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Mais encore, grâce au collage, ou plutôt grâce au photomontage, John Heartfield, comme en témoigne son exposition, ici même, John Heartfield a traité, avec la plus exacte violence et la plus péremptoire imagination, les sujets que l’actualité, l’urgence de la lutte, le besoin de savoir, l’indignation qui n’a pas à se contenir, les nécessités révolutionnaires peuvent imposer à l’artiste, pour le plus grand profit de l’art.

D’autre part, l’histoire nous montre que des tableaux, des dessins à signification politique précise, des œuvres révolutionnaires, aussi bien par le sujet que par la technique, comme furent celles de Goya, de Daumier, non seulement ont décrit, pour la condamner dans ce qu’elle avait de plus atrocement particulier, leur époque, mais encore ont permis aux artistes à venir de trouver des chemins nouveaux.

Il y a les Désastres de la guerre de Goya, il y a la Journée du 3  mai 1808 du même, il y a la Rue Transnonain de Daumier, mais il y a aussi les fameux noirs de Goya que Manet certes n’ignora point, il y a chez Daumier, surtout dans ses sculptures, des déformations dont l’expressionnisme se garda bien de faire fi.

Récemment, à la prison de Madrid où je le visitais, un camarade qui ne dédaignait point de parler peinture, derrière ses barreaux, se réjouissait de constater : « Si Goya vivait, il serait avec nous. »

Les obscurantins qui seraient contre lui, nous savons à quelle clique ils n’ont cessé d’appartenir.

À Paris même, sur les panneaux électoraux du quartier Notre-Dame-des-champs, s’étale une affiche intitulée : « Au seuil des luttes futures » et rédigée dans un langage de bourrique corse par le mec à la truie des fondations Marcelle-Jean Chiappe.

L’ex-César de la Tour Pointue se voit déjà président du conseil municipal et sans doute ministre de l’Intérieur, avec, dans ses mignonnes petites mains d’assassin, les beaux ciseaux de la censure.

Nous n’avons certes point envie d’aller farfouiller dans les rêves de ce Napoléon en peau de chantage. Lui-même d’ailleurs nous en évite la peine, puisqu’il déclare la guerre à ceux qu’il appelle des métèques et des pseudo-intellectuels.

Xénophobie, antisémitisme, nous connaissons les rengaines dont accompagnent leurs méfaits tous les porte-parole et porte-glaive, les brûle-livres et les crève-tableaux à la solde des exploiteurs, depuis ceux qui en 1914 condamnèrent le cubisme parce que boche, jusqu’aux Paul Iribe de 1935, en passant par les antisémites de 1931 qui saccagèrent toute une exposition, à l’occasion de l’Age d’or.

René CREVEL.