
rendit lors sa magie et son attente vaine :
et celle qui voyoit dans un verre animé
le geste des absens sans mensonge exprimé,
de ceux qui
p304
devant que prevoyant ce mal
elle peust par la fuite aux liens échapper,
et si, fichant la veüe au poly de sa glace,
dés le temps
hors de devant ses yeux Gernande estoit sorty,
son regard peu souvent
mais
Aussi cognoissant bien que les malheureux jours
en estoient arrivez aux bornes de leur cours,
dés
elle advoüa la fraude, et la conta
que ses jaloux torments luy donnans mille morts,
pour le regret
elle avoit converty sa vive amour en haine,
et juré de venger sur Aimonde et sur luy
Dessein à quoy Gernande avoit par sa priere
presté la main luy-mesme et fourny de matiere,
Ligne 8 582 ⟶ 8 584 :
(un esprit si credule à de tels imposteurs)
et la fortune adonc mettant en la puissance
la vie, et
de sa propre rivale, et de son fugitif.
Ces discours entendus, les plus severes ames
Ligne 8 590 ⟶ 8 592 :
mais celles où logeoit un peu plus de douceur,
et celles dont
sçachant à quels excez ceste fiebvre nous meine,
destinoient à sa faute une plus douce peine :
peut-estre par respect
qui
vivoit en son visage, en sa taille en son geste,
et la faisoit trouver sorciere manifeste
plustost des jeunes
que des credules yeux abusez par son art,
et plus digne du feu que
que du feu punisseur qui met les corps en cendre :
encor que les couleurs dont le sexe se peint
monstrassent
Mais ce parlant combat de jugemens contraires
fist chocquer peu de temps les doux et les severes :
car sur
ou soit que les demons, pour leur dernier service,
elle se trouva morte au sein de la prison,
sans marque de cordeau, de fer, ny de poison :
et croit-on que son ame avoit esté ravie
de ceux
pour les foudres, les vents, la tempeste et le bruit
eclatter dedans
de sa maudite vie icy bas terminee.
p306
Ligne 8 621 ⟶ 8 623 :
Quant au triste Gernande, et la publique voix,
et le senat contraint par la rigueur des loix
qui tiennent là
condamnerent sa teste au trenchant de
non sans regret de voir un
mourir des lasches coups
Aussi fut differé
avec tout ce
mais ceste pitié-là
car un parent
qui possedoit
et qui presque estoit craint des grands de la province,
voulant que ceste offence eust son juste guerdon.
Luy fit tousjours fermer les portes du pardon :
pardon que de luy mesme, outré de repentance,
il alloit dédaignant
et
monstroit
depuis
combien sa main estoit injustement meurtriere.
Ah ! Que ne dist-il point accusant ce forfait,
quand par le repentir rendu palle et deffait,
il vint sur
avec son propre sang laver son double crime !
ô, dit-il, chere Aimonde, autrefois ma moitié,
Ligne 8 647 ⟶ 8 649 :
p307
de ton propre meurtrier, se joindrois
mon bras encor soüillé des marques de la mort
que je sens, malheureux,
repugne à ceste grace, et ne veut que
rien de toy
Mais sçaches que si plaindre et hair son peché,
se voir de repentance amerement touché,
Ligne 8 658 ⟶ 8 660 :
se mettre au premier rang des ames criminelles,
pour laver son erreur desirer de mourir,
voisine
est autant innocent que ma main est coulpable.
Cependant je
sinon que ton regard se jette dessus moy,
pour me voir immoler, frappé de repentance,
sur ce funeste autel de publique vengeance
et remarque du ciel avec quel déplaisir
non
mais de
je vien pour voir la mienne icy
et presenter ma teste au trenchant inhumain
du fer qui doit punir
Las ! Nous ne pensions pas quand un sainct hymenee
joignit de nos destins la trame infortunee,
p308
et brisant nostre vie au milieu de nos jours,
nous fist tous deux perir
toy
toy par ma main cruelle, et moy par le trenchant
ta jeunesse et bien nee et chastement nourrie,
et ma main dés
sembloient devoir un jour cueillir de plus doux
fruicts
des saints enseignemens où nous estions instruits :
mais ainsi
contre qui murmurer ce seroit un blaspheme.
Aussi ne viens-je pas
et ce
permet à mon trespas
Je
ne
fors de voir que ma mort
et
Cependant, reçoy-la
sinon avec pitié, pour le moins sans mespris,
sous le funebre nom ou
que paye à ton trespas
autrefois ton espoux, maintenant rien sinon
un meurtrier que son crime a privé de ce nom.
Ligne 8 706 ⟶ 8 708 :
p309
et
partagez entre vous ce miserable sang
que je vous vois espandre ainsi
tant que vostre courroux
Ayant dit ces propos, il tourna vers les cieux
le
puis presenta sa teste à la mortelle atteinte
du coup qui pour jamais rendit sa vie esteinte.
Et voila de quels fruicts se trouverent autheurs
les mensonges muets des miroirs enchanteurs.
Philon ne parloit plus, quand
certes, dit-il, Philon, tu nous as fait épandre
des larmes de pitié sur le triste discours
mais outre la pitié dont je me sens attaindre,
ce mal particulier la croyant me fait plaindre,
de qui desja mon
Mais soit-il faux ou non : il me plaist de le croire,
quelque obstacle nouveau
Un bien, encor que faux, paist
tant que pour veritable il est creu du desir.
Ainsi dist et fist-il, nourrissant sa pensee
de
venoit de faire naistre en son
de vivre encor au rang des amants bien-heureux.
p310
Il est vray que tousjours la miserable crainte
travaillant son esprit luy faisoit desirer
mais la beauté
seule pouvoit changer ce doute en un oracle.
Attendant donc
permist que par sa bouche il
pour servir cependant
il estima suffire à ceste ardante envie
de sçavoir que la belle, au declin
eust releu quelque escrit tesmoin de son amour :
afin
il peust en son esprit concevoir tout le reste :
et par là
les demons invoquez
elle sans luy nier ny confesser aussi
que la verité fust ny ne fust pas ainsi,
par sa response accorte emplit son esperance
de la grace attenduë, et parmy cent appasts
advoüa sa demande en
Bien reprist-elle en luy cet estrange remede
où
p311
avoit fait recourir ses miserables yeux,
comme un remede impie et condamné des cieux.
Mais jugeant
est tant plus amoureux que moins il paroist sage :
et prenant cestui-cy pour un gage asseuré
de ce que peut en
elle en estima tant sa jeune impatience,
que sans plus luy cacher de la fainte apparence
consumoit chastement son aimable verdeur,
elle luy devoila les secrets de son ame,
et dés
embrasast derechef leurs amoureux esprits
desormais
TRAD. DEUXIESME LIVRE AENEIDE
Ligne 8 781 ⟶ 8 783 :
p312
Quand chacun attentif
tint sa langue immobile et sa bouche pressee,
alors Aenee assïs sur un lict élevé
rompit de ce discours le silence observé.
Belle reine, il te plaist
renouvelle en mon
me faisant raconter comme apres cent combats
les grecs jetterent Troye et son empire à bas,
et ce que mon regard veit de plus lamentable
en ce piteux spectacle autant
où le feu saccagea
et dont moy-mesme encor je fus une
Qui pourroit
contant de tels effects de la rage des armes,
p313
fust-il un myrmidon ou dolope inhumain,
ou des soldats
Desja
et maint astre tombant au sommeil nous invite :
mais puis
tu sens un tel desir
et
qui fait le lieu de Troye estre sa sepulture,
je vay te les compter, quoy que
mon ame avec horreur
Rompus du faix de Mars supporté tant
chassez et par le ciel, et par les destinees,
et despouïllez
les conducteurs des grecs font par
construire de sapins sçavamment joincts ensemble
un cheval qui de taille aux monts presque ressemble :
et feignans le payer pour
en font voler le bruit par les champs
Mais dans ceste forest en cheval transformee
ils logent en embusche une petite armee
de tant de regimens nos remparts assaillans,
et de soldats armez remplissent en cachettes
Ligne 8 827 ⟶ 8 829 :
isle riche et feconde au temps que la Phrygie
par les loix de Priam en paix estoit regie :
maintenant ce
mal fidele aux vaisseaux qui surgissent au bord.
Là se cacherent-ils sur la rive deserte,
dans un sein dont leur flotte estoit ceint et
couverte :
au lieu que nos esprits abusez
estimoient ceste ruse estre un entier depart,
et croyoient, imprudens, le vol de leurs carenes
Ligne 8 839 ⟶ 8 841 :
qui fournit si long-temps des larmes à son oeil :
les portes de la ville aussi tost sont ouvertes :
on se plaist
des champs où
et le rivage ondeux non plus lors occupé.
Là logeoit le Dolope, icy le grand Pelide :
Ligne 8 847 ⟶ 8 849 :
et de coups mutuels la terre ensanglanter.
Une partie admire, et regarde sans cesse
le funeste present de
ce grand monstre de bois plein de traits et
et Thymoete à
conseille le premier à la tourbe ignorante
que dans le chasteau mesme en trophee on le plante :
soit
ou soit que nos destins
p315
Mais Capys, et tous ceux qui dedans leur courage
receloient un penser plus utile et plus sage,
commandoient au contraire, ou
un present si suspect au profond de la mer,
ou
cet artifice grec menassant nos pergames :
ou
ouvert
on vist ce
Sur ces divers conseils, les advis populaires
se fendans en deux parts
voila que du chasteau courant descend a bas,
au front
tançant le peuple esmeu, de loin ainsi
malheureux citoyens contre vous conjurez,
quelle fureur seduit vos esprits égarez ?
Ligne 8 876 ⟶ 8 878 :
Pensez-vous que leurs dons manquent de quelque piege ?
Cognoissez-vous ainsi les infideles tours
Ou dans ce ventre creux des troupes embuschees,
pour quelque grand dessein, se retiennent cachees :
Ligne 8 883 ⟶ 8 885 :
construict pour découvrir jusques dedans nos portes,
et de là commander aux places les plus fortes :
ou quelque dol caché sans doute
ô Teucres, je vous pry ne vous y fiez point :
p316
je redoute les grecs, et cognoissant leur feinte,
lors
crainte.
Cela dit, aussi tost joignant la force à
contre les larges flancs de ce cheval horrible,
et le lambris vouté de son ventre insensible.
Le dard tremblant
par le sonnant sapin dont son flanc est tissu,
ses coulpables costez au dedans retentissent,
et de son vaste sein les cavernes gemissent.
Que si lors nostre esprit
par un mauvais destin contre nous courroussé,
cest homme encourageoit les ames plus craintives
Ligne 8 904 ⟶ 8 906 :
et maintenant, ô Troye, encor florirois-tu,
et nous ne verrions point ton empire abattu.
Mais cependant, voicy
avec de bruyants cris à Priam on ameine
un jeune homme incogneu, qui, triste, avoit les mains
avec de forts liens estreintes sur les reins :
mais qui de son bon gré, plein
à ceux qui
pour tramer ceste fraude, et les traistres moyens
impudent, resolu, non capable de crainte,
soit
p317
soit que
il se fallust offrir au trespas asseuré.
Soudain de toutes parts une espaisse couronne
de jeunesse accouruë en foule
prend plaisir de le voir si dolent
et comme à qui mieux mieux
Or escoute des grecs
et par un crime seul juge de tout le reste.
Si tost que ce trompeur devant nous arresté
monstrant la face triste, et
voire peignant la peur sur ses lévres blesmies,
sans armes se vit ceint de bandes ennemies,
Ligne 8 931 ⟶ 8 933 :
peut recevoir mes pas errants et fugitifs ?
Ou que me reste-il plus qui me donne esperance,
et voyant les troyens justement rigoureux
prests de teindre leurs mains en mon sang
malheureux ?
De tels gemissemens il émeut nos courages :
nous faisans lors cesser toutes sortes
et ne sçachans où tend cet exorde trompeur,
nous mesmes
qui, de quel peuple il est, que veut dire sa plainte,
et quelle est en ses fers son attente ou sa crainte.
Luy despouïllant adonc la frayeur qui
avec un tel discours enchante nos espris :
p318
certes, roy genereux, je vais, sans rien te feindre,
le tout, ainsi
et pour le premier poinct,
que vrayment je suis grec : car la cruelle loy
du sort qui rend sinon accablé de misere,
ne rendra point pourtant sa langue mensongere.
Si jamais en parlant des princes de nos jours,
parvint à ton oreille, entre
le nom de Palamede, et le bruit dont sa gloire
tous les jours sur
prince grand en vertu, que sans nulle raison,
faussement accusé
les grecs ont par arrest envoyé sous la terre,
pource
et
ils plorent à toute heure et de
sous ce valeureux prince, et
mon pere
en guerre apprendre icy le mestier des vaillants.
Aussi, tandis que
a fait florir son regne en puissance et richesse,
se sentir pres de luy des effects de son heur.
Mais depuis que la ruse, et la cruelle envie
de ce pipeur Ulysse ont mis fin à sa vie,
(ma langue en ce propos ne dit rien
decheu de tout espoir, miserable, éploré,
p319
et
souspirant jour et nuict le lamentable sort
de mon prince deffait par une injuste mort :
ny ne
ains si jamais la voye en pouvoit estre ouverte,
si jamais en Argos je retournois vainqueur,
je promis aux ennuis qui devorent mon
rendit une aspre haine encontre elle excitee.
Aussi tous mes malheurs ont de là commencé,
car le cruel Ulysse oncques puis
semant emmy le camp mille obscures paroles,
mille bruits ambigus, et cherchant tous les jours
à son coulpable
sans donner nul repos à ce traistre artifice,
Mais pourquoy mon esprit
ces odieux discours sans
estime,
si me dire
repaissez de mon sang vostre esprit irrité :
vous ferez ce
et ce que, pour souler leur courroux homicide,
acheteroient bien cher et
Ces mots ainsi tissus font
p320
ne scachants rien encor de ses meschantes trames,
ny de
luy donc poursuit ainsi, pipant les escoutans
Souvent le camp Argive assis en cette terre,
ennuyé des travaux
les remparts
Et voulussent les dieux
Mais souvent la tempeste, ou le vent trop contraire
menassant nos vaisseaux
nous a ravy le poinct du retour desiré.
Mesme lors que le ciel desja peu favorable
veit ce cheval basty de
maint sonnant tourbillon ne cessa jour et nuit
Dont craignans quelque dieu nous estre pour obstacle,
nous avons Eurypyle envoyé vers
luy soudain de retour malgré
nous en a rapporté ces durs et tristes mots :
le sang
vous rendit en venant le vent doux et propice,
et par le sang
il vous faut impetrer le retour attendu.
Ceste horrible response ayant esté semee
dans
p321
soudain les plus hardis, frappez
ont senty le glaçon
se couler dans leurs os, et courir par les veines :
incertains qui
que demandoit encor la voix des immortels,
pour baigner de son sang le pied de leurs autels.
Là dessus,
tire au milieu du camp avec un grand tumulte
le prophete Calchas, le pressant de nommer
celuy que le trepied requiert sans
et desja, descouvrants son cruel artifice,
plusieurs voyoient sur moy tomber ce sacrifice.
Ligne 9 049 ⟶ 9 051 :
que sa response envoye un pauvre homme au trespas.
Mais contraint à la fin par les cris dont sans cesse
le cruel ithaquois
par complot faict
il me va pour hostie à
tout le monde y consent, et le coup de tempeste
dont chacun avoit peur de voir frapper sa teste,
il le voit volontiers tomber dessus le chef
Et ja la cruelle heure en estant arrivee,
la terre
ja les rubans sacrez ma teste environnoient,
et ja les saincts gasteaux pour moy
p322
quand rompant mes liens, une fuitte innocente
me cachant par la nuit dans les jongs et roseaux
donnast la voile aux vents dessus
cependant pour jamais tout espoir
de pouvoir plus revoir ma douce liberté,
mon antique patrie, et mon bien-aymé pere,
et mes chers enfançons dans les bras de leur mere,
sur qui peut-estre helas ! Ils vangeront à tort
de ceste pauvre trouppe et foible et miserable,
la faute qui me rend innocemment coulpable.
de qui nul
et par tout ce qui reste en
de foy vrayment parfaicte, et non jamais faussee,
pren pitié de mes maux, pren pitié de ce
traicté par la fortune avec tant de rigueur.
Ceste plainte si triste, et de larmes suivie
Ligne 9 086 ⟶ 9 088 :
et Priam le premier fait delivrer ses mains
des liens dont les nerfs sont durement estreints :
et de ces doux propos luy-mesme le console :
p323
qui que tu sois, pren
la gent grecque en oubly, sois nostre desormais.
Mais respons sans mensonge et me dy je te prie,
ceste effigie enorme où
represente un cheval de si grande hauteur,
quel dessein
à quel bien peut servir ce grand faix de la terre ?
Est-ce quelque mystere ou machine de guerre ?
