« La Terre (Émile Zola) » : différence entre les versions

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=== Table des matières ===
Émile Zola
LA TERRE
(1887)
 
Table des matières
 
Première partie 4
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À propos de cette édition électronique 609
 
=== Première partie ===
 
Chapitre I
Jean, ce matin-là, un semoir de toile bleue noué sur le ventre, en tenait la poche ouverte de la main gauche, et de la droite, tous les trois pas, il y prenait une poignée de blé, que d’un geste, à la volée, il jetait. Ses gros souliers trouaient et emportaient la terre grasse, dans le balancement cadencé de son corps ; tandis que, à chaque jet au milieu de la semence blonde toujours volante, on voyait luire les deux galons rouges d’une veste d’ordonnance, qu’il achevait d’user. Seul, en avant, il marchait, l’air grandi ; et, derrière, pour enfouir le grain, une herse roulait lentement, attelée de deux chevaux, qu’un charretier poussait à longs coups de fouet réguliers, claquant au-dessus de leurs oreilles.
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Là-bas, la ferme de la Borderie disparaissait, renflant à peine d’une légère bosse la nappe blanche ; et, dès que Jean se fut engagé dans le sentier de traverse, il se rappela le champ qu’il avait ensemencé à cette place, quelques jours plus tôt : il regarda vers la gauche, il le reconnut, sous le suaire qui le couvrait. La couche était mince, d’une légèreté et d’une pureté d’hermine, dessinant les arêtes des sillons, laissant deviner les membres engourdis de la terre. Comme les semences devaient dormir ! quel bon repos dans ces flancs glacés, jusqu’au tiède matin, où le soleil du printemps les réveillerait à la vie !
 
=== Deuxième partie ===
 
Chapitre I
Il était quatre heures, le jour se levait à peine, un jour rose des premiers matins de mai. Sous le ciel pâlissant, les bâtiments de la Borderie sommeillaient encore, à demi sombres, trois longs bâtiments aux trois bords de la vaste cour carrée, la bergerie au fond, les granges à droite, la vacherie, l’écurie et la maison d’habitation à gauche. Fermant le quatrième côté, la porte charretière était close, verrouillée d’une barre de fer. Et, sur la fosse à fumier, seul un grand coq jaune sonnait le réveil, de sa note éclatante de clairon. Un second coq répondit, puis un troisième. L’appel se répéta, s’éloigna de ferme en ferme, d’un bout à l’autre de la Beauce.
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– Au revoir, Françoise.
 
=== Troisième partie ===
 
Chapitre I
Enfin, Buteau la tenait donc, sa part, cette terre si ardemment convoitée, qu’il avait refusée pendant plus de deux ans et demi, dans une rage faite de désir, de rancune et d’obstination ! Lui-même ne savait plus pourquoi il s’était ainsi entêté, brûlant au fond de signer l’acte, craignant d’être dupe, ne pouvant se consoler de n’avoir pas tout l’héritage, les dix-neuf arpents, aujourd’hui mutilés et épars. Depuis qu’il avait accepté, c’était une grande passion satisfaite, la joie brutale de la possession ; et une chose la doublait, cette joie, l’idée que sa sœur et son frère étaient volés, que son lot valait davantage, à présent que le nouveau chemin bordait sa pièce. Il ne les rencontrait plus, sans ricaner, en malin, disant avec des clins d’yeux :
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Mais il y eut une rencontre. Les oies de la Trouille, qu’elle rentrait, se trouvèrent, à l’angle d’un carrefour, en face des oies du père Saucisse, qui redescendaient toutes seules au village. Les deux jars, en tête, s’arrêtèrent brusquement, hanchant sur une patte, leurs grands becs jaunes tournés l’un vers l’autre ; et les becs de chaque bande, tous à la fois, suivirent le bec de leur chef, tandis que les corps hanchaient du même côté. Un instant, l’immobilité fut complète, on eût dit une reconnaissance en armes, deux patrouilles échangeant le mot d’ordre. Puis, l’œil rond et satisfait, l’un des jars continua tout droit, l’autre jars prit à gauche ; tandis que chaque troupe filait derrière le sien, allant à ses affaires, d’un déhanchement uniforme.
 
=== Quatrième partie ===
 
Chapitre I
Depuis le mois de mai, après la tonte et la vente des élèves, le berger Soulas avait sorti les moutons de la Borderie, près de quatre cents bêtes qu’il conduisait seul, avec le petit porcher Auguste et ses deux chiens, Empereur et Massacre, des bêtes terribles. Jusqu’en août, le troupeau mangeait dans les jachères, dans les trèfles et les luzernes, ou encore dans les friches, le long des routes ; et il y avait à peine trois semaines, au lendemain de la moisson, qu’il le parquait enfin dans les chaumes, sous les derniers soleils brûlants de septembre.
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Alors, Jean, prenant Françoise entre ses bras, la baisa doucement, comme pour dire qu’on allait tout de même être heureux.
 
=== Cinquième partie ===
 
Chapitre I
Avant les labours d’hiver, la Beauce, à perte de vue, se couvrait de fumier, sous les ciels pâlis de septembre. Du matin au soir, un charriage lent s’en allait par les chemins de campagne, des charrettes débordantes de vieille paille consommée, qui fumaient, d’une grosse vapeur, comme si elles eussent porté de la chaleur à la terre. Partout, les pièces se bossuaient de petits tas, la mer houleuse et montante des litières d’étable et d’écurie ; tandis que, dans certains champs, on venait d’étendre les tas, dont le flot répandu ombrait au loin le sol d’une salissure noirâtre. C’était la poussée du printemps futur qui coulait avec cette fermentation des purins ; la matière décomposée retournait à la matrice commune, la mort allait refaire de la vie ; et, d’un bout à l’autre de la plaine immense, une odeur montait, l’odeur puissante de ces fientes, nourrices du pain des hommes.