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châtiment, ''pede pœnaclaudo'', il y aurait lieu pour lui de défaillir, de se désespérer en chemin, de jeter bas le fardeau avant la première borne, comme ont fait Gilbert, Chatterton et Keats. Lors même que la critique, douée de l’enthousiasme vigilant, n’aurait d’autre effet que d’adoucir, de parer quelques-unes de ces cruelles blessures que porte au génie encore méconnu l’envie malicieuse ou la gauche pédanterie, lorsqu’elle ne ferait qu’opposer son antidote au venin des Zoïles, ou détourner sur elle une portion de la lourde artillerie des respectables ''reviewers'', c’en serait assez pour qu’elle n’eût pas perdu sa peine, et qu’elle eût hâté efficacement, selon son rôle auxiliaire, l’enfantement et la production de l’œuvre. Après cela, il y aurait du ridicule à cette bonne critique de se trop exagérer sa part dans le triomphe de ses plus chers poètes ; elle doit se bien garder de prendre les airs de la nourrice des anciennes tragédies. Diderot nous parle d’un éditeur de Montaigne, si modeste et si vaniteux à la fois, le pauvre homme, qu’il ne pouvait s’empêcher de rougir quand on prononçait devant lui le nom de l’auteur des ''Essais''. La critique ne doit pas ressembler à cet éditeur, bien qu’il y ait eu peut-être quelque mérite à elle de donner le signal et de sonner la charge dans la mêlée, il ne convient pas qu’elle en parle comme ce bedeau si fier du beau sermon ''qu’il avait sonné''. La critique en effet, cette espèce de critique surtout, ne crée rien, ne produit rien qui ne lui soit propre ; elle convie au festin, elle force d’entrer. Le jour où tout le monde contemple et goûte ce qu’elle a divulgué la première, elle n’existe plus, elle s’anéantit. Chargée de faire la leçon au public, elle est exactement dans le cas de ces bons précepteurs, dont parle Fontenelle, ''qui travaillent à se rendre inutiles'', ce que le prote hollandais ne comprenait pas.
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Toutefois, pour être juste, il reste encore à la critique, après le triomphe incontesté, universel, du génie auquel elle s’est vouée de bonne heure, et dont elle voit s’échapper de ses mains le glorieux monopole, il lui reste une tâche estimable, un souci attentif et religieux ; c’est d’embrasser toutes les
Toutefois, pour être juste, il reste encore à la critique, après le triomphe incontesté, universel, du génie auquel elle s’est vouée de bonne heure, et dont elle voit s’échapper de ses mains le glorieux monopole, il lui reste une tâche estimable, un souci attentif et religieux ; c’est d’embrasser toutes les