« Psychopathologie de la vie quotidienne » : différence entre les versions
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{{titre|Psychopathologie de la vie quotidienne|[[Sigmund Freud]]|Application de la psychanalyse à
1901<br/>
Traduit de l’allemand par le Dr. [[Serge Jankélévitch]], en 1922.}}
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2. Oubli de mots appartenant à des langues étrangères 10
3. Oubli de noms et de suites de mots 17
A. Oublis de noms ayant pour but
B. Un cas
4. Souvenirs
5. Les lapsus 57
6. Erreurs de lecture et d’écriture 114
A. Erreurs de lecture 114
B. Erreurs
7. Oubli d’impressions et de projets 142
A. Oubli
B. Oubli de projets 160
8. Méprises et maladresses 172
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== 1. Oubli de noms propres ==
Si
Ce qui
Dans
a) La raison de
b)
c)
d) Il ne
e) Le genre d’association qui
Le nom de Signorelli a été divisé en deux parties. Les deux dernières syllabes se retrouvent telles quelles dans
Il
En résumé, les conditions nécessaires pour que se produise
La valeur de la conclusion que nous a fournie
== 2. Oubli de mots appartenant à des langues étrangères ==
Le vocabulaire usuel de notre langue maternelle semble, dans les limites du fonctionnement normal de nos facultés, préservé contre l’oubli. Il en est, on le sait, autrement des mots appartenant à des langues étrangères. Dans ce dernier cas, la disposition à l’oubli existe pour toutes les parties du discours, et nous avons un premier degré de perturbation fonctionnelle dans l’irrégularité avec laquelle nous manions une langue étrangère, selon notre état général et notre degré de fatigue. Dans certains cas, l’oubli de mots étrangers obéit au mécanisme que nous avons décrit à propos du cas Signorelli. Je citerai, à l’appui de cette affirmation, une seule analyse, mais pleine de détails précieux, relative à l’oubli d’un mot non substantif, faisant partie d’une citation latine. Qu’on me permette de relater ce petit accident en détail et d’une façon concrète.
L’été dernier, j’ai renouvelé, toujours au cours d’un voyage de vacances, la connaissance d’un jeune homme de formation universitaire et qui (je ne tardai pas à m’en apercevoir) était au courant de quelques-unes de mes publications psychologiques. Notre conversation, je ne sais trop comment, tomba sur la situation sociale à laquelle nous appartenions tous deux et lui, l’ambitieux, se répandit en plaintes sur l’état d’infériorité auquel était condamnée sa génération, privée de la possibilité de développer ses talents et de satisfaire ses besoins. Il termina sa diatribe passionnée par le célèbre vers de Virgile, dans lequel la malheureuse Didon s’en remet à la postérité du soin de la venger de l’outrage que lui a infligé Énée : Exoriare..., voulait-il dire, mais ne pouvant pas reconstituer la citation, il chercha à dissimuler une lacune évidente de sa mémoire, en intervertissant l’ordre des mots : Exoriar(e) ex nostris ossibus ultor! Il me dit enfin, contrarié :
– Je vous en prie, ne prenez pas cette expression moqueuse, comme si vous trouviez plaisir à mon embarras. Venez-moi plutôt en aide. Il manque quelque chose à ce vers. Voulez-vous m’aider à le reconstituer?
– Très volontiers, répondis-je, et je citai le vers complet :
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Exoriar(e) aliquis nostris ex ossibus ultor!
– Que
– Nous allons le voir. Je vous prie seulement de me faire part loyalement et sans critique de tout ce qui vous passera par la tête, lorsque vous dirigerez votre attention, sans aucune intention définie, sur le mot oublié 1.
– Fort bien! Voilà que me vient
– Je pense, dit-il avec un sourire sarcastique, à Simon de Trente, dont j’ai, il y a deux ans, vu les reliques dans une église de Trente. Je pense aux accusations de meurtres rituels qui, en ce moment précisément, s’élèvent de nouveau contre les Juifs, et je pense aussi à l’ouvrage de Kleinpaul qui voit dans ces prétendues victimes des Juifs des incarnations, autant dire de nouvelles éditions, du Sauveur. -Cette dernière idée n’est pas tout à fait sans rapport avec le sujet dont nous nous entretenions, avant que vous ait échappé le mot latin. – C’est exact. Je pense ensuite à un article que j’ai lu récemment dans un journal italien. Je crois qu’il avait pour titre : « L’opinion de saint Augustin sur les femmes. » Quelles conclusions tirez-vous de tout cela? – J’attends. – Et maintenant me vient une idée qui, elle, est certainement sans rapport avec notre sujet. – Je vous en prie, abstenez-vous de toute critique. – Vous me l’avez déjà dit. Je me souviens d’un superbe vieillard que j’ai rencontré la semaine dernière au cours de mon voyage. Un vrai original. Il ressemble à un grand oiseau de proie. Et, si vous voulez le savoir, il s’appelle Benoît. – Voilà du moins toute une série de saints et de pères de l’Église : saint Simon, saint Augustin, saint Benoît. Un autre père de l’Église s’appelait, je crois, Origène (Origines). Trois de ces noms sont d’ailleurs des prénoms comme Paul dans Kleinpaul. – Et maintenant je pense à saint Janvier et au miracle de son sang. Mais tout cela se suit mécaniquement. – Laissez ces observations. Saint Janvier et saint Augustin font penser tous deux au calendrier. Voulez-vous bien me rappeler le miracle du sang? – Très volontiers, Dans une église de Naples, on conserve dans une fiole le sang de saint Janvier qui, grâce à un miracle, se liquéfie de nouveau tous les ans, un certain jour de fête. Le peuple tient beaucoup à ce miracle et se montre très mécontent lorsqu’il est retardé, comme ce fut une fois le cas, lors de l’occupation française. Le général commandant – n’était-ce pas Garibaldi ? – prit alors le curé à part et, lui montrant d’un geste significatif les soldats rangés dehors, lui dit qu’il espérait que le miracle ne tarderait pas à s’accomplir. Et il s’accomplit en effet. – Et ensuite? Continuez donc. Pourquoi hésitez-vous? – Je pense maintenant à quelque chose... Mais c’est une chose trop intime pour que je vous en fasse part... Je ne vois d’ailleurs aucun rapport entre cette chose et ce qui nous intéresse et, par conséquent, aucune nécessité de vous la raconter... – Pour ce qui est du rapport, ne vous en préoccupez pas. Je ne puis certes pas vous forcer à me raconter ce qui vous est désagréable; mais alors ne me demandez pas de vous expliquer comment vous en êtes venu à oublier ce mot aliquis. – Réellement? Croyez-vous? Et bien, j’ai pensé tout à coup à une dame dont je pourrais facilement recevoir une nouvelle aussi désagréable pour elle que pour moi. – La nouvelle que ses règles sont arrêtées? -Comment avez-vous pu le deviner? – Sans aucune difficulté. Vous m’y avez suffisamment préparé. Rappelez-vous tous les saints du calendrier dont vous m’avez parlé, le récit sur la liquéfaction du sang s’opérant un jour déterminé, sur l’émotion qui s’empare des assistants lorsque cette liquéfaction n’a pas lieu, sur la menace à peine déguisée que si le miracle ne s’accomplit pas, il arrivera ceci et cela... Vous vous êtes servi du miracle de saint Janvier d’une façon remarquablement allégorique, comme d’une représentation imagée de ce qui vous intéresse concernant les règles de la dame en question. – Et je l’ai fait sans le savoir. Croyez-vous vraiment que si j’ai été incapable de reproduire le mot aliquis, ce fut à cause de cette attente anxieuse? – Cela me paraît hors de doute. Rappelez-vous seulement votre décomposition du mot en a et liquis et les associations : reliques, liquidation, liquide. Dois-je encore faire rentrer dans le même ensemble le saint Simon, sacrifié alors qu’il était encore enfant et auquel vous avez pensé, après avoir parlé de reliques? – Abstenez-vous en plutôt. J’espère que si j’ai réellement eu ces idées, vous ne les prenez pas au sérieux. Je vous avouerai en revanche que la dame dont il s’agit est une Italienne, en compagnie de laquelle j’ai d’ailleurs visité Naples. Mais ne s’agirait-il pas dans tout cela de coïncidences fortuites ? – A vous de juger si toutes ces coïncidences se laissent expliquer par le seul hasard. Mais je tiens à vous dire que toutes les fois où vous voudrez analyser des cas de ce genre, vous serez infailliblement conduits à des « hasards » aussi singuliers et remarquables.
J’ai plus d’une raison d’attacher une grande valeur à cette petite analyse dont je suis redevable à l’obligeant concours de mon compagnon de voyage d’alors. En premier lieu, il m’a été possible, dans ce cas, de puiser à une source qui m’est généralement refusée. Je suis, en effet, obligé le plus souvent d’emprunter à mon auto-observation les exemples de troubles fonctionnels d’ordre psychique, survenant dans la vie quotidienne et que je cherche à réunir ici. Quant aux matériaux beaucoup plus abondants que m’offrent mes malades névrosés, je cherche à les éviter, afin de ne pas voir m’opposer l’objection que les phénomènes que je décris constituent précisément des effets et des manifestations de la névrose. Aussi suis-je heureux toutes les fois que je me trouve en présence d’une personne d’une santé psychique parfaite et qui veut bien se soumettre à une analyse de ce genre. Sous un autre rapport encore, cette analyse me paraît importante, puisqu’elle porte sur un cas d’oubli de mot sans souvenir de substitution, ce qui confirme la proposition que j’ai formulée plus haut, à savoir que l’absence ou la présence de souvenirs de substitution incorrects ne crée pas de différence essentielle entre les diverses catégories de cas 2.
Le principal intérêt de l’exemple aliquis réside dans une autre des différences qui le séparent du cas Signorelli. Dans ce dernier, en effet, la reproduction du nom est troublée par la réaction d’une suite d’idées commencée et interrompue quelque temps auparavant, mais dont le contenu ne présentait aucun rapport apparent avec le sujet de conversation suivant, dans lequel figurait le nom Signorelli. Entre le sujet refoulé et celui où figurait le nom oublié, il y avait tout simplement le rapport de contiguïté dans le temps; mais ce rapport a suffi à rattacher les deux sujets l’un à l’autre par une association extérieure 3. Dans l’exemple aliquis, au contraire, il n’y a pas trace d’un sujet indépendant et refoulé qui, ayant peu auparavant occupé la pensée consciente, aurait réagi ensuite comme élément perturbateur. Dans ce cas, le trouble de la production vient du sujet lui-même, à la suite d’une contradiction inconsciente qui s’élève contre l’idée-désir exprimée dans le vers cité. Voici quelle serait la genèse de l’oubli du mot aliquis : mon interlocuteur se plaint de ce que la génération actuelle de son peuple ne jouisse pas de tous les droits auxquels elle peut prétendre, et il prédit, comme Didon, qu’une nouvelle génération viendra qui vengera les opprimés d’aujourd’hui. Ce disant, il s’adressait mentalement à la postérité, mais dans le même instant une idée, en contradiction avec son désir, se présenta à son esprit : « Est-il bien vrai que tu désires si vivement avoir une postérité à toi ? Ce n’est pas vrai. Quel serait ton embarras, si tu recevais d’un instant à l’autre, d’une personne que tu connais, la nouvelle t’annonçant l’espoir d’une postérité! Non, tu ne veux pas de postérité, quelque grande que soit ta soif de vengeance. » Cette contradiction se manifeste, exactement comme dans l’exemple Signorelli, par une association extérieure entre un des éléments de représentation de mon interlocuteur et un des éléments du désir contrarié ; mais cette fois l’association s’effectue d’une façon extrêmement violente et suivant des voies qui paraissent artificielles. Une autre analogie essentielle avec le cas Signorelli consiste dans le fait que la contradiction vient de sources refoulées et est provoquée par des idées qui ne pourraient que détourner l’attention.
Voilà ce que nous avions à dire concernant les différences et les ressemblances internes entre les deux exemples d’oubli de noms. Nous venons de constater l’existence d’un deuxième mécanisme de l’oubli, consistant dans la perturbation d’une idée par une contradiction intérieure venant d’une source refoulée. Ce mécanisme, qui nous apparaît comme le plus facile à comprendre, nous aurons encore plus d’une fois l’occasion de le retrouver au cours de nos recherches.
== 3. Oubli de noms et de suites de mots ==
L’expérience que nous venons d’acquérir quant au mécanisme de l’oubli d’un mot faisant partie d’une phrase en langue étrangère nous autorise à nous demander si l’oubli de phrases en langue maternelle admet la même explication. On ne manifeste généralement aucun étonnement devant l’impossibilité où l’on se trouve de reproduire fidèlement et sans lacunes une formule ou une poésie qu’on a, quelque temps auparavant, apprise par cœur. Mais comme l’oubli ne porte pas uniformément sur tout l’ensemble de ce qu’on a appris, mais seulement sur certains de ses éléments, il n’est peut-être pas sans intérêt de soumettre à un examen analytique quelques exemples de ces reproductions devenues incorrectes.
Un de mes jeunes collègues qui, au cours
Aber wird er auch wilikommen scheinen,
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Und sic sind Christen und – getauft.
(Mais sera-t-il le bienvenu – Maintenant que chaque jour apporte quelque chose de nouveau? – Car lui et les siens sont encore païens, – tandis
Depuis quelque temps déjà, je
Aber wird er auch willkommen scheinen,
Wenn er teuer nicht die Gunst erkauft ?
(Mais sera-t-il le bienvenu –
– Pourriez-vous
Il était à même de donner
(Kommt ein Glaube neu,
wird oft
wie ein böses Unkraut ausgerauft).
(Une nouvelle foi – arrache comme une mauvaise herbe – amour et fidélité).
Je
Sieh sie an genau 4 !
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et ajouta : – Elle est un peu plus âgée que moi.
Ne voulant pas le peiner davantage,
Voici maintenant un autre cas
Un monsieur veut réciter la célèbre poésie (de Henri Heine) : « Un pin se dresse solitaire, etc. » A la phrase qui commence par : « il a sommeil», il
Le monsieur, ajoute M. Jung,
« Dans une réunion,
« Mon ami me dit alors dans la rue Andrassy : « rien de ce qui est humain ne
« Après avoir enfin retrouvé mon souvenir, je
« Fait intéressant :
« A remarquer que si
Je reviens donc à
Supposons
Lorsque
a) Un de mes patients me prie de lui indiquer une station thermale sur la Riviera. Je connais une station de ce genre tout près de Gênes, je me rappelle même le nom du collègue allemand qui y exerce, mais je suis incapable de nommer la station que je crois pourtant bien connaître. Il ne me reste
b) Un autre de mes patients parle
c) Une autre fois, étant sur le point de prendre un billet à la gare de Reichenhall, je ne puis me souvenir du nom de la grande gare la plus proche, bien que je
d) Je suis à même de prouver cette action vraiment dévastatrice du « complexe familial » sur toute une série
Un jour se présente à ma consultation un jeune homme.
e) Une autre fois je me trouve dans
Le plus bel exemple de ce genre est celui qui
f) On retrouve
« Un monsieur Y aimait sans retour une dame qui ne tarda pas à épouser un monsieur X. Or, bien que Y connaisse depuis longtemps X et se trouve même avec lui en relations
Dans ce cas, cependant, les motifs de
g) Le motif de
« Je me suis composé une petite théorie.
h) Dans le cas suivant, communiqué par M. Ferenczi et dont
« Une dame, ayant un peu entendu parler de psychanalyse, ne peut se rappeler le nom du psychiatre Jung.
