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les résultats nécessaires d’une loi générale éclairée et bienfaisante. » Comme si tous ces processus d’abaissement social devaient fatalement déterminer le progrès biologique de l’espèce humaine ! Ce fatalisme optimiste s’appuie à de fausses analogies. Dans le monde humain c’est toute la civilisation matérielle, c’est l’ensemble des moyens d’action, de production et de défense accumulés par les générations qui vient se mettre en travers de cette « loi bienfaisante ». Les effets ordinaires en sont à tout le moins étroitement limités. La civilisation n’exclut pas l’élimination des moins aptes ; mais elle la retarde, et c’en est assez, souvent, pour entraver la sélection.

Il faut aller plus loin. On peut aboutir par un autre côté à cette conclusion, que la civilisation humaine est capable, non seulement de limiter, mais de contrarier l’opération sélective de la lutte. Et en effet, nous avons parlé jusqu’ici des « faibles », des « moins aptes », des « inférieurs » sans distinguer nettement entre l’infériorité sociale et l’infériorité naturelle, et en paraissant implicitement admettre que celle-ci est, en règle générale, le reflet et la projection de celle-là. Mais n’oublions pas que ce parallélisme n’est nullement démontré. Dans le monde animal on peut s’attendre à ce que la défaite soit normalement le signe de la faiblesse. Car les combattants portent toutes leurs armes en eux-mêmes, et ce sont les forces incorporées à leurs organismes qui décident de la victoire. Il en est tout autrement, nous le savons, dans l’humanité. Les armes les plus efficaces sont indépendantes des êtres. Elles peuvent être transmises des uns aux autres, et inégalement réparties entre les uns et les autres. Bien plus que les forces « incorporées », ce sont ici les forces appropriées qui commandent l’issue de la lutte[1] ; et l’on comprend comment, par leur intervention,

  1. V. Woltmann, op. cit., p. 57-60, 208.