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{{acteurs|Silvia, Lisette}}
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Mais encore une fois, de quoi vous mêlez-vous, pourquoi répondre de mes sentiments ?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
C'est que j'ai cru que dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde ; Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu'il vous marie, si vous en avez quelque joie ; moi je lui réponds qu'oui ; cela va tout de suite ; et il n'y a peut-être que vous de fille au monde, pour qui ce oui-là ne soit pas vrai, le non n'est pas naturel.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Le non n'est pas naturel ; quelle sotte naïveté ! Le mariage aurait donc de grands charmes pour vous ?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Eh bien, c'est encore oui, par exemple.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Taisez-vous, allez répondre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce n'est pas à vous à juger de mon cœur par le vôtre.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Mon cœur est fait comme celui de tout le monde ; de quoi le vôtre s'avise-t-il de n'être fait comme celui de personne ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Je vous dis que si elle osait, elle m'appellerait une originale.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Si j'étais votre égale, nous verrions.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Vous travaillez à me fâcher, Lisette.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Ce n'est pas mon dessein ; mais dans le fond voyons, quel mal ai-je fait de dire à
Monsieur Orgon, que vous étiez bien aise d'être mariée ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Premièrement, c'est que tu n'as pas dit vrai, je ne m'ennuie pas d'être fille.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Cela est encore tout neuf.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
C'est qu'il n'est pas nécessaire que mon père croie me faire tant de plaisir en me
mariant, parce que cela le fait agir avec une confiance qui ne servira peut-être de rien.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Quoi, vous n'épouserez pas celui qu'il vous destine ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Que sais-je ? Peut-être ne me conviendra-t-il point, et cela m'inquiète.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
On dit que votre futur est un des plus honnêtes du monde, qu'il est bien fait, aimable, de
bonne mine, qu'on ne peut pas avoir plus d'esprit, qu'on ne saurait être d'un meilleur
caractère ; que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux ? D'union
plus délicieuse ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Délicieuse ! Que tu es folle avec tes expressions !
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Ma foi, Madame, c'est qu'il est heureux qu'un amant de cette espèce-là, veuille se
marier dans les formes ; il n'y a presque point de fille, s'il lui faisait la cour, qui ne fût
en danger de l'épouser sans cérémonie ; aimable, bien fait, voilà de quoi vivre pour
l'amour, sociable et spirituel, voilà pour l'entretien de la société : pardi, tout en sera bon
dans cet homme-là, l'utile et l'agréable, tout s'y trouve.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Oui dans le portrait que tu en fais, et on dit qu'il y ressemble, mais c'est un, on dit, et je
pourrais bien n'être pas de ce sentiment-là, moi ; il est bel homme, dit-on, et c'est
presque tant pis.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Tant pis, tant pis, mais voilà une pensée bien hétéroclite !
{{personnage|Silvia}}.<br/>
C'est une pensée de très bon sens ; volontiers un bel homme est fat, je l'ai remarqué.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Oh, il a tort d'être fat ; mais il a raison d'être beau.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
On ajoute qu'il est bien fait ; passe.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Oui-da, cela est pardonnable.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
De beauté, et de bonne mine je l'en dispense, ce sont là des agréments superflus.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Vertuchoux ! si je me marie jamais, ce superflu-là sera mon nécessaire.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Tu ne sais ce que tu dis ; dans le mariage, on a plus souvent affaire à l'homme raisonnable,
qu'à l'aimable homme : en un mot, je ne lui demande qu'un bon caractère, et cela est plus
difficile à trouver qu'on ne pense ; on loue beaucoup le sien, mais qui est-ce qui a vécu
avec lui ? Les hommes ne se contrefont-ils pas ? Surtout quand ils ont de l'esprit, n'en ai-je
pas vu moi, qui paraissaient, avec leurs amis, les meilleures gens du monde ? C'est la
douceur, la raison, l'enjouement même, il n'y a pas jusqu'à leur physionomie qui ne soit
garante de toutes les bonnes qualités qu'on leur trouve. Monsieur un tel a l'air d'un galant
homme, d'un homme bien raisonnable, disait-on tous les jours d'Ergaste : aussi l'est-il,
répondait-on, je l'ai répondu moi-même, sa physionomie ne vous ment pas d'un mot ; oui,
fiez-vous-y à cette physionomie si douce, si prévenante, qui disparaît un quart d'heure
après pour faire place à un visage sombre, brutal, farouche qui devient l'effroi de toute une
maison. Ergaste s'est marié, sa femme, ses enfants, son domestique ne lui connaissent
encore que ce visage-là, pendant qu'il promène partout ailleurs cette physionomie si
aimable que nous lui voyons, et qui n'est qu'un masque qu'il prend au sortir de chez lui.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Quel fantasque avec ces deux visages !