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« A la place de ce nom se présentent les substitutions suivantes : KI. (un nom) – Wilde – Nietzsche – Hauptmann.
« A propos de KI. elle pense aussitôt à madame KI., qui est une personne affectée, parée, mais paraissant plus jeune
« A propos de Hauptmann, elle pense à Halbe 10, puis à Jeunesse 11, et alors seulement, après que
«
i) Voici au autre exemple
« Comme
Or, pour comprendre
j)
« Je me trouvais
« Ce lion, je le vois, comme
« Je reconnais sans hésitation à qui revient la faute de cette amnésie. La coupable
« Pour Capoue
« Il en est de même de Brescia; mais ici on trouve des associations
« Mon antipathie était, à un moment donné, tellement forte que je trouvais Véronique tout simplement répugnante, et plus
« Le nom de Brescia est souvent associé, en Hongrie du moins, non au lion, mais au nom
« A Lucerne se rattache
« Je tiens à avertir que, dans ma conscience, cette antipathie pour Véronique appartient aux choses depuis longtemps disparues. Depuis
« Les Tuileries impliquent une allusion à une autre personne, à une dame française âgée qui, dans de nombreuses occasions, a été la véritable « dame de compagnie» des dames de la maison et que tout le monde, grands et petits, respectait et même craignait un peu.
k)
« Deux hommes,
« Quelques instants après il ajoute : « le nom actuel
« Le plus âgé croit ainsi avoir expliqué son oubli. Quant aux causes qui ont provoqué le même oubli chez le plus jeune, elles
Le mécanisme de
l) Ed. Hitschmann «( Zwei Fälle von Namenvergessen », Internat. Zeitschr. f Psychoanalyse, 1, 1913).
Cas II : « M. N. veut recommander à
m) Dr Hanns Sachs :
« Dans une conversation ayant pour objet Gênes et ses environs immédiats, un jeune homme veut nommer aussi la localité Pegli, mais ne parvient à retrouver ce nom que difficilement et à la suite
Si
n) Lorsque, en 1915, eut éclaté la guerre avec
Et maintenant, il ne sera peut-être pas sans intérêt
A. Oublis de noms ayant pour but
o) A. J. Storfzr «( Zur Psychopathologie des Alltags », Internationale Zeitschr. f Psychoanalyse, II, 1914).
« Une dame bâloise apprend un matin que son amie
«
« Le soir du même jour, notre dame bâloise se trouve dans une société en partie identique à celle de
Nous
Dans le cas que nous allons citer, un jeune homme, pour se créer un prétexte à accomplir un acte désiré, oublie
« Dans une pension de famille, un jeune homme fait la connaissance
B. Un cas
q) Je reproduis encore,
« Un vieux juriste et linguiste, Z., raconte en société
« Et voilà
« Steht er mit festen
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Oder der Rebe
Sich zu vergleichen. »
(
Je poussai un cri de triomphe : – Nous le tenons enfin, votre Erdmann, dis-je : cet homme qui « se tient sur la terre», donc cet homme de la terre (Erdemann ou Erdmann), ne peut réussir à se comparer au tilleul (Linde), donc à Lindemati ou à la vigne (Rebe), donc au marchand de vins (Weinhändler). En
Je demandai alors à quelle poésie étaient empruntés les vers cités. Z. répondit
« Edel sei der Mensch,
Hilfreich und gut! »
(Que
et il ajouta
« Und hebt er sich aufwärts,
So spielen mit ihm die Winde. »
(Et
Le lendemain,
a) Les deux premiers vers cités (voir plus haut) étaient ainsi conçus :
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Markigen (pleines de sève; et non gefügigen) Knochen »...
« Jambes souples » était une combinaison quelque peu singulière; mais je ne
b) Et voici les vers suivants de cette strophe .
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Oder der Rebe
Sich zu vergleichen. »
(Sur la terre solide et durable, il
Il
c) Ce poème est intitulé : « Les limites de
Dans certains de ces exemples il faut avoir recours à toutes les finesses de la technique psychanalytique pour expliquer
M. Ferenczi a observé que
«
Je pourrais multiplier les exemples
Le mécanisme de
Les plus efficaces, parmi les complexes perturbateurs, sont ceux qui impliquent des rapports personnels, familiaux, professionnels.
Un nom qui, grâce à ses multiples sens, appartient à plusieurs ensembles
Parmi les causes de ces troubles, on note en premier lieu et avec le plus de netteté le désir
On peut,
Un coup
Nous sommes cependant loin
«Dans une petite société
Seule la jeune femme consentit à se soumettre à
On rencontre encore un oubli de noms dans lequel des séries entières de noms se soustraient à la mémoire. Si
== 4. Souvenirs d’enfance et souvenirs-écrans ==
Dans un autre article (publié en 1899, dans Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie), j’ai pu démontrer la nature tendancieuse de nos souvenirs là où on la soupçonnait le moins. Je suis parti de ce fait bizarre que les premiers souvenirs d’enfance d’une personne se rapportent le plus souvent à des choses indifférentes et secondaires, alors qu’il ne reste dans la mémoire des adultes aucune trace (je parle d’une façon générale, non absolue) des impressions fortes et affectives de cette époque. Comme on sait que la mémoire opère un choix entre les impressions qui s’offrent à elle, nous sommes obligés de supposer que ce choix s’effectue dans l’enfance d’après d’autres critères qu’à l’époque de la maturité intellectuelle. Mais un examen plus approfondi montre que cette supposition est inutile. Les souvenirs d’enfance indifférents doivent leur existence à un processus de déplacement; ils constituent la reproduction substitutive d’autres impressions, réellement importantes, dont l’analyse psychique révèle l’existence, mais dont la reproduction directe se heurte à une résistance. Or, comme ils doivent leur conservation, non à leur propre contenu, mais à un rapport d’association qui existe entre ce contenu et un autre, refoulé, ils justifient le nom de « souvenirs-écrans » sous lequel je les ai désignés.
Dans l’article en question je n’ai fait qu’effleurer, loin de l’épuiser, toute la multiplicité et la variété des rapports et des significations que présentent ces souvenirs-écrans. Par un exemple minutieusement analysé, j’y ai relevé une particularité des relations temporelles entre les souvenirs-écrans et le contenu qu’ils recouvrent. Dans le cas dont il s’agissait, le souvenir-écran appartenait à l’une des premières années de l’enfance, alors que celui qu’il représentait dans la mémoire, resté à peu près inconscient, se rattachait à une époque postérieure de la vie du sujet. J’ai désigné cette sorte de déplacement sous le nom de déplacement rétrograde. On observe peut-être encore plus souvent le cas opposé, où une impression indifférente d’une époque postérieure s’installe dans la mémoire à titre de « souvenir-écran », uniquement parce qu’il se rattache à un événement antérieur dont la reproduction directe est entravée par certaines résistances. Ce seraient les souvenirs-écrans anticipants ou ayant subi un déplacement en avant. L’essentiel qui intéresse la mémoire se trouve, au point de vue du temps, situé en arrière du souvenir-écran. Un troisième cas est encore possible, où le souvenir-écran se rattache à l’impression qu’il recouvre non seulement par son contenu, mais aussi parce qu’il lui est contigu dans le temps : ce serait le souvenir-écran contemporain ou simultané.
Quelle est la proportion de nos souvenirs entrant dans la catégorie des souvenirs-écrans? Quel rôle ces derniers jouent-ils dans les divers processus intellectuels de nature névrotique ? Autant de problèmes que je n’ai pu approfondir dans l’article cité plus haut et dont je n’entreprendrai pas non plus la discussion ici. Tout ce que je me propose de faire aujourd’hui, c’est de montrer la similitude qui existe entre l’oubli de noms accompagné de faux souvenirs et la formation de souvenirs-écrans.
A première vue, les différences entre ces deux phénomènes semblent plus évidentes que les analogies. Là il s’agit de noms propres; ici de souvenirs complets, d’événements réellement ou mentalement vécus; là, d’un arrêt manifeste de la fonction mnémonique; ici, d’un fonctionnement mnémonique qui nous frappe par sa bizarrerie; là, d’un trouble momentané (car le nom qu’on vient d’oublier a pu auparavant être reproduit cent fois d’une façon exacte et peut-être retrouvé dès le lendemain); ici, d’une possession durable, sans rémission, car les souvenirs d’enfance indifférents semblent ne pas nous quitter pendant une bonne partie de notre vie. L’énigme semble avoir dans les deux cas une orientation différente. Ce qui éveille notre curiosité scientifique dans le premier cas, c’est l’oubli ; dans le second, c’est la conservation. Mais, à la suite d’un examen quelque peu approfondi, on constate que, malgré les différences qui existent entre les deux phénomènes au point de vue des matériaux psychiques et de la durée, ils présentent des analogies qui enlèvent à ces différences toute importance. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de défectuosités de la mémoire, laquelle reproduit non le souvenir exact, mais quelque chose qui le remplace. Dans l’oubli de noms, la mémoire fonctionne, mais en fournissant des noms de substitution. Dans le cas de souvenirs-écrans, il s’agit d’un oubli d’autres impressions, plus importantes. Dans les deux cas, une sensation intellectuelle nous avertit de l’intervention d’un trouble dont la forme varie d’un cas à l’autre. Dans l’oubli de noms, nous savons que les noms de substitution sont faux; quant aux souvenirs-écrans, nous nous demandons seulement avec étonnement d’où ils viennent. Et puisque l’analyse psychologique peut nous montrer que la formation de substitutions s’effectue dans les deux cas de la même manière, à la faveur d’un déplacement suivant une association superficielle, les différences qui existent entre les deux phénomènes quant à la nature des matériaux, la durée et le centre autour duquel ils évoluent, sont d’autant plus de nature à nous faire espérer que nous allons découvrir un principe important et applicable aussi bien à l’oubli de noms qu’aux souvenirs-écrans. Ce principe général serait le suivant : l’arrêt de fonctionnement ou le fonctionnement défectueux de la faculté de reproduction révèlent plus souvent qu’on ne le soupçonne l’intervention d’un facteur partial, d’une tendance, qui favorise tel souvenir ou cherche à s’opposer à tel autre.
La question des souvenirs d’enfance me paraît tellement importante et intéressante que je voudrais lui consacrer encore quelques remarques qui dépassent les points de vue admis jusqu’à présent.
Jusqu’à quel âge remontent nos souvenirs d’enfance? Il existe, à ma connaissance, quelques recherches sur la question, notamment celles de V. et C. Henri 16 et de Potwin 17, d’où il ressort qu’il existe à cet égard de grandes différences individuelles, certains sujets faisant remonter leur premier souvenir à l’âge de six mois, tandis que d’autres ne se rappellent aucun événement de leur vie antérieur à la sixième et même à la huitième année. Mais à quoi tiennent ces différences et quelle est leur signification? Il ne suffit évidemment pas de réunir par une vaste enquête les matériaux concernant la question; ces matériaux doivent être encore élaborés, et chaque fois avec le concours et la participation de la personne intéressée.
A mon avis, on a tort d’accepter comme un fait naturel le phénomène de l’amnésie infantile, de l’absence de souvenirs se rapportant aux premières années. On devrait plutôt voir dans ce fait une singulière énigme. On oublie que même un enfant de quatre ans est capable d’un travail intellectuel très intense et d’une vie affective très compliquée, et on devrait plutôt s’étonner de constater que tous ces processus psychiques aient laissé si peu de traces dans la mémoire, alors que nous avons toutes les raisons d’admettre que tous ces faits oubliés de la vie de l’enfance ont exercé une influence déterminante sur le développement ultérieur de la personne. Comment se fait-il donc que, malgré cette influence incontestable et incomparable, ils aient été oubliés? Force nous est d’admettre que le souvenir (conçu comme une reproduction consciente) est soumis à des conditions tout à fait spéciales qui ont jusqu’à présent échappé à nos recherches. Il est fort possible que l’oubli infantile nous livre le moyen de comprendre les amnésies qui, d’après nos connaissances les plus récentes, sont à la base de la formation de tous les symptômes névrotiques.
Des souvenirs d’enfance conservés, les uns nous paraissent tout à fait compréhensibles, d’autres bizarres et inexplicables. Il n’est pas difficile de redresser certaines erreurs relatives à chacune de ces deux catégories. Lorsqu’on soumet à l’examen analytique les souvenirs conservés par un homme, on constate facilement qu’il n’existe aucune garantie quant à leur exactitude. Certains souvenirs sont incontestablement déformés, incomplets ou ont subi un déplacement dans le temps et dans l’espace. L’affirmation des personnes examinées selon laquelle leur premier souvenir remonte, par exemple, à leur deuxième année, ne mérite évidemment pas confiance. On découvre rapidement les motifs qui ont déterminé la déformation et le déplacement des faits constituant l’objet des souvenirs, et ces motifs montrent en même temps qu’il ne s’agit pas de simples erreurs de la part d’une mémoire infidèle. Au cours de la vie ultérieure, des forces puissantes ont influencé et façonné la faculté d’évoquer les souvenirs d’enfance, et ce sont probablement ces mêmes forces qui, en général, nous rendent si difficile la compréhension de nos années d’enfance.
Les souvenirs des adultes portent, on le sait, sur des matériaux psychiques divers. Les uns se souviennent d’images visuelles : leurs souvenirs ont un caractère visuel. D’autres sont à peine capables de reproduire les contours les plus élémentaires de ce qu’ils ont vu . selon la proposition de Charcot, on appelle ces sujets « auditifs » et « moteurs » et on les oppose aux « visuels ». Dans les rêves, toutes ces différences disparaissent, car nous rêvons tous de préférence en images visuelles. Pour les souvenirs d’enfance, on observe, pour ainsi dire, la même régression que pour les rêves : ces souvenirs prennent un caractère plastiquement visuel, même chez les personnes dont les souvenirs ultérieurs sont dépourvus de tout élément visuel. C’est ainsi que les souvenirs visuels se rapprochent du type des souvenirs infantiles. En ce qui me concerne, tous mes souvenirs d’enfance sont uniquement de caractère visuel; ce sont des scènes élaborées sous une forme plastique et que je ne puis comparer qu’aux tableaux d’une pièce de théâtre. Dans ces scènes, vraies ou fausses, datant de l’enfance, on voit régulièrement figurer sa propre personne infantile, avec ses contours et dans ses vêtements. Cette circonstance est faite pour étonner, car les adultes du type visuel ne voient plus leur propre personne dans leurs souvenirs à propos des événements ultérieurs de leur vie 18. Il est également contraire à toutes nos expériences d’admettre que, dans les événements dont il est l’auteur ou le témoin, l’attention de l’enfant se porte sur lui-même, au lieu de se concentrer sur les impressions venues de l’extérieur. Tout cela nous oblige à admettre que ce qu’on trouve dans les soi-disant souvenirs de la première enfance, ce ne sont pas les vestiges d’événements réels, mais une élaboration ultérieure de ces vestiges, laquelle a dû s’effectuer sous l’influence de différentes forces psychiques intervenues par la suite. C’est ainsi que les « souvenirs d’enfance » acquièrent, d’une manière générale, la signification de « souvenirs écrans » et trouvent, en même temps, une remarquable analogie avec les souvenirs d’enfance des peuples, tels qu’ils sont figurés dans les mythes et les légendes.