Ainsi luy dist Priam : et cet esprit rusé,
sçavant en
levant les mains au ciel libres de leur estreinte :
feux eternels, (dit-il) lumiere pure et sainte,
qui luis inviolable au serment des mortels :
et vous que
homicides cousteaux, rubans mis sur ma teste
comme sur une hostie à tomber toute preste,
Ligne 9 109 ⟶ 9 111 :
descouvrir le secret plus saint et plus caché
du mystere des grecs, haïr la gent cruelle,
et si quelque dessein en leurs
dont jadis ma patrie avoit esteint ma foy.
Tant seulement, ô Troye, observe ta promesse :
Ligne 9 116 ⟶ 9 118 :
si par mes vrays discours je procure ton bien,
et fais que ton salut soit le payement du mien.
Tout
p324
eut tousjours pour appuy la faveur du secours
dont la grande Minerve en secondoit le cours.
Mais depuis que
et le traistre ithaquois, ce cruel homicide,
oserent, déguisez, ravir outre son gré,
hors de
sa fatale effigie, avec ces mains cruelles
qui venoient
et toucher de leurs doigts de sang encor tachez
les rubans virginaux à son front attachez :
depuis ceste heure-là, leur attente premiere
commença renversee à couler en arriere :
leurs forces à se rompre, et le
de la deesse mesme à
Ce
mais son image à peine entre nous se planta,
et
secoüant en ses mains sa lance et son pavois
(spectacle merveilleux) tressauta par trois fois.
Lors Calchas vient chanter que sur
il faut prendre le vol
et que le mur troyen ne peut estre abbatu
par nul guerrier effort de la grecque vertu :
Ligne 9 151 ⟶ 9 153 :
des dieux que nos vaisseaux chargerent avec eux,
et rendu leur faveur plus propice à nos
ils courent maintenant la route de Mycenes,
afin que de nouveau
et de
Ainsi Calchas
Cependant, pour
le sainct palladion, et Minerve offençant,
advertis par les dieux, ils ont en recompense
construit ce grand cheval,
que Calchas leur a faict ainsi haut eriger,
afin que
et
dessous
les oracles secrets leur ayants revelé,
que si de vostre main vous aviez violé
Ligne 9 171 ⟶ 9 173 :
(que Dieu vueille plustost destourner sur luy-mesme)
iroit de fonds en comble à la fin renversant
Au lieu que si par art
vous les trainiez vous-mesme au sein de vostre ville,
un jour
assieger à son tour les argives remparts :
p326
Ligne 9 180 ⟶ 9 182 :
et que ce ferme arrest des sainctes destinees
estoit inevitable aux futures annees.
Pipez
nous croyons ceste fraude, en caressons
et sont vaincus par
du parjure sinon, ceux que les fieres armes
de Tydide, et
et dix fois cent vaisseaux
Mais sur cet accident,
par
Le prompt Laocoon,
avoit esleu par sort pour prestre de Neptune,
trempoit
du sang
quand voila deux serpens (seulement la memoire
histoire)
démarent de Tenede, et sur
les tours desmesurez de leurs dos ondoyants,
fendent la mer tranquille, en passent
et
Leur superbe estomach
cent bizarres couleurs en peinturent le dos :
ils font rougir de sang les pointes de leurs crestes :
et dressent haut en
p327
Ligne 9 210 ⟶ 9 212 :
courbant en de grands ronds les horribles cerceaux
dont leur dos écaillé voûte sa fiere échine,
et fait en écumant bruire
Ja tenoient-ils les champs sous leurs ventres
baveux,
leurs yeux ensanglantez ardoient de mille feux :
les langues
léchoient le sale bord de leurs gueulles siflantes.
Nous, les voyants venir, fuyons tous éperdus :
eux sur Laocoon ayants les yeux tenduz,
menassent,
et de premier abord, se ployant ils embrassent
avec les
les tendres petits corps de ses deux enfançons :
déchirent par morceaux leurs membres miserables :
et puis, comme y portant des armes secourables
avec haste et douleur il fut couru vers eux,
ils
nœuds.
Et desja les grands tours de leurs chaines spiralles
avoient fait sur les reins deux ceintures égalles,
et leur dos jaulne-verd
tenoit desja son cou par deux fois embrassé,
et le va surmontant de teste et de poitrine.
Luy, maintenant essaye avec ses fortes mains
p328
Ligne 9 243 ⟶ 9 245 :
mille effroyables cris volants jusques aux cieux,
et mugit de douleur, comme faict par la plaine
le taureau qui frappé
sanglant et furieux
ayant par un détour trompé le coup mortel.
Mais en fin les dragons se sauvent par la fuitte
Ligne 9 252 ⟶ 9 254 :
Lors une peur nouvelle effrayant les pensees
se coule avec horreur dans nos veines glacees :
tous disent
du fier Laocoon poursuit
de qui, sans nul respect, la sacrilege atteinte
avoit blessé les flancs de la figure sainte :
criants
ce fatal simulachre, et Minerve appaiser.
Adonc, comme en fureur, nous ouvrons nos murailles
et de nostre cité descouvrons les entrailles :
tous
aux bazes de ses pieds le glissant mouvement
de maint rouleau poly, puis on le tire à force
de gros chables de chanvre et
p329
La fatale machine enjambe nos rempars,
grosse
Force jeunes garçons, et vierges couronnees,
où rit la tendre fleur des plus belles annees,
devant et tout autour chantent des hymnes saints,
glorieux
elle glissant tousjours sur le rouleau mobile,
en fin en menaçant coule au sein de la ville.
ô ma chere patrie, ô demeure des dieux,
ô remparts dont la gloire atteignant
Quatre fois ce grand corps
quatre fois, comme prest à trahir son dessein,
il fist bruire au heurter les armes de son sein.
Mais lors nous aveuglant la fureur de nos ames,
et bruslants de le voir logé dans nos pergames,
nous
tirasmes au chasteau ce monstre infortuné.
Mesme, en nous predisant nos tristes adventures,
Cassandre ouvrit adonc aux fortunes futures
la bouche à qui
En fin nous malheureux, nous à qui la lumiere
avec joye embrassants les causes de nos pleurs,
nous voilons les autels de rameaux et de fleurs.
Ligne 9 295 ⟶ 9 297 :
Cependant le ciel tourne, et la nuit étoillee
avec son manteau noir sort de
et dedans son grand ombre épandu sur les yeux,
enveloppe et la terre, et les plaines des cieux,
Ligne 9 303 ⟶ 9 305 :
donnant un doux repos à leurs membres lassez.
Et ja sous la faveur de la splendeur amie
les ennemis voguants dessus les flots chenus,
retournoient de Tenede aux rivages cogneus :
quand la royalle nef, seul phanal de
eleve pour signal une flamme allumee :
et le traistre sinon, guaranty de la mort
par
ouvre secrettement
des aiz qui receloient les grecs en leur closture.
Le grand ventre de bois, dont ils estoient couverts,
les rend soudain à
et joyeux pour le sang
sortent de leur embusche et Sthenele, et Tisandre,
et le cruel Ulysse, et Thoas apres luy,
Ligne 9 320 ⟶ 9 322 :
le superbe Athamas, le fier Neoptoleme,
et celuy qui forgea ce sanglant stratageme,
le sçavant Machaon, et
p331
Ligne 9 330 ⟶ 9 332 :
reçoivent par sa gueule en haste deffermee,
les autres legions du corps de leur armee.
Or estoit-ce sur
commencer à coller les paupieres de
et comme un don celeste enchanteur de nos peines,
avec plus de douceur ramper dedans les veines :
Ligne 9 341 ⟶ 9 343 :
eussent trainé son corps sur nos champs desolez,
tel que le veit un jour la muraille de Troye,
estants ses pieds enflez percez
Helas ! Bien different de ce
ce valeureux Hector
alors
revestu du harnois du grand fils de Pelee :
ou que tenant les grecs en leurs nefs enfermez,
Ligne 9 356 ⟶ 9 358 :
mille coups dont sa chair avoit esté meurtrie,
combattant pour les murs de sa chere patrie.
Un si piteux object
ma langue me sembla ces mots luy proferer :
ô le fidelle espoir, et la vive lumiere
des teucres garantis par ta dextre guerriere,
quel sujet
De quel lieu reviens-tu tant de mois souhaité ?
Helas ! Apres combien de tristes funerailles
de tes plus chers parents terrassez és batailles,
apres combien
nous revoyons le jour de tes yeux desirez !
Mais ô dieux ! Quel malheur, ou quel indigne outrage
a troublé le serein de
Et pourquoy voy-je ainsi tes membres détranchez,
Luy ne respondant rien à ces vaines parolles,
comme les estimant des demandes frivolles,
mais tirant un souspir du centre de son
las ! Fuy-
fuy-
ravy-toy promptement à ces cruelles flames.
du fameux Ilion vont tomber pour jamais.
p333
La patrie a receu ce
Si les rempars troyens eussent peu se defendre
par le tranchant du fer, et par un bras humain,
Ligne 9 388 ⟶ 9 390 :
pren-les pour compagnons de tes destins futurs,
et va sous leur faveur chercher de nouveaux murs,
ayant long-temps erré dessus
Ainsi me parle
mettant entre mes mains et les rubans des dieux,
et la puissante Veste, et la flamme eternelle
que de son sanctuaire elle emporte avec elle.
Cependant, en
les plaintes et les cris hurlent de toutes parts :
et bien que la maison par Anchise habitee
ceinte
tousjours de plus en plus ce bruit
et
Je secoüe en sursaut le sommeil qui me dompte,
et du plus haut du toict,
je tends
de tant de feux mesloit son horrible splendeur.
Comme quand il advient que la flamme devore
Ligne 9 408 ⟶ 9 410 :
p334
ou
precipitant son cours de la cime
essourde les costaux du bruit qui
saccage tous les bleds riants par la campagne :
et perdant les labeurs des fertiles guerets,
entraine sur ses flots les antiques forests.
Le pasteur est saisi de crainte et de merveille
recevant
Lors
de leurs traistres desseins me paroissent à nu.
Ja
Ucalegon voisin commence à
qui dort pres de Sigee en ses ondes muettes.
Un cry
Impatient je
ne
mais je brusle
me perdre en ma patrie et suivre son naufrage.
Poussé de ce desir à grands pas je descens :
et mon
il est beau de mourir au milieu des allarmes.
Là dessus en effroy Panthe
Panthe garde du fort, et prestre du soleil,
p335
Ligne 9 442 ⟶ 9 444 :
Et bien, Panthe, en quel point en est nostre
fortune ?
Nous reste-il plus de fort, ny
à peine en luy parlant ma bouche eut ainsi dit,
que sa voix gemissante ainsi me respondit.
Le dernier jour prefix aux murs de Dardanie
est en fin arrivé, leur duree est finie :
il
le ciel en a
Les grecs regnent vainqueurs en la ville enflammee,
le grand monstre de bois verse à bas une armee
de guerriers sans pitié qui naissent de son flanc :
sinon met tout en feu, non moins
sang.
Mille troupes
en tel nombre
Mycenes contre nous cent peuples excitant.
par tout on voit flamber
et rien ne les combat, sinon
du guet seul opposant sa foible resistence
au débort
Frappé de ces propos et de
presque tout hors de moy je
p336
par le milieu du fer, du sang et de la flame,
où me semond
et par tout où
le bruit de tant de cris qui
Resolus de courir une mesme fortune
se viennent joindre à moy par les rais de la lune,
et
Riphee avec Iphite au courage indompté,
Hypanis, et Dymas rencontrez par la voye,
et Choroebe arrivé ces jours-là dedans Troye :
Choroebe jeune prince, et
qui des yeux de Cassandre ardemment amoureux,
comme un gendre que Mars, non moins
inspire,
venoit pour secourir Priam et son empire :
heureux,
les mots par sa maistresse en fureur prononcez.
Enceint de ces guerriers, et voyant leur courage
les porter au combat, il leur tiens ce langage :
valeureux compagnons, mais valeureux en vain,
puis
de me suivre où je vois par ces fieres allarmes
tenter le dernier poinct de la chance des armes :
Ligne 9 495 ⟶ 9 497 :
delaissans leurs autels quittans leurs sanctuaires,
se sont tous retirez en ceux des adversaires.
De quel reste
contre tant
p337
En vain nostre valeur aux perils exposee
tasche de secourir une ville embrasee :
mourons, et
lançons-nous au travers des dards victorieux.
aux grands
Ayant ainsi parlé de fureur tout épris,
Et lors, comme des loups que
du ventre et de la faim tire hors du bocage,
par
et que leurs louveteaux dans le giste laissez
attendent halletans à gorges dessechees,
Ligne 9 516 ⟶ 9 518 :
nous mesmes nous lancer au trespas asseuré :
la nuict semant par tout son ombre noire et creuse,
volle à
Qui pourroit exprimer les horribles malheurs
Ou le sac en descrire, et les morts inhumaines ?
Ou par ses tristes pleurs en égaller les peines ?
Un estat qui superbe avoit tant dominé,
tombe à
infinis hommes morts, infinis que
tous sanglants, tous bruslez, gisent emmy la ruë :
p338
Ligne 9 531 ⟶ 9 533 :
Bien que les teucres seuls estendus par la voye
ne versent pas leur sang sur le pavé de Troye :
quelquefois la vertu refleurit en leurs
quelquefois les vaincus font tomber les vainqueurs.
Par tout regne la plainte : et parmy le carnage
la mort monstre par tout son effroyable image.
et fierement suivy
qui nous tenant pour grecs, nous parle en ceste
sorte :
Ligne 9 548 ⟶ 9 550 :
Cela dit, aussi tost (pource que sa semonce
reçoit une ambigue et mal seure response)
voyant bien que son pied
entre ses ennemis, il reste plein
et luy fait retirer les pas et la parole.
Comme quand par les bois
marchant
un serpent non preveu sous
p339
il fuit palle de crainte aussi tost
les yeux rouges du feu que sa colere attise,
se dresser contremont, horriblement siffler,
Ligne 9 565 ⟶ 9 567 :
quand nous jettans sur luy, nous luy donnons la mort :
et puis chargeons sa bande avec un tel effort,
que de tous les costez
nous la faisons tomber sous les coups de
ignorante des lieux, et surprise de peur.
Le sort est favorable à ce premier labeur !
Dequoy tressautant
Choroebe en ce succez nous tient un tel langage :
ô compagnons, dit-il, suivons en combattant
le chemin de salut que nous va presentant
et la faveur du ciel secondant nostre audace.
Eschangeons nos boucliers avec ceux des vaincus :
et vestons pour un temps les armets, les escus,
et les marques des grecs :
contre son ennemy de vaillance ou de ruse ?
Eux-mesmes fourniront des armes à nos mains.
Ce dict, il vest
ombrageoit
la teste
et
se ceint la grecque espee à
p340
Ligne 9 591 ⟶ 9 593 :
chacun allaigrement se revestant le corps
de la fraische despoüille arrachee à ces morts.
Nous allons aussi tost,
imprudents nous conjoindre à la grecque phalange :
et par
nous faisons trébuscher force ennemis à bas.
Les uns
recherchent leurs vaisseaux et le sein de la rive ;
les autres maistrisez
remontent dans les flancs du colosse trompeur :
et pour se recacher, derechef se retirent
dans le ventre cogneu
Mais helas ! On ne doit en nul bien
que la faveur des dieux ne fait point prosperer.
Voila que
du temple de Minerve, et
Cassandre eschevelee, et tendant vers les cieux,
yeux.
Ses tristes yeux sans plus, car des cordes pressees
Ligne 9 612 ⟶ 9 614 :
Choroebe la voyant si rudement traiter,
insensé de courroux ne le peut supporter :
mais desirant la mort,
des soldats outrageants ceste jeune princesse :
p341
nous suivons tous
et les armes au poing nous nous ruons sur eux.
Icy, de prime abord il nous pleut sur la teste,
Ligne 9 623 ⟶ 9 625 :
font naistre ignoramment un grand meurtre entre
nous,
par
des boucliers ennemis et des grecques espees.
la princesse rescousse eschapper leur pouvoir,
viennent de toutes parts fondre sur nous ensemble :
Ajax de qui
et les deux fils
et
Comme quand sur le dos des ondoyantes plaines
des vents dont la fureur se creve en tourbillons,
Zephyre boursoufflant leurs humides sillons,
et celuy de la gent que le midy colore,
et celuy qui se plaist aux chevaux de
les forests font grand bruit : et Neree irritant
agite
le tempesteux orgueil de ses mobiles ondes.
Ceux aussi que par
es destours où le feu moins clairement reluit,
p342
nostre embusche a surpris, et
chassez par tous les coins de la cité destruite,
viennent lors à paroistre, et remarquer les dards
et des pavois menteurs la tromperesse image,
et le son estranger des accens du langage.
Ligne 9 655 ⟶ 9 657 :
tombe comme une hostie à Minerve immolee,
au pied de son autel, du bras de Penelee.