{{personnage|Silvia}}.<br/>
N'est-on pas content de Léandre quand on le voit ? Eh bien chez lui, c'est un homme qui
ne dit mot, qui ne rit, ni qui ne gronde ; c'est une âme glacée, solitaire, inaccessible ; sa
femme ne la connaît point, n'a point de commerce avec elle, elle n'est mariée qu'avec
une figure qui sort d'un cabinet, qui vient à table, et qui fait expirer de langueur, de
froid et d'ennui tout ce qui l'environne ; n'est-ce pas là un mari bien amusant ?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Je gèle au récit que vous m'en faites ; mais Tersandre, par exemple ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Oui, Tersandre ! Il venait l'autre jour de s'emporter contre sa femme, j'arrive, on
m'annonce, je vois un homme qui vient à moi les bras ouverts, d'un air serein, dégagé,
vous auriez dit qu'il sortait de la conversation la plus badine ; sa bouche et ses yeux
riaient encore ; le fourbe ! Voilà ce que c'est que les hommes, qui est-ce qui croit que sa
femme est à lui ? Je la trouvai toute abattue, le teint plombé, avec des yeux qui venaient
de pleurer, je la trouvai, comme je serai peut-être, voilà mon portrait à venir, je vais du
moins risquer d'en être une copie ; elle me fit pitié, Lisette : si j'allais te faire pitié aussi
: cela est terrible, qu'en dis-tu ? Songe à ce que c'est qu'un mari.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Un mari ? C'est un mari ; vous ne deviez pas finir par ce mot-là, il me raccommode
avec tout le reste.
{{scène|II}}
{{acteurs|Monsieur Orgon, Silvia, Lisette}}
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Eh bonjour, ma fille. La nouvelle que je viens d'annoncer te fera-t-elle plaisir ? Ton
prétendu est arrivé aujourd'hui, son père me l'apprend par cette lettre-ci ; tu ne me
réponds rien, tu me parais triste ? Lisette de son côté baisse les yeux, qu'est-ce que cela
signifie ? Parle donc toi, de quoi s'agit-il ?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Monsieur, un visage qui fait trembler, un autre qui fait mourir de froid, une âme gelée
qui se tient à l'écart, et puis le portrait d'une femme qui a le visage abattu, un teint
plombé, des yeux bouffis, et qui viennent de pleurer ; voilà Monsieur, tout ce que nous
considérons avec tant de recueillement.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Que veut dire ce galimatias ? Une âme, un portrait : explique-toi donc ! Je n'y entends
rien.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
C'est que j'entretenais Lisette du malheur d'une femme maltraitée par son mari, je lui
citais celle de Tersandre que je trouvai l'autre jour fort abattue, parce que son mari
venait de la quereller, et je faisais là-dessus mes réflexions.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Oui, nous parlions d'une physionomie qui va et qui vient, nous disions qu'un mari porte
un masque avec le monde, et une grimace avec sa femme.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
De tout cela, ma fille, je comprends que le mariage t'alarme, d'autant plus que tu ne
connais point Dorante.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Premièrement, il est beau, et c'est presque tant pis.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Tant pis ! Rêves-tu avec ton tant pis ?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Moi, je dis ce qu'on m'apprend ; c'est la doctrine de Madame, j'étudie sous elle.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Allons, allons, il n'est pas question de tout cela ; tiens, ma chère enfant, tu sais combien