Tous ceux qui ont eu l’occasion de pratiquer la psychanalyse avec un certain nombre de sujets, ont certainement réuni un grand nombre d’exemples de « souvenirs-écrans » de toutes sortes. Mais la communication de ces exemples est rendue extraordinairement difficile par la nature même des rapports qui, nous l’avons montré, existent entre les souvenirs d’enfance et la vie ultérieure; pour découvrir dans un souvenir d’enfance un « souvenir-écran », il faudrait souvent faire dérouler devant les yeux de l’expérimentateur toute la vie de la personne examinée. On ne réussit que rarement à exposer un souvenir d’enfance isolé, en le détachant de l’ensemble. En voici un exemple très intéressant :
Un jeune homme de 24 ans garde de sa cinquième année le souvenir du tableau suivant. Il est assis, dans le jardin d’une maison de campagne, sur une petite chaise à côté de sa tante, occupée à lui inculquer les rudiments de l’alphabet. La distinction entre m et n lui offre beaucoup de difficultés, et il prie sa tante de lui dire comment on peut reconnaître l’un de l’autre. La tante attire son attention sur le fait que la lettre m a un jambage de plus que la lettre n. – Il n’y avait aucune raison de contester l’authenticité de ce souvenir d’enfance; mais la signification de ce souvenir ne s’est révélée que plus tard, lorsqu’on a constaté qu’il était possible de l’interpréter comme une représentation (substitutive) symbolique d’une autre curiosité de l’enfant. Car, de même qu’il voulait connaître alors la différence entre m et n, il chercha plus tard à apprendre la différence qui existe entre garçon et fille et aurait aimé être instruit en cette matière par la tante en question. Il finit par découvrir que la différence entre garçon et fille est la même qu’entre m et n, à savoir que le garçon a quelque chose de plus que la fille, et c’est à l’époque où il a acquis cette connaissance que s’est éveillé en lui le souvenir de la leçon d’alphabet.
Voici un autre exemple se rapportant à la seconde enfance. Il s’agit d’un homme âgé de 40 ans, ayant eu beaucoup de déboires dans sa vie amoureuse. Il est l’aîné de neuf enfants. Il avait déjà quinze ans lors de la naissance de la plus jeune de ses sœurs, mais il affirme ne s’être jamais aperçu que sa mère était enceinte. Me voyant incrédule, il fait appel à ses souvenirs et finit par se rappeler qu’à l’âge de onze ou douze ans, il vit un jour sa mère défaire hâtivement sa jupe devant une glace. Sans être sollicité cette fois, il complète ce souvenir en disant que ce jour-là sa mère venait de rentrer et s’était sentie prise de douleurs inattendues. Or, le délaçage (Aufbinden) de la jupe n’apparaît dans ce cas que comme un « souvenir-écran » pour accouchement (Entbindung). Il s’agit là d’une sorte de «pont verbal » dont nous retrouverons l’usage dans d’autres cas.
Je veux encore montrer par un exemple la signification que peut acquérir, à la suite d’une réflexion analytique, un souvenir d’enfance qui semblait dépourvu de tout sens. Lorsque j’ai commencé, à l’âge de 43 ans, à m’intéresser aux vestiges de souvenirs de ma propre enfance, je me suis rappelé une scène qui, depuis longtemps (et même, d’après ce que je croyais, de tout temps), s’était présentée de temps à autre à ma conscience et que de bonnes raisons me permettent de situer avant la fin de ma troisième année. Je me voyais criant et pleurant devant un coffre dont mon demi-frère, de 20 ans plus âgé que moi, tenait le couvercle relevé, lorsque ma mère, belle et svelte, entra subitement dans la pièce comme venant de la rue. C’est ainsi que je me décrivais cette scène dont j’avais une représentation visuelle et dont je n’arrivais pas à saisir la signification. Mon frère voulait-il ouvrir ou fermer le coffre (dans la première description du tableau il s’agissait d’une « armoire »)? Pourquoi avais-je pleuré à ce propos? Quel rapport y avait-il entre tout cela et l’arrivée de ma mère? Autant de questions auxquelles je ne savais comment répondre. J’étais enclin à m’expliquer cette scène, en supposant qu’il s’agissait du souvenir d’une frasque de mon frère, interrompue par l’arrivée de ma mère. Il n’est pas rare de voir ainsi donner une signification erronée à des scènes d’enfance conservées dans la mémoire : on se rappelle bien une situation, mais cette situation est dépourvue de centre et on ne sait à quel élément attribuer la prépondérance psychique. L’analyse m’a conduit à une conception tout à fait inattendue de ce tableau. M’étant aperçu de l’absence de ma mère, j’avais soupçonné qu’elle était enfermée dans le coffre (ou dans l’armoire) et j’avais exigé de mon frère d’en soulever le couvercle. Lorsqu’il eut accédé à ma demande et que je me fus assuré que ma mère n’était pas dans le coffre, je me mis à crier. Tel est l’incident retenu par ma mémoire; il a été suivi aussitôt de l’apparition de ma mère et de l’apaisement de mon inquiétude et de ma tristesse. Mais comment l’enfant en est-il venu à l’idée de chercher sa mère dans le coffre? Des rêves datant de la même époque évoquent vaguement dans ma mémoire l’image d’une bonne d’enfants dont j’avais conservé encore d’autres souvenirs : par exemple qu’elle avait l’habitude de m’engager à lui remettre consciencieusement la petite monnaie que je recevais en cadeau, détail qui, à son tour, pouvait servir seulement de « souvenir-écran » à propos de faits ultérieurs. Aussi me décidai-je, afin de faciliter cette fois mon travail d’interprétation, à questionner ma vieille mère, au sujet de cette bonne d’enfants. Elle m’apprit beaucoup de choses, et entre autres que cette femme rusée et malhonnête avait, pendant que ma mère était retenue au lit par ses couches, commis de nombreux vols à la maison et qu’elle avait été, sur la plainte de mon demi-frère, déférée devant les tribunaux. Ce renseignement me fit comprendre la scène enfantine décrite plus haut, comme sous le coup d’une révélation. La disparition brusque de la bonne ne m’avait pas été tout à fait indifférente; j’avais même demandé à mon frère ce qu’elle était devenue, car j’avais probablement remarqué qu’il avait joué un certain rôle dans sa disparition; et mon frère m’avait répondu évasivement (et, selon son habitude, en plaisantant) qu’elle était « coffrée ». J’ai interprété cette réponse à la manière enfantine, mais j’ai cessé de questionner, car je n’avais plus rien à apprendre. Lorsque ma mère s’absenta quelque temps après, je me mis en colère, et convaincu que mon frère lui avait fait la même chose qu’à la bonne, j’exigeai qu’il m’ouvrît le coffre. Je comprends aussi maintenant pourquoi, dans la traduction de la scène visuelle, la sveltesse de ma mère se trouve accentuée : elle m’était apparue comme à la suite d’une véritable résurrection. J’ai deux ans et demi de plus que ma sœur, qui était née à cette époque-là, et lorsque j’atteignis ma troisième année, mon demi-frère avait quitté le foyer paternel.
== 5. Les lapsus ==
Si les matériaux usuels de nos discours et de nos conversations dans notre langue maternelle semblent préservés contre l’oubli, leur emploi en est d’autant plus fréquemment sujet à un autre trouble, connu sous le nom de lapsus. Les lapsus observés chez l’homme normal apparaissent comme une sorte de phase préliminaire des « paraphasies » qui se produisent dans des conditions pathologiques.
Je me trouve, en ce qui concerne l’étude de cette question, dans une situation exceptionnelle, étant donné que je puis m’appuyer sur un travail que Meringer et C. Mayer (dont les points de vue s’écartent cependant beaucoup des miens) ont publié en 1895, sur les Lapsus et erreurs de lecture. L’un des auteurs, auquel appartient le rôle principal dans la composition de ce travail, est notamment linguiste et a été conduit par des considérations linguistiques à examiner les règles auxquelles obéissent les lapsus. Il espérait pouvoir conclure de ces règles à l’existence d’un « certain mécanisme psychique rattachant et associant les uns aux autres, d’une façon tout à fait particulière, les sons d’un mot, d’une proposition, voire les mots eux-mêmes » (p. 10).
Les auteurs commencent par classer les exemples de « lapsus » qu’ils ont réunis, d’après des points de vue purement descriptifs : interversions (par exemple : la Milo de Vénus, au lieu de la Vénus de Milo); anticipations et empiétements d’un mot ou partie d’un mot sur le mot qui le précède (Vorklang) (exemple : es war mir auf der Schwest... auf der Brust so schwer; le sujet voulait dire : « j’avais un tel poids sur la poitrine »; mais dans cette phrase, le mot schwer – lourd -avait empiété en partie sur le mot antécédent Brust – poitrine); postpositions, prolongation super,que d’un mot (Nachklang) (exemple : ich fordere sie auf, auf das Wohl unseres Chefs AUFzustossen; je vous invite à démolir la prospérité de notre chef, au lieu de : boire – stossen – à la prospérité de notre chef); contaminations (exemple : er setzt sich auf den Hinterkopf [il s’asseoit sur la nuque], cette phrase étant résultée de la fusion, par contamination, des deux phrases suivantes : er setzt sich einen Kopf auf [il redresse la tête] et : er stellt sich auf die Hinterbeine [il se dresse sur ses pattes de derrière]); substitutions (exemple : ich gebe die Präparate in den Briefkasten [je mets les préparations dans la boîte aux lettres], au lieu de : in den Brütkasten [dans le four à incubation]). A ces catégories les auteurs en ajoutent quelques autres, moins importantes (et, pour nous, moins significatives). Dans leur classification, ils ne tiennent aucun compte du fait de savoir si la déformation, le déplacement, la fusion, etc. portent sur les sons d’un mot, sur ses syllabes ou sur les mots d’une phrase.
Pour expliquer les variétés de lapsus qu’il a observées, Meringer postule que les différents sons du langage possèdent une valeur psychique différente. Au moment même où nous innervons le premier son d’un mot, le premier mot d’une phrase, le processus d’excitation se dirige vers les sons suivants, vers les mots suivants, et ces innervations simultanées, concomittantes, empiétant les unes sur les autres, impriment les unes aux autres des modifications et des déformations. L’excitation d’un son ayant une intensité psychique plus grande devance le processus d’innervation moins important ou persiste après ce processus, en le troublant ainsi, soit par anticipation, soit rétroactivement. Il s’agit donc de rechercher quels sont les sons les plus importants d’un mot. Meringer pense que « si l’on veut savoir quel est dans un mot le son qui possède l’intensité la plus grande, on n’a qu’à s’observer soi-même pendant qu’on cherche un mot oublié, un nom, par exemple. Le premier son qu’on retrouve est toujours celui qui, avant l’oubli, avait l’intensité la plus grande (p. 160)... Les « sons les plus importants sont donc le son initial de la syllabe radicale, le commencement du mot et la ou les voyelles sur lesquelles porte l’accent » (p. 162).
Ici je dois élever une objection. Que le son initial d’un nom constitue ou non un de ses éléments essentiels, il n’est pas exact de prétendre qu’en cas d’oubli il soit le premier qui se présente à la conscience; la règle énoncée par Meringer est donc sans valeur. Lorsqu’on s’observe pendant qu’on cherche un nom oublié, on croit souvent pouvoir affirmer que ce nom commence par une certaine lettre. Mais cette affirmation se révèle inexacte dans la moitié des cas. Je prétends même qu’on annonce le plus souvent un son initial faux. Dans notre exemple Signorelli, on ne retrouvait, dans les noms de substitution, ni le son initial, ni les syllabes essentielles; seules les deux syllabes les moins essentielles, elli, se trouvaient reproduites dans le nom de substitution Botticelli. Pour prouver combien peu les noms de substitution respectent le son initial du nom oublié, nous citerons l’exemple suivant : un jour, je me trouve incapable de me souvenir du nom du petit pays dont Monte-Carlo est l’endroit le plus connu. Les noms de substitution qui se présentent sont : Piémont, Albanie, Montevideo, Colico. Albanie est aussitôt remplacé par Montenegro, et je m’aperçois alors que la syllabe Mont existe dans tous les noms de substitution, à l’exception du dernier. Il me devient facile de retrouver, en partant du nom du prince Albert, celui du pays oublié : Monaco. Quant au nom Colico, il imite à peu de chose près la succession des syllabes et le rythme du nom oublié.
Si l’on admet qu’un mécanisme analogue à celui de l’oubli de noms peut présider aussi aux phénomènes du lapsus, l’explication de ces derniers devient facile. Le trouble de la parole qui se manifeste par un lapsus peut, en premier lieu, être occasionné par l’action, anticipée ou rétroactive, d’une autre partie du discours ou par une autre idée contenue dans la phrase ou dans l’ensemble de propositions qu’on veut énoncer : à cette catégorie appartiennent tous les exemples cités plus haut et empruntés à Meringer et Mayer; mais, en deuxième lieu, le trouble peut se produire d’une manière analogue à celle dont s’est produit l’oubli, par exemple, dans le cas Signorelli; ou, en d’autres termes, le trouble peut être consécutif à des influences extérieures au mot, à la phrase, à l’ensemble du discours, il peut être occasionné par des éléments qu’on n’a nullement l’intention d’énoncer et dont l’action se manifeste à la conscience par le trouble lui-même. Ce qui est commun aux deux catégories, c’est la simultanéité de l’excitation de deux éléments; mais elles diffèrent l’une de l’autre, selon que l’élément perturbateur se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur du mot, de la phrase ou du discours qu’on prononce. La différence ne paraît pas suffisante, et il semble qu’il n’y ait pas lieu d’en tenir compte pour tirer certaines déductions de la symptomatologie des lapsus. Il est cependant évident que seuls les cas de la première catégorie autorisent à conclure à l’existence d’un mécanisme qui, reliant entre eux sons et mots, rend possible l’action perturbatrice des uns sur les autres; c’est, pour ainsi dire, la conclusion qui se dégage de l’étude purement linguistique des lapsus. Mais dans les cas où le trouble est occasionné par un élément extérieur à la phrase ou au discours qu’on est en train de prononcer, il s’agit avant tout de rechercher cet élément, et la question qui se pose alors est de savoir si le mécanisme d’un tel trouble peut nous révéler, lui aussi, les lois présumées de la formation du langage.
Il serait injuste de dire que Meringer et Mayer n’ont pas discerné la possibilité de troubles de la parole, à la suite d’ « influences psychiques complexes », par des éléments extérieurs au mot, à la proposition ou au discours qu’on a l’intention de prononcer. Ils ne pouvaient pas ne pas constater que la théorie qui attribue aux sons une valeur psychique inégale ne s’appliquait, rigoureusement parlant, qu’à l’explication de troubles tonaux, ainsi qu’aux anticipations et aux actions rétroactives. Mais là où les troubles subis par les mots ne se laissent pas réduire à des troubles tonaux (ce qui est, par exemple, le cas des substitutions et des contaminations de mots), ils ont, eux aussi, cherché sans parti-pris la cause du lapsus en dehors du discours voulu et ils ont illustré cette dernière situation à l’aide de très beaux exemples. Je cite le passage suivant :
(P. 62). «Ru. parle de procédés qu’il qualifie de « cochonneries » (Schweinereien). Mais il cherche à s’exprimer sous une forme atténuée et commence : « Dann sind aber Tatsachen zum Vorschwein gekommen ». Or, il voulait dire : « Dann sind aber Tatsachen zurn Vorschein gekommen » «( Des faits se sont alors révélés... »). Mayer et moi étions présents, et Ru. confirma qu’en prononçant cette dernière phrase il pensait aux «cochonneries». La ressemblance existant entre « Vorschein » et « Schweinereien » explique suffisamment l’action de celui-ci sur celui-là, et la déformation qu’il lui a fait subir. »
(P. 73). « Comme dans les contaminations et, probablement, dans une mesure plus grande encore, les images verbales« flottantes » ou «nomades» jouent dans les substitutions un rôle important. Bien que situées au-dessous du seuil de la conscience, elles n’en sont pas moins assez proches pour pouvoir agir efficacement; s’introduisant dans une phrase à la faveur de leur ressemblance avec un élément de cette dernière, elles déterminent une déviation ou s’entrecroisent avec la succession des mots. Les images verbales « flottantes » ou « nomades » sont souvent, ainsi que nous l’avons dit, les restes non encore éteints de discours récemment terminés (action rétroactive) ».