Riphee y tombe aussi,
et mieux guidant ses pas dans le juste sentier,
que le soleil vist point en toute la Phrygie :
Ligne 9 662 ⟶ 9 664 :
Hypanis, et Dymas, par un malheureux sort,
de nos compagnons mesme y reçoivent la mort :
et ne te sauva point
Panthe, ta pieté si constante et si sainte :
mais soüillas en ton sang versé par ce méchef,
la mitre
Vous, cendres
de ce qui me touchoit plus tendrement à
je vous atteste icy
je
ny trait lancé des grecs en ces tristes allarmes :
et que si le destin eust permis à leurs armes
p343
de
je
Nous sommes arrachez de ce sanglant carnage
Pelie, Iphite et moy : dont Iphite sent
appesantir ses pas, et Pelie est contraint
de retarder le sien,
Cent cris qui pleins
celestes,
nous appellent du bruit de leurs plaintes funestes,
Ligne 9 686 ⟶ 9 688 :
fait plouvoir tant de morts, fait voller tant de
dards,
guerre,
et nul par la cité
veu
dont la rage des grecs lutte contre le fort,
armant de cent boucliers la guerriere tortuë,
Ligne 9 696 ⟶ 9 698 :
par où grimpants à force entre les flancs obscurs
et dessous les posteaux que les teucres deffendent,
avec la gauche main
ils opposent aux traits leurs pavois surhaussez,
et
Les troyens de leur part arrachent les sablieres,
les combles des maisons, les tours toutes entieres :
Ligne 9 705 ⟶ 9 707 :
p344
tant
rouler les bois sacrez, et les poutres dorees
qui, comme monuments restans de nos ayeux,
ornoient le sainct orgueil des plus augustes lieux.
Les autres deffendans les basses advenuës
avec un escadron tout flambant
ressemblent à des murs entierement ferrez,
tant leurs rangs se suivans sont unis et serrez.
Là, nous reprenons tous une fureur égalle,
ardans de secourir la demeure royalle,
aider à ces guerriers, et leur renfler le
Il
une porte secrette et venuë de lumiere,
qui servoit de passage aux superbes cloisons
dont Priam distinguoit ses augustes maisons,
par où, devant
bien souvent Andromache et non veüe, et sans suite,
alloit voir son beau-pere, ou seule avec un seul,
portoit Astyanax vers le roy son ayeul.
Coulé dedans par là, je monte au plus haut feste,
des cruels assiegeans force fléches en vain,
et qui sans nul effect leur voloient de la main.
Là
p345
parts,
voyoit Troye à
voyoit les pavillons de tout le camp Argive,
et plus loin leurs vaisseaux flottans pres de la rive.
Avec le fer en main assaillans ceste tour,
et par où les planchers déjoints tout à
monstroient leur liaison du comble détachee,
nous la poussons en bas : elle adonc qui se suit,
traine apres sa ruïne un grand et sonnant bruit,
et de sa cheute esparse en tombant ensanglante
force rangs ennemis que son faix accravante :
mais
les cailloux et les dards poursuivre de voller.
Là, Pyrrhe tressautant
brave devant la porte, et tout armé flamboye
embrasé
son harnois reluisant aux flammes opposé :
tel
apres
le serpent que
tout enflé de gelee et tout transi de froid.
Maintenant dévestu des peaux de sa vieillesse,
et fraischement luisant
il plie en cercles ronds son dos souple et glissant,
dresse haut au soleil,
p346
Ligne 9 766 ⟶ 9 768 :
elançant les trois dards dont sa langue est armee.
Là, Periphe au grand corps secoüant un brandon,
là son porte-bouclier,
et comme un ruineux et tempesteux ravage,
tout le jeune escadron de Scyre au verd rivage,
Ligne 9 774 ⟶ 9 776 :
rompt le seuil de la porte, et fierement arrache
les poteaux de leurs gonds, redoublant tant de fois
les coups du fer aigu,
tranché la poutre mesme, et dissous leur jointure,
il fait beer
Lors le
les salles au grand front en paroissent alors :
et le pompeux orgueil des chambres magnifiques,
retraites de Priam et des rois plus antiques :
lors on voit à
ceux qui pour sa deffense ont dévoüé leur sang.
Mais aux parts du logis le plus loin reculees,
maints lamentables cris, maintes voix desolees
se confondent ensemble, et les oit on urler
de piteux cris de femme épandus dedans
Le son en porte au ciel les plaintes gemissantes !
Les dames en plorant errent toutes tremblantes
p347
par ces grands corps
et donnent des baisers aux poteaux embrassez.
Pyrrhe presse et fait voir
la violente ardeur de
Ny gardes ny cloisons
Le bellier au front dur, à force de hurter
jette la porte à terre, et
fait en fin hors des gonds tomber le poteau mesme.
La force ouvre le pas : les grecs à
massacrent en fureur les premiers rencontrez :
inondent tous les lieux du debord de leurs armes,
Ligne 9 807 ⟶ 9 809 :
un fleuve dont les flots renversans leurs chaussees,
furieux du surcroist des ondes amassees,
et noyans tous les prez
cassines et troupeaux entrainent avec eux.
Je vy Neoptoleme, et tous les deux Atrides
baigner là dans le sang leurs dextres homicides :
et devant les autels de ses dieux domestiques
soüiller du propre sang de ses veines antiques,
Ligne 9 821 ⟶ 9 823 :
Ce grand et doux espoir dont cinquante hymenees
faisoient en ses nepveux refleurir ses annees,
à
ces pilliers qui vestus de riches lames
les grecs les saccageans ou les flammes ardantes.
Mais peut estre attens-tu que ce triste discours
Ligne 9 829 ⟶ 9 831 :
Voyant la cité prise aller tomber en cendre,
ses portaux abbattus cesser de le deffendre,
et
que son palais eust point en son sein retirez :
il charge, bien
du fardeau desapris de ses armes pesantes :
ceint un glaive inutile, et va dans le plus fort
Ligne 9 837 ⟶ 9 839 :
Au milieu du palais et sous le nud des astres,
un grand et large autel gisoit sur ses pilastres,
et tout contre un laurier qui chargé de trop
courboit dessus
servant
aux penates sacrez
Icy, la triste Hecube en pleurs et hors de soy,
et ses filles encor
environnoient
comme font en fuyant les promptes colombelles,
p349
Ligne 9 849 ⟶ 9 851 :
quand un nuage épais noircit le front des cieux,
et plorant embrassoient les images des dieux.
Si tost donc
ce genereux vieillard couvert de jeunes armes,
quelle fureur (dit-elle) en ton
Où
Helas, nous
besoin de tes secours, non pas quand mon Hector
au milieu des vivans respireroit encor.
Ligne 9 861 ⟶ 9 863 :
ou nous courrons ensemble en un mesme trespas.
Ce dit, elle tira les lents et triste pas
du vieillard aupres
dedans le sacré siege à ses membres de glace.
Mais voila que Polite, un des fils mieux aymez
echapé de la main du fier Neoptoleme
fuit au travers des dards et des ennemis mesme,
Ligne 9 870 ⟶ 9 872 :
des portiques voutez, des salles et des cours.
Pyrrhe ardant de fureur le poursuit et le presse :
luy tient la mort aux reins,
et ja presque voisin, de la main il
et son trenchant acier en ses veines reteint :
tant que quand le chetif parvient devant la face
Ligne 9 879 ⟶ 9 881 :
tout transpercé de coups, et par terre estendu
va respandant sa vie en son sang espandu.
Icy le pauvre pere, encor mesme
ne se peut contenir, ains hastant son malheur
il lasche ainsi la bride à sa juste douleur :
Ligne 9 887 ⟶ 9 889 :
vueillent un jour les dieux rendre à ta cruauté
le loyer que dessert ta brutale fierté,
pour ce barbare tour
dont tu
sanglante,
qui sans aucun respect des autels ny des dieux
Ligne 9 894 ⟶ 9 896 :
et de la mort du fils si laschement cruelle
as soüillé sans pitié la face paternelle.
Cet Achille fameux, que
ta naissance se vante avoir eu pour autheur,
ne se monstra pas tel, mesme en sa violence,
vers moy son adversaire, ains eut en reverence
la vieillesse et la foy
rendit finablement, son courroux oubliant,
le corps de mon Hector aux droits de sepulture,
Ligne 9 906 ⟶ 9 908 :
p351
se pend à la couronne à demy penetree,
qui se recueille en pointe au nombril du pavois :
surquoy Pyrrhe repart
or va donc raconter aux ombres de mon pere
les traits de cruauté que ton oeil
et ne luy cele point que son fils malheureux
degenere en vertu de ses faits valeureux :
meurs dés cette heure icy. Ce disant il le traine,
arraché hors des bras de la dolente reine,
tout tremblant de trop
dans le sang de son fils le pavé rougissant,
contre les autels mesme, où cruel il empestre
dedans ses cheveux blancs les doigts de la senestre,
et tenant son poignard flambant en
Telle fin eut Priam, telle ses destinees,
et telle mort trencha le cours de ses annees,
regardant Troye éprise horriblement flamber,
et
luy jadis si grand prince, et de qui la puissance
vit
maintenant un grand tronc sur
dont le corps est sans nom et le chef arraché.
Ce fut là
entra premierement en mon ame éperduë :
p352
voyant si sanglamment meurtrir un si grand roy
de qui
creuse, et ma maison au sac abandonnees
augmentent ceste crainte, et la peur des hazards
dont mon petit Jule est ceint de toutes parts.
Je regarde à
quelle troupe restee encore me demeure :
tous
et
ou transpercez de coups et prests à rendre
se sont par desespoir jettez dedans la flame.
Ainsi donc resté seul, et ce soin me pressant,
dans le temple de Veste, Helene retiree
se cacher pres du sueil des autres separee.
Cent clairs embrassemens me fournissent de jour,
errant, et sans repos jettant
Elle qui des troyens ayant destruit
tremble que leur douleur ne
qui des grecs apprehende un rude chastiment,
et qui craint son époux laissé si méchamment,
la commune furie, et
de Troye et des citez de sa terre natale,
se tenoit là cachee à
odieuse à
p353
Soudain un ardant feu
dont la fureur
de ma chere patrie, et punir sans pitié
les forfaits
Quoy ? (disois-je à part-moy) ceste ingrate et
meschante
Ligne 9 977 ⟶ 9 979 :
et le sang tant de fois baigner la large plaine
du sablonneux rivage où Xanthe se promeine ?
Non, il
dans le sang
nul renom memorable, et que telle victoire
siseray-je prisé
arraché ce malheur du milieu des humains,
chastiant les forfaits
et seray consolé, soulant
des saincts desirs vengeurs en mon
et les cendres des miens tristement consumez.
Tels discours en fureur
et desja
p354
quand plus claire et luisante en un nuage
que mes foibles regards
me presente emmy
et
telle en gloire et grandeur
dieux,
fait couler ce propos de sa bouche vermeille.
Mon fils, quelle douleur allume en tes esprits
ce violent courroux dont ils sont tous espris ?
à quoy tant de fureur ? La pieté cognuë
du juste soin des tiens
Veux-tu point voir plustost où tes pas ont laissé
ton pere et tout debile et des ans oppressé ?
Ligne 10 010 ⟶ 10 012 :
Autour de qui sans cesse errent de toutes parts
et les troupes des grecs, et les fureurs de Mars :
et que (sans mon soucy
de la flamme et du fer qui tout brusle et saccage)
et
Ce
ny le rapt de Paris tant condamné de tous,
mais la rigueur des dieux donnants trop au courroux,
p355
qui destruit cet empire, et qui fait que
trebuscher la puissance et la gloire de Troye.
Regarde : (car ma main va rendre dissipé
epointe les rayons de ta mortelle veuë :
toy, ne fuy nul conseil que le celeste soing
Ligne 10 031 ⟶ 10 033 :
et ces roches ainsi des roches arrachees
vomir des flots de pouldre, et bruyant les mesler
aux grands flots de fumee ondoyans dedans
Neptune secoüant les terrestres entrailles,
et de son grand trident esbranlant les murailles,
dont encor le loyer rend son
va
Icy Junon
toute ceinte
encourage les grecs, et leur prestant la main,
les appelle du havre à ce sac inhumain.
Là, Pallas secoüant son horrible Gorgonne
dans le sein
se plante en leur faveur sur la pointe du fort :
et Jupiter luy-mesme en seconde
leur accroist le courage, et durant ces allarmes
rend tous les autres dieux bandez contre vos armes.
Ligne 10 053 ⟶ 10 055 :
te fera regaigner la maison paternelle.
Achevant ces propos sa lumiere me fuit,
et se cache en
Adonc la veuë affreuse et les formes horribles
des dieux nos ennemis me devindrent visibles,
adonc tout Ilion se laissant consumer,
me sembla pour jamais dans son feu
et dés les fondements destruitte et subvertie
trebucher la cité par Neptune bastie.
Ligne 10 063 ⟶ 10 065 :
la main des laboureurs assaut de tous costez
un vieil fresne sauvage à grands coups de coignee
que redouble à
il menace long temps de son chef ombrageux
chancelant sous les coups du tranchant outrageux,
qui fait trembler
il chancelle et gemit pour la derniere fois,
et fracasse en tombant infinis petits bois.
Ligne 10 074 ⟶ 10 076 :
des plus fiers ennemis entre mille trespas,
les flammes et les dards faisants place à mes pas.
Mais quand en cheminant
du sejour paternel, nostre demeure antique,
p357
mon pere
dessus les monts voisins, et le premier sauver,
refuse constamment de vouloir plus estendre
la course de ses jours, Troye estant mise en
cendre :
et vagabond souffrir en
un exil sans retour plein
Vous autres (nous dit-il) de qui la force entiere
garde encor la vigueur de sa trempe premiere,
Ligne 10 091 ⟶ 10 093 :
Si les dieux immortels eussent eu quelque envie
de me voir prolonger le filet de ma vie,
ils
un sac de nostre ville, et
une heure seulement et captive et vaincuë.
Vous, quand vous aurez dit dessus ce pauvre corps
le triste adieu dernier
retirez-vous de moy tout tremblant et tout blesme.
Je trouverray la mort avec ma dextre mesme.
prendra pitié de moy : sinon, peu
la perte de la tombe est un petit dommage.
Long temps a
inutile à moy-mesme, et non aymé des cieux,
depuis que le grand roy des hommes et des dieux
fist siffler en courroux comme un trait de tempeste
p358
Ligne 10 115 ⟶ 10 117 :
le prions au contraire, et de ne vouloir point
en se perdant ainsi nous perdre de tout point,
et par une fureur
ne se point eslancer à la mort asseuree :
il nous refuse encor, sans se vouloir laisser
Ligne 10 122 ⟶ 10 124 :
desireux de la mort je recours à mes armes :
car, helas ! Quel advis soudainement naissant,
ou quel party
ô pere, as-tu bien creu que
de
Est-il cheut de la bouche et du
un mot si condemnable au silence eternel ?
Si
monde
reste
si mesme en ce desir ton
et si, plein de fureur, il te plaist
ta ruïne et la nostre à la perte de Troye,
la cruauté du sort
bien tost arrivera Pyrrhe cet inhumain,
teint du sang de Priam, qui meurtrit de sa main
le fils devant le pere, et
contre
p359
ô soucy maternel ! Ne
des armes et des feux qui
je voye et mon enfant, et ma femme, et mon pere,
frappans
dans le sang
Mes armes compagnons, rapportez-moy mes armes :
Rendez moy derechef aux coups des ennemis :
laissez moy
Nous aurons pour le moins cette vaine allegeance
de ne mourir point tous
Cela dit, je receins mon coutelas trenchant :
et derechef ma dextre au pavois attachant,
je me
quand voila mon espouse, en pleurs, et demy-morte,
qui
et me tendant mon fils me dit la larme à
si tu vas pour te perdre en la perte commune,
meine nous quand et toy courir mesme fortune :
Ligne 10 164 ⟶ 10 166 :
à qui vas-tu laisser au milieu de la flame
ton petit fils, ton pere, et moy jadis ta femme ?
Jettant ces cris en
tout le sein du logis
p360
quand un soudain prodige estonnant nos pensees
transforme en
Car cependant
lamentant en nos bras augmente nos douleurs,
voicy
semble sourdre à
paistre autour de son front ses doux et tiedes feux,
et sa flamme innocente en lécher les cheveux.
Nous, les croyants brusler, jettons, palles de
crainte,
de
mais lors ravy de joye, Anchise esleve aux cieux
ensemble avec les mains la parole et les yeux :
Ligne 10 184 ⟶ 10 186 :
tu peux estre flechy, tourne à nous tes paupieres :
regarde-nous sans plus : et si par pieté
devots à tes autels nous
desormais ayde-nous, serene ton visage,
et vueilles par effect confirmer ce presage.
à peine le vieillard cessoit
quand avec un grand bruit éclarant dedans
soudain il tonne à gauche : et le vol
que la nuict à
coule du ciel en bas, à sa queuë entrainant
la flamme
Nous la voyons passer, comme un trait débandee,
par dessus nostre toict en la forest Idee,
Ligne 10 199 ⟶ 10 201 :
p361
Un long sillon de feu dedans
dont la souffreuse odeur toute la coste enfume.
