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habitués à prendre des mots pour des idées, se répandent en pieuses louanges et prennent des airs hautains à l’occasion de cette causa sui, je n’y vois pour ma part qu’une contradictio in adjecto, un conséquent pris pour un antécédent, un arrêt audacieusement arbitraire, à l’effet de rompre la chaîne infinie de la causalité : elle est analogue, selon moi, au cas de cet Autrichien qui, ne pouvant atteindre, pour la serrer, jusqu’à l’agrafe de son shako qu’il portait fortement bouclé sur sa tête, grimpa sur une chaise. Le véritable emblème de la causa sui serait représenté par le baron Münchhausen embrassant de ses jambes son cheval, qui est sur le point de se laisser couler au fond de l’eau, et s’enlevant en l’air ainsi que sa bête, au moyen de la tresse de sa queue ramenée sur le devant de la tête ; au-dessous, il y aurait écrit : causa sui.
habitués à prendre des mots pour des idées, se répandent en pieuses louanges et prennent des airs hautains à l’occasion de cette ''causa sui'', je n’y vois pour ma part qu’une ''contradictio in adjecto'', un conséquent pris pour un antécédent, un arrêt audacieusement arbitraire, à l’effet de rompre la chaîne infinie de la causalité : elle est analogue, selon moi, au cas de cet Autrichien qui, ne pouvant atteindre, pour la serrer, jusqu’à l’agrafe de son shako qu’il portait fortement bouclé sur sa tête, grimpa sur une chaise. Le véritable emblème de la ''causa'' sui serait représenté par le baron Münchhausen<ref>En Allemagne, le type légendaire du hâbleur. (''Note du trad''.)</ref> embrassant de ses jambes son cheval, qui est sur le point de se laisser couler au fond de l’eau, et s’enlevant en l’air ainsi que sa bête, au moyen de la tresse de sa queue ramenée sur le devant de la tête ; au-dessous, il y aurait écrit : ''causa sui''.


Pour finir, jetons encore les yeux sur la proposition 16 du premier livre de la Morale, où de ce que « de la définition supposée d’une chose quelconque, l’entendement conclut plusieurs propriétés qui en sont réellement les suites nécessaires, » il déduit que : « de la nécessité divine doit suivre tout ce qui peut tomber sous un entendement infini ; » incontestablement donc, ce Dieu est au monde dans le rapport d’une notion à sa définition. Néanmoins il y joint immédiatement après le corollaire suivant : « Dieu est cause efficiente de toute chose. » La confusion entre le principe de connaissance et la cause ne saurait être poussée plus loin, ni produire de plus graves conséquences qu’ici. — Mais tout
Pour finir, jetons encore les yeux sur la proposition 16 du premier livre de la ''Morale'', où de ce que « ''ex data cujuscunque rei definitione plures proprietates intellectus concludit, quœ revera ex eadem necessario sequuntur,'' »<ref>« de la définition supposée d’une chose quelconque, l’entendement conclut plusieurs propriétés qui en sont réellement les suites nécessaires, »</ref> il déduit : « ''ex necessitate divinœ naturœ (c'est-à-dire prise au réel) infinita infinitis modis sequi debent;'' »<ref>« de la nécessité divine doit suivre tout ce qui peut tomber sous un entendement infini ; »</ref> incontestablement donc, ce Dieu est au monde dans le rapport d’une notion à sa définition. Néanmoins il y joint immédiatement après le corollaire suivant : « ''Deus omnium rerum esse'' causam ''efficientem.'' »<ref>« Dieu est cause efficiente de toute chose. »</ref> La confusion entre le principe de connaissance et la cause ne saurait être poussée plus loin, ni produire de plus graves conséquences qu’ici. — Mais tout