(P. 97). « Une déviation par suite d’une ressemblance est rendue possible par l’existence, au-dessous du seuil de la conscience, d’un mot analogue, qui n’était pas destiné à être prononcé. C’est ce qui arrive dans les substitutions. J’espère qu’une vérification ultérieure ne pourra que confirmer les règles que j’ai formulées. Mais pour cela il est nécessaire qu’on soit bien fixé, lorsqu’un autre parle, sur tout ce à quoi il a pensé en parlant 19. Voici à ce propos un cas instructif. M. Li., parlant d’une femme et voulant dire qu’elle lui ferait peur «( sie würde mir Furcht einjagen »), emploie, au lieu du mot einjagen, celui de einlagen, qui a une signification tout autre. Cette substitution de la lettre l à la lettre j me paraît inexplicable. Je me permets d’attirer sur cette erreur l’attention de M. Li. qui me répond aussitôt « Mon erreur provient de ce qu’en parlant je pensais je ne serais pas en état, etc. » (... ich wäre nicht in der Lage ... ) ».
« Autre cas. Je demande à R. v. S. comment va son cheval malade. Il répond : « Ja, das draut 20... dauert vielleicht noch einen Monat » «( Cela va peut-être durer encore un mois»). Le mot « draut », avec un r, me paraît inexplicable, la lettre r du mot correct dauert n’ayant pas pu produire un effet pareil. J’attire sur ce fait l’attention de R. v. S. qui m’explique aussitôt qu’en parlant il pensait : « C’est une triste histoire » (das ist eine traurige Geschichte). Il avait donc pensé à deux réponses qui se sont fondues en une seule par l’intermédiaire de deux mots (draut provenant de la fusion de dauert et de traurig) ».
Par sa théorie des images verbales « nomades », qui sont situées au-dessous du seuil de la conscience et qui ne sont pas destinées à être formulées en paroles, et par son insistance sur la nécessité de rechercher tout ce à quoi le sujet pense pendant qu’il parle, la conception de Meringer et Mayer se rapproche singulièrement, il est facile de s’en rendre compte, de notre conception psychanalytique. Nous recherchons, nous aussi, des matériaux inconscients, et de la même manière, à cette seule différence près que nous prenons un détour plus long, puisque nous n’arrivons à la découverte de l’élément perturbateur qu’à travers une chaîne d’associations complexe, en partant des idées qui viennent à l’esprit du sujet lorsque nous l’interrogeons.
Je m’arrête un instant à une autre particularité intéressante, dont les exemples de Meringer nous apportent d’ailleurs la preuve! D’après l’auteur lui-même, ce qui permet à un mot, qu’on n’avait pas l’intention de prononcer, de s’imposer à la conscience par une déformation, une formation mixte, une formation de compromis (contamination), c’est sa ressemblance avec un mot de la phrase qu’on est en train de formuler : lagen-jagen; dauert-traurig ; Vorschein-Schwein.
Or, dans mon livre sur la Science des rêves 21, j’ai précisément montré la part qui revient au travail de condensation dans la formation de ce qu’on appelle le contenu manifeste des rêves, à partir des idées latentes des rêves. Une ressemblance entre les choses ou entre les représentations verbales de deux éléments des matériaux inconscients, fournit le prétexte à la formation d’une troisième représentation, mixte ou de compromis, qui remplace dans le contenu du rêve les deux éléments dont elle se compose et qui, par suite de cette origine, se présente souvent pourvue de propriétés contradictoires. La formation de substitutions et de contaminations dans les lapsus constituerait ainsi le commencement, pour ainsi dire, de ce travail de condensation qui joue un rôle si important dans la formation des rêves.
Dans un article destiné au grand public (Neue Freie Presse, 23 août 1900) :4 « Comment on commet un lapsus », Meringer fait ressortir la signification pratique que possèdent dans certains cas les substitutions de mots, celles notamment où un mot est remplacé par un autre, d’un sens opposé. «On se rappelle encore la manière dont le président de la Chambre des Députés autrichienne a, un jour, ouvert la séance : « Messieurs, dit-il, je constate la présence de tant de députés et déclare, par conséquent, la séance close. » L’hilarité générale que provoqua cette déclaration fit qu’il s’aperçut aussitôt de son erreur et qu’il la corrigea. L’explication la plus plausible dans ce cas serait la suivante : dans son for intérieur, le président souhaitait pouvoir enfin clore cette séance dont il n’attendait rien de bon ; aussi l’idée correspondant à ce souhait a-t-elle trouvé, cela arrive fréquemment, une expression tout au moins partielle dans sa déclaration, en lui faisant dire « close », au lieu de « ouverte », c’est-à-dire exactement le contraire de ce qui était dans ses intentions. De nombreuses observations m’ont montré que ce remplacement d’un mot par son contraire est un phénomène très fréquent. Étroitement associés dans notre conscience verbale, situés dans des régions très voisines, les mots opposés s’évoquent réciproquement avec une grande facilité.
Il n’est pas aussi facile de montrer dans tous les cas (comme Meringer vient de le faire dans le cas du président) que le lapsus consistant dans le remplacement d’un mot par son contraire, résulte d’une opposition intérieure contre le sens de la phrase qu’on veut ou doit prononcer. Nous avons retrouvé un mécanisme analogue, en analysant l’exemple aliquis, où l’opposition intérieure s’est manifestée par l’oubli du nom, et non par son remplacement par son contraire. Nous ferons toutefois observer, pour expliquer cette différence, qu’il n’existe pas de mot avec lequel aliquis présente le même rapport d’opposition que celui qui existe entre « ouvrir » et clore », et nous ajouterons que le mot « ouvrir » est tellement usuel que son oubli ne constitue sans doute qu’un fait exceptionnel.
Si les derniers exemples de Meringer et Mayer nous montrent que les troubles de langage, connus sous le nom de lapsus, peuvent être provoqués soit par des sons ou des mots (agissant par anticipation ou rétroactivement) de la phrase même qu’on veut prononcer, soit par des mots ne faisant pas partie de cette phrase, extérieurs à elle et dont l’état d’excitation ne se révèle (lue par la formation du lapsus, nous voulons voir maintenant s’il existe entre ces deux catégories de lapsus une séparation nette et tranchée et, dans l’affirmative, quels sont les signes qui nous permettent de dire, en présence d’un cas donné, s’il fait partie de l’une ou l’autre de ces catégories. Dans son ouvrage sur la Psychologie des peuples 22, Wundt, tout en cherchant à dégager les lois de développement du langage, s’occupe également des lapsus, au sujet desquels il formule quelques considérations dont il convient de tenir compte. Ce qui, d’après Wundt, ne manque jamais dans les lapsus et les phénomènes similaires, ce sont certaines influences psychiques. « Nous nous trouvons tout d’abord en présence d’une condition positive, qui consiste dans la production libre et spontanée d’associations tonales et verbales provoquées par les sons énoncés. A côté de cette condition positive, il y a une condition négative, qui consiste dans la suppression ou dans le relâchement du contrôle de la volonté et de l’attention, agissant, elle aussi, comme fonction volitive. Ce jeu de l’association peut se manifester de plusieurs manières : un son peut être énoncé par anticipation ou reproduire les sons qui l’ont précédé; un son qu’on a l’habitude d’énoncer peut venir s’intercaler entre d’autres sons; ou, enfin, des mots tout à fait étrangers à la phrase, mais présentant avec les sons qu’on veut énoncer des rapports d’association, peuvent exercer une action perturbatrice sur ces derniers. Mais quelle que soit la modalité qui intervient, la seule différence constatée porte sur la direction et, en tout cas, sur l’amplitude des associations qui se produisent, mais, nullement sur leur caractère général. Dans certains cas, on éprouve même une grande difficulté à déterminer la catégorie dans laquelle il faut ranger un trouble donné, et on se demande s’il ne serait pas plus conforme à la vérité d’attribuer ce trouble à l’action simultanée et combinée de plusieurs causes, d’après le principe des causes complexes 23 » (pp. 380 et 381).
Ces remarques de Wundt me paraissent tout à fait justifiées et très instructives. Il y aurait seulement lieu, à mon avis, d’insister plus que ne le fait Wundt sur le fait que le facteur positif, favorisant le lapsus, c’est-à-dire le libre déroulement des associations, et le facteur négatif, c’est-à-dire le relâchement de l’action inhibitrice de l’attention, agissent presque toujours simultanément, de sorte que ces deux facteurs représentent deux conditions, également indispensables, d’un seul et même processus. C’est précisément à la suite du relâchement de l’action inhibitrice de l’attention ou, pour nous exprimer plus exactement, grâce à ce relâchement, que s’établit le libre déroulement des associations.
Parmi les exemples de lapsus que j’ai moi-même réunis, je n’en trouve guère où le trouble du langage se laisse réduire uniquement et exclusivement à ce que Wundt appelle l’ « action par contact de sons ». Je trouve presque toujours, en plus de l’action par contact, une action perturbatrice ayant sa source en dehors du discours qu’on veut prononcer, et cet élément perturbateur est constitué soit par une idée unique, restée inconsciente, mais qui se manifeste par le plasus et ne peut le plus souvent être amenée à la conscience qu’à la suite d’une analyse approfondie, soit par un mobile psychique plus général qui s’oppose à tout l’ensemble du discours.
a) Amusé par la vilaine grimace que fait ma fille en mordant dans une pomme, je veux lui citer les vers suivants :
Ligne 404 ⟶ 412 :
Zumal wenn er vorn Apfel frisst 24.
Mais je commence : Der Apfe... Cela apparaît comme une contamination entre Affje et Apfel (formation de compromis) ou peut aussi être considéré comme une anticipation du mot Apfel qui doit venir
b) Ma fille dit : je veux écrire à Madame Schresinger (ich schreibe der Frau Schresinger). Or, la dame en question
c) « Je me replie comme un couteau de poche » (... wie ein Taschenmesser), veut me dire une malade au commencement de la séance de traitement. Seulement, au lieu de Taschenmesser, elle prononce Tassenmescher, intervertissant ainsi
d) «Je suis tellement enrhumée du cerveau que je ne peux pas respirer par le nez », veut dire la même malade. Seulement, au lieu de dire correctement : « durch die Nase atmen » (respirer par le nez), elle commet le lapsus : « durch die Ase natmen ». Elle trouve aussitôt
e) Tout à fait analogue, le mécanisme du lapsus chez une autre patiente qui, voulant reproduire un très lointain souvenir
f) Une autre de mes patientes, à qui je demande, une fois la séance terminée, comment va son oncle, me répond : « Je
g)
h) Le lapsus suivant peut également être expliqué par un refoulement intentionnel. Je rencontre un jour dans les Dolomites deux dames habillées en touristes. Nous faisons pendant quelque temps route ensemble, et nous parlons des plaisirs et des inconvénients de la vie de touriste. Une des dames reconnaît que la journée du touriste
i) « Si vous voulez acheter des tapis, allez donc chez Kaufmann, rue Matthäusgasse. Je crois pouvoir vous recommander à lui », me dit une dame. Je répète : « Donc chez Matthäus... pardon, chez Kaufmann». Il semblerait que
k) Le cas suivant pourrait être cité plus loin, lorsque je parlerai des « erreurs », mais je le rapporte ici, car les rapports de sons qui ont déterminé le remplacement des mots, y sont particulièrement clairs. Une patiente me raconte son rêve : un enfant a résolu de se suicider en se faisant mordre par un serpent. Il réalise son dessein. Elle le voit se tordre en proie à des convulsions, etc. Elle cherche maintenant parmi les événements du jour celui auquel elle puisse rattacher ce rêve. Et voilà
La suite de
1) Il
Un Allemand voyageant en Italie a besoin
Il
En réunissant des exemples de lapsus pour la première édition de ce livre, je soumettais à
m) Un jeune homme dit à sa sœur : «
n) Un jeune homme adresse ces mots à une dame
o)
«
p) Autre exemple (W. Stekel) : « Ma femme veut engager une Française pour les après-midi et, après
q) Le Dr Stekel raconte
r) Au cours
s) Un professeur dit dans sa leçon inaugurale : « Je ne suis pas disposé à apprécier les mérites de mon éminent prédécesseur ». Il voulait dire : « je ne me reconnais pas une autorité suffisante... » : geeignet, au lieu de geneigt.
t) Le Dr Stekel dit à une dame
u) Le Dr Stekel raconte encore :
v) Quelquefois le lapsus remplace une longue explication. Une jeune femme, très énergique et autoritaire, me parle de son mari malade qui a été consulter un médecin sur le régime
Les deux exemples suivants, que
x) Un monsieur exprime ses condoléances à une jeune femme qui vient de perdre son mari, et il veut ajouter : « Votre consolation sera de pouvoir vous consacrer entièrement à vos enfants. » Mais en prononçant la phrase, il remplace inconsciemment le mot « consacrer » (widinen) par le mot widwen, par analogie avec le mot Witwe – veuve. Il a ainsi trahi une idée réprimée se rapportant à une consolation
y) Le même monsieur
La même situation
z) Me parlant
Les guerres engendrent une foule de lapsus dont la compréhension ne présente
a) « Dans quelle arme sert votre fils? » demande-t-on à une dame. Celle-ci veut répondre : « dans la 42e batterie de mortiers » (Mörser),- mais elle commet un lapsus et dit Mörder (assassins), au lieu de Mörser.
b) Le lieutenant Henrik Haiman écrit du front 28 : « Je suis arraché à la lecture
c) Un sergent-major recommande à ses hommes de donner à leurs familles leurs adresses exactes, afin que les colis ne se perdent pas. Mais au lieu de dire « colis » (GEPÄCKstücke), il dit GESPECKstücke, du mot Speck – lard.
d) Voici un exemple particulièrement beau et significatif, à cause des circonstances profondément tristes dans lesquelles il
« Je me permets de vous communiquer un lapsus
« Or, le professeur N. était justement en train de parler de
« Ne voit-on pas nettement combien le savant correct se surveillait, dès le début de son récit, pour ne pas céder à
« Le professeur N. ne
r)
« Alors que
«
« Après réflexion, tout
«
z) Le lapsus suivant illustre
n) Je ne puis résister à la tentation de citer un exemple de lapsus particulièrement instructif, bien que,
il lui suffit
il lui suffit
Ou bien, on peut admettre que
il lui suffit
et de les maintenir droits tous les cinq.
