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le château vert

— Personne n’en doute, ma chère fiancée. Mais que votre père me permette de lui adresser mes plus vives félicitations. Dans le secret, qu’il nous cachait si jalousement, il a vu avec raison un sûr moyen d’anéantir les commérages, si absurdes, de tant de bavards.

Barrière s’approcha de Philippe, et lui posant une main sur l’épaule, il lui parla, les yeux dans les yeux :

— Des bavards, la mère de Mariette m’assure qu’il n’y en a plus, sinon pour célébrer mes mérites. Car il paraît maintenant que j’ai de grands mérites. Mais, Philippe, vous êtes revenu bien vite à Agde, quand vous avez appris ma candidature ?

— Je suis revenu tout de suite, pour vous assister de mon mieux. Mon père également…

— Non ! Non !… Philippe, si vous voulez me rendre un service, je vous supplie de ne pas prononcer un mot, de ne pas esquisser un geste en ma faveur. Je veux que mon élection se réalise dans la plus complète indépendance. Pour que ma victoire soit un triomphe, il faut que chez vous comme chez moi nous gardions tous le silence le plus absolu.

Philippe, étonné d’abord, eut un moment d’hésitation devant l’excellent homme qui, le front haut, les lèvres serrées, l’observait fixement.

— Vous avez raison une fois de plus, dit-il, nous garderons le silence.

— Oui, mon fils. C’est l’honnête manière, croyez-moi.

— J’obéirai.

Et Philippe pressa chaleureusement entre les siennes les mains franches de Barrière.

— Allons, mon fils, au revoir ! N’oublions pas le travail.

— Je ne l’oublie pas non plus, mais vous me permettez aujourd’hui de rester ici plus longtemps que les autres jours.

— Vous avez toutes les permissions. Pas besoin de discours pour se comprendre. Vous voyez bien que je vous appelle mon fils.

Barrière referma la porte sans bruit, en souriant avec gentillesse. Il y eut un silence. Le petit soleil de fin janvier, qui se faisait hardi, répandait par le jardin une nappe de lueur blonde, et sur le vitrage colorié de la maison il jetait un rayon indiscret. Mme Barrière s’était