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{{Journal|[[La Croix]]<br/>27-28 septembre 1925 (Numéro 13051)|[[Auteur:Charles Baussan|Charles Baussan]]|Mirlitantouille}}
 
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[[Catégorie:La Croix]]
 
 
La Mirlitantouille
 
 
par G. LENOTRE}}
 
 
 
Les lieux prennent la figure ou semblent
prendre la figure des hommes qui y ont
vécu ; ils se teignent du reflet des événements
qui s’y sont passés. Il est même plus
d’un pays, plus d’une maison, qui n’ont pas
été seulement des témoins, mais qui se
sont faits, dans ces événements, les alliés
des hommes.
 
Alliés parfois nécessaires. Ainsi en est-il
des pays qui abritèrent la chouannerie.
Ainsi en est-il de la ''Mirtitantouille''<ref>
Épisodes de la chouannerie bretonne : ''la''
''Mirlitantouille'', par G. {{sc|Lenôtre}}. Ouvrage orné
de gravures. Prix : 12 francs.
</ref>,
cette auberge autour de laquelle {{M.|Lenotre}}
donne rendez-vous à des personnages
comme le comte de Puisaye, le chevalier
de Tinténiac, Boishardy, Cormatin,
le général Humbert, Duviquet, etc., et fait
revivre, avec son érudition et son art coutumiers,
toute une poignée d’épisodes de la
chouannerie bretonne.
 
La Rouerie avait établi à travers toute
la Bretagne des lignes de communication
le long desquelles un émigré arrivant de
la côte ou un émissaire porteur de dépêches
étaient certains de rencontrer, de distance
en distance, « refuge sûr dont la porte est
toujours ouverte, hôte discret, et, en cas
de besoin, assistance toute dévouée ».
 
La ''Mirlitantouille'' était une de ces maisons
de correspondance, asile, bureau de
poste pour les royalistes, centre d’opérations
militaires, hôpital pour les blessés,
et, en la mettant en relief, et avec elle, les
centaines d’autres dont elle est le type,
{{M.|{{Corr|Lenôtre|Lenotre}}}} éclaire tout un côté de l’organieation
de la chouannerie.
 
En cette fin de 1794, la ''Mirlitantouille''
est, sur la pente du Mené, non loin de
Moncontour, un « hameau de deux maisons
situées à trois cents pas de la crête
de la colline ; de ces deux maisons, l’une
est abandonnée dans l’autre, la fille Plé
et son père tiennent cabaret. La ''Mirlitantouille''
est au carrefour de quatre chemins :
celui de Moncontour celui de Ploeuc, par
Plémy, conduisent à la forêt de Lorges ;
celui de Collinée et celui de Loudéac. De
la lande immense qui commence à cet endroit
et qui monte aux crêtes de Mené, la
vue s’étend sur les deux versants de la
montagne : au Nord, vers Saint-Brieuc,
c’est la région de Moncontour, bien cultivée,
couverte de vergers et de prairies
au Sud, vers le Morbihan, pas un hameau,
pas une maison n’apparaissent, rien que
des bois et des landes ; à l’horizon, une
longue ligne sombre d’épaisses forêts. Tracé
parmi les ajoncs et les genêts d’or, les
bruyères rousses et les robustes blocs de
granit, qui, çà et là, percent le sol, le chemin
des Chouans gagne les sommets du
Mené, le Bel-Air, puis la Butte-à-l’Anguille… »
 
C’est le cadre et c’est l’image de cette
guerre dont {{M.|{{Corr|Lenôtre|Lenotre}}}} raconte cent épisodes,
et c’est souvent dans les environs de
cette ''Mirlitantouille'', dans cette lande qui
domine le pays et où « les surprises sont
impossibles et les dispersions aisées », où
« un homme couché dans les ajoncs est
invisible à cinq pas », que se font les rassemblements
de chouans, que se préparent
les coups de mains, que passent ou se
cachent les personnages de la chouannerie
bretonne, depuis l’entreprenant et l’intrigant
comte de Puisaye et le non moins
intrigant Cormatin, jusqu’aux vrais soldats
et aux vrais chefs, un Boishardy, un
Tinténiac, jusqu’aux humbles, comme le
marin Mathurin Dufour.
 
Ces épisodes se suivent de 1794 à 1799.
{{M.|{{Corr|Lenôtre|Lenotre}}}} les a répartis en trois groupes,
qui correspondent à peu près à trois âges
de la chouannerie bretonne. Le premier de
ces groupes a pour centre une attachante
figure, Boishardy, un ancien lieutenant de
La Rouerie.
 
