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18 Septembre. — Puisqu’il doit revenir aujourd’hui, je n’ai pas encore le droit de pleurer… et je chante, pour endormir ma pensée, la chanson lugubre de l’usurier, accompagnée de coups frappés avec une petite baguette sur les piastres neuves que Pierre m’a laissées. Cette chanson, bien connue au Japon, montre que l’avarice mène à tous les crimes et que l’argent est ce qu’il y a de pis au monde.

Pour la dernière fois, il entre dans ma chambre, sans bruit, ainsi qu’on fait pour surprendre un enfant en faute. C’est une manie qu’il a, bien blessante, et qui m’a peut-être été plus cruelle que tout le reste.

Il prend en m’abordant un air tout à fait impertinent que je ne lui ai pas encore vu ; il vise du coin de l’œil les pièces blanches éparpillées autour de moi sur les tatamis. Est-ce qu’il croit, le malheureux, que je fais le moindre cas de ses piastres et que je les fais tinter pour savoir si elles sont fausses ?

C’est la suprême insulte !

J’irai jusqu’au bout et ne laisserai rien paraître, comme je fis, la nuit où il plaça mon makoura à côté de celui de son ami — pour voir… quoi ?

Je me prosterne sur le seuil de la porte qu’il a franchi pour la dernière fois et je reste en cette attitude jusqu’à ce que s’éteigne le bruit de ses pas. Il ne peut se douter que c’est une morte qu’il vient de quitter.

Ici s’arrêtent les notes du cahier rose.