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Dans un pays que le soleil
Ne peut regarder de bon œil,
Où nul fruit n’honore sa sève
Que celui qui fit pécher Ève[1].

De pareilles dispositions ne peuvent guère inspirer de chant plus illustre que la Normandie de Bérat, et ne sont guère favorables à l’églogue : « J’ay ouy dire à feu de M. de Malherbe, raconte à Théopompe (Godeau) un de ses amis, qu’il eust mieux aimé faire un poëme épique qu’un seul chant pastoral[2] » La surprenante exception de Bernardin de Saint-Pierre est d’un Normand déraciné, comme on dit aujourd’hui, qui a merveilleusement compris Rousseau, a surtout voyagé très loin et s’entend fort à décrire les papayers et les cœurs sensibles.

Quant à l’amour, les plus grands d’entre eux sont un peu revenus des « chaleurs de foie[3] » de leur jeunesse, les plus petits mettent Rabelais en vers[4], et la plupart ne se font pas plus d’illusion que, par exemple, Maupassant.

Et puis, à parler net, où donc est la vergogne
De suspendre sa lyre auprès d’un cotillon ?
L’art saint me paraît propre à tout autre besogne
Qu’à broyer la céruse avec le vermillon[5].

  1. C’est ainsi que le Normand Boisrobert juge son pays (Épître à M. de Césy. Recueil de 1659, p. 17 cité par Hippeau, Écr. norm au 17e s., p. 141). Pour vanter Bourgeuil, Bertaut (éd. elzév., p. 98) dit qu’il est fertile non en citre et poiré, mais en vin d’Anjou.
  2. A. Cognet, Antoine Godeau (thèse, Paris 1900à, p.62.
  3. Mot de Malherbe. Sur l’amour chez Malherbe, voy. Souriau, L’évolution du vers français au XVIIe siècle.
  4. Jean le Houx (éd. Gasté). Flaubert nous dit de Bouilhet : « Il lisait Rabelais continuellement » (Bouilhet, éd. Lemerre, p. 302).
  5. Bouilhet, p. 36.