« Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/746 » : différence entre les versions
Pywikibot touch edit |
|||
État de la page (Qualité des pages) | État de la page (Qualité des pages) | ||
- | + | Page validée | |
En-tête (noinclude) : | En-tête (noinclude) : | ||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
{{nr|736|REVUE DES DEUX MONDES.|}} |
|||
Contenu (par transclusion) : | Contenu (par transclusion) : | ||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
comme c’est le public qui propose lui-même les rimes, les mots et les refrains, il s’est vraiment bien vengé de la tragédie qu’on lui avait improvisée, et {{M.|Eugène}} de Pradel ayant adouci son regard, peigné ses cheveux et remis sa cravate, a complètement repris son rôle d’homme de tact et d’esprit, car c’était alors parmi les spectateurs à qui lui jetterait le défi le plus absurde, et lui, parait toutes ces bottes brutales avec une grâce, une mesure et une habileté parfaites. |
|||
comme c’est le public qui propose lui-même les rimes, les mots et les |
|||
refrains, il s’est vraiment bien vengé de la tragédie qu’on lui avait improvisée, |
|||
et M. Eugène de Pradel ayant adouci son regard, peigné ses |
|||
cheveux et remis sa cravate, a complètement repris son rôle d’homme |
|||
de tact et d’esprit, car c’était alors parmi les spectateurs à qui lui jetterait |
|||
le défi le plus absurde, et lui, parait toutes ces bottes brutales avec |
|||
une grâce, une mesure et une habileté parfaites. |
|||
Il y eut cependant un gant qu’un décoré de juillet ne put parvenir jamais à lui faire même ramasser. Les deux mots que ce provocateur obstiné lançait incessamment à la tête de l’improvisateur, étaient ceux-ci : ''Liberté, poire''. C’était son bout-rimé fixe, bout-rimé perfide et périlleux dans lequel il voulait empêtrer le pauvre poète ; car, comme la poire ne peut manger la liberté, pour remplir le bout-rimé du décoré de juillet, il eût fallu nécessairement que ce fût la liberté qui mangeât la poire, et il en serait résulté un bout-rimé républicain, séditieux, révolutionnaire, anarchique ; un bout-rimé justiciable de la cour d’assises. {{M.|Eugène}} de Pradel ne mordit nullement à cette poire. |
|||
Il y eut cependant un gant qu’un décoré de juillet ne put parvenir jamais |
|||
à lui faire même ramasser. Les deux mots que ce provocateur obstiné |
|||
lançait incessamment à la tête de l’improvisateur, étaient ceux-ci : |
|||
''Liberté, poire''. C’était son bout-rimé fixe, bout-rimé perfide et périlleux |
|||
dans lequel il voulait empêtrer le pauvre poète ; car, comme la poire |
|||
ne peut manger la liberté, pour remplir le bout-rimé du décoré de juillet, |
|||
il eût fallu nécessairement que ce fût la liberté qui mangeât la poire, et |
|||
il en serait résulté un bout-rimé républicain, séditieux, révolutionnaire, |
|||
anarchique ; un bout-rimé justiciable de la cour d’assises. M. Eugène de |
|||
Pradel ne mordit nullement à cette poire. |
|||
Je ne sais si {{M.|Viennet}} improvise ses ''{{corr|épitres|épîtres}}'', mais au moins elles ne lui coûtent guère ; car il ne nous en fait pas chommer. Le ''Constitutionnel'' a-t-il mis sous la remise quelque lieu-commun bien usé, qui a roulé tout un mois dans ses colonnes ; vite arrive {{M.|Viennet}}, qui reprend la vieillerie en sous-œuvre, l’affuble de pauvres rimes et la transforme en {{corr|épitre|épître}}. |
|||
Je ne sais si M. Viennet improvise ses ''épitres'', mais au moins elles ne |
|||
lui coûtent guère ; car il ne nous en fait pas chommer. Le ''Constitutionnel'' |
|||
a-t-il mis sous la remise quelque lieu-commun bien usé, qui a roulé tout |
|||
