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Est-ce à dire que nous ayons complètement retourné en effet le darwinisme, et que nous puissions désormais affirmer que la nature, mieux connue, donne à l’homme l’exemple de toutes les vertus sociales ? Conclurons-nous avec M. Decamps[1], que « partout où règne la concurrence vitale il y a faiblesse et dégénérescence », tandis que « partout où domine l’association il y a force et progrès », et qu’en conséquence « la lutte pour l’existence est condamnée par toute la nature » ? Admettrons-nous contre Huxley, avec M. Geddes[2], que le « processus éthique », bien loin d’être l’antithèse du « processus cosmique », n’en est qu’un résumé fidèle ? Céderons-nous, en un mot, à cette tendance, récemment remise en honneur, qui cherche dans la nature une école de solidarité ? La tactique est séduisante. Nous relèverions ainsi, pour en diriger la pointe contre nos adversaires, l’arme dont ils nous menaçaient…

Mais un instant de réflexion suffit pour rappeler que cette démonstration n’est pas près d’être faite. Si nous avons établi que la lutte n’est pas tout, nous sommes loin d’avoir établi qu’elle ne soit rien dans le monde vivant. « Il ne s’agit pas, dit M. Houssay[3], de se duper soi-même et de ne pas reconnaître que, malgré le grand rôle joué par la sociabilité dans la nature, elle n’a pas aboli toutes les forces antagonistes. » M. Sabatier remarque, de son côté[4], qu’il faut être aveuglé par une idée préconçue pour nier que, pendant que l’union assure le progrès dans certains cas, la lutte pour l’existence en fasse autant dans des cas différents.

  1. Revue social., 1898, p. 580.
  2. Op. cit., p. 440. Cf. l’article Evolution, de la Chambers Encyclopedia, p. 484.
  3. Art. cité, p. 479.
  4. Art. cit., p. 4, sqq.