Lors mon pere vaincu se dressant vers les cieux,
Ligne 10 205 ⟶ 10 207 :
et se tournant vers nous : rien plus ne me retarde :
je vous suy, nous dit-il. Dieux soyez nostre garde,
et puis que vos arrests nous
sauvez ceste maison, sauvez mon petit-fils :
cet augure est de vous, et vostre main divine
prepare encor à Troye une neuve origine.
ô mon fils, je te cede, et ne refuse plus
Il achevoit ces mots, et ja sont entenduës
bruire plus clairement les flammes épanduës,
Ligne 10 217 ⟶ 10 219 :
Or sus, mon pere aimé, suivons donc ceste addresse :
assieds dessus mon cou ta debile vieillesse :
au moins, quoy
soit perte, ou soit salut, nous deviendra commune.
de remarquer nos pas les suivant de plus loing.
Vous autres serviteurs, souvenez-vous
dedans vostre penser le mot que je vay dire.
p362
Au sortir des remparts un tertre
sur qui les murs deserts, et le comble ja vieux
et tout contre se plante un grand cyprés antique,
plusieurs ans conservé sur les champs nourrissiers
par le soucy devot de nos vieux devanciers :
là, soit le rendez-vous : là, dessous
que de divers endroits chacun tourne sa voye.
Toy, mon pere, avant tout, prens en tes pures mains
Ligne 10 240 ⟶ 10 242 :
degoutte encor du sang espandu par les armes,
je ne puis desormais sans crime les toucher,
tant
Ayant ainsi parlé, je fais soudain estendre,
avec un vestement de laine molle et tendre,
la peau
sur mon espaule large, et sur mon cou ployé :
puis je courbe au fardeau mon échine pressee.
Ascaigne tient sa main en la mienne enlassee,
et
Creüse vient apres, nos traces refoulant.
Nous suivons les chemins ombreux et solitaires :
et moy,
de tant de traits volants qui
et tant
p363
au moindre vent qui souffle, au moindre bruit que
j’oye,
estant de palle crainte égallement transi,
et pour ma compagnie, et pour ma charge aussi.
Or
et desja je pensois que plus aucune sorte
de chemins perilleux ne restoit à passer :
quand un grand bruit de pieds me semblant
vient frapper mon oreille : et mon pere luy-mesme
regardant entre
dont la lune rend
fuy-
ils
Lors je ne sçay quel dieu, non amy de mon heur,
me vient oster
car tandis
des chemins plus batus, et des sentes cognuës,
pour gaigner un destour loing des pas
je ne sçay si Creüse en chemin
servit à mes malheurs
ou si par ces destours
trop lasse elle
ne rendit oncques puis sa presence à mes yeux :
et je ne retournay vers elle ainsi laissee
Ligne 10 284 ⟶ 10 286 :
p364
sur le tertre où Ceres eut son temple eslevé :
là, tous se recueillants à la faveur de
elle seule se vit manquer à nostre nombre,
frustrant par ce méchef qui la ravit à nous,
et son fils miserable, et son chetif espoux.
Qui fut-ce des mortels, ou des immortels mesmes,
que
Ou
en tout le sac de Troye apperceu de mon oeil ?
Emporté de douleur, plorant, je recommande
au vigilant soucy de ma fidelle bande
mon fils, mon pere Anchise, et nos penates saints :
les cache au fonds
retourne sur mes pas, et resouds en mon ame
repasser les hazards, mon salut mespriser,
et derechef ma teste aux perils exposer.
En ce triste dessein, dolent, je me reporte
vers la face des murs, et vers
par où bien peu devant mon pied
et parmy
mon oeil jettant par tout les rais de sa lumiere,
je recherche ma trace, et la suys en arriere :
fait le silence mesme effroyer mes esprits.
p365
De là, vers mon palais ma course est retournee,
incertain si son
mais un esquadron grec qui
le feu tout devorant monte
poussé de sa furie, et du vent qui
on voit haut par dessus les flammes en voller,
et
Je
au palais où Priam avoit fait sa demeure :
mais là, dans le portique, et les plus sacrez lieux
où fut
Phoenix et
esleus pour la garder. Là les thresors de Troye
ravis du plus sacré des temples embrasez,
là les tables des dieux au pillage exposez,
les couppes
Tout en pleurs et souspirs, un grand peuple esperdu
de femmes et
Mesme en ceste douleur osant par les tenebres
jetter des cris en
je remply les chemins de lamentables voix,
et le nom de Creüse appellay par trois fois.
et forcenant sans fin par les toits de la ville,
p366
Ligne 10 342 ⟶ 10 344 :
sa miserable idole attainte de mon dueil,
et son ombre parlante apparut à mon oeil,
sous les traits
surpassant en grandeur sa forme accoustumee.
et ma voix en ma bouche à
mais lors elle me parle, et de ce doux langage
Que te sert, cher espoux, ce labeur insensé ?
Rien sans
Les destins disposans des fortunes humaines
ne veulent point souffrir que
ny ne
de qui le clair Olympe escoute et suit la loy.
Il faut
il te faut sillonner une vaste campagne
de tempesteuses mers : puis, apres quelques ans,
Ligne 10 360 ⟶ 10 362 :
de la belle Hesperie, et des terres fecondes
que le Tybre en coulant fend de ses douces ondes.
Là, tout bon-heur
te reserve un royaume és rivages latins,
et le nouveau lien
Ne vueilles plus en vain plorer ma destinee :
mon oeil ne verra point les fieres regions
et pour user ma vie en langueur et tristesse,
je
p367
Ligne 10 373 ⟶ 10 375 :
et belle fille encor de la belle Venus :
car la mere des dieux, nostre grande Cybelle,
me retient sur ces bords arrestee aupres
Or adieu pour jamais : conserve en toy
de nostre cher enfant
Ayant ainsi parlé, ceste ombre se retire,
sur le poinct que pleurant, et voulant beaucoup dire,
se dérobe à mes yeux, et se dissipe en
Par trois fois
luy donnant de mes bras une estroitte accollee :
mais par autant de fois,
eschappa de ma prise, et me trompa la main ;
pareille aux vents legers, et semblable en son estre
à ces songes vollants que le somme fait naistre.
Les moments de la nuict
je retourne au vallon, vers mon autre souci :
et là, je
des nouveaux compagnons donnez à nostre fuitte,
hommes, femmes, enfans, jeunes gens ramassez,
piteuse colonie, et peuple miserable,
Ligne 10 399 ⟶ 10 401 :
resolus de me suivre en quelque part du monde
Or desja voyoit-on sur Ide se lever
et les troupes des grecs de pillage chargees
tenant de tous costez les portes assiegees,
nul espoir de secours ne
de la part des mortels, ny de celle des dieux.
Je pars, environné de la bande compagne,
et mon pere enlevant tire vers la montagne.
Voicy quelques vers que le traducteur a
changez depuis
estimer meilleurs que les autres, mais pour ce
de Virgile.
Page 322 me vers 5 me et 6 me on peut lire
si forcé du destin
Page 334 me vers 19 me et 20 me on peut lire
mais je brusle
au fort avec les miens, et me perdre en sa cendre.
p369
Il y en a une infinité
jugera,
de traduire Virgile plus exactement, en conservant
la grace et la beauté du vers françois, on
plus religieusement obligé. Mais il y a mille lieux,
où
interprete,
fort mauvais poëte, en ce qui regarde la grace, la
douceur, le son, et
essayer. (
A LA PIETE
Ligne 10 440 ⟶ 10 442 :
qui toutes les vertus en toy seule as encloses :
qui nous fais aimer Dieu par dessus toutes choses,
et pour
Le jour que ta beauté me venant enflamer
causa dedans mon
je voüay ton image au temple où tu reposes
aussi vif que ma main le pourroit animer :
et
dont mon ame peust estre en ceste
mon
mais maintenant, ô saincte et celeste deesse,
je la paye et
AU MESME SEIGNEUR CARDINAL
Ligne 10 464 ⟶ 10 466 :
et de ces beaux jardins où Zephyre est logé,
nous foulons à regret les plaisantes allees.
Non
nous ayons en horreur les delices permis
dont entre tant de maux le bien nous daigne suivre :
mais un public ennuy dedans
voyant que loin
de
A LUY-MESME
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Tout ce que la fureur de la guerre cruelle
nous a laissé de biens non touchez du volleur,
prince plein de bonté, nous le devons à
p372
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Aussi voulans monstrer que tout nous vous devons,
nous offrons pour ce tout, ce rien que nous pouvons,
payans
vous qui sçavez
pensez que
presenter une biche au lieu
A MME
Vertueuse princesse, ornement de nostre âge,
qui
surpassant tout le monde en accorte bonté,
vous surpassez vous-mesme en grandeur de courage :
il
des laqs où vos bien-faits me tiennent arresté,
ayans par leurs faveurs estreint ma liberté
Le sort vueille en mon nom ceste debte acquitter,
vous comblant de tout
sans souffrir
Voila son seul payment dont Dieu soit le garant,
afin
pour un mauvais payeur vous ayez un bon plege.
SONET PAR MME
p373
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Cet oeil par trop hardy, cet oeil audacieux
qui a osé me voir, avoit-il esperance
que le soleil est beau, mais
Avoit-il oublié ce que peuvent les dieux
sur
aveuglé il en fait ores la penitence,
Puis donc que vostre mal vient
il le vous faut souffrir, et patient le taire,
sans de cris et de pleurs importuner les cieux.
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Comme oser regarder une divine essence
en adorer la gloire et
p374
Or les dieux qui sans cesse exercent leur clemence
ne jettent pas les yeux sur
ains plus prompts au loyer que prompts au chastiment,
regardent le merite aussi bien que
Vous donc, race des dieux, que nous autres mortels
adorons en voyant, et qui sur vos autels
sentez brusler nos
exercez envers nous la clemence des dieux,
et que le souvenir du merite de
vous face pardonner à
A M. PHELIPEAUX
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surpasse autant son sexe en gloire de beauté,
que le tien en constance est par toy surmonté
pendant que doucement
à suivre de
ne doit sur rien de bas voir son
ny brusler
Toy donc que ta prudence a fait si bien choisir,
qui
et de qui comme
Phelipeaux, quelque sort qui te donne la loy,
aime la pour Phenix, avecques tant de foy
SUR PORTRAICT DUC DE MONPENSIER
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p375
Si
ames qui reverez les esprits genereux,
honorez ce portrait et luy faites hommage.
La bonté mesme est peinte és traits de ce visage
sous le nom emprunté
qui constant, magnanime, et de gloire amoureux,
Mille graces du ciel honorent sa grandeur :
il est le sanctuaire où leur gloire et splendeur
fait luire son pouvoir par maint illustre exemple :
et
de qui son bel esprit ne soit le digne temple
comme le Pantheon
A MM. GOBELIN ET PHELIPEAUX
décocher contre moy tant de traits douloureux :
et
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que si je voy sans fruit perir mon esperance
je
si mon esprit rencontre un succez plus heureux,
je
Non, à
le bien que par vos mains
deust la fortune en estre envers moy plus cruelle.
Le ciel
que
de me loüer de vous, que de me plaindre
A EUX-MESMES
Esprits dont la vertu maintient la sympathie
qui
tant la sage bonté qui reluit en vos
semble estre également entre vous départie :
du pouvoir des ennuis, des soins et des douleurs :
que mes poignans chardons se sont changez en fleurs,
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Maintenant sortiroy-je, avec ma liberté,
du lien invisible où se trouve arresté
le soucieux esprit
car ce qui maintenant
me rend en vostre endroit à jamais redevable.
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Voir Alexandre assis dans le thrône de Cyre,
ne fut oncques si doux à la grecque valeur,
assis dedans le vostre au
On croyoit (et le ciel nous le sembloit prédire)
que vous y monteriez, triomphant du malheur,
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mais Dieu vous a fait prendre un chemin plus heureux,
monstrant par vostre exemple aux princes genereux,
destruit par sa valeur ses plus fiers ennemis :
et puis quand il les voit à son pouvoir soumis,
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Comme le Montgibel respand en mille lieux
les flammes
pource
est basty le fourneau du forgeron des dieux :
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ainsi pour ce
les fers estincellans dont il arme ses fléches,
il en jaillit assez
pour brusler tous les
Il
les
que
ils brusleront en fin le ciel, la terre, et
et mettant tout en feu, ne lairront plus douter
si
A
Bel esprit qui tout plein
te vois dans ce grand
ayde à ceste belle ame ardamment poursuivant
en la gloire du bien sur tous biens
on ne
ny toy
Illustre son esprit de ta vive clarté,
glorieux en ton
qui franche des desirs que sa grace fait naistre.
Si le ciel te vouloit dans ton corps renfermer
et deviendroit soudain maistresse de son maistre.
Ligne 10 677 ⟶ 10 679 :
p379
Petit mont
du maistre à qui le ciel à bon droit
surmontant la vertu du cheval empenné,
font naistre tous les ans mille douces fontaines,
non fecondes en eau coulante emmy les plaines,
mais en vin
qui par les bras
se tire en ce doux mois de tes fertiles veines :
bien es-tu, petit mont,
et ton sein verdoyant
de voir que ta fontaine Aganippe surpasse :
car pour faire des vers qui surmontent
un seul trait de
vaut mieux que toute
EPIGRAMME A M. BONINEAU
Bonineau, les beaux vers que tu viens de chanter
en faveur de mon nom
ornant un apprenty des loüanges
à quiconque les void ne laissent point douter
que tu ne sois
EPIGRAMME A MME LA DUCHESSE
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Je devrois reserver aux grands coups de fortune
la peine et le travail de ceste belle main
que pour de bas sujets tous les jours
forcé de mon malheur qui la prophane en vain :
mais
fait que sous cet abry si souvent je recours,
usant de vos bontez à mon ayde si prestes,
comme
que
SUR PRESENT
Je vous fay deux presens en ce present icy,
dont
à ce crystal semblable et dissemblable aussi.
Semblable
pur, et net, et luisant, et sans tache et sans vice,
et que vostre vertu, sa mere et sa nourrice,
mais aussi
p381
que ce vase est fragile au choc des moindres coups :
car bien que mille éclairs luy brillent sur la face,
si
au lieu que mon desir est de flamme pour vous.
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et chargeant sur son dos un fardeau plus leger,
finir de ses malheurs la lamentable histoire.
si
tu seras adoré comme un dieu de la France :
et verras derechef
ce qui, comme infiny, semble presentement
ne pouvoir jamais plus recevoir
A MLLE
Flambeaux estincellans, clairs astres
de qui les doux regards mettent les
beaux yeux qui contraindriez les plus fiers de se
rendre,
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p382
riches filets
cheveux où tant
doux attraits, doux dedains de qui
ce qui donne aux plus grands la vie et le trespas :
beau tout où nul defaut
et je serois stupide, et je suis plein
de taire vostre gloire, et
car voyant des beautez si dignes de loüange,
pour ne les loüer pas il faut estre un rocher,
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Esprit infatigable aux travaux des affaires,
qui semblez comme Argus avoir cent yeux ouverts
espandans tout
les vigilans regards de leurs soins salutaires.
Esprit par qui soudain les plus secrets mysteres
de la toison doree ont esté descouverts
et de qui le renom courant par
conte mille vertus utilement severes :
esprit
tel
p383
bien
car ayant le bien-faire et
quand vos severitez en donnent quelque envie,
vostre integrité seule en oste tout suject.
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bien que vostre valeur semble en avoir receu
ce qui peut à jamais honorer sa memoire.
Assez vous ont acquis dequoy vivre en
Les monts de ce duché superbement bossu,
où maint sage dessein par vous mesmes tissu
nous a donné la paix non moins que la victoire.
Assez vostre merite enrichy de tant
vous fait outrepasser vos ayeuls en grandeur,
quelque fameux laurier qui leur ceigne les testes :
vous estes leur honneur, non eux vostre ornement :
et faut pour vous loüer raconter seulement
non ce
A M. DE BETHUNE
Allez, belle ame, allez : poursuivez de gravir
sur le roch où
et de tendre à ce bien justement desirable
dont jamais un grand
p384
Rome plus que
de theatre aux vertus qui vous rendent aymable,
pour vous ceindre le front
que nuls siecles futurs ne vous puissent ravir.
Bien
nous rend ce desplaisir plein de contentement.
mais au contraire icy, vous aymer ardamment
nous fait avec ardeur souhaitter vostre absence.
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Bacchus nasquit deux fois, et plus que sa premiere
sa seconde naissance eut de perfection :
cet
pour ne voir plus la nuit, le remit en lumiere.
luy faisoit dédaigner toute autre nation,
en est inimitable, et laisse tout derriere.
