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Est-il besoin d’ajouter que la méthode minutieuse, sévère et fervente dont on vient de résumer les principes n’impose pas à l’auteur de la ''Mort de Venise'' le sacrifice de son vocabulaire pittoresque et passionné ? Bien au contraire, cette préoccupation morale, cette concentration des plus nobles facultés de l’âme en face d’un paysage lui donnent une richesse et une chaleur spirituelles. Pittoresque moral, si l’on peut dire, saturé d’un lyrisme grave et profond, beaucoup moins éloigné de la vieille tradition latine et française d’un Catulle ou d’un Du Bellay, que de l’impressionnisme moderne et de la photographie des couleurs.
Est-il besoin d’ajouter que la méthode minutieuse, sévère et fervente dont on vient de résumer les principes n’impose pas à l’auteur de la ''Mort de Venise'' le sacrifice de son vocabulaire pittoresque et passionné ? Bien au contraire, cette préoccupation morale, cette concentration des plus nobles facultés de l’âme en face d’un paysage lui donnent une richesse et une chaleur spirituelles. Pittoresque moral, si l’on peut dire, saturé d’un lyrisme grave et profond, beaucoup moins éloigné de la vieille tradition latine et française d’un Catulle ou d’un Du Bellay, que de l’impressionnisme moderne et de la photographie des couleurs.


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Il semble au premier abord que cette façon originale d’envisager l’histoire ou de voyager implique une certaine dose d’égotisme. Tout ramener aux héros, c’est encore tout ramener à soi-même, puisqu’on ne les célèbre que dans l’espoir de se hausser jusqu’à eux, et d’un autre côté, chercher avant tout le « bénéfice moral » qu’on peut retirer d’un paysage ou d’une ville d’art, c’est peut-être rapetisser le monde à notre mesure. Vieille antinomie que la religion rencontre, elle aussi, devant elle. On lui objecte que toute prière est égoïste, elle répond que la plus sublime prière s’appelle contemplation. « Invincible égotisme, soupirait jadis M. Barrès, qui me prive de jouir des belles formes ! Derrière elles, je saisis leurs âmes pour les mesurer à la mienne et m’attrister de ce qui me manque. » En vérité, le danger n’était pas si redoutable que le lui faisait croire une conscience trop timorée. Egotiste ou non à son point de départ, — cela n’a pas d’importance, — un artiste tel que M. Barrès, dès que l’enthousiasme le soulève, ne saurait manquer de s’oublier soi-même dans la contemplation du « non-moi. » Le merveilleux chapitre sur la ''Vallée de la Moselle (L’appel au soldat'') dans ses parties descriptives, les portraits d’un Boulanger (L’appel au soldat), d’un Déroulède, d’un Mores, d’un France (''Scènes et doctrines''), les vastes fresques grouillantes du départ de Boulanger pour Clermont et de l’élection de Paris (''L’appel au soldat''), les journées de caserne d’un volontaire alsacien (''Au service de l’Allemagne''), et tant d’autres pages qui sont du meilleur Barrès, respirent une sérénité, un détachement classiques. Mais il y a plus impersonnel encore dans cette œuvre, il y a ''Leurs figures'',
Il semble au premier abord que cette façon originale d’envisager l’histoire ou de voyager implique une certaine dose d’égotisme. Tout ramener aux héros, c’est encore tout ramener à soi-même, puisqu’on ne les célèbre que dans l’espoir de se hausser jusqu’à eux, et d’un autre côté, chercher avant tout le « bénéfice moral » qu’on peut retirer d’un paysage ou d’une ville d’art, c’est peut-être rapetisser le monde à notre mesure. Vieille antinomie que la religion rencontre, elle aussi, devant elle. On lui objecte que toute prière est égoïste, elle répond que la plus sublime prière s’appelle contemplation. « Invincible égotisme, soupirait jadis M. Barrès, qui me prive de jouir des belles formes ! Derrière elles, je saisis leurs âmes pour les mesurer à la mienne et m’attrister de ce qui me manque. » En vérité, le danger n’était pas si redoutable que le lui faisait croire une conscience trop timorée. Egotiste ou non à son point de départ, — cela n’a pas d’importance, — un artiste tel que M. Barrès, dès que l’enthousiasme le soulève, ne saurait manquer de s’oublier soi-même dans la contemplation du « non-moi. » Le merveilleux chapitre sur la ''Vallée de la Moselle (L’appel au soldat'') dans ses parties descriptives, les portraits d’un Boulanger (L’appel au soldat), d’un Déroulède, d’un Mores, d’un France (''Scènes et doctrines''), les vastes fresques grouillantes du départ de Boulanger pour Clermont et de l’élection de Paris (''L’appel au soldat''), les journées de caserne d’un volontaire alsacien (''Au service de l’Allemagne''), et tant d’autres pages qui sont du meilleur Barrès, respirent une sérénité, un détachement classiques. Mais il y a plus impersonnel encore dans cette œuvre, il y a ''Leurs figures'',