je t'aime. Dorante vient pour t'épouser ; dans le dernier voyage que je fis en province,
j'arrêtai ce mariage-là avec son père, qui est mon intime et mon ancien ami, mais ce fut
à condition que vous vous plairiez à tous deux, et que vous auriez entière liberté de
vous expliquer là-dessus ; je te défends toute complaisance à mon égard, si Dorante ne
te convient point, tu n'as qu'à le dire, et il repart ; si tu ne lui convenais pas, il repart de
même.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Un duo de tendresse en décidera comme à l'Opéra ; vous me voulez, je vous veux, vite
un notaire ; ou bien m'aimez-vous, non, ni moi non plus, vite à cheval.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Pour moi je n'ai jamais vu Dorante, il était absent quand j'étais chez son père ; mais sur
tout le bien qu'on m'en a dit, je ne saurais craindre que vous vous remerciiez ni l'un ni
l'autre.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Je suis pénétrée de vos bontés, mon père, vous me défendez toute complaisance, et je
vous obéirai.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Je te l'ordonne.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Mais si j'osais, je vous proposerais sur une idée qui me vient, de m'accorder une grâce
qui me tranquilliserait tout à fait.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Parle, si la chose est faisable je te l'accorde.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Elle est très faisable ; mais je crains que ce ne soit abuser de vos bontés
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Eh bien, abuse, va, dans ce monde il faut être un peu trop bon pour l'être assez.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Il n'y a que le meilleur de tous les hommes qui puisse dire cela.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Explique-toi, ma fille.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Dorante arrive ici aujourd'hui, si je pouvais le voir, l'examiner un peu sans qu'il me
connût ; Lisette a de l'esprit, Monsieur, elle pourrait prendre ma place pour un peu de
temps, et je prendrais la sienne.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Son idée est plaisante. (Haut.) Laisse-moi rêver un peu à ce que tu me dis là. (A part.)
Si je la laisse faire, il doit arriver quelque chose de bien singulier, elle ne s'y attend pas
elle-même... (Haut.) Soit, ma fille, je te permets le déguisement. Es-tu bien sûre de
soutenir le tien, Lisette ?
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Moi, Monsieur, vous savez qui je suis, essayez de m'en conter, et manquez de respect,
si vous l'osez ; à cette contenance-ci, voilà un échantillon des bons airs avec lesquels je
vous attends, qu'en dites-vous ? Hem, retrouvez-vous Lisette ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Comment donc, je m'y trompe actuellement moi-même ; mais il n'y a point de temps à
perdre, va t'ajuster suivant ton rôle, Dorante peut nous surprendre, hâtez-vous, et qu'on
donne le mot à toute la maison.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Il ne me faut presque qu'un tablier.
{{personnage|Lisette}}.<br/>
Et moi je vais à ma toilette, venez m'y coiffer, Lisette, pour vous accoutumer à vos
fonctions ; un peu d'attention à votre service, s'il vous plaît !
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Vous serez contente, Marquise, marchons.