un mois dans ses colonnes ; vite arrive M. Viennet, qui reprend la |
|||
vieillerie en sous-œuvre, l’affuble de pauvres rimes et la transforme en |
|||
épitre. |
|||
À qui {{M.|Viennet}} n’a-t-il point adressé d’{{corr|épitres|épîtres}}, je vous le demande ? C’est tantôt à des chiffonniers qu’il écrit, tantôt à des mules, tantôt à {{M.|Thiers}}. Aujourd’hui, c’est à un poète carliste qui avait engagé le poète philippiste à plaider en vers la cause de Henri{{lié}}{{rom-maj|v|5}}. |
|||
À qui M. Viennet n’a-t-il point adressé d’épitres, je vous le demande ? |
|||
C’est tantôt à des chiffonniers qu’il écrit, tantôt à des mules, tantôt à |
|||
M. Thiers. Aujourd’hui, c’est à un poète carliste qui avait engagé le |
|||
poète philippiste à plaider en vers la cause de Henri V. |
|||
Cette seule requête me donne une haute idée de ce poète carliste. Homme plein de sens et de logique, il se sera dit : Si nous n’avons pu gagner encore le procès de la légitimité, c’est que {{M.|de}} Châteaubriand et consorts ne l’ont jusqu’ici su plaider qu’en prose. Mais que {{M.|Viennet}} le plaide en vers, et voilà notre Henri{{lié}}{{rom-maj|v|5}} restauré. Le succès de ce moyen de contre-révolution était infaillible, si {{M.|Viennet}} n’eût pas été ce qu’il est, c’est-à-dire la finesse même. Or, voici le malin tour qu’a joué à notre poète carliste le spirituel auteur de la ''Philippide''. Au lieu de plaider en vers pour Henri{{lié}}{{rom-maj|v|5}}, il a plaidé en vers contre lui. Et c’est pourquoi, grâce aux vers de {{M.|Viennet}}, l’enfant d’Holy-Rood est définitivement exilé de la France et du trône, et la révolution de juillet maintenue. |
|||
Cette seule requête me donne une haute idée de ce poète carliste. |
|||
Homme plein de sens et de logique, il se sera dit : Si nous n’avons pu |
|||
gagner encore le procès de la légitimité, c’est que M. de Châteaubriand |
|||
et consorts ne l’ont jusqu’ici su plaider qu’en prose. Mais que M. Viennet |
|||
le plaide en vers, et voilà notre Henri V restauré. Le succès de ce moyen |
|||
de contre-révolution était infaillible, si M. Viennet n’eût pas été ce qu’il |
|||
est, c’est-à-dire la finesse même. Or, voici le malin tour qu’a joué à |
|||
notre poète carliste le spirituel auteur de la ''Philippide''. Au lieu de |
|||
plaider en vers pour Henri V, il a plaidé eu vers contre lui. Et c’est |
|||
pourquoi, grâce aux vers de M. Viennet, l’enfant d’Holy-Rood est définitivement |
|||
exilé de la France et du trône, et la révolution de juillet |
|||
maintenue. |
|||
Oh ! M. |
Oh ! {{M.|Viennet}} est un excellent avocat ; c’est un avocat qui a bec et ongles. Il nous a défendus énergiquement, nous et nos libertés. {{M.|Viennet}} n’entend pas que l’on nous retire cette parfaite égalité dont nous jouissons. Elle est dans notre sang, s’écrie-t-il : |
||
ongles. Il nous a défendus énergiquement, nous et nos libertés. M. Viennet |
|||
n’entend pas que l’on nous retire cette parfiiite égalité dont nous |
|||
jouissons. Elle est dans notre sang, s’écrie-t-il : |
|||
<poem> |
{{Citation|<poem>::::::::::::Et, pour en triompher, |
||
C’est trop peu de nous vaincre, il faut nous étouffer.</poem> |
C’est trop peu de nous vaincre, il faut nous étouffer.</poem>|gauche}} |
||
Bravo ! c’est cela. Les mortels sont égaux. Nous sommes égaux. La |
Bravo ! c’est cela. Les mortels sont égaux. Nous sommes égaux. La charte, Voltaire et {{M.|Viennet}} l’ont dit. Nous serons égaux ou l’on nous étouffera. |
||
charte, Voltaire et M. Viennet l’ont dit. Nous serons égaux ou l’on nous |
|||
⚫ | |||
étouffera. |
|||
⚫ | |||
s’il embrasse l’égalité jusqu’à étouffement, ne croyez pas, pour cela. |