Nul ouvrage françois ne
il
que si
que fut celuy de Glauque, apres
qui, de mortel
A M. DE LOMENIE
Ligne 10 850 ⟶ 10 852 :
Ame libre et sans fard, qui te plais tellement
en tes officieux et courtois exercices,
la gloire
bien monstres-tu de croire, aymant incessamment
à lier tant de
et que
Aussi Dieu benissant ton vertueux genie,
fait bruire en mille lieux le nom de Lomenie
et
afin que desormais il
comme il
A M. GENTIAN
Ligne 10 867 ⟶ 10 869 :
Quand ton oeil à Poictiers me veit premierement,
et que le mien aussi receut ta cognoissance :
un mutuel desir
au profond de nos
p386
Toy, tu
que le sçavoir en moy surpassoit
et moy
que cent belles vertus te servoient
Ainsi
fist naistre
et qui dedans nos
cause legere en soy, mais
encore que la preuve à la fin ait monstré,
de tous ces deux pensers le mien seul veritable.
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ou la fonte gergeoise ait orné le vieil âge.
Là, de Laocoon la douloureuse rage
fait pleindre le metal par un art plus
icy gist Cleopatre : ô
a vivement portrait la mort en son visage.
Là, Diane chemine : icy le Tybre ondeux
verse des flots de bronze, arrestant aupres
le passant transformé de merveille en statuë.
Aussi raviroient-ils
et qui
il est certes comme eux de marbre ou de metal.
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Quand ces beaux promenoirs, nourriciers des pensees
quand ces surgeons
verds,
ne rappelleroient point au labeur des beaux vers
les ames
les faveurs dont on voit les muses caressees
par le plus digne roy qui vive en
y pourroient renflamer ceux de qui cent hyvers
rendroyent le corps perclus et les veines glacees.
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Puget, bien que tu sois des derniers en mon livre,
si
te voyant
qui cherit les vertus et se plaist à les suivre.
p388
Ligne 10 933 ⟶ 10 935 :
finir est un tribut dont nul ne se delivre.
Les plus parfaits écrits periront quelque jour :
car rien
mais si quelque amitié survit à
à faute de te rendre immortel en mes vers,
je rendray ta memoire immortelle en mon ame.
Ligne 10 941 ⟶ 10 943 :
A M. DE BOURGUEIL
Prelat qui jeune
dont on voit des vieillards orner leurs cheveux gris,
et de qui
si ferme en ton dessein jamais tu ne te lasses
de suivre le chemin que tes vertus ont pris,
un renom immortel sera ton juste prix,
et les voûtes du ciel pour toy seront trop basses.
Poursuy donc, et
fay que ton bel esprit ne nous démente point
au presage conçeu de tes graces futures :
ou
que ce soit nous prouvant
nous ne nous estions pas assez promis de toy.
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Les ans dont pas à pas un lustre fait son tour,
avoient en fin au monde amené le beau jour
où nos justes desirs concevoient
de voir donner un nom au dauphin de la France,
quand
estendant icy bas les regards de ses yeux,
(yeux par qui sa bonté regit ce
et voyant les aprests de la pompe sacree
orner de toutes pars la face des autels,
il fist venir à soy
neuf messagers volans dont
preste
publier les arrets
et
leur rendit en ce mots son vouloir manifeste :
p563
le dauphin des françois est prest de recevoir
le nom que me destins luy permettent
non commun à des rois celebrez sur la terre
pour des astres en paix, et des foudres en guerre,
dont
jouyt de ma presence entre mes bien heureux.
Mais outre ce nom là que la France renomme
pour le juste respect des vertus
et de qui
je veux
et qui par les effets rende un jour tesmoignage
et dedans un seul mot se voyoit contenir
le prophete discours de ses faits à venir.
Ligne 10 997 ⟶ 10 999 :
qui se puissent loger dans les esprits humains
destinez pour porter des sceptres en leurs mains.
Dites leur
marrines,
et que versant sur luy des eaux toutes divines,
celle de leur troupeau de qui les sainctes loix
sont plus dignes de vivre en
luy departe son nom, et desormais
comme
à qui par mes decrets nul terme
et dont
Je voy desja la Thrace, et les ondes Aegees
avoir peur
p564
et le croissant doré qui se croit sans pareil,
pallir devant les rais de ce nouveau soleil.
flottes,
un sceptre plus puissant
moy qui dois tout courber sous son obeissance,
je veux que ses vertus égallent sa puissance :
et feray
de la terre et du ciel pour fidelles tesmoings.
Comme il eut dit ces mots, soudain la troupe ailee
vers les champs
et partant comme un trait de la main
celuy qui
la magnanime Andrie au milieu des idoles
qui contre-font son port, sa mine, et ses paroles,
la trouva sur le point
elle alloit enjamber un grand coursier vollant,
en dessein de passer aux nations estranges
pour moissonner ailleurs de nouvelles loüanges.
sembloit en se mouvant briller de mille feux :
une riche forest de plumes azurees
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comme tout affamé de son mets ordinaire,
monstroit de demeurer
du superbe fourreau qui de perles semé,
dans une prison
Sur ce riche fourreau vivoient par la sculpture,
de cet esprit dont
les faits que la vaillance a le plus signalez,
soit durant le long cours des siecles escoulez,
soit durants les presents, par la main des monarques
de qui tout
Là, dans
(non lors rives
Alexandre forçoit la victoire elle-mesme
Là, le vaillant Cesar foudroyant de sa main
la puissance et du peuple et du senat romain,
et soumettant leurs loix aux loix de son espee,
terraçoit soubs ses pieds les lauriers de Pompee,
qui tout pasle, et saisy
quittoit et la Pharsale, et son camp esperdu.
Quoy ? Tu fuis grand Pompee, abandonnant la gloire
tant de fois recueillie és champs de la victoire,
et
Il est vray
voila ta seule excuse, et le bras qui te dompte
Sur le bout de
p566
nostre roy tout couvert de poudre ensanglantee,
chassoit le fer au poing
et contre un camp my-more irritant sa valeur,
faisoit perdre aux plus fiers
Et blesmir sur des fronts nagueres pleins
Luy secoüant les flots
par un brave mespris de respandre le sang
du vulgaire soldat sur la teste des herbes,
ne se prenoit
superbes,
à qui leur riche habit ou
se payoit par ses mains
Les siens à son exemple aguisants leur courage
faisoient de tout le reste un glorieux carnage :
le sang qui par ruisseaux la campagne arrousoit,
en formoit comme un lac
Le flanc
couvroit
mille autres furieux et renommez combats
semoient a traits
la juppe qui tomboit du relief de ses hanches
sur les cordons dorez de ses sandales blanches.
Telle on peindroit Minerve assaillant les geants,
ou
Au soudain arriver de ce courrier celeste,
la nymphe composa la fierté de son geste,
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et luy qui briefvement instruisit son penser
de propos que le ciel
elle luy respondant bastit un tel langage.
Celeste messager, tandy que ce grand roy,
qui fait ployer la France aux doux joug de sa loy,
tailloit de son espee une image à sa gloire,
pour
rien ne tenoit mes pas loin des siens écartez,
je luy guidois la main ;
ains
cesse
que son esprit
Mais puis que maintenant la paix
tenant Mars desormais en son temple enfermé,
je cedois au desir de ma tranchante épee
qui ne peut longuement rester non occupee :
et tandy que son
me rend comme inutile à son bras valeureux,
je
qui servist de theatre aux fureurs de la guerre,
pour me voir derechef és combats moissonner
les palmes dont son bras
Car
le courage insensé des jeunes de la France,
mon
pour des sujets legers nais et nourris de vent,
avancer de leurs jours les bornes naturelles,
et
p568
où presque le vainqueur rougit
et pour qui mettre au poing la vaillance du fer,
outre que la victoire en est digne de larmes,
Non que je trouve estrange en des
boüillants,
que pour le point
un cavalier sensible aux pointes des outrages
avanture sa vie à
puis
si
mais je voudrois
sage,
en quoy peut consister ce riche point
pour qui perdre la vie est au monde un bon-heur.
Car une telle yvresse emplit les fantasies
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que tel estimera son honneur offencé
dendurer quelque mot en joüant prononcé,
qui
le soüillant vilement par un lasche parjure ;
ou sans aucun respect de devoir ny de foy
trahissant meschamment sa patrie ou son roy,
ou rendant une place avant que
ou fuyant des premiers au jour
Ainsi
croit commettre un peché presque digne
p569
quand par oubly des loix
non lavé
et
par un faux tesmoignage, ou par la violence
que fait aux sainctes loix une injuste sentence :
ains rit de voir gemir és laqs
la vefve et
Ces valeureux romains, vainqueurs de tout le monde,
ne fondoient point
ny
à faire avec
pointiller sur un rien, et
que cherchent les dueils en leur sanglante escrime.
De preceptes plus saincts dés leur enfance imbuz,
ils ignoroient
sinon lors que les loix leur en laschoient la bride,
pour la gloire publique, encontre la valeur
Mais quand
il falloit des premiers enfoncer une armee,
ou de grands coups de traits percez de part en part,
vainqueurs aller mourir sur le haut
ou
ils le sçavoient bien faire, et sans peur du trespas,
nul homme en ce chemin ne devançoit leurs pas.
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Tesmoin en est encor la magnanime audace
et
se sont pour leur patrie eux-mesmes immolez :
et de qui les beaux faits, pour
meritent,
desesperent les
Aussi mourants ainsi, les hymnes et les fleurs
honoroient leurs convois, non les cris ny les pleurs :
car la fleur de leurs noms
et pour le moins leur mort servoit à leur patrie :
au lieu que le trespas qui conduit au cercueil
ces jeunes forcenez
leur courage les perd sans profit et sans gloire,
et ne reste rien
qui fait
on les honore assez de ne les blasmer point.
Voy que de cavaliers fameux par leur vaillance
ont fait en ces duels avorter
que
les rois leurs bien-faicteurs du glorieux
le jour
et donnans aux fureurs des boüillons insensez
dont leurs jeunes esprits monstrent
ce
à leur prince, à la France, à leur terre nourrice !
On composeroit
ils retournoient icy du royaume des morts)
p571
Ligne 11 222 ⟶ 11 224 :
non un seul esquadron, mais une armee entiere
qui seule aux escrivains fourniroit de matiere,
et qui pleine
comme en son élement se plairoit aux hazards :
ains qui suivant les pas de son valeureux prince,
rendoit tout
Au lieu qui maintenant ils sont dans le tombeau
regrettans la clarté du celeste flambeau,
ou là bas en des lieux eternellement sombres
se battans sans sujet avec des pauvres umbres.
ny rien
et sentant que ma gloire en est presque ternie,
quand mon nom
afin de ne plus voir ces aveugles esprits
faire tomber ma gloire en un juste mespris,
et mes graces par eux se convertir en vices,
aymant mieux voir des
ne me posseder point, que
Icy se teut Andrie, et de ce doux langage
Certes Nymphe ta plainte a beaucoup de raison,
mais excuse les feux de la jeune saison.
Il est plus mal-aisé que peut-estre il ne semble,
p572
Ce mal vient
ne doit (
rechercher sa raison en rien
et
suffit pour offencer un noble sentiment.
Pernicieuse erreur, et qui rend inutiles
tous les throsnes des loix guerrieres et civiles :
car le glaive public trenche ou menace en vain,
si du glaive privé chacun
et vaine est la justice aux magistrats suprêmes,
si les sujets ont droit de se la faire eux-mesmes.
Aussi ne croy-je pas
accompagne tousjours leur fameuse valeur :
le frein des sages loix
leur prince arme
bridera leur audace, et monstrant un sentier
par où, ce cher honneur restant en son entier,
un cavalier pourveu
leur aille demander raison de quelque outrage,
collera leur espee au fond de son estuy ;
sinon quand en
contre les ennemis qui le sort luy suscite,
se plonger dans le sang sera gloire et merite.
Cependant disposee à
execute
p573
et demeurant en France où ta gloire est si grande,
fay
ne fust-ce
sur qui tout
les uns pleins
ce bien-heureux Dauphin où tu parois emprainte,
et qui semble loger, dés ses ans imparfaits,
en ses yeux ton image, en son bras tes effets.
Certes on
par un charme plus fort
(aussi bien y vivant ce grand roy mon soucy,
cet autre moy, son pere, y croy-je vivre aussi)
car je veux, comme en
estre en
en tout ce
pour le sceptre ancien que ses ayeux ont eu :
soit
vers ces crestes de mont que la flamme à nommees,
soit
qui regardent Boote et les soleils couchants :
dont les princes sont dits dans les antiques contes,
comtes entre les roys, et roys entre les comtes.
Sur ces mots prononcez du mesme ton de voix
tous deux prindrent leur vol par la plaine celeste,
vers la place arrestee, où
p574
des royales vertus à qui fut ordonné
Là se trouvoit desja la royale Eumenie,
et celle
Pistie aux simples
estend sur
Là se faisoit paroistre à ses illustres marques
la belle Evergesie, ornement des monarques ;
et la ferme Hypomene, et Cartere sa
et celle qui souvent nuist à son deffenseur,
la naïve Alithie aux mortels peu cogneuë,
Bref de tant de vertus que le ciel convoquoit,
nulle sinon Dicee au troupeau ne manquoit,
et la saincte Eusebie en ses umbres cachee,
et long-temps
Car une vive idole erre icy parmy nous,
de qui le simple habit, le parler humble et doux,
le regard jetté bas, et le geste hypocrite,
se forme à son modelle, et de si pres
avec son mesme feint, et ses gestes rusez,
que les plus clers voyants
Vous diriez que son
que jeusner et prier sont ses seuls exercices :
y vit comme un poisson vit estant hors de
p575
ne luy laissant ailleurs rien gouster
Et cependant la feinte, en ses desirs cachez,
brusle apres le desir de vivre en une histoire :
suit la gloire, et la cherche és mépris de la gloire :
et mesme en bien faisant, du bien
Ceste peste de
qui jadis eut le nom de Disidaimonie,
et qui pour craindre Dieu
reverant sa justice outrage sa bonté,
crainte vrayment servile et
ont rendu
ce
Aussi le poste aillé qui cherchoit ses retraittes,
furettant avec soin les cloisons plus secrettes,
où le peuple la croit loger incessamment,
encor
de plusieurs renommez et sacrez monasteres :
mais tousjours au lieu
lieux
couverte
trompant les plus accorts, cachoit leur difference.
p576
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elle passoit les jours en larmes eternelles,
avec une humble trouppe à qui le mesme soin
avoit fait preferer la rigueur volontaire
à la richesse, à
à quoy les appelloit ce
aymant mieux se resoudre à perdre ces delices,
que
Dans ce lieu solitaire, entre les oraisons,
antidotes sacrez des mortelles poisons,
qui corrompent une ame au vice abandonnee,
Leurs propos furent cours ; car le temps les pressant,
apres
il
et de ce
ils prindrent leur chemin dedans un coche
vers
general rendez-vous de la trouppe amassee,
à qui manquoit encor la Princesse Dicee.
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ny ne la voyoit point sur la terre marcher,
ny ne la trouvoit plus, comme autrefois, assise
dans les saincts tribunaux des roys et de
p577
entre les magistrats qui sont la vive voix,
les sacrez truchemens, et
Dequoy
quelle cause pourroit la langue humaine en rendre,
il print un corps visible, et se chargeant les mains
entra dans une salle où bruyoit le murmure
de la cruelle Eride espandant ses fureurs,
jusques dedans
picquez, comme
et battus de ses
Dans ceste grande salle incogneuë au repos,
erroit ceste furie, ou parmy ses supposts,
ou parmy les chetifs que ses dures estreintes
lioient entre les pleurs et les frivoles plaintes ;
une suitte de bancs
portans de divers noms leurs fronts intitulez,
en bordoient les parois du long âge enfumees,
Ligne 11 413 ⟶ 11 415 :
et dont la plume agile est apprise à voller
pour ce riche metal qui fait taire et parler.
Nul ordre
roullante en tourbillons,
grosse de tous estats, de prestres, de marchands,
de nobles, de bourgeois, de laboureurs des champs :
on
qui deçà, qui delà se portoient vagabondes.
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qui parloit
cestuy-cy querellant menaçoit sa partie :
cestuy-là démentoit le rapport
huissiers alloient, venoient, leurs baguettes au
poing.
Un dessein
dont les moins occupez en mesuroient
tout boüilloit de discords ; et quand
tel
lors que la mer
Aupres de tant de flots, la nuict seule accoisez,
paroissoit un vieillard qui seul, les bras croisez,
les yeux fichez en haut, et le visage blesme,
monstroit bien de loger quelque dueil en soy-mesme.
et se feignant sujet à la loy du trespas,
bon pere (luy dit-il, pour sonder sa pensee)
où pourray-je trouver la Princesse Dicee
que je cherche par tout avec peine et soucy,
et
Dicee ! He mon enfant, elle
(respondit le vieillard, laschant presque la bonde
aux pleurs
ce feu que la mort seule a pouvoir
p579
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et tous les maux appris à luy faire la guerre,
la forçant de quitter ces miserables lieux,
Ou si la terre encor
mais en tout ce climat à peine est il resté
quelque marque à nos yeux
La cruelle Adicie en sa place est assise :
la haine, la faveur, la fraude, et la faintise,
chassant des jugements
font du tortu le droit, et du droit le tortu.
les loix et la raison ne sont plus que paroles,
car on
Le vieillard poursuivoit en termes tousjours mesmes
quand
ô bon pere, dist-il, la recente douleur
de quelque grand procés perdu pour ton mal-heur,
tire (à ce que je voy) ces propos de ta bouche
pardonnables peut estre au regret qui te touche :
mais
Cela dit, et guidant ses pas
vers un dont il jugea
et presque en mots pareils
p580
cestuy-cy par accort, et
certes, dit-il, mon fils, peu
quoy
pourront facilement respondre à ta demande.