Pendant que Puisaye travaille à mobiliser
les « assignats royaux » contre les
assignats de la nation. Boishardy, jeune,
brave, aimé des paysans, fait aux bleus
une guérilla chevaleresque autant qu’heureuse.
Le jour où il prend la ville de
Jugon, il signe un passeport à un bouvier
qui conduit des bestiaux à Lorient pour le
ravitaillement, de l’armée « Va-t’en, lui
dit-il, je ne veux pas des bœufs destinés
à ces pauvres bougres de républicains qui
Crèvent de faim. »
 
Quand il ne se bat pas, à la tête de ses
chouans, contre un détachement de grenadiers,
Boishardy est au château de la
Ville-Louet, où fleurit, entre lui et la toute
jeune Joséphine de Kercadio, la plus
fraîche des idylles. Il pêche tranquillement
à la ligne, tandis qu’un bataillon
tout entier est à ses trousse. N’est-il pas
gardé par ses chouans, gardé par tous les
gens du pays ?
 
C’est qu’en réalité ce n’est pas la République
qui commande alors en cette Bretagne
où « chaque champ est une forteresse,
chaque arbre masque un piège » ;
c’est la chouannerie, c’est Boishardy et les
autres chefs qui lui ressemblent et qui se
tiennent en une étroite correspondance.
« Il faut se résigner à l’évidence, dit
{{M.|{{Corr|Lenôtre|Lenotre}}}} ; en cet automne de 1794 les
royalistes sont maîtres de la Bretagne,
d’autant plus redoutables qu’on ne peut
les atteindre. »
 
Hoche, qui est là depuis la fin d’août et
qui a fait, à la tête d’un petit corps de
troupes une tournée jusqu’au fond du
Morbihan, écrit « Nous voyons à chaque
instant les sentinelles des brigands ; marchons-nous
dessus, tout disparaît ; il ne
reste aucun vestige… On dirait qu’ils ont
des télégraphes. »
 
La chouannerie est donc, en fait, victorieuse.
Paris en est effrayé ; la Convention
décide « la paix à tout prix » et vote,
le 17 octobre, une « loi de pardon et d’humanité ».
 
Un jour d’hiver, le sous-officier Poussepain
monta les pentes du Mené et déposa
à la Mirlitantouille une lettre du général
Humbert à Boishardy. Une entrevue eut
lieu dans la lande entre les deux chefs.
Ils soupèrent ensemble à Plémy, en camarades,
et le lendemain sept chouans vinrent
à Moncontour apporter au général un
compliment de Boishardy et se chauffèrent
au corps de garde avec les grenadiers.
 
Bleus et chouans fraternisaient. Hoche
embrassait Boishardy. Dans le vestibule
du manoir de Boishardy, les chapeaux à
plumes tricolores étaient accrochés pêle-mêle
avec les feutres à panaches blancs,
et les chouans présentaient l’arme au général
Humbert quand il sortait sur le pas
la porte pour fumer sa pipe.
 
Le 20 avril 1795, le traité de la Mabilais
ne fut pourtant signé, après de tumultueuses
conférences, que par un petit
nombre de chefs royalistes. Boishardy
était de ceux-là : il était de ceux qui
croyaient à la bonne foi de l’adversaire, et
qui, d’autre part, répugnaient à voir l’Anglais
s’ingérer dans le mouvement royaliste.
Il ne dut point lui coûter d’écrire
à « Messieurs les officiers anglais », pour
les aviser que, « entrés en pourparlers
avec la République, les Bretons ne pouvaient
plus accepter désormais de secours
de l’Angleterre ».
 
Le traité de la Mabilais garantissait aux
royalistes la liberté, du culte et l’amnistie.
Or, huit jours après, le 1{{er}} mai, la Convention
votait une loi punissant de mort
tout prêtre réfractaire surpris sur le territoire
de la République ; les représentants
du peuple ordonnaient l’arrestation de
tous les individus connus pour avoir occupé
un grade dans la chouannerie, et, le
1{{er}} juin, Hoche lui-même — le pacificateur
— lançait sa fameuse proclamation :
« Braves camarades, votre courage n’est
plus enchaîné… »
 
La guerre était reprise. Mais les paysans
étaient lassés par cette paix fallacieuse
et ses illusions. Traqué par les bataillons
du général Crublier et trahi par
un homme du pays, Boishardy fut tué,
près du moulin du Rainon, le matin qui
devait être celui de son mariage avec Joséphine
de Kercadio.
 
Le lieutenant Pierre Duviquel, qui, de
la 184{{e}} demi-brigade passe aux chouans,
par dégoût de commander à des hommes
indisciplinés, mal nourris, raisonneurs, découragés,
et de ne jamais se battre contre
les ennemis du dehors, est l’homme d’une
autre chouannerie.
 
« La paix, pour le paysan breton, c’était
le retour à l’ancien ordre, les églises rouvertes,
les bons prêtres officiant. Rien de
tout cela ne se réalisait, c’était donc que
la guerre durait toujours. » Mais la forme
s’en était modifiée, comme s’était altéré le
feu sacré du début. Maintenant, la chouannerie,
c’étaient moins des combats que des
représailles. Ceux qui condamnaient des
chouans ou qui les dénonçaient étaient à
leur tour condamnés et exécutés par
d’autres chouans. On attaquait les diligences,
pour y prendre l’argent de la République ;
on allait le prendre aussi dans les
caisses des percepteurs des contributions.
La Mirlitantouille, avec son air innocent,
était encore un lieu où les courriers des
chouans déposaient leurs dépêches, où venaient
s’arrêter « pour souffler et casser la
croûte, un bûcheron, un sabotier, un mendiant,
fatigués de la traversée de la lande
et où ils étaient sûrs de trouver, outre de
bons avis sur les mouvements des troupes,
des armes, des munitions, des déguisements
au besoin ».
 