Rien ne nous empêche
La ressemblance entre un lapsus et un jeu de mots peut aller très loin, comme dans le cas communiqué par 0. Rank, où la personne qui a commis le lapsus finit par en rire comme
« Un homme marié depuis peu et auquel sa femme, très soucieuse de conserver sa fraîcheur et ses apparences de jeune fille, refuse des rapports sexuels trop fréquents, me raconte
i) Une jeune fille ayant terminé ses études secondaires se fait inscrire, pour suivre la mode, à la Faculté de Médecine. Au bout de quelques semestres, elle renonce à la médecine et se met à étudier la chimie. Quelques années après, elle parle de ce changement dans les termes suivants : « la dissection, en général, ne
k)
h) Le même anatomiste dit une autre fois : « En ce qui concerne les organes génitaux de la femme, on a, malgré de nombreuses tentations (Versuchungen)... pardon, malgré de nombreuses tentatives (Versuche) »...
u) Je dois au docteur Alf. Robitschek ces deux exemples de lapsus
« Si ay-je cogneu une très belle et honneste dame de par le monde, qui, devisant avec un honneste gentilhomme de la cour des affaires de la guerre durant ces civiles, elle luy dit : «
« Une autre dame que
Dans le procédé psychothérapeutique dont
Mais tout en considérant comme certaines ces «influences psychiques plus éloignées », pour me servir de
Es war mir auf der Schwest...
Brust so schwer 29.
Je reconnais bien que dans cette phrase la syllabe Schwe a pris la place de la syllabe Bru. Mais ne
Pour
La déformation de noms exprime le mépris,
Dans ces cas intervient, à titre de facteur perturbateur, une critique que nous pouvons laisser de côté, parce
En revanche, la substitution
« Alors que
Un autre cas
Pour des motifs personnels, je suis obligé de
Dans
Par une coïncidence favorable, les mots du langage peuvent occasionnellement déterminer des lapsus qui vous bouleversent comme des révélations inattendues ou produisent
Tel est, par exemple, le cas observé et communiqué par le Dr Reitler :
« Votre chapeau neuf est ravissant, dit une dame à une autre, sur un ton admiratif;
« Les éloges que la dame voulait adresser à son amie durent en rester là; car la critique
Moins sévère mais également évidente,
« Une dame est en visite chez une amie, qui finit par la lasser par son bavardage incessant et insupportable. Elle réussit à couper la conversation et à prendre congé, lorsque son amie, qui
« Au cours de la réunion générale de
Nous avons vu, dans
Un photographe qui
Dans
« Je me promène un soir avec le Dr Frink, et nous nous entretenons des affaires de la Société Psychanalytique de New York. Nous rencontrons un collègue, le Dr R., que je
« Au moment de quitter le café, il
« Dès que
« Nous étions cependant, le Dr Frink et moi, convaincus de
« Un père, qui
M. J. Stärcke rapporte un cas de lapsus dans lequel
« Une femme-dentiste promet à sa sœur de
(Je
Voici un autre lapsus auquel on peut attribuer la signification
« Une jeune fille allait être fiancée à un jeune homme qui ne lui était pas sympathique. Afin de rapprocher les jeunes gens, les parents conviennent
Non moins intéressant à cet égard est un autre lapsus que M. 0. Rank décrit (Internat. Zeitschr. f Psychoanal.) comme un « lapsus spirituel ».
« il
M. V. Tausk publie (dans Internat. Zeitschr. f Psychoanal., IV, 1916) un beau cas
« Comme ma fiancée était chrétienne, raconte M. A., et ne voulait pas se convertir au judaïsme,
« De mon mariage sont nés deux fils, tous deux baptisés selon les rites chrétiens. Lorsque mes garçons eurent atteint un certain âge, je les mis au courant de leurs origines juives, afin que, subissant les influences antisémites de
« Il y a quelques années, je passais mes vacances avec mes garçons, qui fréquentaient alors
« Craignant cependant que mes garçons, qui
« Allez dans le jardin, Juifs », dis-je; mais je me corrigeai aussitôt : « garçons ». (Confusion entre les mots Juden – juifs, et Jungen-garçons).
Et voici un cas moins anodin et que je ne communiquerais pas,
Un réserviste accusé de vol avec effraction répond à une question concernant sa situation militaire : « Je fais toujours partie de la territoriale, attendu que je
Le lapsus est assez amusant, lorsque le malade
Lorsque, dans une discussion sérieuse,
Dans de tels cas, il devient évident que,
« En ce qui concerne le présent, le cours nouveau inauguré par Guillaume Il, je ne puis que répéter ce que
Grâce à
« Dép. Lattmann (national allemand) : Dans cette question de
Le journal Vorwaerts
«
« Jamais un député
« La bruyante hilarité
Nous trouvons dans Wallenstein (Piccolomini, I, 5) un joli exemple de lapsus ayant pour but, moins de souligner
QUESTENBERG. – Malheur à nous! Où en sommes-nous, amis? Et le laisserons-nous partir avec cette chimère, sans le rappeler et sans lui ouvrir immédiatement les yeux?
OCTAVIO (tiré
QUESTENBERG. – De quoi
OCTAVIO. – Maudit soit ce voyage!
QUESTENBERG. – Pourquoi?
OcTAvio. – Venez! Il faut que je suive sans tarder la malheureuse trace, que je voie de mes yeux... Venez! (Il veut
QUESTENBERG. –
OCTAVIO (pressé). – Vers elle!
Ligne 663 ⟶ 671 :
Ce petit lapsus : « vers elle », au lieu de « vers lui », est fait pour nous révéler que le père a deviné la raison du parti pris par son fils, pendant que le courtisan se plaint de « ne rien comprendre à toutes ces énigme ».
M. Otto Rank a trouvé dans le Marchand de Venise, de Shakespeare, un autre exemple
« On trouve dans le Marchand de Venise, de Shakespeare (troisième acte, scène II), un cas de lapsus très finement motivé au point de vue poétique et
« Je vous en prie : restez; demeurez un jour ou deux, avant de vous en rapporter au hasard, car si votre choix est mauvais, je perdrai votre société. Attendez donc. Quelque chose me dit (mais ce
« Cette chose, à laquelle elle aurait voulu seulement faire une légère allusion, parce
Étant donné
« Dans un article récemment publié, Otto Rank 39 attire
« Dans un monologue où elle parle de ses chagrins, Klara
« La soudaine révélation
« Il est évident que la terminaison ford, commune aux deux noms, a dû faciliter la confusion et fournir à beaucoup une explication suffisante du lapsus. Mais le poète nous en fait voir la vraie raison, la raison profonde.
« Le même lapsus se reproduit dans un autre passage. Il est suivi de cette perplexité spontanée, de ce changement brusque du sujet que la psychanalyse et les travaux de Jung sur les associations nous ont fait connaître et qui ne se produisent que lors de
« Dans un autre passage encore Klara trahit par un autre lapsus son secret désir
La manière de considérer le lapsus que nous préconisons ici, résiste à toutes les épreuves et trouve sa confirmation même dans les cas les plus insignifiants.
De ces troubles de la parole, on passe à
Depuis la première publication de ce livre, des amis et collègues étrangers ont commencé à prêter attention aux lapsus
« Le Dr A. A. Brill (de New York) raconte: «A friend described to me a nervous patient and wished to know whether I could remove benefit him. I remarked, I believe that in time I could remove all his symptoms by psych analysis because it is a durable case wishing to say « curable! » «( A contribution to the Psychopathology of Everyday Life », in Psychotherapy, vol. III, N 1, 1909).
Pour conclure, je vais ajouter pour les lecteurs qui ne craignent pas un effort et sont quelque peu familiarisés avec la psychanalyse, un exemple qui montre
L. Jekels (Internat. Zeitschr. f. Psychoanalyse, I, 1913) :
« Le 11 décembre une dame de nos amies
« Elle reproduit, sur mon invitation, la scène au cours de laquelle elle a fait cette observation. Elle se disposait à sortir, pour faire une visite, avec sa fille, une démente précoce en état de rémission, à laquelle elle ordonne de changer de blouse, ce que celle-ci fait dans une pièce voisine.
La fille. – Tu vois bien : je suis déjà prête, et toi, tu ne
La mère. –
La fille. – Comment?
La mère (impatiente). – Mais naturellement, puisque
« A un collègue qui assiste à ce récit et qui lui demande quelle idée éveille en elle le nombre douze, elle répond aussi promptement que résolument : « Le nombre douze ne constitue pas pour moi une date (significative). »
« Doigts éveillent, après une légère hésitation, cette association : « Dans la famille de mon mari, on a six orteils aux pieds. Dès que nos enfants venaient au monde, on
« Le lendemain matin, 12 décembre, la dame revient me voir et me dit, visiblement émue : « Imaginez-vous ce qui
« Je me rappelle et je rappelle à la dame avec quelle assurance elle a répondu la veille à mon collègue que le « douze » ne constituait pas pour elle une date significative, alors que sa question était de nature à lui rappeler le jour de
« Elle avoue alors que cet oncle de son mari est un oncle à héritage,
«
« Son désir de voir
« Pendant les quatre ou cinq jours qui se sont écoulés entre la prédiction et
« Rien
« Le douze refoulé
« Je dis contribué, car la bizarre association évoquée par le mot « doigt » nous laisse soupçonner
« Voici quelle était cette association : dans la famille de mon mari on a six doigts aux pieds.
Ligne 737 ⟶ 745 :
« Tel est en effet le cas de cette dame.
« Mariée jeune, elle a eu de son mari, qui était un homme excentrique, anormal et qui se suicida peu
« La fille aînée vient de rentrer à la maison, après un grave accès catatonique; peu de temps après, la plus jeune, à
« Le fait que
«
«
« Cette fois encore, elle se donnait une peine inouïe pour éviter à sa fille, avec laquelle elle se proposait de faire une visite, tout prétexte de mauvaise humour; et
« Le sens du lapsus dont nous nous occupons serait donc celui-ci :
« Que
« Cet acte manqué présente, à mon avis, certains caractères
1º
2º
3º Une des significations du chiffre douze, à savoir
6. Erreurs de lecture et d’écriture
Il existe, entre les lapsus,
A. Erreurs de lecture
a) Je feuillette au café un numéro des Leipziger Illustrierte, que je tiens obliquement devant moi, et je lis au-dessous
b) Comment
Le double sens du mot Beförderung 43 constitue dans ce cas le pont
c) Je reçois un jour, des environs de Vienne, une lettre qui
d) Une erreur de lecture qui à la fois
e) Dans son intéressant livre Affektivität, Suggestibilität, Paranoïa (1906, p. 121), Bleuler raconte « Un jour, au cours
f) H. Sachs :« Devant ce qui frappe les autres, il garde, lui, une rigide impassibilité ».(Steifleinenheit). Ce dernier mot
g) Le Dr Marcell Eibenschütz rapporte un cas
Cette copie se termine par la suscription suivante :
Ligne 783 ⟶ 791 :
« Anno Domini MDCCCL in vigilia exaltacionis sancte crucis ceptus est iste liber et in vigilia pasce anni subsequentis finitus cum adjutorio omnipotentis par me Hartmanum de Krasna tunc temporis ecclesio niwenburgensis custodem. »
Or, tout en reproduisant exactement cette suscription dans son mémoire, avec la date 1850 en chiffres romains, Haupt montre à plusieurs reprises que,
La communication de Haupt fut pour moi une cause de perplexité. Jeune débutant dans
h) Dans les Idées spirituelles et satiriques de Lichtenberg, on trouve une remarque qui provient
Dans la majorité des cas, en effet,
i) Je crois que la guerre, qui a amené chez tout le monde certaines préoccupations fixes et obsédantes, a favorisé
Ce sont la profession et la situation actuelle du lecteur qui déterminent la nature de son erreur. Un philologue qui, à la suite de son dernier travail, excellent, se trouve en polémique avec ses collègues, lit : « Stratégie linguistique» (SPRACHstrategie), au lieu de «stratégie
j) Dans un deuxième groupe de cas, le texte joue un rôle beaucoup plus important dans la production des erreurs. Il contient quelque chose qui éveille la répulsion du lecteur, une communication ou une suggestion pénible; aussi subit-il, du fait de
« Le lieutenant X, qui est soigné dans notre hôpital pour une névrose consécutive à un traumatisme de la guerre, me lit un jour le vers final de la dernière strophe
« Wo aber
Ich übrig bleiben soll, ein andrer für mich fallen?
Wer immer von euch fällt, der stirbt gewiss für mich;
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« Und ich soll übrig bleiben? warum denn ich ? 47 »
Le cas de X
« Le lieutenant X présentait ces graves symptômes
« La psychogenèse de ce dernier symptôme, qui était pour nos malades un moyen inconscient
« Gesund... wieder einrücken... warum denn ich? » (Bien portant... retourner au front... pourquoi moi?)
k) Voici quelques autres cas
I
« Un monsieur que je connais bien
II
« Assis dans un tramway, je pense à tant de mes amis de jeunesse qui, bien
III
« Les journaux du soir ont publié la dépêche Reuter (reconnue depuis inexacte) annonçant
B. Erreurs
a) Sur une feuille de papier, sur laquelle
b) Je reçois les épreuves
c) Cette remarque trouve une confirmation dans une belle observation que M. A. J. Storfer a faite sur lui-même et dans laquelle
Déformation obstinée
« En décembre 1910,
Le motif inconscient de mon erreur était évident. Je me faisais
« Quelques semaines plus tard, je revins sur cet acte manqué. A cette occasion, je me suis demandé pourquoi
«
« Six mois plus tard, ayant
d) Voici un cas de lapsus calami beaucoup plus sérieux et qui pourrait tout aussi bien être rangé parmi les « méprises ».
e) Je cite,
f) Madame Kata Levy, lectrice de Pester Lloyd, a relevé un aveu involontaire du même genre dans une information télégraphique que ce journal reçut de Vienne le 14 octobre 1918 :
« Étant donné la confiance absolue qui, pendant toute la durée de la guerre, a régné entre nous et notre allié allemand, il paraît incontestable que les deux Puissances prendront, quels que soient les événements, une décision unanime. Il est inutile
«
g) Un Américain, venu en Europe par suite de mésentente avec sa femme, écrit à cette dernière pour lui exprimer son désir de réconciliation et
Ce lapsus calami est tellement évident
h) Après avoir examiné un enfant, le médecin prescrit une ordonnance dans laquelle doit figurer de
Comme les erreurs
Un cas de lapsus à répétition dans la rédaction
(communiqué par le Dr Hitschmann).
« Un collègue
1er CAS : A une pauvre femme déjà âgée, atteinte de diarrhée spasmodique, le médecin prescrit des suppositoires de belladone contenant une dose dix fois trop forte du médicament actif. Il quitte la polyclinique et une heure après, alors
2e CAS : Le médecin est obligé de couper court à la consultation
3e CAS : Le médecin veut prescrire à sa vieille tante, sœur de sa mère, un mélange de teinture de belladone et de teinture
Ce qui est commun à ces trois cas,
Pour autant que M. Hitschmann a pu discerner les relations existant entre la mère et le fils, celui-ci lui a paru instinctivement, naturellement affectueux, mais
Je veux espérer que, dans
i) Voici un lapsus calami tout à fait inoffensif, dont nous devons la communication à M. Ferenczi, On peut
j) Dans
k) Une dame envoie à sa sœur quelques mots pour lui exprimer ses meilleurs vœux à
l) M. E. Jones communique
m) Le De R. Wagner rapporte (dans ZentraIbl f. Psychoanal., 1, 12) ce cas personnel :
« En relisant un vieux cahier de cours, je constate que la vitesse avec laquelle
n) Dans ses « Contributions au chapitre des erreurs
« Un médecin prescrit à une malade de
o) Voici un lapsus calami qui pourrait être pris pour un jeu de mots
« Hospitalisé dans un sanatorium (pour affection pulmonaire),
«
« Dans la réponse
« Il y avait, en effet, dans ma lettre le passage suivant : « je te conseille
« Je dois ajouter que je suis assez familiarisé avec le latin et le français pour
Les omissions
Dans un des articles de la loi sur les obligations financières des deux États, articles qui ont été convenus au cours du compromis de 1867 entre
Nous avons également toutes les raisons
Rien ne nous empêche
« Vorrede erhalten, Einleitung X. dringend. »
(Préface reçue, Introduction X. urgente).