{{scène|III}}
{{acteurs|Mario, Monsieur Orgon, Silvia}}
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ma sœur, je te félicite de la nouvelle que j'apprends ; nous allons voir ton amant, dit-
on.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Oui, mon frère ; mais je n'ai pas le temps de m'arrêter, j'ai des affaires sérieuses, et mon
père vous les dira, je vous quitte.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Ne l'amusez pas, Mario, venez vous saurez de quoi il s'agit.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Qu'y a-t-il de nouveau, Monsieur ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Je commence par vous recommander d'être discret sur ce que je vais vous dire au
moins.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Je suivrai vos ordres.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Nous verrons Dorante aujourd'hui ; mais nous ne le verrons que déguisé.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Déguisé ! viendra-t-il en partie de masque, lui donnerez-vous le bal ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Écoutez l'article de la lettre du père. Hum... "Je ne sais au reste ce que vous penserez
d'une imagination qui est venue à mon fils ; elle est bizarre, il en convient lui-même,
mais le motif en est pardonnable et même délicat ; c'est qu'il m'a prié de lui permettre
de n'arriver d'abord chez vous que sous la figure de son valet, qui de son côté fera le
personnage de son maître."
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ah, ah ! cela sera plaisant.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Ecoutez le reste... "Mon fils sait combien l'engagement qu'il va prendre est sérieux, et il
espère, dit-il, sous ce déguisement de peu de durée saisir quelques traits du caractère de
notre future et la mieux connaître, pour se régler ensuite sur ce qu'il doit faire, suivant la
liberté que nous sommes convenus de leur laisser. Pour moi, qui m'en fie bien à ce que
vous m'avez dit de votre aimable fille, j'ai consenti à tout en prenant la précaution de
vous avertir, quoiqu'il m'ait demandé le secret de votre côté ; vous en userez là-dessus
avec la future comme vous le jugerez à propos..." Voilà ce que le père m'écrit. Ce n'est
pas le tout, voici ce qui arrive ; c'est que votre sœur inquiète de son côté sur le chapitre
de Dorante, dont elle ignore le secret, m'a demandé de jouer ici la même comédie, et
cela précisément pour observer Dorante, comme Dorante veut l'observer, qu'en dites-
vous ? Savez-vous rien de plus particulier que cela ? Actuellement, la maîtresse et la
suivante se travestissent. Que me conseillez-vous, Mario ? Avertirai-je votre sœur ou
non ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ma foi, Monsieur, puisque les choses prennent ce train-là, je ne voudrais pas les
déranger, et je respecterais l'idée qui leur est inspirée à l'un et à l'autre ; il faudra bien
qu'ils se parlent souvent tous deux sous ce déguisement, voyons si leur cœur ne les
avertirait pas de ce qu'ils valent. Peut-être que Dorante prendra du goût pour ma sœur,
toute soubrette qu'elle sera, et cela serait charmant pour elle.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Nous verrons un peu comment elle se tirera d'intrigue.
{{personnage|Mario}}.<br/>
C'est une aventure qui ne saurait manquer de nous divertir, je veux me trouver au début,
et les agacer tous deux.
{{scène|IV}}
{{acteurs|Silvia, Monsieur Orgon, Mario}}
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Me voilà, Monsieur, ai-je mauvaise grâce en femme de chambre ; et vous, mon frère, vous
savez de quoi il s'agit apparemment, comment me trouvez-vous ?
{{personnage|Mario}}.<br/>
Ma foi, ma sœur, c'est autant de pris que le valet ; mais tu pourrais bien aussi
escamoter Dorante à ta maîtresse.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Franchement, je ne haïrais pas de lui plaire sous le personnage que je joue, je ne serais
pas fâchée de subjuguer sa raison, de l'étourdir un peu sur la distance qu'il y aura de lui
à moi ; si mes charmes font ce coup-là, ils me feront plaisir, je les estimerai, d'ailleurs
cela m'aiderait à démêler Dorante. à l'égard de son valet, je ne crains pas ses soupirs, ils
n'oseront m'aborder, il y aura quelque chose dans ma physionomie qui inspirera plus de
respect que d'amour à ce faquin-là.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Allons doucement, ma sœur, ce faquin-là sera votre égal.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Et ne manquera pas de t'aimer.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Eh bien, l'honneur de lui plaire ne me sera pas inutile ; les valets sont naturellement
indiscrets, l'amour est babillard, et j'en ferai l'historien de son maître.