Car tel la jugera loger en un endroit,
où
jurera par le ciel et tout ce
chacun selon la joye ou
y logeant son pouvoir, ou
Bien te puis-je asseurer, sans
que ce
quelque fois elle y vient, amenant quand et soy
mais les estranges tours
que
ne pouvant
Et puis Plute y survient qui luy menant la guerre
avec ce doux effort dont il regne en la terre,
et souvent la faisant en larmes retourner,
est cause
Je
qui seant sur un lit plus royal et plus juste,
remplit
tu la pourras trouver encor y sejournant ;
p581
si les mesmes abus de qui la tyrannie
ne
mais arriere ce mal
Cela dit, il se teut : et
se cachant à ses yeux quitta ceste demeure :
rendit à
et vers
rencontra la princesse au milieu de la voye,
qui portant sur le front une evidente joye,
dont le pire party se rendoit le plus fort,
venoit de decider, au conseil de nos princes,
un poinct
Mais ce contentement fut encor augmenté,
quand elle eut du courrier appris la volonté
de celuy dont les cieux adorent la puissance,
pour le surnom futur du grand Dauphin de France
et dés
se rendit à la trouppe encor les attendant.
Or
tout
pour voller au sejour des rois favorisé
où le nom resolu devoit estre imposé
à ce royal enfant,
par
p582
quand un noble debat entre-elle
retint encor leur vol de passer plus avant :
quoy
de cet astre naissant qui doit luire à la France,
pressast leur departie, et que de tous costez
les sacrez ornements pour cet
les princes, le roy mesme, et les dames parees
et tout Fontaine-Bleau pompeux en ses palais,
semblassent
Mais ayant ordonné le monarque celeste,
que celle des vertus qui passeroit le reste
en ce qui rend un prince heureux et florissant,
consacreroit son nom à ce nouveau croissant ;
quand
ailles
vint à les exhorter
et pourquoy, dit Andrie, entre nous consulter
car quelle autre que nous orne plus la memoire
la majesté
et qui par la terreur de son bras redouté
retiens
p583
sa fameuse valeur
Que
des monts plus eslevez
moy qui livre en ses mains les forts les plus munis :
moy qui respand le froid
es
qui de luy faire teste osent se conseiller,
à voir le lustre seul de ses armes briller :
moy qui fais que le bruit de ses seules trompettes,
sans employer son bras, rend leurs troupes deffaites,
qui fais que redoutable aux plus craints
la fuitte de ses coups est sans honte és combats,
comme si nul acier ne
Tels furent ces heros que les siecles plus vieux
virent pour leur vaillance estimer demy-dieux :
tel celuy qui soustint le ciel sur ses espaules :
tel ce grand conquereur de
tel ce brave Alexandre : et tels ont esté faints
ces fameux paladins qui de contes si vains
ornent des vieux romans les aymables mensonges
songes :
mais ce que seulement en idee ils ont eu,
Ligne 11 595 ⟶ 11 597 :
Qui ne sçait que moy seule és combats occupee
sers aux autres vertus de bouclier et
Vous mesmes par effet le semblez confesser,
encor que vostre voix fuye à le prononcer.
Car des que la fureur
fait ouïr en vos champs le bruit de son tonnerre,
soudain pasles de crainte, et tremblantes
sans vous tenir aux
me criez, deffens nous : vous cachez sous mes ailles,
et monstrez vous juger mal à couvert sans elles.
Aussi,
qui pour
engendre les estats, les conquiers, ou les fonde,
et plante dans le sang les empires du monde.
Le venerable orgueil du grand sceptre romain,
aussi bien que du grec, fut
et cet autre fameux et glorieux empire
dont encor la grandeur en ses cendres respire.
Car bien que je destruise, avec tant de combats,
ce que
je fonde en destruisant, et de la pouldre mesme
de cent petits estats forme un grand diademe,
comme on voit les dragons les plus démesurez
se former des serpents
Bien est-ce justement
de sçavoir ménager les fruits
p585
mais
bien
qui quelque grand
En fin, des saints labeurs où nostre ame
le merite est divers, et la palme diverse.
Vous regnez sur les doux, je donte le plus fiers :
vous ornez les estats, et moy je les conquiers :
vous les sçavez regir, moy je les sçay deffendre :
vous assiegez des murs, et moy
vous monstrez ce que peut
et moy ce que peut faire une vaillante main.
Bref vous faites à
ce que je fais à
Mais en tous ces exploits je vous surpasse autant,
que vaincre un ennemy vaillamment resistant,
voir tout autour de soy, comme esclairs dans les nues,
cent pistoles flamber, et mille lames nues,
voller jambes et bras de leurs coups emportez,
marcher dedans le sang dont la campagne est teinte,
et parmy tout cela ne pallir point de crainte,
est et plus difficile et plus royal aussi,
deffendre en un conseil la raison opprimee,
ou
ou prier et jeuner, ou donner franchement,
ou
p586
Vive donc la vaillance, et vive la memoire
Nulle humaine vertu ne couvre tant que moy
les taches des deffauts qui logent en un roy :
Ligne 11 658 ⟶ 11 660 :
car les luisants rayons que je luy fais respandre
ebloüissent les yeux avec tant de splendeur,
Au lieu
il a beau se vanter
estre prudent, sçavant, fameux en pieté,
garder la foy promise, observer
avoir en beaux discours la parole feconde,
il reste contemptible aux autres rois du monde :
et bien
luy manquant cestuy-là, tout luy semble manquer.
Il tremble dans le
ne
esbranle de sa peur ses plus fermes soustiens,
et manquant de courage, en desarme les siens :
Ligne 11 677 ⟶ 11 679 :
Comme Andrie achevoit de former ces paroles,
celle qui nous apprend en ses sages écholes
tout beau, dit-elle, Andrie : on peut bien se vanter
p587
sans blasmer ses égaux, et
convertir leur mépris en sa propre loüange.
Ton merite est bien grand, mais la gloire du mien
ou le surpasse encor, ou ne luy cede rien,
pour dignement regner dans une ame royalle.
Car
clement, et liberal, et juste, et veritable,
et que la pieté
tienne en luy sous ses pieds tous vices abbatus,
il use aveuglement, et
de ces divins tresors par faute de prudence :
et ressemble un vaisseau jà flottant en la mer,
à qui nul des apprests destinez pour
ne manque en nul endroit pour son juste equipage,
soient vivres, soient rameurs, soient voiles, soit
cordage :
tant seulement luy manque un pilotte sçavant
qui
le guide sur les flots, luy serve comme
leur impose ses loix, et
le garde de le perdre, ou de voguer en vain.
Que si le vent enflant ses voiles estalees
le transporte sans luy sur les pleines sallees,
il erre à
sacrifier sa charge au pied de quelque roch.
p588
Ligne 11 714 ⟶ 11 716 :
Il en prend tout de mesme aux princes de la terre
qui font sans mes conseils ou la paix ou la guerre :
et qui des autres dons
se vont, faute de moy, servants comme à clos yeux.
Ils prosperent si peu, que, comme
de leur propre bon-heur ilz tirent du dommage :
leur valeur ne produit que des tristes effects :
Ligne 11 722 ⟶ 11 724 :
gaignent-ils la victoire ? Ils perdent la campagne ;
et quelque repentir par-tout les accompagne.
Leurs liberalitez desobligent les
la clemence est en eux pire que les rigueurs :
avient-il
et tellement le vice aux vertus
que presque leurs effects ne se distinguent point.
Non que tousjours le mal au bien ne soit contraire,
mais
ils font mal le bien mesme, ou font hors de saison
un bien qui
et des belles vertus, semences de la gloire,
ils moissonnent des fruicts qui tachent leur memoire.
Quel renommé laurier
que presque je ne
Tu combats vaillamment, et fais que
es victoires du fer la premiere couronne :
p589
mais
en dispose la gloire à
dont le temps et les lieux secondent les courages :
et qui leur fais monstrer ou les flancs ou les fronts,
selon
enfermant
ou teste contre teste avec luy
en lions irritez
te secours au besoin quand je te voy pressee :
chassant un ennemy qui faint de succomber :
bref,
vaillante.
Que si ne pouvant estre et sage et hazardeux,
un grand devoit manquer de
la raison nous vouëroit aux glorieuses peines,
toy des braves soldats, moy des grand capitaines ;
Ligne 11 769 ⟶ 11 771 :
Ce grand roy des françois dont le nom va si loin,
nous en est pour ce siecle un illustre tesmoin,
reglant avec tant
ce
et ses palmes encor nous forçant de douter
à qui
Cependant cent lauriers qui
et cent ovations nous fournissent de preuves
que je puis bien gaigner des victoires sans toy,
ou tu
Car
et prendre des citez superbement fermees
de murs et de rempars hauts de teste et de flanc,
sans avoir faict respandre une goutte de sang :
bien
se changeoit en un bien qui domptoit par la faim
ceux
main.
Outre le sage soin de trancher toute voye
a
et vaincre par un art non dependant du sort
qui combat sans combattre, et force sans effort.
Aussi les plus grands chefs nous ont tousjours
conjointes
comme
pointes :
ou bien de traicts poignants pour sanglamment toucher,
mais qui vollent des mains
p591
Ligne 11 801 ⟶ 11 803 :
avoir par les combats renversé Mars à terre,
et monstré combien peut la prudente valeur,
plus que celle qui bout
De qui la force aveugle, et de sens depourveuë,
ressemble à Polypheme apauvry de sa veuë.
Mais joint ou separé que soit nostre pouvoir,
tousjours de plus grands biens naissent de mon sçavoir
que de ta violence, encor
des rayons de vertu dont la gloire est si grande.
Car
mais quand la douce paix fait fleurir les provinces,
alors on te reserre aux cabinets des princes,
entre les corselets ou
de
ou que les changements des usages mobiles,
pendent aux rateliers en harnois inutiles.
Mais moy, je sers en guerre, et sers encore en paix.
Car
de prevoyants edicts, de conseils pacifiques.
bref de tout ce qui peut rendre des rois amis,
ou regler ceux
la loüange en est deuë à ma seule industrie.
Mais quel estat au monde à jamais peut fleurir,
ou plustost quel estat ne
p592
manquant de ma conduite, et laissant la fortune
seule regir le cours de la barque commune ?
a peu jamais sans moy
Quelle grande maison ou publique ou privee,
Tous les plus nobles arts, tous les mestiers humains
qui conceus du cerveau
ne me tiennent-ils pas la matrice feconde
Les conseils plus amis qui sont donnez sans moy,
peut-on pas les nommer trompeurs de bonne foy,
qui
en cuidant garantir poussent au precipice ?
Non, non, rien icy bas ne sçauroit se passer
des rayons lumineux dont
je suis le vray soleil de actions humaines :
sans moy le seul hazard a
mais par moy, pour le moins ce
se juge bien conçeu,
quoy
le dé de la fortune ayt bien peu de puissance.
Soit donc pour la memoire, et pour la gloire encor,
escrit dedans un cedre avec un stile
que des graces du ciel dont
il
p593
et que comme leur reyne, et
sur toute autre vertu je suis digne des rois,
à qui tout me cognoist
(estant et leur conduitte, et
esclaire)
avoir plus besoin
Icy se teut Phronese : et la vaillante Andrie
cuidant voir en ces mots sa loüange amoindrie,
sembloit vouloir respondre, et ja dire tout bas
combats,
et que soustenir
ses armes volontiers repartiroient pour elle ;
quand la Saincte Eusebie enflant tout à la fois
Ligne 11 875 ⟶ 11 877 :
les humains admirants ou leur folle prudence,
ou leur foible valeur, se vantent tous les jours
que ce
mais le leur qui les sauve, ou leur seule conduitte
qui met sans coup frapper leurs ennemis en fuitte.
Ainsi le simple enfant à qui quelque escrivain
pendant
croit
vante,
et trouve
Ce
ny
p594
qui termine pour vous les combats en trophaees,
ou rend en vos estats les guerres estouffees :
aux perils, aux mal-heurs, aux funestes orages
qui venoient pour vous perdre en leurs sanglants
ravages :
et puis les destournant sur les chefs ennemis,
au lieu des vers lauriers
y jette et du desordre, et des terreurs paniques,
et des troubles naissants de discordes publiques,
ou
eux mesmes se destruire, ou tomber sous vos coups :
tellement que vos mains alors victorieuses
il advient que chez vous tout est victoire ou paix.
Et cependant ingrats vos aveugles pensees,
sans voir que ces faveurs de là haut sont versees :
de ces celestes dons à tout fors
ô mal-heureuse terre ! ô sablon infertile !
Que nul soin
Que la pluye endurcit par un contraire effect,
et qui ne reçois rien si mal deu
Rapporte mal-heureux, rapporte
des ces divins ruisseaux à la source divine :
à ce bien qui, parfait, ne peut non plus cesser
de
p595
Fay renger son honneur par toutes tes provinces,
si la faveur du ciel
basty luy dans ton ame un pur et vif autel,
et que ton
adore sa puissance, et
et tous meschans desirs dedans toy crucifie ;
et tu
ny de tant de conseils,
Car estendant sur toy sa dextre tutelaire,
quand tout le monde entier armé pour te deffaire
te viendroit assieger, et que de nulles parts
ne
au milieu des mal-heurs dont tu craindrois
Il te guarantiroit des causes de ta crainte,
et les tiens preservez des dangers du trespas,
Tes seules oraisons mettroient cent camps en fuitte :
et quelque heureux Caesar
conduite,
tu te verrois aux yeux de cent chefs opposez,
combattant à genoux vaincre les bras croisez.
Encor son ange armé recourroit à
qui du sang
encor Sennacherib bravant en son orgueil,
trouveroit Ezechie avec la larme à
le combattre de
et feroyent plus
Pourquoy donc vainement osons nous consulter
laquelle
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Celle qui donne à Dieu, celle en fin qui le donne,
puis que le possedant on possede tout bien,
et que ne
Non non, que la valeur ny la prudence mesme
ne se reputent point
et de qui la constance estoit incomparable,
borner leurs tristes jours
mais je
les roys qui servants Dieu
et qui durant les maux qui leur menoyent la guerre,
sacrifiants au ciel les pensers de la terre,
ont creu,
sa grace estre leur force, et les loix leur conseil.
Non que
de remettre à Dieu seul les soins de son empire,
et qui fuit cependant de travailler ses mains
aux glorieux labeurs dont les sceptres sont pleins :
car je veux
et constance, et justice, et sagesse, et vaillance,
et les autres vertus dont il est possesseur,
les faveurs que luy fait le ciel son deffenseur,
sçachant bien que
Dieu ne rejette point une priere armee.
p597
Mais il faut
de ses plus nobles soins, et plus royalles peines :
et non à
et non au vain effort des secours
et non à la fureur des plus fameux combats,
de qui (tant soit leur tiltre, illustre et magnifique)
En fin, quelque valeur que possede un grand roy,
le ciel veut
que souvent il la croye, et moy journellement :
bref que sa cognoissance en rien ne me
ny nulle autre vertu tant soit elle royalle ;
mais
se repute sans moy deplorable en son heur ;
la tienne pour utile, et moy pour necessaire :
et croye, en quelque temps
et se perde avec tout que se sauver sans moy.
rendit, sans grand effort, tant de forces deffaites :
que la main de
p598
et
Quel monarque icy bas ne voudroit heriter
de
Qui ne seroit content
au prix de ses travaux, tant semblent ils estranges ?
Cependant la vertu qui causa sa grandeur,
et versa sur ses faits tant de gloire et tant
ce ne fut ny
ny sa prudence mesme, encor que renommee ;
mais sa pieté saincte, et son zele immortel
Ligne 12 021 ⟶ 12 023 :
et du manteau royal dont il portoit le faix,
au pieds du seul autheur de ses illustres faits,
comme ne
et non autant que
où sa vaillante main de soy la conservoit.
Soyent ses imitateurs les roys les plus augustes
Ligne 12 035 ⟶ 12 037 :
ny ne rend la grandeur des sceptres de leurs mains
si digne de regir cent millions
que moy qui fais
ils en vont dans le ciel trouver une seconde ;
que mesme le seigneur pour eux daigne veiller ;
Ligne 12 042 ⟶ 12 044 :
va pour eux à la guerre, et chef de leurs armees,
leur acquiert tous les jours des palmes renommees :
bref, que nulle vertu
et
je passe
Que la grandeur de Dieu passe celle des hommes.
