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{{tiret2|mou|vemens}} obscurs de l’ame et d’harmonies éparses dans la nature. La misanthropie et l’orgueil qui venaient à la traverse, les perpétuelles discussions qui entrecoupent ses rêveries, le recours aux hypothèses hasardées, et, pour parler juste, un génie politique et logique, qui ne se pouvait contraindre, firent de lui autre chose qu’un poète qui charme, inonde et apaise. Et puis c’était de la prose ; or, la prose si belle, si grave, si rhythmique qu’on la fasse (et quelle prose que celle de Jean-Jacques !), n’est jamais un chant. À Rousseau, par une filiation plus ou moins soutenue, mais étroite et certaine à l’origine, se rattachent Bernardin de Saint-Pierre, madame de Staël et {{M.|de}} Chateaubriand. Tous les trois se prirent de préférence au côté spiritualiste, rêveur, enthousiaste, de leur auteur, et le fécondèrent selon leur propre génie. Madame de Staël se lança dans une philosophie vague sans doute et qui, après quelque velléité de stoïcisme, devint bientôt abandonnée, sentimentale, mais resta toujours adoratrice et bienveillante. Bernardin de Saint-Pierre répandit sur tous ses écrits la teinte évangélique du Vicaire savoyard. {{M.|de}} Chateaubriand, sorti d’une première incertitude, remonta jusqu’aux autels catholiques dont il fêta la dédicace nouvelle. Ces deux derniers, qui, sous l’appareil de la philanthropie ou de l’orthodoxie, cachaient mal un fond de tristesse chagrine et de personnalité assez amère, dont il n’y a pas trace chez leur rivale expansive, avaient le mérite de sentir, de peindre, bien autrement qu’elle, cette nature solitaire qui, tant de fois, les avait consolés des hommes ; ils étaient vraiment religieux par là, tandis qu’Elle, elle était plutôt religieuse en vertu de ses sympathies humaines. Chez tous les trois, ce développement plein de grandeur auquel, dans l’espace de vingt années, on dut les ''Études'' et les ''Harmonies de la Nature, Delphine'' et ''Corinne'', le ''Génie du Christianisme'' et les ''Martyrs'', s’accomplissait au moyen d’une prose riche, épanouie, cadencée, souvent métaphysique chez madame de Staël, purement poétique dans les deux autres, et d’autant plus désespérante, en somme, qu’elle n’avait pour pendant et vis-à-vis que les jolis miracles de la versification delilienne. Mais Lamartine était né.
mouvemens obscurs de l’ame et d’harmonies éparses dans la nature.
La misanthropie et l’orgueil qui venaient à la traverse, les perpétuelles discussions qui entrecoupent ses rêveries, le recours aux
hypothèses hasardées, et, pour parler juste, un génie politique
et logique, qui ne se pouvait contraindre, firent de lui autre
chose qu’un poète qui charme, monde et apaise. Et puis c’était
de la prose ; or, la prose si belle, si grave, si rhythmique qu’on
la fasse (et quelle prose que celle de Jean-Jacques !), n’est jamais
un chant. A Rousseau, par une filiation plus ou moins soutenue,
mais étroite et certaine à l’origine, se rattachent Bernardin de
Saint-Pierre, madame de Staël et M. de Chateaubriand. Tous
les trois se prirent de préférence au côté spiritualiste, rêveur,
enthousiaste, de leur auteur, et le fécondèrent selon leur propre
génie. Madame de Staël se lança dans une philosophie vague sans
doute et qui, après quelque velléité de stoïcisme, devint bientôt
abandonnée, sentimentale, mais resta toujours adoratrice et bienveillante. Bernardin de Saint-Pierre répandit sur tous ses écrits
la teinte évangélique du Vicaire savoyard. M. de Chateaubriand,
sorti d’une première incertitude, remonta jusqu’aux autels catholiques dont il fêta la dédicace nouvelle. Ces deux derniers,
qui, sous l’appareil de la philanthropie ou de l’orthodoxie,
cachaient mal un fond de tristesse chagrine et de personnalité
assez amère, dont il n’y a pas trace chez leur rivale expansive,
avaient le mérite de sentir, de peindre, bien autrement qu’elle,
cette nature solitaire qui, tant de fois, les avait consolés des
hommes ; ils étaient vraiment religieux par là, tandis qu’Elle, elle
était plutôt religieuse en vertu de ses sympathies humaines. Chez
tous les trois, ce développement plein de grandeur auquel, dans
l’espace de vingt années, on dut les ''Etudes'' et les ''Harmonies de la Nature, Delphine'' et ''Corinne, le Génie du Christianisme'' et les ''Martyrs'', s’accomplissait au moyen d’une prose riche, épanouie,
cadencée, souvent métaphysique chez madame de Staël, purement poétique dans les deux autres, et d’autant plus désespérante, en somme, qu’elle n’avait pour pendant et vis-à-vis que les jolis miracles de la versification delilienne. Mais Lamartine était né.


Ce n’est plus de Jean-Jacques qu’émane directement
Ce n’est plus de Jean-Jacques qu’émane directement {{tiret|Lamar|tine ;}}