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jette du bitume que l’on recueille à fleur d’eau : on en recueille de même à Gabian, diocèse de Béziers[1], et cette fontaine de Gabian est fameuse par la quantité de pétrole qu’elle produit ; néanmoins il paraît, par un Mémoire de M. Rivière, publié en 1717, et par un autre Mémoire, sans nom d’auteur, imprimé à Béziers en 1752, que cette source bitumineuse a été autrefois beaucoup plus abondante qu’elle ne l’est aujourd’hui ; car il est dit qu’elle a donné avant 1717, pendant plus de quatre-vingts ans, trente-six quintaux de pétrole par an, tandis qu’en 1752 elle n’en donnait plus que trois ou quatre quintaux. Ce pétrole est d’un rouge brun foncé ; son odeur est forte et désagréable ; il s’enflamme très aisément, et même la vapeur qui s’en élève, lorsqu’on le chauffe, prend feu si l’on approche une chandelle ou toute autre lumière, à trois pieds de hauteur au-dessus : l’eau n’éteint pas ce pétrole allumé, et, lors même que l’on plonge dans l’eau des mèches bien imbibées de cette huile inflammable, elles continuent de brûler quoique au-dessous de l’eau. Elle ne s’épaissit ni ne se fige par la gelée, comme le font la plupart des huiles végétales, et c’est par cette épreuve qu’on reconnaît si le pétrole est pur, ou s’il est mélangé avec quelqu’une de ces huiles. À Gabian, le pétrole ne sort de la source qu’avec beaucoup d’eau qu’il surnage toujours, car il est beaucoup plus léger, et l’est même plus que l’huile d’olive : « Une seule goutte de ce bitume, dit M. Rivière, versée sur une eau dormante, a occupé dans peu de temps un espace d’une toise de diamètre tout émaillé des plus vives couleurs, et, en s’étendant davantage, il blanchit et enfin disparaît ; au reste, ajoute-t-il, cette huile de pétrole naturelle est la même que celle qui vient du succin dans la cornue, vers le milieu de la distillation[2]. »

Cependant ce pétrole de Gabian n’est pas, comme le prétend l’auteur du Mémoire imprimé à Béziers en 1752, le vrai naphte de Babylone : à la vérité, beaucoup de gens prennent le naphte et le pétrole pour une seule et même chose ; mais le naphte des Grecs, qui ne porte ce nom que parce que c’est la matière inflammable par excellence, est plus pur que l’huile de Gabian ou que toute autre huile terrestre que les Latins ont appelée petroleum, comme huile sortant des rochers avec l’eau qu’elle surnage. Le vrai naphte est beaucoup plus limpide et plus coulant ; il a moins de couleur, et prend feu plus subitement à une distance assez grande de la flamme : si l’on en frotte du bois ou d’autres combustibles, ils continueront de brûler, quoique plongés dans l’eau[3] ; au reste, le terrain dans lequel se trouve le pétrole de Gabian est environné et peut-être rempli de matières bitumineuses et de charbon de terre[4].

À une demi-lieue de distance de Clermont en Auvergne, il y a une source bitumineuse assez abondante et qui tarit par intervalles : « L’eau de cette source, dit M. Le Monnier, a une amertume insupportable ; la surface de l’eau est couverte d’une couche mince de bitume qu’on prendrait pour de l’huile, et qui, venant à s’épaissir par la chaleur de l’air, ressemble en quelque façon à de la poix… En examinant la nature des terres qui environnent cette fontaine, et en parcourant une petite butte qui n’en est pas fort éloignée, j’ai aperçu du bitume noir qui découlait d’entre les fentes des rochers ; il se sèche à mesure qu’il reste à l’air, et j’en ai ramassé encore une demi-livre : il est sec, dur et cassant, et s’enflamme aisément ; il exhale une fumée noire fort épaisse, et l’odeur qu’il répand ressemble à celle de l’asphalte ; je suis persuadé que par la distillation on en retirerait du pétrole[5]. » Ce bitume liquide de Clermont est, comme l’on voit, moins

  1. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. Ier, p. 201 et 274.
  2. Mémoire de M. Rivière, p. 6.
  3. Boërhaave, Elementa chimiæ, t. Ier, p. 191.
  4. Mémoire sur le pétrole ; Béziers, 1752.
  5. Parmi les charbons de terre, il en est qui, à l’odeur près, ressemblent fort à l’asphalte, quant à la pureté et au coup d’œil, comme il en est qui diffèrent peu du jayet, comme aussi on voit du jayet qu’on pourrait confondre aisément avec l’asphalte et quelques charbons de