{{personnage|Un valet}}.<br/>
Monsieur, il vient d'arriver un domestique qui demande à vous parler, il est suivi d'un
crocheteur qui porte une valise.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Qu'il entre : c'est sans doute le valet de Dorante ; son maître peut être resté au bureau
pour affaires. Où est Lisette ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Lisette s'habille, et dans son miroir, nous trouve très imprudents de lui livrer Dorante,
elle aura bientôt fait.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Doucement, on vient.
{{scène|V}}
{{acteurs|Dorante, en valet, Monsieur Orgon, Silvia, Mario}}
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je cherche Monsieur Orgon, n'est-ce pas à lui à que j'ai l'honneur de faire la révérence ?
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Oui, mon ami, c'est à lui-même.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Monsieur, vous avez sans doute reçu de nos nouvelles, j'appartiens à Monsieur Dorante,
vous, et qui m'envoie toujours devant vous assurer de ses respects, en attendant qu'il
vous en assure lui-même.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Tu fais ta commission de fort bonne grâce ; Lisette, que dis-tu de ce garçon-là ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Moi, Monsieur, je dis qu'il est bienvenu, et qu'il promet.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vous avez bien de la bonté, je fais du mieux qu'il m'est possible.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Il n'est pas mal tourné au moins, ton cœur n'a qu'à se bien tenir, Lisette.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Mon cœur, c'est bien des affaires.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ne vous fâchez pas. Mademoiselle, ce que dit Monsieur ne m'en fait point accroire.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Cette modestie-là me plaît, continuez de même.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Fort bien ! Mais il me semble que ce nom de Mademoiselle qu'il te donne est bien
sérieux, entre gens comme vous, le style des compliments ne doit pas être si grave, vous
seriez toujours sur le qui-vive ; allons traitez-vous plus commodément, tu as nom
Lisette, et toi mon garçon, comment t'appelles-tu ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Bourguignon, Monsieur, pour vous servir.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Eh bien, Bourguignon, soit !
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Va donc pour Lisette, je n'en serai pas moins votre serviteur.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Votre serviteur, ce n'est point encore là votre jargon, c'est ton serviteur qu'il faut dire.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Ah, ah, ah, ah !
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|bas à Mario}}.<br/>
Vous me jouez, mon frère.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
À l'égard du tutoiement, j'attends les ordres de Lisette.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Fais comme tu voudras, Bourguignon, voilà la glace rompue, puisque cela divertit ces
Messieurs.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je t'en remercie, Lisette, et je réponds sur-le-champ à l'honneur que tu me fais.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Courage, mes enfants, si vous commencez à vous aimer, vous voilà débarrassés des
cérémonies.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Oh, doucement, s'aimer, c'est une autre affaire ; vous ne savez peut-être pas que j'en
veux au cœur de Lisette, moi qui vous parle, il est vrai qu'il m'est cruel, mais je ne veux
pas que Bourguignon aille sur mes brisées.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Oui, le prenez-vous sur ce ton-là, et moi je veux que Bourguignon m'aime.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tu te fais tort de dire je veux, belle Lisette, tu n'as pas besoin d'ordonner pour être
servie.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Mon Bourguignon, vous avez pillé cette galanterie-là quelque part.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Vous avez raison Monsieur, c'est dans ses yeux que je l'ai prise.
{{personnage|Mario}}.<br/>
Tais-toi, c'est encore pis, je te défends d'avoir tant d'esprit.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Il ne l'a pas à vos dépens, et s'il en trouve dans mes yeux, il n'a qu'à prendre.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Mon fils, vous perdrez votre procès, retirons-nous, Dorante va venir, allons le dire à ma
fille ; et vous Lisette montrez à ce garçon l'appartement de son maître ; adieu,
Bourguignon.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Monsieur, vous me faites trop d'honneur.
