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ne les avait pas abusés ! Il fallait voir, allant de l’un chez l’autre,
ne les avait pas abusés ! Il fallait voir, allant de l’un chez l’autre, les anciens dignitaires de l’empire pour se féliciter du succès d’une entreprise dont ils avaient la confidence, et que rien désormais ne pouvait empêcher de réussir ! C’était un mouvement, une activité dont on n’a pas une idée !
les anciens dignitaires de l’empire pour se féliciter du succès
d’une entreprise dont ils avaient la confidence, et que rien désormais ne pouvait empêcher de réussir ! C’était un mouvement,
une activité dont on n’a pas une idée !


Ce fut ce jour-là que nous vîmes reparaître les singuliers uniformes que les émigrés rentrés en 1814 avaient fait faire pour se montrer aux Tuileries, à l’heure de la messe. Je n’oublierai jamais un ancien major de Champagne-infanterie, et un ci-devant mousquetaire gris de Louis{{lié}}{{rom-maj|xv|15}}, qui nous donnèrent la comédie dans le salon de la Paix, où l’un étalait son long et vaste habit blanc à revers bleu de ciel, et l’autre sa veste courte de drap écarlate, cuirassée d’un spincer de drap gris à croix noire. Chacun de ces défenseurs de la monarchie menacée était plus que septuagénaire. La traînante rapière du fantassin qui avait appris en Angleterre à suspendre son épée à deux tresses de soie ; le petit chapeau à la Saxe galonné d’or, la perruque à la brigadière, les jambes de vanneau dans les bottes hautes, larges et pointues, qui montaient jusqu’aux rotules saillantes du cavalier de Fontenoy, excitèrent le rire des spectateurs. Ils étaient pourtant bien affligés ces deux vieillards ! Le mousquetaire qui avait bercé à Versailles toute cette famille, que l’exil allait revoir peut-être pour la seconde fois, pleurait de grosses larmes, des larmes de regret véritable ; car il n’avait rien gagné à la restauration que le droit de porter son antique uniforme, et une cocarde de ruban blanc qu’il avait faite d’autant plus énorme ce jour-là, que le péril lui paraissait plus grand ! Il n’avait eu pension, ni dignité, ni croix de Saint-Louis ; tout ce qu’il avait obtenu, le vieux soldat de Richelieu qui avait pris part à cette belle charge de la maison du roi contre les escadrons anglais, c’était un brevet du lis ! Il nous dit cela en essuyant ses yeux avec le revers de sa main sèche, qu’il n’avait même pu ganter ; il nous le dit sans amertume, sans adresser un seul reproche au roi : bien différent en cela de tant de gens qui se réjouissaient aux Tuileries même de la catastrophe prochaine, parce qu’elle allait renverser un pouvoir qu’on avait, disaient-ils, vu avare à l’égard des émigrés et des
Ce fut ce jour-là que nous vîmes reparaître les singuliers uni
formes que les émigrés rentrés en 1814 avaient fait faire pour se
montrer aux Tuileries, à l’heure de la messe. Je n’oublierai jamais
un ancien major de Champagne-infanterie, et un ci-devant mousquetaire gris de Louis XV, qui nous donnèrent la comédie dans
le salon de la Paix, où l’un étalait son long et vaste habit
blanc à revers bleu de ciel, et l’autre sa veste courte de drap
écarlate, cuirassée d’un spincer de drap gris à croix noire. Chacun
de ces défenseurs de la monarchie menacée était plus que septuagénaire. La traînante rapière du fantassin qui avait appris en
Angleterre à suspendre son épée à deux tresses de soie ; le petit
chapeau à la Saxe galonné d’or, la perruque à la brigadière, les
jambes de vanneau dans les bottes hautes, larges et pointues, qui
montaient jusqu’aux rotules saillantes du cavalier de Fontenoy,
excitèrent le rire des spectateurs. Ils étaient pourtant bien affligés
ces deux vieillards ! Le mousquetaire qui avait bercé à Versailles
toute cette famille, que l’exil allait revoir peut-être pour la seconde fois, pleurait de grosses larmes, des larmes de regret
véritable ; car il n’avait rien gagné à la restauration que le droit
de porter son antique uniforme, et une cocarde de ruban blanc
qu’il avait faite d’autant plus énorme ce jour-là, que le péril lui
paraissait plus grand ! Il n’avait eu pension, ni dignité, ni croix
de Saint-Louis ; tout ce qu’il avait obtenu, le vieux soldat de Richelieu qui avait pris part à cette belle charge de la maison du
roi contre les escadrons anglais, c’était un brevet du lis ! Il nous
dit cela en essuyant ses yeux avec le revers de sa main sèche,
qu’il n’avait même pu ganter ; il nous le dit sans amertume, sans
adresser un seul reproche au roi : bien différent en cela de
tant de gens qui se réjouissaient aux Tuileries même de la catastrophe prochaine, parce qu’elle allait renverser un pouvoir
qu’on avait, disaient-ils, vu avare à l’égard des émigrés et des