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l’accroissement illimité des êtres qui rend fatale la destruction des plus faibles. Or cette disproportion n’est-elle pas constante dans l’histoire des hommes aussi bien que dans celle des animaux ? On se rappelle que Malthus a formulé le premier, au spectacle du progrès même de la civilisation, cette loi que les subsistances ne croissent qu’en proportion arithmétique, tandis que la population croît en proportion géométrique ; et la loi de Darwin n’est que la loi de Malthus généralisée.

Mais on sait aussi que cette loi n’est plus admise aujourd’hui que sous réserves. L’expérience a prouvé que Malthus avait prisé trop haut sinon la puissance, du moins les tendances reproductrices des hommes : d’autre part et surtout, il n’avait pas assez de confiance dans leurs capacités productrices. Hodgskin l’objectait il y a longtemps au pessimisme malthusien : bien plus que l’étendue superficielle du sol, c’est le travail et le savoir qui produisent les aliments. Tout homme qui vient au monde n’est pas seulement un consommateur, mais un producteur de plus. Et toute population dense voit pulluler les découvertes ingénieuses, qui décuplent l’intensité de la production. En un mot c’est là où les hommes sont nombreux et pressés que se multiplient ces moyens d’action de toutes sortes, qui forcent la nature à un rendement supérieur[1].

C’est pourquoi il est loisible à la civilisation de ne pas abandonner les hommes dénués aux coups des forces destructrices, et de prêter, au plus grand nombre possible, le plus possible de moyens de défense. L’accroissement de la production lui permet d’économiser sur la race humaine les dilapidations de vie dont la nature est coutumière. — Mais en même temps la civilisation semble renoncer à l’une des méthodes d’amélioration dont la nature usait : en cessant

  1. V. Élie Halévy, Th. Hodgskin, p. 46-49.