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chantaient du Loïsa Puget. Aujourd’hui un maigre guitariste miaulait une chanson où il y avait
DE GUSTAVE FLAUBERT. 33,1 -

chantaient du Loïsa`Puget, Aujourdhui un maigre
{{pom|… bâtard more
guitariste miaulait une chanson où il y avait
rives du Bosphore.|m=1em}}
. . .bâtard more

. . .rives du Bosphore.
Est-ce drôle? Et en regardant défiler les coteaux,
{{br0}}Est-ce drôle ? Et en regardant défiler les coteaux, au son des cordes qui grinçaient, de la voix qui chevrotait et des roues battant l’eau, je remontais, dans ma pensée, tout ce qui a coulé, coulé.

» au son des cordes qui grinçaient, de la voix qui
Hier, nous sommes partis de Pont-l’évêque à {{lié|8 h ½}} du soir, par un temps si noir qu’on ne voyait pas les oreilles du cheval. La dernière fois que j’étais passé par là, c’était avec mon frère, en janvier 44, quand je suis tombé, comme frappé d’apoplexie, au fond du cabriolet que je conduisais et qu’il m’a cru mort pendant 10 minutes. C’était une nuit à peu près pareille. J’ai reconnu la maison où il m’a saigné, les arbres en face (et, merveilleuse harmonie des choses et des idées) à ce moment-là même, un roulier a passé aussi à ma droite, comme lorsqu’il y a dix ans bientôt, à 9 heures du soir, je me suis senti emporté tout à coup dans un torrent de flammes…
chevrotait et des roues battant l’eau, je remontais,

dans ma pensée, tout ce qui a coulé, coulé. `
Rien ne prouve mieux le ''caractère borné'' de notre vie humaine que le ''déplacement''. Plus on la secoue, plus elle sonne creux. Puisque, après s’être remué, il faut se reposer ; puisque notre activité n’est qu’une répétition continuelle, quelque diversifiée qu’elle ait l’air, jamais nous ne sommes mieux convaincus de l’étroitesse de notre âme que lorsque notre corps se répand. On se dit : « Il y a dix ans j’étais là », et on est là, et on pense les mêmes choses, et tout l’intervalle est oublié. Puis il vous apparaît, cet intervalle, comme un immense précipice où le
Hier, nous sommes partis de Pont-l’Evêque ~
ai S h. I/2 du soir, par un temps si noir qu’on ne
voyait pas les oreilles du cheval. La derniere fois
que j’étais passé par là, c’était avec monfrere, en
janvier 44, quand (je suis to_mbé, comme frappé
d’apoplexie , au fon du cabriolet que je conduisais
et qu’il m’a cru mort pendant io minutes. Clétait
une nuit a peu pres pareille. lai reconnu la maison
où il m’a saigné, les arbres en face ( et, merveil-
leuse harmonie des choses et des idées) a ce
moment—là même, un roulier a passé aussi a ma ·
droite, comme lorsqu’il y a dix ans bientôt,
a 9 heures du soir, je me suis senti empor.té tout a
coup dans un torrent de flammes...
Rien ne prouve mieux le caractère borné de notre .
vie humaine quele déplacement. Plus on la secoue, _
plus elle sonne creux. Puisque, apres s’être remue,
il faut se reposer; puisque notre activité n’est qu’une
répétition continuelle, quelque diversifiée qu’elle
ait l’air, jamais nous ne sommes mieux convaincus `
de l'étroitesse de notre âme que lorsque notre corps
se répand. On se dit : «ll y a dix ans j’étais la», et
on est la, et on pense les mêmes choses, et tout
l’intervalle est oublié. Puis il vous apparaît, cet
intervalle, comme un immense précipice où le ~