Les discours
Dicee ouvrit la bouche, et repartit ainsi.
mais ny de vos raisons, ny de vostre eloquence
je
fors que
et que peu justement on traicte la justice.
Car si quelque vertu merite de regner,
ou
et faict
memoire,
estant celle qui rend, par un mesme soucy,
et les rois bien-heureux, et leurs sujets aussi :
p600
celle
pour qui le plus un peuple ou les blasme ou les loüe :
qui destruit les mutins ensemble conspirants :
qui fait les justes roys differer des tyrans :
qui depart à chacun la digne recompense
que son bien-fait merite, ou
et sans qui ces deux mots si feconds en debats,
mien, et tien, mettroient tout en desordre icy bas.
Ligne 12 074 ⟶ 12 076 :
Andrie il faut avoir ton esprit magnanime,
et ne sache quels biens ensemble vous joignez
Eusebie, et Phronese, és
mais (toy hors, Eusebie, à qui plus je defere
une seule de vous ne produict ses effects
ny riches de tant
que souvent quelque mal ne les suive à la trace
qui leurs bien-faits égalle, et presque les efface.
Comme herbes qui se font douteusement priser,
que de gaigner par force une illustre victoire,
couvrir de morts la terre, en faire un rouge estang,
et mirer sa vaillance en des fleuves de sang :
mais
dignes de la fureur des lyons plus sauvages,
sinon lors que le droit du fer victorieux
en rend la cause juste et
p601
Ligne 12 097 ⟶ 12 099 :
par les feux de la guerre épris de tous costez
sur la face des champs tristement desertez ?
ô sanglante vertu qui
et lors que cent mal-heurs ravagent par la terre !
Donc de peur que
ne roüille en son fourreau trop long temps enfermé,
il faut voir en pleurant les provinces desertes
Ligne 12 105 ⟶ 12 107 :
les cités et les bourgs à toute heure embrasez,
les plus fertiles champs au pillage exposez,
et le peuple innocent qui
tomber comme immolé sous le tranchant des armes !
Certes, noble fureur des esprits courageux,
couste trop au public : tes palmes sont trop cheres ;
et ta gloire chemine entre trop de miseres,
de perils, de douleurs, de travaux, de trespas,
et
tes ennemis sans plus, ou leurs champs et leurs villes,
mais ceux mesmes qui sont tes vivants domiciles.
Aussi de quels effets, autres que malheureux,
ont remply
de qui tant de combats font bruire la memoire,
p602
Ils ont rendu leur nom un sujet de terreur :
comblé les plus doux champs de ruïne et
espandu mille maux sur la terre et sur
et sans fruit ébranlé les fondemens du monde ;
ne tirant autre bien de vaincre et
fors
Reprochable loüange à des genereux princes,
à des pasteurs de peuple, et sauveurs de provinces :
cependant beaucoup
de leurs sanglans labeurs que ce malheureux bruit :
au lieu que leur pouvoir deust seulement reluire,
pour ayder et sauver non pour perdre et destruire.
Un seul roy de ce temps (
pour entrer par la force en son propre heritage,
a consacré son bras, ses armes, son courage
Ligne 12 140 ⟶ 12 142 :
fait avoüer la paix fille de sa valeur.
Les autres vaillants roys, affamez de conquestes,
qui dans leurs propres flots les ont
et leurs tristes sujets avec eux consumez :
causants mille malheurs, ou pleurant on remarque
quel mal
Et quand aux roys prudents, mais prudents seulement,
souvent trop de discours naissants du jugement
p603
les font vivre craintifs, les gardent
leur font perdre le temps par trop long-temps attendre,
et
pecher autant
Ou rendent leurs esprits, és affaires mortelles,
plus accorts et rusez, que justes et fidelles ;
si bien que comme on voit
ils se gardent de tout, il se faut garder
Je tais que bien souvent les loix sur qui se fonde
ont leur base contraire aux saincts enseignements
que les loix du seigneur plantent pour fondements :
estant bien mal-aisé
vers deux buts si divers soit ensemble dressee
comme il est impossible aux regards de nos yeux,
Que diray-je de toy sans blesser ton merite,
belle et saincte Eusebie, en qui Dieu seul habite ?
Tu remplis bien des feux
les roys de qui ta grace embellit la grandeur :
tu fais bien que leur vie est un parlant exemple
du pouvoir des vertus dont le ciel est le temple :
mais tu les fais
toy,
trop froidement toucher les autres soins
estre en paix trop reclus, trop scrupuleux en
guerre,
et tant penser au ciel
p604
On peut Evergesie, en loüant tes effects,
craindre de pareils maux des graces que tu fais.
Car
aux bontez du seigneur
Les princes liberaux semblent estre des dieux
que le soin des mortels ait attirez des cieux,
pour chasser
dont la pauvre vertu souvent est opprimee.
Aussi, comme
on court pour leur service au trespas asseuré :
et leur cause le fruict de tant de bien-veillance,
es uns le souvenir, aux autres
que tous les
et
Mais tu fais
bien souvent sont au peuple un fardeau qui le blesse,
et que, pour empescher ces graces de tarir
un prince estant contraint de souvent recourir
aux tributs, aux imposts, et par fois aux rapines,
on voit les fleurs des uns
qu’espines,
et
ce que trop de largesse à vuidé follement.
Ny toy-mesme Eumenie, encor que
pour estre parmy nous
de la bonté celeste, et
de ceux qui contre moy
p605
si ne te peux-tu dire exempte de la suitte
des maux à quoy souvent
Car en trop pardonnant, les crimes tu nourris :
perds les membres entiers pour sauver les pourris :
et peuplant les citez
convertis tes pardons en outrages publiques.
Mais moy, par les effects
je maintiens et les loix et tout ordre en vigueur :
fais que les roys sont craints et cheris tout
Ligne 12 221 ⟶ 12 223 :
tremble :
que le peuple qui chante au giron de son bien,
sans crainte
les benit, les adore, et sans idolatrie,
croit les pouvoir tenir pour dieux de la patrie :
bref que rien ne peut rendre un regne bien-heureux
que la terre
Car tel comme
de qui la seule odeur, voire le seul umbrage
fait mourir les serpents qui
se vont dessous son ombre ignoramment coucher :
tels se monstrent les roys aux couleuvres du vice,
quand ils ont declaré la guerre à
et font regner mes loix avec autant de soin,
Nul rebelle dessein ne peut prendre naissance,
ou prosperer és lieux soubmis à leur puissance :
Ligne 12 239 ⟶ 12 241 :
et la faveur du ciel leur accorde en payment
le fil de mon espee en leurs champs et leurs villes,
Car le peuple qui sent combien sous leur grandeur
il gouste et de repos, et de franchise, et
qui les tient pour ses dieux, et mesure à leur vie
la longueur du bon-heur dont la sienne est suivie,
veille pour leur salut, et ne peut endurer
que rien ose
non plus que contre
dont il croit leur justice estre la source unique.
Aussi ne ressent-il, des plus rares vertus
de qui les justes roys peuvent estre vestus,
que le fruict de moy seule, et ce soin équitable
de ne charger son dos que
Ils ont beau se monstrer doux en leur majesté,
valeureux, liberaux, fameux en pieté,
prudents, et
conte :
ny ne les ayme point, et ne fait
si leur mort quelque part
Au lieu que
encor
vices,
il les tient pour parfaicts, et quoy
garde, en les benissant, leur nom apres la mort
p607
au sein de la memoire, et de
ainsi
Tesmoin ce brave Rou, ce grand duc des normans,
ils nomment au milieu du tort qui les oppresse,
comme
de voir vostre beau nom voller de tous costez,
et de laisser de vous quelque illustre memoire
qui serve incessamment de vie à vostre gloire :
de palais tous de marbre eslevez
le sang avec le feu, le ciel avec la terre,
exposants vostre vie à mille maints perils
qui ne vous rendront point plus grands ny plus cheris :
aymez-moy seulement : faites
de qui le seul regard estonne le meschant,
et sur qui flambe à nud mon glaive plus tranchant.
Donnez mes tribunaux aux pauvres pour refuges :
que la seule innocence y trouve comme un fort :
bref
on me voye avec vous absolument regner :
p608
et je doreray plus le fil de vos histoires,
que tous vos palais
ny tous les riches dons
ny rien par qui vos faits vivent plus renommez.
Dicee alloit encor allonger sa harangue
bien
et pour ne pouvoir plus à ces mots consentir,
ouvrir desja la bouche afin de repartir,
aussi bien que sa
qui
quand un nouveau courrier des astres arrivant,
empescha leurs debats de passer plus avant :
et fidelle porteur
mist fin par ces propos à leurs douces querelles.
Immortelles beautez des esprits plus
celuy qui tient le monde enfermé dans ses mains
vous mande
toute cause entre vous de dispute et de plainte,
vous toutes vous ayez la gloire
le surnom que le ciel doit tant favoriser,
que toutes vous
et que vous transformant en ce grand cardinal
qui
toy divine Eusebie à qui mesme il ressemble,
tu
p609
apres
Allez :
Moy, je vois cependant,
chercher
et de la part du ciel asprement luy deffendre
que
sur la trouppe assemblee au grand palais des rois,
où cet
pendant que dureront les pompes de sa feste.
Sur ces mots
vers le triste Paris, à
sous les coups inhumains de ce monstre homicide,
il trouva la cruelle en un fond chaud humide,
prenant desja sa trousse, et preste de voller
au lieu mesme où le ciel luy deffendoit
Les lambeaux mal-cousus
couvroient par-cy par-là son corps jaunement palle,
sur qui de gros charbons ardamment enflammez,
Ligne 12 355 ⟶ 12 357 :
un lieu triste et relant, et que nul vent du monde
fors celuy dont
ne pouvoit esventer, mais
couvroit de la vapeur
Pres
des fruicts
force melons tous verds, force raisins non meurs,
des concombres mal-sains, la poison des humeurs,
et ce fruict qui de Perse à tiré sa naissance,
venimeux en sa terre, et non salubre en France.
Peu de temps
mais bien-tost detestant cet air gros et malade,
en moins de temps
puis revolant au ciel, la meurtriere esloigna,
dont encores
Cependant le troupeau des immortelles
qui de tout vice humain purgent leurs possesseurs,
rendit Fontaine-Bleau sensible à sa venuë.
Le pompeux échauffaut pour cet acte eslevé,
trembla dessous ses pieds, dés
les antiques parois du royal edifice,
la masse du portail, son arc, son frontispice,
p611
et ceste bande saincte en entrant adorer.
Elles se confondant
à la troupe des grands,
suivoit en ce convoy leurs vertus benissant,
servirent avec eux ce bel astre naissant,
dont les nouveaux rayons
et puis quand les deux noms du ciel favorisez
furent heureusement sur sa teste imposez,
toutes
sous la visible forme ou de quelque princesse,
ou de quelque grand prince à
rendirent à son nom
chacune
le doux soin de celuy
Puisses-tu (disoit
ô grand prince estre un jour si bien voulu des cieux
ton heur cede pourtant au bien de ta sagesse,
fleurisse, disoit
que
Avienne, disoit
que tu sois quelque jour plus vaillant que ton pere.
La clemente douceur
se face, disoit
p612
et
et sage pieté vaincre et mere et marrine.
Bref,
tous leurs dons se voioyent par souhait presentez :
attendant que le ciel change, avec avantage,
Ligne 12 418 ⟶ 12 420 :
Face le tout-puissant, le monarque des roys,
que quand toute la France escoutera ses loix,
il ait soin
osa jurer pour luy, presque dés sa naissance,
et que semblent encor nous jurer tous les jours
ses
discours.
deffende :
se plaise à la justice, et soigneux la luy rende :
fuye a charger son dos
ait son soulagement pour ferme et propre but ;
et monstre de penser que le nom le plus rare,
de ceux dont justement un monarque se pare,
ou de foudre de guerre, ou de victorieux,
qui, tous nobles
princes
craints de leurs ennemis,
La mer devient enflee, et
quand la lune est au plein, fait peur aux matelots :
puis derechef
quand cet astre inconstant prend ses dernieres cornes :
p613
quand le sort le seconde, il
puis tombe, et
et soit quand le destin luy sera rigoureux,
soit quand il le verra
tousjours plein de bonté, tousjours gravement doux,
et tousjours se plaisant
fors celle du respect, des siens ne le separe.
Le prince tant soit-il un grand et puissant roy,
qui met une barriere entre les siens et soy,
en met une à la fin, sans
entre leurs volontez, et son propre service.
ou de ces roys
le soing de
aux yeux de leurs sujets,
luy, que comme un soleil il sorte tous les jours,
pour se monstrer au monde, et pour donner secours,
Ligne 12 466 ⟶ 12 468 :
soit au pauvre orphelin qui vainement lamente,
soit aux justes souspirs du chetif laboureur :
et que, suivant les pas
p614
il croye avoir perdu le cours de la journee
et vescu ce jour-là comme inutile à soy,
ou comme un homme simple, et non pas comme un roy.
auront pour son secours, en un pressant besoing,
contraint son pauvre peuple à se
ou plustost de la bouche, ou plustost des entrailles,
quoy
Mais que le reputant avec quelque douleur,
du sang, non du metail, bien
il ait horreur de perdre en des dépences vaines,
Ce grand prophete et roy si cogneu par ses chants,
voulut boire
sur qui ses ennemis espandoient leur armee,
tenant ainsi la source en leur camp enfermee :
trois de ses colomnels, contempteurs de la mort,
donnent dedans ce camp : penetrent
pres de qui ceste source incessamment feconde,
faisoit voir le soleil à
le coutelas au poing
forcent tous les efforts
et tous couverts de coups, mais plus encor de gloire,
Mais luy se souvenant par combien de trespas
ces trois vaillants guerriers avoient conduit leurs
Ligne 12 501 ⟶ 12 503 :
allants ainsi chercher la source desiree,
refusa de
car
qui pour moy
et sçachant ce que Dieu de nos ames demande,
en fist à son autel une devote offrande.
Que nostre jeune prince un jour en use ainsi
de
dont le devoir époind des volontez loyalles,
offriront au soustien de ses charges royalles :
avec quelles sueurs on a peu
quelle rigueur, peut estre, en son nom exercee
du chetif artisan, du triste vigneron
que la pauvreté mesme éleve en son giron :
et die avec pitié de sa pauvre abondance :
il ne faut pas
il soit comme de
cela dit, craignant plus
Et
que de le consumer és royales dépenses,
ou que tout un royaume a pour seules deffences :
Ligne 12 529 ⟶ 12 531 :
ou de qui la splendeur faict eternelle foy
de la bonté, sagesse, et pieté
à celles dont le lustre orne la renommee :
à bastir des palais où luise sa grandeur,
mais où
donner un dos de pierre aux grands chemins publiques :
en aqueducts et ponts égaller les antiques :
fonder des hospitaux, ou renter les fondez :
braver
avec le fort rempart des publiques chaussees :
deffendre ainsi ses ports des vagues courroucees :
bastir de grands ouvroirs aux mestiers des neuf
avancer leurs beaux arts : doter leurs professeurs,
et prendre en des biens-faits, comme en des rets
Ligne 12 547 ⟶ 12 549 :
Mille et mille beaux vers diversement chantez
ont publié la foy, la valeur, les bontez,
la clemence, et
selon
mais nulle voix
le los de sa largesse encor bruire entre nous ;
quoy
sur ceux que sa bonté luy faict favoriser,
ou leurs propres vertus diversement priser.
Ligne 12 559 ⟶ 12 561 :
Qui de ses devanciers franchit onc ces limites,
soit voulant obliger, soit donnant aux merites ?
Nul
quoy
ait acquis à son nom la fleurissante gloire
de prince liberal et
Et nous ne ferons pas voller par
un los si merité sur
Et nous ne dirons pas que sa main renommée
sçait aussi dignement, quand elle est desarmée,
obliger de bien-faits ceux qui luy sont soubmis,
quiconque ne sent point ceste bonté luy rire,
soit par le seul effet de son propre mal-heur,
soit par celuy qui naist
moy qui marche entre ceux que la source feconde
de ce grand fleuve
je le veux publier, tant parlant
aux oreilles du siecle et present et suyvant :
et dire sans flatter que les
accompagne le vol de sa neuve esperance,
ne doivent aspirer à rien de plus heureux,
si non
aussi bien
le ciel nous rende un jour le fils égal au pere :
luy faisant tellement ses bien-faits ordonner,
p618
mais
Face
que
dont nous avons senty la tourmente publique,
il vieillisse en un regne à jamais pacifique ;
et
fors
ou lors
mais quelque amour de gloire, ou pouvoir du mal-heur
qui luy face és combats esprouver sa valeur,
avienne
on le voye esgaller
et
luy monstre
Mais le laurier bruslé frivolement craquette,
et pour mascher sa fueille, on
ou le soin
qui font chercher la mort entre cent bataillons,
travaillera plustost les recteurs de sa vie,
que ne fera celuy
Et comme un jour Thesee, estant prest de perir,
fut cogneu fils du roy qui le faisoit mourir,
à
il sera recogneu pour fils
p619
aux exploits de la sienne, et parmy des hazards
où
il ne nourrisse point
pareil à ces hyvers trop tiedes et trop doux,
qui produisent la peste, ou le pourpre, et les cloux,
Ligne 12 626 ⟶ 12 628 :
Ces vers de qui souvent les bleds sont devorez :
ou les tiges rampants de ces mauvaises herbes
qui suffoquent en vers
Non
tant
peuvent oster la vie, et nul que Dieu la rendre :
mais en trop pardonnant, on faict que trop
ont besoin de pardon, par un lasche mespris
des loix, et des senats, comme
ou les espouvantaux que des ames timides.