{{scène|VI}}
{{acteurs|Silvia, Dorante}}
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Ils se donnent la comédie, n'importe, mettons tout à profit, ce garçon-ci n'est pas sot, et
je ne plains pas la soubrette qui l'aura ; il va m'en conter, laissons-le dire pourvu qu'il
m'instruise.
{{personnage|Dorante}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Cette fille-ci m'étonne, il n'y a point de femme au monde à qui sa physionomie ne fit
honneur, lions connaissance avec elle... (Haut.) Puisque nous sommes dans le style
amical et que nous avons abjuré les façons, dis-moi, Lisette, ta maîtresse te vaut-elle ?
Elle est bien hardie d'oser avoir une femme de chambre comme toi.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Bourguignon, cette question-là m'annonce que suivant la coutume, tu arrives avec
l'intention de me dire des douceurs, n'est-il pas vrai ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ma foi, je n'étais pas venu dans ce dessein-là, je te l'avoue ; tout valet que je suis, je n'ai
jamais eu de grande liaison avec les soubrettes, je n'aime pas l'esprit domestique ; mais
à ton égard c'est une autre affaire ; comment donc, tu me soumets, je suis presque
timide, ma familiarité n'oserait s'apprivoiser avec toi, j'ai toujours envie d'ôter mon
chapeau de dessus ma tête, et quand je te tutoie, il me semble que je jure ; enfin j'ai un
penchant à te traiter avec des respects qui te feraient rire. Quelle espèce de suivante es-
tu donc avec ton air de princesse ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Tiens, tout ce que tu dis avoir senti en me voyant, est précisément l'histoire de tous les
valets qui m'ont vue.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ma foi, je ne serais pas surpris quand ce serait aussi l'histoire de tous les maîtres.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Le trait est joli assurément ; mais je te le répète encore, je ne suis pas faite aux
cajoleries de ceux dont la garde-robe ressemble à la tienne.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
C'est-à-dire que ma parure ne te plaît pas ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Non, Bourguignon ; laissons là l'amour, et soyons bons amis.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Rien que cela : ton petit traité n'est composé que de deux clauses impossibles.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Quel homme pour un valet ! (Haut.) Il faut pourtant qu'il s'exécute ; on m'a prédit que je
n'épouserai jamais qu'un homme de condition, et j'ai juré depuis de n'en écouter jamais
d'autres.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Parbleu, cela est plaisant, ce que tu as juré pour homme, je l'ai juré pour femme moi, j'ai
fait serment de n'aimer sérieusement qu'une fille de condition.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Ne t'écarte donc pas de ton projet.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je ne m'en écarte peut-être pas tant que nous le croyons, tu as l'air bien distingué, et l'on
est quelquefois fille de condition sans le savoir.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Ah, ah, ah, je te remercierais de ton éloge si ma mère n'en faisait pas les frais.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Eh bien venge-t'en sur la mienne si tu me trouves assez bonne mine pour cela.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Il le mériterait. (Haut.) Mais ce n'est pas là de quoi il est question ; trêve de badinage,
c'est un homme de condition qui m'est prédit pour époux, et je n'en rabattrai rien.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Parbleu, si j'étais tel, la prédiction me menacerait, j'aurais peur de la vérifier ; je n'ai
point de foi à l'astrologie, mais j'en ai beaucoup à ton visage.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Il ne tarit point... Haut. Finiras-tu, que t'importe la prédiction puisqu'elle t'exclut ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Elle n'a pas prédit que je ne t'aimerais point.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Non, mais elle a dit que tu n'y gagnerais rien, et moi je te le confirme.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tu fais fort bien, Lisette, cette fierté-là te va à merveille, et quoiqu'elle me fasse mon
procès, je suis pourtant bien aise de te la voir ; je te l'ai souhaitée d'abord que je l'ai vue,
il te fallait encore cette grâce-là, et je me console d'y perdre, parce que tu y gagnes.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Mais en vérité, voilà un garçon qui me surprend malgré que j'en aie... (Haut.) Dis-moi,