De part et d’autre, en effet, la guerre se
faisait souvent alors sous des déguisements.
{{M.|{{Corr|Lenôtre|Lenotre}}}} donne sur la question
des faux chouans des précisions qui paraissent
décisives. « L’initiative en vient
bien probablement, dit-il, du général Rey,
qui, dès 1794, habillait du costume chouan
un détachement de ses grenadiers pour
explorer le littoral. Le Comité de Salut
public, jugeant l’idée heureuse, arrêtait
l’année suivante (le 18 fructidor an II) en
créant, les colonnes mobiles, « qu’il serait
fourni à chacun des hommes de ces compagnies
un habillement complet tel que le
portent les habitants des campagnes où la
compagnie doit agir ». C’est l’institution
officielle des faux chouans ». Hoche ne
répugna pas à en faire usage : « Tâchez
de prendre Charette, écrivait-il à son chef
d’état-major Grigny. Faites déguiser quelques
hussards et volontaires en paysans
munis de cocardes blanches. »
 
Après qu’il a montré aux prises les faux
chouans et les faux bleus, et en même
temps qu’il raconte cet extraordinaire
coup de main des chouans, qui, venus
jusque du Morbihan sous les ordres de
Mercier la Vendée ou rassemblés de divers
coins du Penthièvre, prirent la ville de
Saint-Brieuc pendant la nuit du 4 brumaire
(26 octobre 1799) et délivrèrent les
prisonniers enfermés dans la prison, en
même temps aussi qu’il fait apercevoir,
entre vingt autres figures, toutes caractéristiques,
telles que celles de Le Grix,
Duval, Saint-Rigent, Tinténiac, la noble
figure de Georges Cadoudal, {{M.|{{Corr|Lenôtre|Lenotre}}}}
jette quelque clarté sur l’affaire de Quiberon.
Par quelle machination ou par
quelle trahison Tinténiac et Cadoudal
furent-ils, avec leurs quatre ou cinq mille
hommes, attirés loin de la côte, sous prétexte
de prétendus « ordres du roi », alors
qu’ils devaient aller, qu’ils voulaient aller
et qu’ils allaient se porter sur les derrières
de l’armée de Hoche, pour l’attaquer au
moment où les royalistes débarqués l’attaqueraient
de front ?
 
{{M.|{{Corr|Lenôtre|Lenotre}}}} s’attache à suivre, après la
chouannerie, ceux de ses héros qui y survécurent ;
il aurait voulu voir aussi la
vieillesse des simples chouans, de « ces
paysans qui se trouvèrent jetés dans la
tempête de l’histoire ». « Ces hommes,
dit-il, pour la plupart, étaient de grands
enfants heureux d’avoir joué de bons tours
à la Révolution. Il faut ajouter qu’ils
étaient de solides chrétiens qui voulaient
leurs églises et leurs prêtres. La tempête
passée, ils redevinrent ce qu’ils étaient,
des paysans, ou plutôt ils n’avaient jamais
jamais cessé de l’être.
 
Des paysans pleins de force et de vie.
« Quand ceux qui n’avrrent pas vécu au
temps des luttes civiles, interrogeaient
Dufour sur les exploits de sa jeunesse, il
satisfaisait volontiers leur curiosité, et,
invariablement, terminait son récit par
ces mots « Ah c’était le bon temps alors,
on vivait. »
 
{{M.|Lenotre}} le constate nettement dans
ce livre où l’érudition est aussi aimable
que profonde, où des mémoires et des
archives du ministère de la Guerre sortent,
avec des trouvailles historiques, des
drames et des idylles : la chouannerie est
née d’un « immense malentendu ». « La
Révolution, convaincue qu’elle apportait
l’âge d’or avec les idées nouvelles, se
heurta à la ténacité d’un peuple instinctivement
convaincu, comme l’a écrit un
sage, « qu’il ne peut y avoir de bon temps
à venir que celui qui ressemblera au bon
temps passé ».
 
Ce ne furent point des traités trompeurs,
ce fut la présence de l’étranger qui
fît la réconciliation. Quand les Prussiens
vinrent occuper la rive droite de la Loire,
l’Ille-et-Vilaine, une partie du Morbihan
et des Côtes-du-Nord, « les vieux compagnons
de La Rouerie et les vieux soldats
de la République, les nobles spoliés par la
Révolution et les jacobins retardataires »
se retrouvèrent frères devant les soudards
d’outre-Rhin.
 
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{{droite|{{sc|Charles Baussan.}}|4}}
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