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le château vert

Néanmoins, il fut exact au rendez-vous chez Ravin, un peu avant six heures. La pluie commençait de tomber.

Le calme morne des chais et du vaste magasin, le noir de la nuit dans les bureaux, tout ce lugubre silence d’un domaine si animé par le travail durant le jour, émut le cœur déjà désespéré de Benoît. Chez Ravin, dans le cabinet patronal éblouissant de lumière, il entra comme à tâtons, en enfant que le sentiment de sa faute intimide. Son ami, sans lui serrer la main, l’invita d’un geste à s’asseoir dans le fauteuil qui était réservé à ses visiteurs. Et, d’un ton sec, il entama sans préambule la conversation :

— Benoît, je ne suis pas content. Tu sais mieux que moi pour quel motif grave. J’aime la franchise dans mes relations, de même que dans mes affaires. Nous ne pouvons plus être des amis.

— Oh !…

— Ta femme et ta fille se conduisent d’une façon ignoble. Tu ne prétendras pas le contraire, je suppose ? C’est en vain d’ailleurs qu’elles outragent encore cet honnête homme de Barrière, que vient de venger la meilleure société de la ville… Et ces calomnies abominables parce que mon fils Philippe doit épouser Mariette, la fille de Barrière !…

— Tu exagères, François. Mon Dieu, je ne dis pas que nous n’ayons été cruellement déçus… Mais peu à peu tout s’efface.

— Non ! Nous avons assez pardonné. Nous ne voulons plus voir ta femme ni ta fille.

— Tu es dur, François.

— Non !… À présent, nous allons régler nos comptes. C’est pour toi, pour te préserver de l’abîme où tu roulerais certainement…

— Pardon nous avons une clientèle de plus en plus nombreuse et distinguée. Notre mauvais temps passera.

— Il ne passera jamais, si tu restes patron responsable, parce que tu seras toujours le même faible, tenu en laisse par ta femme et ta fille. À présent, il s’agit donc de deux choses : punir ta femme et la fille du mal qu’elles ont commis ; éviter pour toi les pires conséquences d’un désordre que tu ne saurais jamais réprimer.

Benoît eut beau protester, supplier en faveur de son Irène, que l’expérience avait guérie de ses excès d’optimisme, Ravin demeura inflexible, sas yeux aigus plantés