Il est permis de supposer que la transformation du texte a été dictée au télégraphiste par le complexe «faim», et il a
« Une erreur typographique
Wundt donne une explication très intéressante du fait facile à vérifier que nous commettons plus facilement des lapsus calami que des lapsus linguae (1. c., p. 374 ): « Pendant le discours normal, la fonction inhibitrice de la volonté tend constamment à maintenir
== 7. Oubli d’impressions et de projets ==
A celui qui serait tenté de surestimer l’état de nos connaissances actuelles concernant la vie psychique, il n’y aurait qu’à rappeler l’ignorance où nous sommes en ce qui concerne la fonction de la mémoire, pour lui donner une leçon de modestie. Aucune théorie psychologique n’a encore été capable de fournir une explication générale du phénomène fondamental du souvenir et de l’oubli; et même l’analyse complète de ce qui est effectivement observé n’est qu’à peine commencée. L’oubli nous est peut-être devenu plus énigmatique que le souvenir, depuis que l’étude du rêve et de phénomènes pathologiques nous a appris que même les choses que nous croyons avoir depuis longtemps oubliées, peuvent réapparaître subitement dans notre conscience.
Nous sommes toutefois en possession de quelques certitudes, peu nombreuses il est vrai, mais qui, nous l’espérons, ne tarderont pas à être universellement reconnues. Nous considérons que l’oubli est un processus spontané, au déroulement duquel nous pouvons attribuer une certaine durée. "Nous faisons ressortir le fait que, dans l’oubli, il se produit une certaine sélection entre les diverses impressions qui se présentent, ainsi qu’entre les détails de chaque impression et de chaque événement vécu. Nous connaissons quelques-unes des conditions nécessaires pour que se maintienne dans la mémoire et pour que puisse être évoqué ce qui, en l’absence de ces conditions, serait oublié. Mais dans d’innombrables occasions de la vie quotidienne, nous pouvons constater à quel point nos connaissances sont incomplètes et peu satisfaisantes. Qu’on écoute seulement deux personnes ayant reçu les mêmes impressions extérieures (qui ont, par exemple, fait un voyage ensemble) échanger, au bout d’un certain temps, leurs souvenirs. Ce qui s’est fixé dans la mémoire de l’un est souvent oublié par l’autre comme si cela n’avait jamais existé, et sans qu’on puisse dire que l’impression dont il s’agit ait eu plus de signification pour l’un que pour l’autre. Il est évident qu’un grand nombre des facteurs qui président à la sélection des faits à retenir échappe à notre connaissance.
Désireux d’apporter une petite contribution à la connaissance des conditions de l’oubli, j’ai pris l’habitude de soumettre à une analyse psychologique tous les cas d’oublis qui me sont personnels. Je m’occupe généralement d’un certain groupe de ces cas, ceux notamment dans lesquels l’oubli me cause une surprise, parce que le fait oublié me semblait devoir être retenu. Je dois ajouter que je n’ai guère de tendance à oublier facilement ce qui fait partie de mon expérience personnelle, et non de ce que j’ai appris !) et que j’ai eu dans ma jeunesse une brève période pendant laquelle ma mémoire a fonctionné d’une façon extraordinaire. Quand j’étais écolier, c’était pour moi un jeu de répéter par cœur une page entière que je venais de lire, et peu de temps avant de devenir étudiant, j’étais capable de réciter presque mot pour mot une conférence populaire, au caractère scientifique, que je venais d’entendre. Dans la tension d’esprit imposée par ma préparation aux derniers examens de médecine, j’ai dû encore faire usage de ce qui me restait de cette faculté, car sur certaines matières j’ai donné aux examinateurs des réponses pour ainsi dire automatiques, exactement conformes au texte du manuel, que je n’avais parcouru qu’une fois, et à la hâte.
Depuis, ma mémoire n’a pas cessé de faiblir; mais j’ai pu m’assurer, et j’en suis encore convaincu, qu’en ayant recours à un petit artifice je puis retenir plus de choses que je ne l’aurais cru. C’est ainsi que lorsque qu’un malade se présente à ma consultation et me déclare que je l’ai déjà vu, alors que je ne me souviens ni du fait, ni de la date, je cherche à me tirer d’affaire en pensant à un certain nombre d’années, comptées à partir du moment présent. Et toutes les fois qu’un témoignage écrit ou des données certaines, fournies par le patient, ont permis de contrôler la date que j’ai cru avoir devinée, j’ai pu m’assurer que mon erreur dépassait rarement une durée de six mois sur un intervalle de plus de dix années 58. Il en est de même lorsque je rencontre quelqu’un que je ne connais que de loin et auquel je demande par politesse des nouvelles de ses enfants. S’il se met à me parler des progrès que font ces derniers, je cherche à deviner l’âge de l’enfant, je confronte le résultat que j’obtiens avec le renseignement fourni par le père, et je dois dire que je me trompe rarement de plus d’un mois et, quand il s’agit d’enfants plus âges, de plus de trois mois, bien qu’il me soit impossible de dire quels points de repère ont servi à mon estimation. J’ai fini par devenir tellement hardi que je fais mon estimation de plus en plus spontanément, sans courir le danger de froisser le père par la révélation de l’ignorance dans laquelle je me trouve concernant sa progéniture. J’élargis ainsi ma mémoire consciente, en faisant appel à ma mémoire inconsciente, plus richement meublée d’ailleurs.
Je vais donc rapporter des exemples d’oublis frappants que j’ai observés sur moi-même. Je distingue entre l’oubli d’impressions et d’événements vécus (c’est-à-dire de choses qu’on sait ou qu’on savait) et l’oubli de projets (c’est-à-dire des omissions). Je puis indiquer d’avance le résultat uniforme que j’ai obtenu dans toute une série d’observations : j’ai trouvé notamment que dans tous les cas l’oubli était motivé par un sentiment désagréable.
A. Oubli d’impressions et de connaissances
a) Dans le courant de l’été ma femme m’a causé une grande contrariété. Le prétexte, futile en lui-même, était le suivant : assis à la table d’hôte, nous avions, en face de nous, un monsieur de Vienne que je connaissais et qui avait des raisons de se souvenir de moi. J’avais cependant, quant à moi, des raisons de ne pas renouer connaissance avec lui. Ma femme, qui n’avait entendu que le nom bien sonnant de son vis-à-vis, montrait trop qu’elle suivait la conversation qu’il entretenait avec ses voisins de table et m’adressait de temps à autre des questions sur cette conversation. Je devenais impatient et finis par me fâcher. Quelques semaines plus tard, je me plaignis à une parente de cette attitude de ma femme. Mais il me fut impossible de me rappeler ne fût-ce qu’un seul mot de la conversation de ce monsieur. Comme je suis généralement rancunier et n’oublie pas un seul détail d’un incident qui a pu me contrarier, je suis bien obligé d’admettre que, dans le cas dont il s’agit, c’est par considération pour la personne de ma femme que je me suis trouvé tout d’un coup atteint d’amnésie. Un incident analogue m’est arrivé dernièrement. Voulant me moquer de ma femme devant quelqu’un, à cause d’une expression qu’elle avait employée quelques heures auparavant, je me suis trouvé incapable de donner suite à mon projet, car, chose étonnante, j’avais complètement oublié l’expression en question. J’ai été obligé de prier ma femme de me la rappeler. Il est facile de comprendre que cet oubli fait partie de la même catégorie que les troubles de jugement que nous éprouvons lorsque nous avons à nous prononcer sur nos parents.
b) Je me suis chargé de procurer, à une dame nouvellement arrivée à Vienne, une petite cassette en fer pour conserver ses documents et son argent. Lorsque je lui ai offert mes services, j’avais devant mes yeux l’image, d’une extraordinaire netteté visuelle, d’une vitrine dans le centre de la ville où j’avais dû voir des cassettes de ce genre. Il est vrai que je ne pouvais me rappeler le nom de la rue, mais j’étais certain de retrouver le magasin au cours d’une promenade en ville, car je me souvenais fort bien être passé devant ce magasin un nombre incalculable de fois. Mais à mon grand dépit, il m’a été impossible de retrouver la vitrine aux cassettes, malgré les multiples recherches dans toutes les directions. Il ne restait, pensai-je, d’autre ressource que de consulter un livre, d’adresses, d’y relever les noms de fabricants de cassettes et de faire ensuite un nouveau tour en ville pour identifier la vitrine cherchée. Mais je n’avais pas besoin de tant de complications : parmi les adresses qui figuraient dans l’annuaire je suis tombé sur une qui s’est aussitôt révélée à moi comme étant celle que j’avais oubliée. Il était vrai que j’étais passé devant la vitrine un nombre incalculable de fois, notamment chaque fois où j’allais voir la famille M. qui habite depuis des années la maison même où se trouve le magasin. Depuis qu’une rupture complète a succédé à mon ancienne intimité avec cette famille. j’ai pris l’habitude, sans me rendre compte des raisons qui m’y poussaient, d’éviter et le quartier et la maison. Au cours de ma promenade à travers la ville, alors que je cherchais la vitrine à cassettes, j’ai longé toutes les rues avoisinantes, en évitant seulement celle-ci, comme si elle avait été frappée d’interdit. Le sentiment désagréable, qui avait motivé dans ce cas l’impossibilité de m’orienter, est facile à concevoir. Mais le mécanisme de l’oubli n’est plus aussi simple que dans le cas précédent. Mon antipathie était naturellement dirigée, non contre le fabricant de cassettes, mais contre une autre personne, dont je ne voulais rien savoir, et se déplaça de cette autre personne pour profiter d’une occasion où elle put se transformer en oubli. C’est ainsi que dans le cas Burkhard la colère dirigée contre une personne se manifeste par la déformation du nom d’une autre, Ici l’identité de nom a réussi à établir un lien entre deux ensembles d’idées substantiellement différents; et dans le cas précis, ce lien a été le résultat de la contiguïté dans l’espace, d’un étroit voisinage. Dans ce cas, d’ailleurs, le lien était encore plus solide, car parmi les raisons qui ont amené ma rupture avec la famille demeurant dans cette maison, l’argent a joué un rôle important.
c) Le bureau B. et R. me prie de faire une visite médicale à l’un de ses employés. Alors que je me rendais au domicile de ce dernier, j’étais préoccupé par l’idée que j’étais déjà venu à plusieurs reprises dans la maison où se trouve B. et R. J’avais le vague souvenir d’avoir déjà vu la plaque de ce bureau un étage au-dessous de celui où j’avais eu à voir un malade dans cette même maison. Mais je ne puis me souvenir ni de la maison, ni du malade que j’ai eu à voir. Bien qu’il s’agisse d’une chose indifférente et sans signification aucune, elle ne m’en préoccupe pas moins et je finis par me rappeler, en recourant à mon artifice habituel et en réunissant toutes les idées qui me sont venues à l’esprit à propos de ce cas, qu’un étage au-dessus des locaux de la firme B. et R. se trouve la pension Fischer, où j’ai souvent été appelé comme médecin. Je connais maintenant la maison qui abrite la firme et la pension. Mais ce qui reste encore énigmatique, c’est le motif qui a déterminé mon oubli. Rien de désagréable ne se trouve associé au souvenir soit de la firme, soit de la pension ou des malades que j’ai eu à y soigner. Il ne peut d’ailleurs s’agir de rien de très pénible, car s’il en était ainsi, je n’aurais pas réussi à surmonter l’oubli par un détour, sans l’aide de moyens extérieurs. Je me souviens enfin que tout à l’heure, pendant que je me rendais chez mon nouveau malade, j’ai été salué dans la rue par un monsieur que j’ai eu de la peine à reconnaître. Il y a quelques mois, j’ai vu cet homme dans un état apparemment grave et j’ai posé, à son sujet, un diagnostic de paralysie progressive; mais j’ai appris plus tard que son état s’était considérablement amélioré, ce qui prouverait que mon diagnostic était inexact. Ne s’agissait-il pas d’une de ces rémissions qu’on constate également dans la démence paralytique, supposition qui laisserait mon diagnostic intact? C’est cette rencontre qui m’a fait oublier le nom des co-locataires du bureau B. et R., et c’est elle également qui a orienté mon intérêt vers la solution du problème consistant à retrouver le nom oublié. Mais étant donné la lâche connexion interne qui existait entre les deux cas (l’homme qui était guéri contre mon attente était également employé dans une grande administration qui m’adressait de temps à autre des malades), c’est l’identité de noms qui assurait leur lien associatif. Le médecin qui m’avait appelé en consultation pour examiner le paralytique en question s’appelait Fischer, c’est-à-dire du nom (oublié) de la pension installée dans la maison du bureau B. et R.
d) Ne pas arriver à « mettre la main sur un objet », c’est tout simplement avoir oublié où on l’a mis, et comme la plupart de ceux qui ont affaire à des livres et à des manuscrits, je sais très bien m’orienter sur mon bureau et retrouver sans difficulté, du premier coup, le livre ou le papier que je cherche. Ce qui peut paraître un désordre aux yeux d’un autre, a pris pour moi avec le temps la forme d’un ordre. Mais comment se fait-il que je n’aie Pu retrouver récemment un catalogue que j’avais reçu? J’avais cependant l’intention de commander un des livres qui y figurait. Ce livre avait pour titre : « Du langage », et son auteur est un de ceux dont j’aime le style spirituel et vivant, dont j’apprécie les idées sur la psychologie et les connaissances sur l’histoire de la civilisation. J’incline à penser que c’est précisément là une des causes pour lesquelles je ne peux retrouver le catalogue. J’avais en effet l’habitude de prêter à mes amis et connaissances les livres de cet auteur, et il y a quelques jours une personne me dit en me rendant un de ces livres que lui avais prêté : « Le style ressemble tout à fait au vôtre, et la manière de penser aussi. » Celui qui me disait cela ne se doutait pas à quelle corde il touchait. Il y a plusieurs années, alors que j’étais encore jeune et avais besoin d’appuis, un de mes collègues âgés auquel je faisais les éloges d’un auteur-médecin bien connu, m’a répondu à peu près dans les mêmes termes : « Il a tout à fait votre style et votre manière. » Encouragé par cette remarque, j’ai écrit à l’auteur en question que je serais heureux de nouer avec lui des relations suivies, mais la réponse que j’ai reçue était plutôt froide. Il est possible que derrière ce souvenir s’en cachent d’autres, tout aussi décourageants; quoi qu’il en soit, il m’a été impossible de retrouver le catalogue, et cette impossibilité a pris à mes yeux la valeur d’un présage, puisque j’ai pris le parti de ne pas commander le livre, alors que la disparition du catalogue n’était pas un obstacle insurmontable m’empêchant de faire cette commande, d’autant moins insurmontable que j’avais dans ma mémoire et le titre du livre et le nom de l’auteur 59.
e) Un autre cas de ce genre mérite tout notre intérêt, à cause des conditions dans lesquelles l’objet a été retrouvé. Un homme encore jeune me raconte : « Il y a quelques années, des malentendus se sont élevés dans mon ménage. Je trouvais ma femme trop froide, et nous vivions côte à côte, sans tendresse, ce qui ne m’empêchait d’ailleurs pas de reconnaître ses excellentes qualités. Un jour, revenant d’une promenade, elle m’apporta un livre qu’elle avait acheté, parce qu’elle croyait qu’il m’intéresserait. Je la remerciai de son « attention » et lui promis de lire le livre, que je mis de côté. Mais il arriva que j’oubliai aussitôt l’endroit où je l’avais rangé. Des mois se passèrent pendant lesquels, me souvenant à plusieurs reprises du livre disparu, j’essayai de découvrir sa place, sans jamais y parvenir. Environ six mois plus tard, ma mère que j’aimais beaucoup tomba malade, et ma femme quitta aussitôt la maison pour aller la soigner. L’état de la malade s’aggravant, ce fut pour ma femme l’occasion de révéler ses meilleures qualités. Un jour, je rentre à la maison, enchanté de ma femme et plein de reconnaissance envers elle pour tout ce qu’elle avait fait. Je m’approchai de mon bureau, j’ouvris un tiroir sans aucune intention précise, mais avec une assurance toute somnambulique, et le premier objet qui me tomba sous les yeux fut le livre égaré, resté si longtemps introuvable. »
M. J. Stärcke (l.c.) rapporte un autre cas qui se rapproche de ce dernier par la remarquable assurance avec laquelle l’objet a été retrouvé, une fois que le motif de l’oubli a disparu.
