« Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/73 » : différence entre les versions

(Aucune différence)

Version du 5 mars 2021 à 20:10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avouer que jusqu’à présent aucun observateur n’a trouvé le succin dans cet état de liquidité, et c’est probablement parce qu’il ne faut qu’un très petit temps pour le consolider : ces insectes s’y empêtrent peut-être lorsqu’il distille des rochers et lorsqu’il surnage sur l’eau de la mer, où la chaleur de quelque feu souterrain le sublime en liqueur, comme l’huile de pétrole, l’asphalte et les autres bitumes coulants.

Quoiqu’on trouve, en Prusse et en quelques autres endroits, des mines de succin dans le sein de la terre, cette matière est néanmoins plus abondante dans certaines plages de la mer : en Prusse et en Poméranie, la mer Baltique jette sur les côtes une grande quantité de succin, presque toujours en petits morceaux de toutes les nuances de blanc, de jaune, de brun et de différents degrés de pureté ; et à la vue encore plus qu’à l’odeur, on serait tenté de croire que le succin n’est qu’une résine comme la copale[NdÉ 1], à laquelle il ressemble ; mais le succin est également impénétrable à l’eau, aux huiles et à l’esprit-de-vin, tandis que les résines qui résistent à l’action de l’eau se dissolvent en entier par les huiles et surtout par l’esprit-de-vin : cette différence suppose donc dans le succin une autre matière que celle des résines, ou du moins une combinaison différente de la même matière ; or on sait que toutes les huiles végétales concrètes sont ou des gommes qui ne se dissolvent que dans l’eau, ou des résines qui ne se dissolvent que dans l’esprit-de-vin, ou enfin des gommes-résines qui ne se dissolvent qu’imparfaitement par l’une et par l’autre ; dès lors, ne pourrait-on pas présumer, par la grande ressemblance qui se trouve d’ailleurs entre le succin et les résines, que ce n’est en effet qu’une gomme-résine dans laquelle le mélange des parties gommeuses et résineuses est si intime et en telle proportion, que ni l’eau ni l’esprit-de-vin ne peuvent l’attaquer ; l’exemple des autres gommes-résines, que ces deux menstrues n’attaquent qu’imparfaitement, semble nous l’indiquer.

En général, on ne peut pas douter que le succin, ainsi que tous les autres bitumes liquides ou concrets, ne doivent leur origine aux huiles animales et végétales imprégnées d’acide ; mais comme, indépendamment des huiles, les animaux et végétaux contiennent des substances gélatineuses et mucilagineuses en grande quantité, il doit se trouver des bitumes uniquement composés d’huile, et d’autres mêlés d’huile et de matière gélatineuse ou mucilagineuse ; des bitumes produits par les seules résines, d’autres par les gommes-résines mêlées de plus ou moins d’acides, et c’est à ces diverses combinaisons des différents résidus des substances animales ou végétales que sont dues les variétés qui se trouvent dans les qualités des bitumes.

Par exemple, l’ambre gris[NdÉ 2] paraît être un bitume qui a conservé les parties les plus odorantes des résines dont le parfum est aromatique ; il est dans un état de mollesse et de viscosité dans le fond de la mer auquel il est attaché, et il a une odeur très désagréable et très forte dans cet état de mollesse avant son dessèchement : l’avidité avec laquelle les oiseaux, les poissons et la plupart des animaux terrestres le recherchent et l’avaient, semble indiquer que ce bitume contient aussi une grande quantité de matière gélatineuse et nutritive. Il ne se trouve pas dans le sein de la terre : c’est dans celui de la mer, et surtout dans les mers méridionales, qu’il est en plus grande quantité ; il ne se détache du fond que dans le temps des plus grandes tempêtes, et c’est alors qu’il est jeté sur les rivages ; il durcit en se séchant, mais une chaleur médiocre le ramollit plus aisément que les autres bitumes ; il se coagule par le froid, et n’acquiert jamais autant de fermeté que le succin ; cependant, par l’analyse chimique, il donne les mêmes résultats et laisse les mêmes résidus ;

  1. On considère, en effet, la copale comme une résine fossile dont on distingue plusieurs sortes, notamment la résine de Highgate, la berengelite, etc.
  2. On ignore l’origine véritable de l’ambre gris ; à l’heure actuelle, on le considère généralement comme un produit de sécrétion durci de certains animaux, notamment des Cétacés. [Note de Wikisource : Il s’agit en effet de concrétions intestinales du cachalot.]