« Page:Tolstoï - Résurrection, trad. Wyzewa, 1900.djvu/203 » : différence entre les versions

72ALI (discussion | contributions)
État de la page (Qualité des pages)État de la page (Qualité des pages)
-
Page corrigée
+
Page validée
En-tête (noinclude) :En-tête (noinclude) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{numérotation|RÉSURRECTION||199}}
Contenu (par transclusion) :Contenu (par transclusion) :
Ligne 1 : Ligne 1 :
<br/>
<br/>


Et ce qui l’étonnait surtout, c’était que la Katucha
Et ce qui l’étonnait surtout, c’était que la Katucha non seulement n’eût pas honte de son état — de son état de prostituée, car elle avait bien suffisamment honte, au contraire, de son état de prisonnière, — que non seulement
non seulement n’eût pas honte de son état de son état
elle n’eût pas honte d’être une prostituée, mais qu’elle en parût même heureuse et presque fière.
de prostituée, car elle avait bien suffisamment honte,
au contraire, de son état de prisonnière, — que non seulement
elle n’eût pas honte d’être une prostituée, mais
qu’elle en parût même heureuse et presque fière.


Or, la chose, en réalité, n’avait rien d’étonnant. Tous
Or, la chose, en réalité, n’avait rien d’étonnant. Tous en effet, pour pouvoir agir, nous avons besoin de considérer
notre mode d’activité comme important et beau : d’où résulte que, quelle que soit la condition d’un être humain, cet être se fait nécessairement de la vie une
en effet, pour pouvoir agir, nous avons besoin de considérer
notre mode d’activité comme important et beau :
d’où résulte que, quelle que soit la condition d’un être
humain, cet être se fait nécessairement de la vie une
conception dans laquelle son mode particulier d’activité
conception dans laquelle son mode particulier d’activité
apparaît comme important et beau.
apparaît comme important et beau.


On s’imagine volontiers que le voleur, le traître, l’assassin, la prostituée rougissent de leur métier, ou, tout au moins, le tiennent pour mauvais. En réalité, rien de tel. Les hommes que leur destinée et leurs fautes ont placés dans une situation déterminée, si immorale qu’elle soit, s’arrangent toujours pour se faire une conception générale de la vie où leur situation particulière puisse leur apparaître comme légitime et considérable. Et, pour
On s’imagine volontiers que le voleur, le traître, l’assassin,
confirmer en eux cette exception, ils s’appuient instinctivement sur d’autres hommes qui se trouvent dans la
la prostituée rougissent de leur métier, ou, tout au
même situation qu’eux, et qui conçoivent de la même façon qu’eux la vie en général et leur place dans cette vie en particulier.
moins, le tiennent pour mauvais. En réalité, rien de tel.
Les hommes que leur destinée et leurs fautes ont placés
dans une situation déterminée, si immorale qu’elle soit,
s’arrangent toujours pour se faire une conception générale
de la vie où leur situation particulière puisse leur
apparaître comme légitime et considérable. Et, pour
confirmer en eux cette exception, ils s’appuient instinctivement
sur d’autres hommes qui se trouvent dans la
même situation qu’eux, et qui conçoivent de la même
façon qu’eux la vie en général et leur place dans cette
vie en particulier.


Nous sommes étonnés de voir des voleurs s’enorgueillissant
Nous sommes étonnés de voir des voleurs s’enorgueillissant
de leur adresse, des prostituées de leur corruption, des meurtriers de leur insensibilité. Mais nous nous en étonnons seulement parce que l’espèce de ces personnes est très restreinte, et parce que leur cercle, leur atmosphère se trouvent en dehors des nôtres. Et nous ne sommes pas surpris, par exemple, de voir des riches s’enorgueillissant de leur richesse, — c’est-à-dire de
de leur adresse, des prostituées de leur corruption,
leur vol ou de leur recel, — ou encore de voir des puissants s’enorgueillissant de leur puissance, c’est-à-dire de leur violence et de leur cruauté. Nous ne nous apercevons pas de la façon dont ces personnes déforment et
des meurtriers de leur insensibilité. Mais nous
nous en étonnons seulement parce que l’espèce de ces personnes
est très restreinte, et parce que leur cercle, leur
atmosphère se trouvent en dehors des nôtres. Et nous ne
sommes pas surpris, par exemple, de voir des riches
s’enorgueillissant de leur richesse, — c’est-à-dire de
leur vol ou de leur recel, — ou encore de voir des puissants
s’enorgueillissant de leur puissance, c’est-à-dire
de leur violence et de leur cruauté. Nous ne nous apercevons
pas de la façon dont ces personnes déforment et
pervertissent leur conception naturelle de la vie, leur
pervertissent leur conception naturelle de la vie, leur