« Une jeune fille a gâché, en le coupant, un morceau d’étoffe dont elle voulait faire un col. Elle est obligée de faire venir une couturière. pour tenter de réparer le mal. La couturière arrivée, la jeune fille ouvre le tiroir dans lequel elle a mis l’étoffe, mais ne peut la retrouver. Elle met tout sens dessus dessous, mais en vain. En colère contre elle-même, elle se demande comment son étoffe a pu disparaître si brusquement et si elle ne reste pas introuvable, parce qu’elle ne veut pas la retrouver; en effet, le calme revenu, elle finit par se rendre compte qu’elle avait honte de montrer à la couturière qu’elle était incapable de faire une chose aussi simple qu’un col. Ayant trouvé cette explication, elle se lève, s’approche d’une autre armoire et en retire sans aucune hésitation le fameux col mal coupé. »
f) L’exemple suivant correspond à un type que connaissent aujourd’hui tous les psychanalystes. Je tiens à dire, avant d’exposer le cas, que la personne à laquelle il est arrivé en a trouvé elle même l’explication :
« Un patient, dont le traitement analytique doit subir une interruption, en un moment où il se trouve dans une phase de résistance et de mauvais état général, dépose un soir, en se déshabillant, son trousseau de clefs à la place où, croyait-il, il avait l’habitude de le déposer. Il se rappelle aussitôt après qu’il doit partir le lendemain, après une dernière séance d’analyse. Il veut donc préparer quelques papiers et l’argent nécessaire pour régler les honoraires du médecin. Mais papiers et argent étant enfermés dans le tiroir de son bureau, il a besoin de ses clefs pour l’ouvrir. Or il s’aperçoit que ses clefs ont... disparu.. Il commence à chercher et, de plus en plus énervé, il fait le tour de son petit appartement, fouillant dans tous les coins, mais sans aucun résultat. Comprenant que l’impossibilité où il est de retrouver ses clefs est un acte symptomatique, donc intentionnel, il réveille son domestique, dans l’espoir qu’une personne impartiale et désintéressée dans l’affaire aura plus de succès que lui. Après une nouvelle heure de recherches, il renonce à tout espoir et finit par penser que ses clefs sont perdues. Le lendemain matin, il commande de nouvelles clefs qui sont fabriquées d’urgence. Deux messieurs qui l’ont accompagné chez lui la veille en voiture, croient se souvenir qu’ils ont entendu quelque chose tomber à terre, au moment où il descendait de voiture. Aussi est-il convaincu que les clefs ont glissé de sa poche. Le soir, le domestique, tout joyeux, lui présente ses clefs. Il les a trouvées entre un gros livre et une petite brochure Ce travail d’un de mes élèves), que mon malade voulait emporter pour les lire pendant ses vacances. Elles y étaient si bien cachées que personne n’aurait pu soupçonner leur présence; il a d’ailleurs été impossible à mon patient de les replacer de la même manière, au point de les rendre absolument invisibles. L’habileté inconsciente avec laquelle des motifs inconscients, mais puissants, nous font égarer un objet, ressemble tout à fait à l’ « assurance somnambulique». Dans le cas présent, il s’agissait d’une contrariété que le patient devait éprouver devant l’interruption forcée de son traitement, et la nécessité où il se trouvait de payer des honoraires élevés, malgré son mauvais état de santé. »
g) Pour faire plaisir à sa femme, raconte M. A. A. Brill, un homme consent à se rendre à une réunion mondaine qui lui était au fond fort indifférente. Il commence donc par retirer de l’armoire son habit de cérémonie, mais se ravise et décide de se raser d’abord. Une fois rasé, il revient vers l’armoire, la trouve fermée et commence à chercher la clef. Ses recherches étant restées sans résultat, et devant l’impossibilité de trouver un serrurier, car c’était un dimanche, mari et femme sont obligés de rester chez eux et d’envoyer une lettre dans laquelle ils prient d’excuser leur absence. Lorsque l’armoire fut ouverte le lendemain matin par un serrurier, on trouva la clef à l’intérieur. Par distraction, le mari l’avait laissée tomber dans l’armoire et l’avait refermée ( l’ armoire était à fermeture automatique). Il m’affirma qu’il l’avait fait sans s’en rendre compte et sans aucune intention, mais nous savons bien qu’il n’avait aucune envie d’aller à cette réunion. Il y avait donc une bonne raison pour égarer la clef.
M. E. Joncs a observé sur lui-même qu’après avoir beaucoup fumé, au point de se sentir mal à l’aise, il n’arrivait pas à retrouver sa pipe. Celle-ci se trouvait alors dans tous les endroits où elle ne devait pas être et où Jones n’avait pas l’habitude de la déposer.
h) Madame Dora Müller communique ce cas inoffensif dont la motivation a d’ailleurs été reconnue par la personne intéressée (Internat. Zeitschr. f. Psychoanal., III, 1915)
Mademoiselle Erna A. raconte, deux jours avant Noël
« Hier soir,
i) M. H. Sachs nous raconte comment il
« Dimanche dernier, au début de
En examinant attentivement les cas où il
j) En été 1901
Reproches à
Même chez les personnes bien portantes, exemptes de toute névrose, on constate
Cette manière de voir,
De même que
Alors que
Les quelques inexactitudes que
Un autre cas
B. Oubli de projets
Aucun autre groupe de phénomènes ne se prête mieux que
Il est deux situations dans la vie où le profane lui-même se rend compte que l’oubli de projets n’est nullement un phénomène élémentaire irréductible, mais autorise à conclure à l’existence de motifs inavoués. Je veux parler de l’amour et du service militaire. Un amoureux qui se présente à un rendez-vous avec un certain retard aura beau s’excuser auprès de sa dame en disant qu’il avait malheureusement oublié ce rendez-vous. Elle ne tardera pas à lui répondre : « Il y a un an, tu n’aurais pas oublié. C’est que tu ne m’aimes plus. » Et si, ayant recours à l’explication psychologique mentionnée plus haut, il cherche à excuser son oubli par des affaires urgentes, la dame, devenue aussi perspicace en psychanalyse qu’un médecin spécialiste, lui répondra : « Il est bizarre que tu n’aies jamais été troublé par tes affaires. » Certes, la dame n’exclura pas toute possibilité d’oubli; elle pensera seulement, et non sans raison, que l’oubli non intentionnel est un indice presque aussi sûr d’un certain non-vouloir qu’un prétexte conscient.
De même, dans la vie militaire on n’admet aucune différence de principe entre une négligence par oubli et une négligence intentionnelle. Le soldat doit ne rien oublier de ce qu’exige de lui le service militaire. Si, cependant, il se rend coupable d’un oubli, alors qu’il sait très bien ce qui est exigé, c’est qu’il existe chez lui des motifs qui s’opposent à ceux qui doivent l’inciter à l’accomplissement des exigences militaires. Le soldat d’un an qui voudrait s’excuser au rapport, en disant qu’il a oublié d’astiquer ses boutons, serait sûr d’encourir une punition. Punition qu’on peut considérer comme insignifiante, si l’on songe à celle qu’il encourrait s’il s’avouait à lui-même et s’il avouait à ses supérieurs que toutes ces chinoiseries du service lui répugnent. C’est pour s’épargner cette punition plus sévère, c’est pour des raisons pour ainsi dire économiques qu’il se sert de l’oubli comme d’une excuse, à moins que l’oubli ne soit réel et ne vienne s’offrir à titre de compromis.
Les femmes, comme les autorités militaires, prétendent que tout ce qui se rattache à elles doit être soustrait à l’oubli et professent ainsi l’opinion que l’oubli n’est permis que dans les choses sans importance, tandis que dans les choses importantes il est une preuve qu’on veut traiter ces choses comme insignifiantes, c’est-à-dire leur refuser toute valeur 66. Il est certain que le point de vue de l’appréciation psychique ne peut pas être totalement écarté dans ces matières. Personne n’oublie d’accomplir des actions qui lui paraissent importantes, faute de quoi il s’expose à être soupçonné d’un trouble psychique. Aussi nos recherches ne peuvent-elles porter que sur l’oubli de projets plus ou moins secondaires; il n’existe pas, à notre avis, de projets tout à fait indifférents, car si de tels projets existaient, on ne voit pas pourquoi ils auraient été conçus.
Comme pour les troubles fonctionnels décrits précédemment, j’ai réuni et cherché à expliquer les cas de négligence par oubli que j’ai observés sur moi-même; et j’ai invariablement trouvé que l’oubli était dû dans tous les cas à l’intervention de motifs inconnus et inavoués, ou si je puis m’exprimer ainsi, à l’intervention d’une contre-volonté. Dans une série de ces cas, je me trouvais dans une situation qui rappelle les conditions du service militaire, je subissais une contrainte contre laquelle je n’avais jamais cessé de me révolter, ma révolte se manifestant par des oublis. A cela je dois ajouter que j’oublie très facilement de complimenter les gens à l’occasion d’anniversaires, de jubilés, de mariages et d’avancements. Plus je m’attache à le faire, et plus je constate que cela ne me réussit pas. Je finirai par me décider à y renoncer et à obéir consciemment et volontairement aux motifs qui s’y opposent. A un ami qui m’avait chargé, à l’occasion d’un certain événement, d’expédier à une date fixe un télégramme de félicitations (ce qui, pensait-il, me serait d’autant plus facile que j’avais, moi aussi, à télégraphier à l’occasion du même événement), j’avais prédit que j’oublierais certainement d’expédier aussi bien mon télégramme que le sien. Et je n’ai été nullement étonné de voir ma prophétie se réaliser. A la suite de douloureuses expériences que la vie m’avait réservées, je suis devenu incapable de manifester mon intérêt dans les cas où cette manifestation doit nécessairement revêtir une forme exagérée, hors de proportion avec le sentiment plutôt tiède que j’éprouve dans ces occasions. Depuis que je me suis rendu compte que j’ai souvent pris chez les autres une sympathie feinte pour une sympathie véritable, je me suis révolté contre les manifestations conventionnelles d’une sympathie de commande, manifestations dont je ne vois d’ailleurs pas l’utilité sociale. Seuls les décès trouvent grâce devant ma sévérité; et toutes les fois où je me suis proposé d’exprimer mes condoléances à l’occasion d’un décès, je n’ai pas manqué de le faire. Toutes les fois où mes manifestations affectives n’ont pas le caractère d’une obligation sociale, elles s’expriment librement, sans être entravées ou étouffées par l’oubli.
Le lieutenant T. rapporte un cas d’oubli de ce genre, survenu pendant sa captivité. Il s’agit également d’un projet qui, réprimé d’abord, n’en a pas moins réussi à se faire jour, créant ainsi une situation très pénible.
Un cas d’omission
« Le supérieur d’un camp d’officiers-prisonniers est offensé par un de ses camarades. Pour éviter des suites fâcheuses, il veut se servir du seul moyen radical dont il dispose, en éloignant ce dernier et en le faisant déplacer dans un autre camp. Cédant aux instances de plusieurs amis, il se décide cependant, bien à contre-cœur, à ne pas recourir à cette mesure et à se soumettre à une procédure d’honneur, malgré tous les inconvénients qui doivent en résulter.
« Ce même matin, le commandant en question devait, sous le contrôle d’un surveillant, faire l’appel de tous les officiers-prisonniers. Connaissant tous ses camarades depuis longtemps, il ne s’était jamais trompé en faisant l’appel. Mais cette fois il sauta le nom de son offenseur, de sorte que celui-ci dut rester à sa place après le départ de tous les autres, jusqu’à ce que le commandant se fût aperçu de l’erreur. Or, le nom omis était écrit très distinctement au milieu de la feuille.
« Cet incident a été interprété par celui qui en fut la victime comme un affront voulu; mais J’autre n’y a vu qu’un hasard malheureux, autorisant la supposition erronée du premier. Après avoir cependant lu la « Psychopathologie » de Freud, le commandant a pu se faire une idée exacte de ce qui était arrivé. »
C’est encore par un conflit entre un devoir conventionnel et un jugement intérieur non avoué que s’expliquent les cas où l’on oublie d’accomplir des actions qu’on avait promis d’accomplir au profit d’un autre. Le bienfaiteur est alors généralement le seul à voir dans l’oubli qu’il invoque une excuse suffisante, alors que le solliciteur pense sans doute, et non sans raison : « il n’avait aucun intérêt à faire ce qu’il m’avait promis, autrement il ne l’aurait pas oublié ». Il est des hommes qu’on considère généralement comme ayant l’oubli facile et qu’on excuse de la même manière dont on excuse les myopes, lorsqu’ils ne saluent pas dans la rue 67. Ces personnes oublient toutes les petites promesses qu’elles ont faites, ne s’acquittent d’aucune des commissions dont on les a chargées, se montrent peu sûres dans les petites choses et prétendent qu’on ne doit pas leur en vouloir de ces petits manquements qui s’expliqueraient, non par leur caractère, mais par une certaine particularité organique 68. Je ne fais pas partie moi-même de cette catégorie de gens et je n’ai pas eu l’occasion d’analyser les actes de personnes sujettes aux oublis de ce genre, de sorte que je ne puis rien affirmer avec certitude quant aux motifs qui président à ces oublis. Mais je crois pouvoir dire par analogie qu’il s’agit d’un degré très prononcé de mépris à l’égard d’autrui, mépris inavoué et inconscient, certes, et qui utlise le facteur constitutionnel pour s’exprimer et se manifester 69.