Soit en ceste douceur son esprit moderé,
sans rendre ny son regne horrible de supplices,
ny ses graces non plus la tutelle des vices :
et faire devenir, en se trop relaschant,
le temple de salut
p620
serve :
et
et que la reputant pour la royne des loix,
il
mais que ce soit en prince, et non pas en hermite.
On pouvoit bien jadis, vivant
demeurer tout ensemble et grand prestre et grand roy,
car rien
ne mariast la mistre avec le diadême :
mais icy leurs devoirs se trouvent divisez :
les moines rois en fin deviennent mesprisez :
et
les sujects font les rois quand les rois font les
prestres.
que son ame ait horreur de tromper en mentant :
et que, comme ses faicts ne seront que miracles,
Ligne 12 669 ⟶ 12 671 :
Veuille le tout-puissant, sous luy rendre amortis
tous brasiers allumez de contraire partis :
car souvent, pour surcroist des mal-heurs qui
couvent,
il se trouve deux roys ou deux partis se trouvent :
p621
mais encor,
aussi bien de son temps
puisse
le guider sur le pas de ce grand roy son pere,
qui ravissant la palme aux plus vieux empereurs,
a faict icy mourir de pareilles fureurs,
par de si doux moyens, que plustost on les pense
effects
Soit prudence ou bon-heur, puisse-il en tous les deux
egaller ses beaux faits, et surmonter nos
et pour voir en repos fleurir son diadême,
obtenir
Je sçay bien
arts
le vray livre des roys entre les necessaires,
mais pour ce que noste âge en peu
et que trop peu sçauroient les plus rares esprits
qui ne seroient sçavants
de ce
afin
que luy monstrent ses jours, et tous les precedents,
et que des autres grands contemplant la memoire,
il espluche leurs faits, leurs conseils, leurs
discours ;
ce qui
jours,
ce
et si leur vie honore, ou diffame leur cendre :
p622
si ce
Car les vers et les chants ne sont rien que loüange,
mais bien souvent ce style en
et tel prince en vivant est aux dieux comparé,
qui gisant au tombeau voit son nom dechiré,
non moins que sa memoire abhorree et maudite,
si le cours de sa vie a faict
Que se doit-il encor à ces
Rien sinon
ainsi
des deux grands demy-dieux dont il a pris naissance :
et
que ne pouvant son nom estre autre
le seul docte labeur de la plume animee
dont ce grand Du Perron vit en la renommee,
pour planter cent lauriers sur son chappeau vermeil,
soit digne
et mariant sa gloire à la pompe du style,
estre
STANCES SUR LA MORT DU FEU ROY
Ligne 12 733 ⟶ 12 735 :
Si sentir vivement le mal qui nous fait plaindre
nous faisoit
et si
ton trépas, grand monarque, eust bany mon silence,
et seroient presque égaux, par ma triste eloquence,
mes vers en ornement à ta mort en mal-heur.
Mais
de trouver en pleurant des parolles sortables
pour plaindre la douleur que font souffrir les cieux !
Et combien aysément, en
cela mesme tarit les beaux mots en la bouche,
qui fait sourdre à boüillons les larmes dans les yeux !
Ligne 12 748 ⟶ 12 750 :
p624
et
On ne peut bien parler estant à la torture :
et celuy qui se dit mourir tant il endure,
autant
Las, il ne faut que moy pour en servir de preuve :
car quand avec ta France,
je me veux tout épandre en lamentables cris,
soudain le discours manque à mon ame opressee,
et la juste douleur ravit à ma pensee
ce que
Ou bien je represente en parolles communes
un pygmee exprimant un geant en hauteur :
dont accusant mes vers, honteux je les déchire :
si bien
la fin de mes écrits
Quoy, (dy-je en regardant ce naufrage publique
devant qui la grandeur du vers le plus tragique
Ligne 12 772 ⟶ 12 774 :
Ou sentiray-je tant, et diray-je si peu ?
ô grand roy le support des lettres et des armes,
reste plustost non plaint, que plaint
larmes.
p625
Ligne 12 778 ⟶ 12 780 :
Dont un nom si fameux ne puisse estre honoré.
Soit demandé plustost pourquoy loüant ta vie
je ne
que pourquoy
La France cognoistra, si ma voix se desire,
que ce qui me fait taire, est avoir trop à dire,
et que mon esprit cede à
que
et
tout ainsi
cœur.
Aussi bien Apollon
comme il faisoit du temps que la docte neufvaine
donnoit vol à ma plume en un âge plus doux :
ou pleurons ce
ou fuyons de donner aux françois democrites
un sujet en nos pleurs de se rire de nous.
Ainsi dy-je, semblable à cet archer antique
qui craignant de soüiller
le renom de sa main par
ayma mieux (tant
perdre en ne tirant point sa franchise et sa vie,
que de perdre
Il est vray
il fist par vanité ce
p626
le saint et juste excez
son art
et ce que peut en luy la peur de perdre au monde,
le mesme peut en moy
Perdu
maistre,
que perdre
ou bien estre un sujet de
comme il fut nostre gloire, et comme
que ce
acquirent par luy seul, ils le perdent en luy.
Aussi ne cessons nous
encor que nostre bouche aux complaintes ouverte
serve à nostre douleur
Quoy que nous parlions mal nous ne sçaurions nous
taire :
Ligne 12 822 ⟶ 12 824 :
ce que nous nous plaignons de faire indignement.
ô France, ingrate France, et cruelle à toy-mesme,
jà deux fois dans le sang des vallois et bourbons :
merites-tu pas bien que des loups te commandent,
Ligne 12 832 ⟶ 12 834 :
qui mist ta gloire et luy dans un mesme linceul,
soit à
ou que comme (à la voir de chacun lamentee)
le mal en est de tous, le crime en soit
car puis
que le vice destruit la vertu seulement,
et que du seul meschant le bon reçoit outrage,
certes il falloit bien estre la mesme rage,
pour massacrer un roy si doux et si clement.
Que maudit soit le jour où ceste infame
rendit presque la France une pauvre navire
de qui desja la mer engloutit le tillac :
que la fureur du ciel en extirpe la race :
et que par une horreur de sa brutale audace,
tousjours à
des pleurs ensanglantez par les veines de
et
serve de Polixene à sa tombe immolee,
par le pyrrhe vengeur
Ce sera peu de bien, entre tant
au courroux sans espoir dont le feu nous consume,
p628
que de punir en nous
mais encor nostre esprit quelque paix y remarque,
et se voyant pleurer pour un si grand monarque,
Royne de qui
aussi bien que le sien nous oblige au silence,
comme objects que nul art ne peut representer,
car non plus
atteindre
à ce triste bon-heur de dignement le plaindre,
Ligne 12 871 ⟶ 12 873 :
vous seule consolez le dueil qui nous tourmente.
Faisant revivre en vous ce royal Osiris :
et vous seule en
nous nous croyons au moins preservez du deluge,
jettant
Vivez tant seulement, ou soit pour la vengeance,
ou soit pour étouffer la maudite esperance
du fruict que de sa mort
vivez, vainquez, regnez de tous biens assouvie,
et que
soit
voulant que nos cyprés luy produisent des palmes,
p629
(quoy
peut-estre entre les pleurs dont la France est
trempee,
enflé
que la seule frayeur colloit à son fourreau.
Mais il
rien que perte és combats, rien que honte en la
fuitte :
car il recevra lors, comme Cyre autrefois,
un plus honteux sujet
que par celles
Ainsi soit, digne reine, afin
mon
les paroles
et que je chante mieux
que saisi de douleur je
Mort de qui le mal-heur toutes plaintes excede :
mort qui fait souhaitter la mort pour un remede,
et qui semble icy bas tant de maux attirer,
estre autant éloquent pour dignement la plaindre,
Cependant preservez des coups de tout orage
ce sacré lys royal, fleuron de son courage,
p630
le couvrant
et pour le voir bien tost fameux dans les histoires
semez-luy
des graines de laurier dans le champ de la paix.
Car les sages conseils en sont les vives graines,
avec ces ornements des fortunes humaines,
la valeur,
il doit bien posseder les autres comme un homme,
mais il luy faut avoir celles-là comme un roy.
Puissiez-vous le nourrir aux palmes asseurees,
et malgré les fureurs contre luy conjurees,
le mener
ou suivant à grands pas la valeur paternelle,
la guerre estant sa gloire, et prosperant en elle,
la paix soit desirable à ses seuls ennemis.
Alors on
que de voir égaller nul jamais
le vainqueur est vaincu, mais telle est la victoire,
que si cet heur à
SUR LA MORT DU GRAND HENRY 4
Ligne 12 941 ⟶ 12 943 :
Sonnet.
Phoenix des vaillants roys et leur vif exemplaire,
dont la gloire
impute ma douleur si déplorant ta mort
je ne
Ma muse te voyant sous le drap mortuaire
toy seul qui fus mon astre, et mon phare, et mon port,
vivant la fis parler, et mourant la fis taire.
seichans et nos lauriers, et nos plus belles fleurs,
ce
sommes,
si celuy qui naguiere, animé de tes yeux,
Ligne 12 960 ⟶ 12 962 :
p662
La fureur du demon qui depuis tant
arme
contre nostre grand prince, et poursuit sa valeur,
ny par trahison en paix
luy tend dessus les eaux un filet de malheur.
Au soir comme il traverse avec sa chere espouse
le fleuve, dont Paris ses campagnes arrouse,
ce malheur les y fait tout
si bien
les soleils de la France, et le soleil du monde,
les uns dedans un fleuve, et
Un million de cris et de voix gemissantes
p663
de ceux qui pensent voir
petit avec le roy le sceptre de la France,
que pour elle est esteint tout astre
et que ce soir en est
Mais le celeste bras qui soustient cet empire,
par le secours des siens aussi-tost
tel
sous le cercle du ciel qui tient son nom de
ressortir hors des flots, et reprendre sa course
aussi-tost que son pied commence a les toucher.
Seule dedans les eaux reste comme abysmee
sa royale Junon, sa moitié plus aymee,
dont il crie, et
et transi, ne croit pas estre à sec au rivage,
cependant
la pluspart de soy-mesme est encor sous les flots.
Et certes à bon droit ressentoit-il pour elle
ces legitimes soins
dont les
car elle en fin sauvee eut de luy ce soin mesme,
blesme,
pour aller respirant, comme pour le nommer.
Il faudroit voir ces doigts fameux par tout le monde
qui peignirent Venus naissante hors de
p664
peindre ceste Junon
car comme nul pinceau
que
nul aussi
Les graces appuyant ceste grande princesse
et mesme en cet effroy, la faisoit voir si belle,
elle,
Heureux est vostre sort, ames vrayment loyales,
qui tirastes des flots ces deux perles royales,
et qui de les sauver avez receu
si
et si
sauver le salut mesme est ou gloire ou bon-heur.
Et vous plus élevez, à qui ceste fortune
Ligne 13 024 ⟶ 13 026 :
et vous fist voir ensemble exposez et sauvez,
princes, et vous princesse, ardants à son service,
qui
(
Vantez-vous que de grace, et non pas par envie,
le ciel voyant le sort attenter à leur vie,
Ligne 13 033 ⟶ 13 035 :
dressez-en un trophee au temple de memoire,
et que vostre peril se convertisse en gloire,
ainsi que vostre peur
La France en cependant payra la digne offrande
des
pour tesmoings eternels de son juste soucy,
faisant graver ces vers aux bases de
" pour
que tout
DU CONTENTEMENT QUE
mon esprit honoré de vostre obeïssance,
ne doit point se douloir de sa captivité :
vostre service estoit la fin de ma naissance,
et la fin
mon ame est de vos laqs si doucement pressee,
et ne
me ravit hors de moy, pour aller vivre en vous.
p666
Aussi la beauté mesme en vous seule reserre,
pour la gloire
mon ame vit en moy comme
mais elle vit en vous comme
et
je ne regrette point ma premiere franchise,
puis que ma servitude est ma gloire et mon bien.
à qui dois-je plustost consacrer mon service,
dont le servage apprend à mespriser le vice,
et
Je vante ma desfaite ainsi
quand je voy ce bel oeil, cet astre de mon heur,
dédaigner tous les
qui rend
et fors
ne voit rien en ce monde approcher ses beautez.
Puis je dis tout ravy,
les loyers proposez aux desirs
il ne faut reputer ma peine pour salaire,
et penser que le fruict
p667
si les contentements que la gloire produict
meritent
la peine et les travaux dont
Et bien suis-je honoré de vous servir, madame,
esclave de ces mains dont la beauté me prit,
puisque je suis un corps de qui vous estes
et que le corps
Mais que dis-je, ô beauté, que Venus mesme envie,
vous
et vous par vos rigueurs vous me donnez la mort.
Je faux, il paroist bien que par vous je respire,
mais comme en un flambeau que
la cire esteint le feu, bien
ainsi de vous me vient la vie et le trespas.
Or faictes que je meure, ou faictes que je vive,
jamais vostre beauté ne mourra dedans moy,
mon
le sort
Si je vy conservé par
vous
si par vostre rigueur
mourant
p668
Bien voudrois-je (et mes
blaspheme)
oüir plustost vanter apres tant de tourment,
vostre juste pitié que ma fermeté mesme :
et plustost vivre heureux, que mourir constamment.
Aussi verray-je point
desarmer vostre sein de sa dure rigueur,
et permettre en
quelque ardente estincelle en vostre jeune
Si tant
de mes travaux passez adouciroit le fiel,
et mon esprit alors auroit sujet de croire,
Mais quoy !
ce
et ne cognoistre pas
meriter davantage, ou bien moins esperer.
regarde la victime, et le
sans que bruslant encore au feu du sacrifice,
mesme offrande consume et
Aussi (mon doux espoir) tout ce que je demande,
lors que de mes souhaits
de vous sa vive idole, et du feu de vos yeux.
p669
Encore est-ce un souhait impossible en nature :
car pour offrir un
digne de sa lumiere et si saincte et si pure,
il faudroit un phoenix comme vous un soleil.
Ligne 13 139 ⟶ 13 141 :
STANCES
Non, je
nul
Maudit soit le sçavoir puis que
à mon
Mais pourquoy dis-je mal de ceste cognoissance,
qui douce a mon tourment en gloire converty ?
si je ne me repens de
démentent en effect tant de vaines raisons,
puis que tous ses regards sont autant de conquestes,
Ligne 13 161 ⟶ 13 163 :
p670
Que donc le chastiment soit digne de
mes yeux, pleurez beaucoup, vous avez beaucoup veu,
et maintenant dans
puis que vous avez faict le peché dans le feu.
Ligne 13 170 ⟶ 13 172 :
Ces nymphes hostesses des bois,
bravant les amoureuses loix,
et ce feu dont
ne le cognoissent nullement,
ou le cognoissent seulement,
comme on cognoist ce
Le soing de leur jeune fierté,
nourrir de vertueux desirs,
et sans aymer se rendre aymables.
Avec ces armes et ces arts,
Ligne 13 185 ⟶ 13 187 :
et jettant sa puissance à bas,
font que la fin de leurs combats,
p671
Ligne 13 198 ⟶ 13 200 :
les traicts empoisonnez de charmes,
pour marque, ô Cesar des Cesars,
vous voit triompher de ses armes.
Un seul mal repugne à leurs
dont sans fin leur regard éclaire :
et que la beauté
leurs yeux vont eux-mesmes armant
celuy
Car pour luy donner le trespas,
il leur faudroit priver
la beauté sa mere nourrice :
autrement on ne sçauroit voir,
ny
ny
AMOUR VAINCU DE CES NYMPHES
Ligne 13 217 ⟶ 13 219 :
p672
Victorieux du ciel, de la terre, et de
je pensois mettre aux fers, où
monde,
dix nymphes
mais les fléches
elles
Captif, chargé de fers, et tourmenté par elles,
aux dieux, au ciel, en terre, en ceste grande court,
mais ceux que je fais plaindre ont à dédain mes larmes,
Ligne 13 231 ⟶ 13 233 :
chacun me plaint assez, mais nul ne me secourt.
ô dieux, hostes du ciel, ô bourgeois de la terre,
souffrirez-vous
celuy qui rangeoit tout aux loix de son pouvoir ?
Vos
Verray-je ou par rigueur, ou par ingratitude,
es uns la pitié morte, és autres le devoir ?
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