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L’AVALEUR DE SABRES

Il y aurait eu de quoi servir des rafraîchissements à une douzaine d’invités. Seulement, les rafraîchissements n’avaient pas bonne mine.

La servante déposa son fardeau sur une table, et un geste de son maître la congédia.

— Voilà le sujet ? dit le Dr Samuel en examinant Guite qui changea de couleur. Avant de commencer l’opération, je vous prie, mon cher monsieur, de me donner exactement la forme et la dimension de l’objet demandé.

Puis, se penchant à l’oreille de Saladin, il ajouta :

— Est-ce mademoiselle de Chaves, monsieur le marquis ?

— En propre original, répondit Saladin.

À ce mot d’opération, Guite s’était prise à trembler de tous ses membres. La laideur de Samuel augmentait son épouvante.

— Pour tout l’or de la terre, déclara-t-elle franchement, je ne consentirais pas à me laisser faire du mal par ce docteur-là !

Saladin attira vers lui sa blonde tête et la baisa fort affectueusement, ce qu’il n’avait point fait quand ils étaient seuls.

— Petite chère folle, murmura-t-il avec tendresse, est-ce moi qui voudrais te faire du mal ? Ne crains jamais rien de l’homme à qui tu as confié ta destinée.

Puis se retournant vers le docteur, il dit :

— J’ai grande confiance en votre habileté, mon savant ami, mais j’aime trop cette charmante enfant pour risquer la moindre des choses. Si vous le permettez, nous allons d’abord essayer l’expérience in anima vili.

— Sur vous ? demanda Samuel.

— Non pas ! je suis presque aussi douillet que ma ravissante compagne.

Il ajouta avec un sourire :

— J’ai apporté ce qu’il faut.

Le docteur chercha sous les meubles, croyant y trouver quelque quadrupède ; mais, en ce moment, l’homme à la boîte plate se leva, sortit de son coin et dit :

— Sans vous commander, voilà l’affaire, monsieur le médecin. C’est moi qui suis l’anima vili : Languedoc, artiste en foire, peintureur et faiseur de têtes à la maquille, pour vous être agréable si l’occasion s’en présentait dans n’importe quelle circonstance.

Pendant que le Dr Samuel le regardait, étonné, Languedoc déboutonna sa vieille redingote, son gilet déjeté et sa chemise, qui n’était pas d’une blancheur exemplaire.

Mademoiselle Guite, rassurée, pour le moment du moins, le regardait faire en riant de tout son cœur.

Languedoc, ayant enlevé sa chemise d’un tour de main, resta vêtu de son seul pantalon. Il montra ainsi son torse noueux aux regards des assistants, non point tel que Dieu l’avait fait, mais couvert de tatouages et d’illustrations multipliées à l’infini.

Il marcha vers le docteur d’un pas grave, en faisant saillir ses pectoraux, et désigna au-dessous de son sein une place velue mais intacte, qui était bien large comme un écu de cent sous.

— Sans vous commander, dit-il, monsieur le médecin, voici un endroit où il n’y a encore rien eu. Nous allons voir comment vous entendez la besogne.