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échange de services. M, Tarde objecte qu’on est souvent membre de la même société non seulement sans se rendre aucun service, mais même en se nuisant réciproquement. « C’est, dit-il, le cas des confrères, qui presque toujours se font concurrence ». Mais nous répondrons que, si grande que soit une concurrence, elle implique cependant une participation fondamentale aux services mutuels de l’ordre social. La rivalité de deux marchands ne les empêche pas de coopérer, chacun pour leur part, de leur intelligence et de leur argent, au maintien et au développement de l’ordre social et même national. Or, sous ce rapport, ils se rendent des services mutuels, fussent-ils, pour d’autres choses, selon expression vulgaire, « à couteaux tirés. »

Tout n’est donc pas faux dans l’idée du service social. « On peut se rendre mutuellement, objecte encore M. Tarde, entre castes hétérogènes, de même qu’entre animaux différents, les services les plus signalés et les plus continus, sans former une société. » Nous ferons observer que, partout où il y a des services conscients et mutuels, il y a un commencement de lien social, alors même que, sous d’autres rapports, on appartiendrait à des sociétés particulières opposées et même ennemies. Une société n’est pas la société. Celle-ci enveloppe tout ce qui à conscience d’être en mutualité de services, surtout de services volontaires. Il ne nous semble donc pas que le côté économique du lien social doive être négligé.

Enfin, certains sociologues donnent pour propriété caractéristique des actes sociaux d’être imposés du dehors par une contrainte quelconque, prenant une forme quelconque, depuis celle de la peine jusqu’à celle de la simple coutume ou mode. Ici, c’est le côté déterminant de la société, non plus le côté volontaire, qui est mis en avant, et nous prenons une direction tout autre. Si M. Durkheim voulait dire que la force collective est ce qui constitue le lien social, se serait une exagération notoire ; mais nous pensons qu’il veut seulement désigner sous le nom de contrainte collective tout ce qui exerce collectivement une influence déterminante sur l’individu, par quelque moyen que cette influence se manifeste. Il s’agit, selon nous, d’un déterminisme collectif. Or, ce point de vue a aussi sa vérité. Le principe même de l’imitation, mis en avant par M. Tarde, lorsqu’il aboutit à l’imitation-coutume, à l’imitation-mode, est une forme de détermination de l’individu par la collectivité.

Il ne nous semble donc pas que M. Tarde ait suffisamment dégagé ce qu’il pouvait y avoir de vrai dans les principes différents du sien. Quant à ce dernier même, il ne nous parait pas aussi fondamental