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qu’il cherche, afin de donner du relief à sa prose et c’est surtout au poète
qu’il cherche, afin de donner du relief à sa prose et c’est surtout au poète
lui-même qu’il les emprunte, pour être plus sûr de leur qualité Une
lui-même qu’il les emprunte, pour être plus sûr de leur qualité. Une
préoccupation analogue lui a fait rehausser ses personnages : il insiste
préoccupation analogue lui a fait rehausser ses personnages : il insiste
sur les brillantes alliances de la famille Ronsart, d’après un généalogiste
sur les brillantes alliances de la famille Ronsart, d’après un généalogiste
qui semble peu digne de foi, sur la noblesse de Carnavalet, de Du Bellay,
qui semble peu digne de foi, sur la noblesse de Carnavalet, de Du Bellay,
de Saint-Gelais, d’Hélène de Surgères, même de Jacques Desguez, le
de Saint-Gelais, d’Hélène de Surgères, même de Jacques Desguez, le
modeste aumônier du prieuré de Saint-Cosme<ref>Voir ci après, pp. 3, lignes 25 et suiv. ; 11, l. 27 ; 15, l. 23 ; 17, l. 35 ; 26, l. 28 ; 34, l. 25 ; et le Commentaire, p. 65.</ref> ; il grandit aussi Dorat,
modeste aumônier du prieuré de Saint-Cosme<ref>Voir ci après, pp. 3, lignes 25{{lia|Discours de la Vie de P. de Ronsard, par Cl. Binet|P3_L25|pp. 3, lignes 25 et suiv.|61}} ; {{lia|Discours de la Vie de P. de Ronsard, par Cl. Binet|P11_L27|11, l. 27|69}} ; {{lia|Discours de la Vie de P. de Ronsard, par Cl. Binet|P15_L23|15, l. 23|73}} ; {{lia|Discours de la Vie de P. de Ronsard, par Cl. Binet|P17_L35|17, l. 35|75}} ; {{lia|Discours de la Vie de P. de Ronsard, par Cl. Binet|P26_L28|26, l. 28|84}} ; {{lia|Discours de la Vie de P. de Ronsard, par Cl. Binet|P34_L25|34, l. 25|92}} ; et le Commentaire, {{lia|Commentaire historique et critique|P3_L26|p. 65|122}}.</ref> ; il grandit aussi Dorat,
dont il fait un prophète, et A. de Baïf, qu’il présente comme l’inventeur
dont il fait un prophète, et A. de Baïf, qu’il présente comme l’inventeur
des vers français mesurés à l’antique<ref>Ibid., pp. 11, l. 38, et 12, l. 43. L’addition relative à Baïf lui fut peut-être suggérée par la fin d’une ode de Baïf qui sert d’épilogue à ses ''Poëmes''.</ref>. Et c’est encore en moraliste et en
des vers français mesurés à l’antique<ref>''Ibid.'', pp. {{lia|Discours de la Vie de P. de Ronsard, par Cl. Binet|P11_L38|11, l. 38|69}}, et {{lia|Discours de la Vie de P. de Ronsard, par Cl. Binet|P12_L43|12, l. 43|70}}. L’addition relative à Baïf lui fut peut-être suggérée par la fin d’une ode de Baïf qui sert d’épilogue à ses ''Poëmes''.</ref>. Et c’est encore en moraliste et en
littérateur, non en historien, que Binet commence et termine sa ''Vie de''
littérateur, non en historien, que Binet commence et termine sa ''Vie de''
''Ronsard'' ; l’exorde sentencieux et fleuri qu’il adresse à son fils, la péroraison
''Ronsard'' ; l’exorde sentencieux et fleuri qu’il adresse à son fils, la péroraison
solennelle où il apostrophe l’illustre mort comme son père adoptif,
solennelle où il apostrophe l’illustre mort comme son père adoptif,
sont très caractéristiques de sa manière, qui est d’ailleurs celle du
sont très caractéristiques de sa manière, qui est d’ailleurs celle du
temps<ref>La responsabilité en revient partiellement à Tacite, auteur de la ''Vie d’Agricola'', dont Binet a imité l’exorde et la péroraison, comme il s’est inspiré ailleurs de la ''Vie de Virgile'' de Donat.
temps<ref>La responsabilité en revient partiellement à Tacite, auteur de la ''Vie d’Agricola'', dont Binet a imité l’exorde et la péroraison, comme il s’est inspiré ailleurs de la ''Vie de Virgile'' de Donat.