qui es-tu toi qui me parles ainsi ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Le fils d'honnêtes gens qui n'étaient pas riches.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Va : je te souhaite de bon cœur une meilleure situation que la tienne, et je voudrais
pouvoir y contribuer, la fortune a tort avec toi.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Ma foi, l'amour a plus de tort qu'elle, j'aimerais mieux qu'il me fût permis de te
demander ton cœur, que d'avoir tous les biens du monde.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Nous voilà grâce au ciel en conversation réglée. (Haut.) Bourguignon je ne saurais me
fâcher des discours que tu me tiens ; mais je t'en prie, changeons d'entretien, venons à ton
maître, tu peux te passer de me parler d'amour, je pense ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tu pourrais bien te passer de m'en faire sentir toi.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Ahi ! Je me fâcherai, tu m'impatientes, encore une fois laisse là ton amour.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Quitte donc ta figure.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
À la fin, je crois qu'il m'amuse... (Haut.) Eh bien, Bourguignon, tu ne veux donc pas
finir, faudra-t-il que je te quitte ? (A part.) Je devrais déjà l'avoir fait.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Attends, Lisette, je voulais moi-même te parler d'autre chose ; mais je ne sais plus ce
que c'est.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
J'avais de mon côté quelque chose à te dire ; mais tu m'as fait perdre mes idées aussi à
moi.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je me rappelle de t'avoir demandé si ta maîtresse te valait.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Tu reviens à ton chemin par un détour, adieu.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Eh non, te dis-je, Lisette, il ne s'agit ici que de mon maître.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Eh bien soit, je voulais te parler de lui aussi, et j'espère que tu voudras bien me dire
confidemment ce qu'il est ; ton attachement pour lui m'en donne bonne opinion, il faut
qu'il ait du mérite puisque tu le sers.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tu me permettras peut-être bien de te remercier de ce que tu me dis là par exemple ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Veux-tu bien ne prendre pas garde à l'imprudence que j'ai eue de le dire ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Voilà encore de ces réponses qui m'emportent ; fais comme tu voudras, je n'y résiste
point, et je suis bien malheureux de me trouver arrêté par tout ce qu'il y a de plus
aimable au monde.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Et moi je voudrais bien savoir comment il se fait que j'ai la bonté de t'écouter, car
assurément, cela est singulier !
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tu as raison, notre aventure est unique.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Malgré tout ce qu'il m'a dit, je ne suis point partie, je ne pars point, me voilà encore, et
je réponds ! en vérité, cela passe la raillerie. (Haut.) Adieu.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Achevons donc ce que nous voulions dire.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Adieu, te dis-je, plus de quartiers ; quand ton maître sera venu, je tâcherai en faveur de
ma maîtresse de le connaître par moi-même, s'il en vaut la peine ; en attendant, tu vois
cet appartement, c'est le vôtre.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tiens, voici mon maître.
{{scène|VII}}
{{acteurs|Dorante, Silvia, Arlequin}}
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Ah, te voilà, Bourguignon ; mon porte-manteau et toi, avez-vous été bien reçus ici ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Il n'était pas possible qu'on nous reçût mal, Monsieur.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Un Domestique là-bas m'a dit d'entrer ici, et qu'on allait avertir mon beau-père qui était
avec ma femme.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Vous voulez dire Monsieur Orgon et sa fille, sans doute, Monsieur ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Eh oui, mon beau-père et ma femme, autant vaut ; je viens pour épouser, et ils
m'attendent pour être mariés, cela est convenu, il ne manque plus que la cérémonie, qui
est une bagatelle.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
C'est une bagatelle qui vaut bien la peine qu'on y pense.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Oui, mais quand on y a pensé on n'y pense plus.