<p>{{Mlle|Evers}} attribue cette addition de l’exorde à une cause toute différente. Binet, dit-elle, avait senti que l’astre de Ronsard pâlissait, que la nouvelle génération littéraire, tout en honorant la mémoire de Ronsard, ne le considérait plus que comme le plus fameux représentant d’un art suranné. « Le long préambule de la 3{{e}} édition est comme une excuse ou une justification d’appeler l’attention du public une fois de plus sur une histoire qui avait presque cessé d’avoir une signification » (''Op. cit.'', Introd., p. 25.) C’est prêter à Binet trop de clairvoyance, étant donné surtout qu’il ne vivait pas à la Cour, mais confiné dans sa fonction de magistrat provincial, et que Malherbe en 1597 ne s’était pas encore révélé comme un réformateur de la poétique ronsardienne Pour moi, si Binet s’excuse ou se justifie de rééditer la ''Vie de Ronsard'', c’est simplement parce qu’il imite Tacite, qui en avait fait autant au début du panégyrique de son beau-père.</p></ref>.
<p>{{Mlle|Evers}} attribue cette addition de l’exorde à une cause toute différente. Binet, dit-elle, avait senti que l’astre de Ronsard pâlissait, que la nouvelle génération littéraire, tout en honorant la mémoire de Ronsard, ne le considérait plus que comme le plus fameux représentant d’un art suranné. « Le long préambule de la 3{{e|e}} édition est comme une excuse ou une justification d’appeler l’attention du public une fois de plus sur une histoire qui avait presque cessé d’avoir une signification » (''Op. cit.'', Introd., p. 25.) C’est prêter à Binet trop de clairvoyance, étant donné surtout qu’il ne vivait pas à la Cour, mais confiné dans sa fonction de magistrat provincial, et que Malherbe en 1597 ne s’était pas encore révélé comme un réformateur de la poétique ronsardienne. Pour moi, si Binet s’excuse ou se justifie de rééditer la ''Vie de Ronsard'', c’est simplement parce qu’il imite Tacite, qui en avait fait autant au début du panégyrique de son beau-père.</p></ref>.


Tels furent les principaux mobiles auxquels obéit Binet en remaniant
Tels furent les principaux mobiles auxquels obéit Binet en remaniant
son texte pour une troisième édition, au lieu de critiquer les témoignages,
son texte pour une troisième édition, au lieu de critiquer les témoignages,
au lieu d’établir une bonne chronologie des pièces qu’il citait ou dont il
au lieu d’établir une bonne chronologie des pièces qu’il citait ou dont il
s’inspirait furtivement. Mais il en est d’autres moins excusables encore,
s’inspirait furtivement. Mais il en est d’autres moins excusables encore,
que va nous révéler l’étude de ses documents oraux.
que va nous révéler l’étude de ses documents oraux.
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''B''. {{sc|Documents oraux}}. — Il est à peu près certain que Binet a recueilli
''B''. {{sc|Documents oraux}}. — Il est à peu près certain que Binet a recueilli
de la bouche même de Dorat, qu’il fréquentait familièrement et qui
de la bouche même de Dorat, qu’il fréquentait familièrement et qui
mourut seulement en novembre 1588, quelques renseignements sur ses
mourut seulement en novembre 1588, quelques renseignements sur ses
plus anciennes relations avec Ronsard, d’abord au domicile de Lazare de
plus anciennes relations avec Ronsard, d’abord au domicile de Lazare de
Baïf, ensuite au collège de Coqueret. Il est probable aussi qu’Antoine de
Baïf, ensuite au collège de Coqueret. Il est probable aussi qu’Antoine de
Baïf, mort seulement en 1589, fut appelé à confirmer, ou à rectifier, ou
Baïf, mort seulement en 1589, fut appelé à confirmer, ou à rectifier, ou
à compléter les souvenirs de son vieux professeur. De qui Binet aurait-il
à compléter les souvenirs de son vieux professeur. De qui Binet aurait-il
pu tenir, sinon d’eux ou de l’un d’eux, ce qu’il avance dans ses deux
pu tenir, sinon d’eux ou de l’un d’eux, ce qu’il avance dans ses deux
premières rédactions sur la beauté physique et la conversation attrayante
premières rédactions sur la beauté physique et la conversation attrayante
de Ronsard jeune<ref name="p040" >Cf. Du Perron, ''Or. fun.'' (texte princeps) : « Car j’ay ouy raconter une infi-</ref>, sur la part qu’il prenait aux jeux du dauphin Henri,
de Ronsard jeune<ref name="p040">Cf. Du Perron, ''Or. fun.'' (texte princeps) : « Car j’ay ouy raconter une {{tiret|infi|nité}}</ref>, sur la part qu’il prenait aux jeux du dauphin Henri,