Bourguignon, on est homme de mérite à bon marché chez vous, ce me semble ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Que dites-vous là à mon valet, la belle ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Rien, je lui dis seulement, que je vais faire descendre Monsieur Orgon.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Et pourquoi ne pas dire mon beau-père, comme moi ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
C'est qu'il ne l'est pas encore.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Elle a raison, Monsieur, le mariage n'est pas fait.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Eh bien, me voilà pour le faire.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Attendez donc qu'il soit fait.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Pardi, voilà bien des façons pour un beau-père de la veille ou du lendemain.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
En effet, quelle si grande différence y a-t-il entre être mariée ou ne l'être pas ? Oui,
Monsieur, nous avons tort, et je cours informer votre beau-père de votre arrivée.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Et ma femme aussi, je vous prie ; mais avant que de partir, dites-moi une chose, vous
qui êtes si jolie, n'êtes-vous pas la soubrette de l'hôtel ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Vous l'avez dit.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
C'est fort bien fait, je m'en réjouis : croyez-vous que je plaise ici, comment me trouvez-
vous ?
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Je vous trouve... plaisant.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Bon, tant mieux, entretenez-vous dans ce sentiment-là, il pourra trouver sa place.
{{personnage|Silvia}}.<br/>
Vous êtes bien modeste de vous en contenter ; mais je vous quitte, il faut qu'on ait
oublié d'avertir votre beau-père, car assurément il serait venu, et j'y vais.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Dites-lui que je l'attends avec affection.
{{personnage|Silvia}}, {{didascalie|à part}}.<br/>
Que le sort est bizarre ! Aucun de ces deux hommes n'est à sa place.
{{scène|VIII}}
{{acteurs|Dorante, Arlequin}}
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Eh bien, Monsieur, mon commencement va bien, je plais déjà à la soubrette.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Butor que tu es !
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Pourquoi donc, mon entrée est si gentille !
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tu m'avais tant promis de laisser là tes façons de parler sottes et triviales, je t'avais
donné de si bonnes instructions, je ne t'avais recommandé que d'être sérieux. Va, je vois
bien que je suis un étourdi de m'en être fié à toi.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Je ferai encore mieux dans les suites, et puisque le sérieux n'est pas suffisant, je
donnerai du mélancolique, je pleurerai, s'il le faut.
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Je ne sais plus où j'en suis ; cette aventure-ci m'étourdit : que faut-il que je fasse ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Est-ce que la fille n'est pas plaisante ?
{{personnage|Dorante}}.<br/>
Tais-toi ; voici Monsieur Orgon qui vient.
{{scène|IX}}
{{acteurs|Monsieur Orgon, Dorante, Arlequin}}
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Mon cher Monsieur, je vous demande mille pardons de vous avoir fait attendre ; mais
ce n'est que de cet instant que j'apprends que vous êtes ici.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Monsieur, mille pardons, c'est beaucoup trop, et il n'en faut qu'un quand on n'a fait
qu'une faute ; au surplus tous mes pardons sont à votre service.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Je tâcherai de n'en avoir pas besoin.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Vous êtes le maître, et moi votre serviteur.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Je suis, je vous assure, charmé de vous voir, et je vous attendais avec impatience.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Je serais d'abord venu ici avec Bourguignon ; mais quand on arrive de voyage, vous
savez qu'on est si mal bâti, et j'étais bien aise de me présenter dans un état plus
ragoûtant.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Vous y avez fort bien réussi ; ma fille s'habille, elle a été un peu indisposée ; en
attendant qu'elle descende, voulez-vous vous rafraîchir ?
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Oh je n'ai jamais refusé de trinquer avec personne.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Bourguignon, ayez soin de vous, mon garçon.
{{personnage|Arlequin}}.<br/>
Le gaillard est gourmet, il boira du meilleur.
{{personnage|Monsieur Orgon}}.<br/>
Qu'il ne l'épargne pas.
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