Dans d’autres cas, les motifs de l’oubli sont moins faciles à deviner et provoquent, lorsqu’ils sont découverts, une surprise plus grande. C’est ainsi que j’ai remarqué autrefois que sur un certain nombre de malades que j’avais à visiter, les seules visites que j’oubliais étaient celles que je devais faire à des malades gratuits ou à des confrères malades. Pour me mettre à l’abri de ces oublis, dont j’avais honte, j’avais pris l’habitude de noter dès le matin toutes les visites que j’avais à faire dans le courant de la journée. J’ignore si d’autres médecins ont eu recours au même moyen pour arriver au même résultat. Mais cette expérience nous fournit une indication quant aux mobiles qui poussent le neurasthénique à noter sur le fameux « bout de papier »fut ce qu’il se propose de dire au médecin. On dirait qu’il ne se fie pas à la force et à la fidélité de sa mémoire. C’est certainement exact, mais les choses se passent le plus souvent ainsi : Après avoir longuement exposé les troubles qu’il ressent et posé toutes les questions qui s’y rapportent, le malade fait une petite pause, après laquelle il tire de sa poche son bout de papier et dit en s’excusant : « J’ai noté sur ce papier certaines choses, sinon je ne me souviendrais de rien. » Dans la plupart des cas, rien ne se trouve noté sur ce papier qu’il n’ait déjà dit. Il répète donc tous les détails et se répond à lui-même : « cela, je l’ai déjà demandé ». Son bout de papier ne sert sans doute qu’à mettre en lumière un de ses symptômes, à savoir la fréquence avec laquelle ses projets sont troublés par des motifs étrangers.
Je vais avouer maintenant un défaut dont souffrent aussi la plupart des personnes saines que je connais; il m’arrive très facilement, peut-être moins facilement que lorsque j’étais plus jeune, d’oublier de rendre les livres empruntés ou de différer certains paiements en les oubliant. Il n’y a pas très longtemps, je suis sorti un matin du bureau de tabac où j’achète tous les jours mes cigares, en oubliant de payer. Ce fut une négligence tout à fait inoffensive étant donné que le tenancier du bureau me connaît et qu’il était sûr d’être payé le lendemain. Mais le petit retard, la tentative de faire des dettes n’étaient certainement pas étrangers aux considérations budgétaires qui m’avaient préoccupé la veille. Même chez les hommes dits tout à fait honnêtes, on découvre facilement les traces d’une double attitude à l’égard de l’argent et de la propriété. La convoitise primitive du nourrisson qui cherche à s’emparer de tous les objets (pour les porter à sa bouche) ne disparaît, d’une façon générale, qu’incomplètement sous l’influence de la culture et de l’éducation 70.
On trouvera peut-être qu’à force de citer des exemples de ce genre, j’ai fini par tomber dans la banalité. Mais mon but était précisément d’attirer l’attention sur des choses que tout le monde connaît et comprend de la même manière, autrement dit de réunir des faits de tous les jours et de les soumettre à un examen scientifique. Je ne vois pas pourquoi on refuserait à cette sorte de sagesse, qui est la cristallisation des expériences de la vie quotidienne, une place parmi les acquisitions de la science. Ce qui constitue le caractère essentiel du travail scientifique, ce n’est pas la nature des faits sur lesquels il porte, mais la rigueur de la méthode qui préside à la constatation de ces faits et la recherche d’une synthèse aussi vaste que possible.
En ce qui concerne les projets de quelque importance, nous avons trouvé en général qu’ils sont oubliés, lorsqu’ils sont contrariés par des motifs obscurs. Dans les projets de moindre importance, l’oubli peut encore être amené par un autre mécanisme, le projet subissant le contrecoup de la résistance intérieure qui s’oppose à un autre ensemble psychique quelconque, et cela en vertu d’une simple association extérieure entre cet ensemble et le projet en question. En voici un exemple : j’aime le bon buvard et me propose de profiter d’une course que je dois faire cet après-midi dans le centre de la ville, pour en acheter. Mais pendant quatre jours consécutifs j’oublie mon projet et je finis par me demander quelle peut être la cause de cet oubli. Je trouve cette cause, en me rappelant que j’ai l’habitude d’écrire Löschpapier71, mais de dire Fliesspapier. Or, « Fliess » est le nom d’un de mes amis de Berlin, au nom duquel se sont trouvées associées dans mon esprit, ces jours derniers, des idées et préoccupations pénibles. Je ne puis me défaire de ces idées et préoccupations, mais l’instinct de défense se manifeste (p. 158) en se déplaçant, à la faveur de la ressemblance phonétique, sur le projet indifférent et, de ce fait, moins résistant.
Une opposition directe et une motivation plus éloignée se sont manifestées simultanément dans le cas de retard suivant . J’ai écrit, pour la collection Grenzfragen des Nerven und Seelenlebens, une brève monographie, qui était un résumé de ma « Science des rêves ». Bergmann, de Wiesbaden, m’envoie des épreuves, me priant de les corriger au plus tôt, car il veut faire paraître le fascicule avant Noël. Je corrige les épreuves le soir même et les dépose sur mon bureau, pour les expédier le lendemain matin. Le lendemain, j’oublie totalement mon projet et ne m’en souviens que l’après-midi, en apercevant le paquet sur ma table. J’oublie encore d’emporter les épreuves l’aprèsmidi, le soir, et le matin suivant; enfin, dans l’après-midi du deuxième jour, je me lève brusquement, m’empare des épreuves et sors précipitamment pour mettre mon paquet dans la première boîte aux lettres. Chemin faisant, je me demande avec étonnement quelle peut bien être la cause de mon retard. Il est évident que je ne tiens pas à expédier les épreuves, mais je ne trouve pas le pourquoi. Au cours de la même promenade, j’entre chez mon éditeur de Vienne qui a publié mon livre sur les rêves et lui dis comme poussé par une inspiration subit : « Savez-vous que j’ai écrit une nouvelle variante du Rêve? – Ah, pardon! – Calmez-vous: il ne s’agit que d’une brève monographie pour la collection Löwenfeld-Kurella. » Il n’était pas rassuré; il craignait un préjudice pour la vente du livre. Je cherche à lui prouver le contraire et lui demande finalement : « Si je vous avais demandé l’autorisation, avant d’écrire cette monographie, me l’auriez-vous refusée ? – Certainement non ! » Je crois, en ce qui me concerne, que j’étais tout à fait dans mon droit et n’ai fait que me conformer à l’usage ; il me semble cependant que c’est la même appréhension que celle manifestée par l’éditeur qui a été la cause de mon hésitaiton à renvoyer les épreuves. Cette appréhension se rattache à une circonstance antérieure, et notamment aux objections qui m’ont été faites par un autre éditeur, lorsque, chargé d’écrire pour le « Manuel » de Nothnagel le chapitre sur la paralysie cérébrale infantile, j’ai reproduit dans ce travail quelques pages d’un mémoire sur la même question, paru antérieurement chez l’éditeur de ma Science des rêves. Dans ce dernier cas, le reproche n’était pas plus justifié, car j’ai alors loyalement prévenu l’éditeur du mémoire de mon intention d’y emprunter quelques pages pour mon travail destiné au « Manuel » de Nothnagel.
Mais en remontant la suite de mes souvenirs, j’évoque une circonstance encore plus ancienne où, à l’occasion d’une traduction d’un livre français, j’ai vraiment lésé certains droits de propriété littéraire. J’avais ajouté au texte traduit des notes, sans en avoir demandé l’autorisation à l’auteur, et j’ai eu quelques années plus tard l’occasion de m’assurer que celui-ci n’était pas du tout content de mon sans-gêne.
Il existe un proverbe témoignant que le bon sens populaire sait bien qu’il n’y a rien d’accidentel dans l’oubli de projets : « Ce qu’on a oublié de faire une fois, on l’oubliera encore bien d’autres fois. »
Sans doute, on ne peut pas ne pas reconnaître que tout ce qu’on pourrait dire sur l’oubli et sur les actes manqués est considéré par la plupart des hommes comme connu et comme allant de soi. Mais pourquoi est-il nécessaire de présenter chaque fois à leur conscience ce qu’ils connaissent si bien? Que de fois ai-je entendu dire : « Ne me charge pas de cette commision, je l’oublierai certainement. » Dans cette prédiction il n’y avait sûrement rien de mystique. Celui qui parlait ainsi sentait en lui vaguement le projet de ne pas s’acquitter de la commission et hésitait seulement à l’avouer.
L’oubli de projets reçoit d’ailleurs une bonne illustration de ce qu’on pourrait appeler « la conception de faux projets ». J’avais promis à un jeune auteur de rendre compte d’un petit ouvrage qu’il avait écrit. Des résistances intérieures, dont je ne me rendais pas compte, m’ont fait différer ce projet, jusqu’à ce que, l’ayant rencontré un jour et cédant à ses instances, j’aie fini par lui promettre de lui donner satisfaction le soir même. J’étais tout à fait décidé à tenir ma promesse, mais j’avais oublié que j’avais ce même soir à rédiger d’urgence un rapport d’expertise médicale. Ayant fini par me rendre compte que j’avais conçu un faux projet, j’ai renoncé à lutter contre mes résistances et j’ai fait savoir à l’auteur que je retirais ma promesse.
== 8. Méprises et maladresses ==
Au travail, déjà mentionné, de Meringer et Mayer j’emprunte encore le passage suivant (p. 98) :
« Les lapsus de la parole ne sont pas des phénomènes isolés. Ils correspondent aux erreurs auxquelles sont sujettes les autres activités des hommes et qui sont connues sous la dénomination absurde
Je ne suis donc pas le premier à avoir attribué un sens et une intention aux petits troubles fonctionnels de la vie quotidienne 72.
Si les erreurs que nous commettons lorsque nous nous servons du langage, qui est une fonction motrice, admettent une telle conception, rien ne
Nous ne gagnons rien, au point de vue de la compréhension psychologique de la «méprise», en la concevant comme une ataxie, et plus spécialement comme une « ataxie corticale ». Essayons plutôt de ramener chacun des cas dont nous aurons à nous occuper aux conditions dans lesquelles il
a) Autrefois, alors que je faisais plus souvent
Mon acte manqué était donc la représentation symbolique
De nombreuses observations faites par
Dans ses « Contributions à la psychopathologie de la vie quotidienne » (Arch. de Psychol., VI, 1906), M. A. Maeder décrit des expériences presque identiques aux miennes : « Il est arrivé à chacun de sortir son trousseau, en arrivant à la porte
E. Jones (1.c., p. 509) : «
Hanns Sachs (de Vienne) raconte de même : « Je porte toujours sur moi deux clefs, dont
b) Depuis six ans,
c) Sur mon bureau se trouvent déposés, toujours à la même place depuis des années et
Quel est donc celui qui
Mais que signifie cette injure? Examinons un peu la situation. Je suis pressé
On le voit, cette fois
d) Il va sans dire que la méprise peut être utilisée par une foule
Mon encrier se compose
Je crois que ce jugement
Au cours de ces dernières années, depuis que je réunis ces observations, il
Ach! die Venus ist perdü –
Klickeradoms! von Medici!
Mon geste inconsidéré et mon impassibilité en présence du dommage subi trouvent leur explication dans la situation
Une autre fois, je me rendis coupable de la destruction
Dans un troisième cas, la destruction de
Le calme et
Quelquefois, en recherchant les motifs
« Un médecin se trouvait en possession
« Notre médecin, homme très scrupuleux, ne
«
« Son remords avait pris à un moment donné une intensité telle
« Alors
« Le premier moment
« Sans doute, cet acte manqué avait pour tendance actuelle de faciliter au médecin le recouvrement de son dû,
« Mais, en plus de ce déterminisme direct,
« Le héros de cette petite histoire avait été marié; et sa femme, jeune, jolie et
« A partir de ce moment, il se tint à
« Étant donné, cependant,
« Les deux faits suivants apportent une intéressante confirmation de cette interprétation symbolique :
« Voulant guérir de sa névrose, il
« Et à
« La signification symbolique de cet acte manqué est susceptible encore de plusieurs variantes, liées à certains détails, comme, par exemple,
e) Le fait de laisser tomber, de renverser, de détruire les objets semble souvent être utilisé comme
Il y eut récemment dans ma maison une période pendant laquelle les verres et la vaisselle de porcelaine subissaient un véritable massacre;
Lorsque des domestiques détruisent des objets fragiles, en les laissant tomber, on ne pense pas tout de suite à chercher une explication psychologique de ces actes; il
« Depuis quelque temps,
Tomber, faire un faux pas, glisser – autant
f) Plus que tout autre domaine, celui de
Il arrive souvent dans la rue que deux passants se dirigeant en sens inverse et voulant chacun éviter
M. W. Stekel a rapporté des observations tout à fait analogues
g) Les effets consécutifs aux actes manqués des individus normaux sont généralement anodins.
En essayant
Sur ce point les matériaux me font défaut, et
Je ne citerai en détail
Je ne me rappelle pas
Un de mes garçons, dont le tempérament vif était réfractaire aux soins médicaux, eut un accès de colère, parce
Ceux qui croient à la réalité de mutilations volontaires miintentionnelles,
Ceux qui ont
M. S. Ferenczi
J. Ad., ouvrier menuisier, âgé de 22 ans, vint me consulter le 18 janvier 1908. Il voulait savoir
Voici une autre analyse, mise également à ma disposition par
« Madame X., faisant partie
« Cette explication de son accident ne
– Mais pourquoi
– Il
– Alors, cette histoire
– Après cette histoire,
« Il
– Je me faisais, dit-elle, souvent le reproche
« Cet accident
« Au moment où elle se dirigeait précipitamment vers la boutique pour acheter le tableau, toute cette histoire – avec toutes les appréhensions qui
« Sans que cette idée fût devenue consciente, elle la prit comme prétexte, dans ce moment que
En examinant de près les circonstances dans lesquelles
« Une dame, dont le gendre devait partir pour
Si une maladresse accidentelle et une insuffisance motrice peuvent ainsi servir à certaines personnes de paravents derrière lesquels se dissimule la rage contre leur propre intégrité et leur propre vie, nous
J. Stärcke (l.c.) a cité un exemple montrant que les poètes
« Dans une de ses esquisses, Heyermans raconte une méprise, ou plutôt un acte manqué, sur lequel il construit tout un drame. Il
Ce soir du 31 janvier Tom fut, comme
« Riant, et sans perdre une seconde, Teddie enjamba le bord du bassin. Elle descendit
« Oh, Jésus, quel incident fâcheux ! »
« Pendant ce temps, Tom faisait des grimaces derrière le judas, et il était visible
Deux minutes, cinquante-huit secondes...
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« Tout à coup, il y eut un mouvement de stupéfaction dans la salle et un bruit de pieds, car les domestiques et le dompteur se mirent, eux aussi, à chercher, et le rideau tomba avant que le couvercle de la caisse fût enlevé.
« Six danseuses anglaises firent leur apparition, puis vint
«
« On voit,
== 9. Actes symptomatiques et accidentels ==
Les actes que nous venons de décrire et dans lesquels nous avons reconnu la réalisation d’une intention inconsciente, se présentaient comme des formes troublées d’autres actes intentionnels et se dissimulaient sous le masque de la maladresse. Les actes accidentels, dont il sera question dans ce chapitre, ne se distinguent des méprises que par le fait qu’ils ne recherchent pas l’appui d’une intention consciente et n’ont pas besoin d’un prétexte. Ils se produisent pour eux-mêmes et sont admis, car on ne leur soupçonne ni but ni intention. On les accomplit, « sans penser à rien à leur propos », « d’une façon purement accidentelle », « comme si l’on voulait seulement occuper ses mains », et l’on considère que cette explication doit mettre fin à tout examen ultérieur quant à la signification de l’acte. Pour pouvoir bénéficier de cette situation exceptionnelle, les actes en question, qui n’invoquent pas l’excuse de la maladresse, doivent remplir certaines conditions déterminées : ils ne doivent pas être étranges et leurs effets doivent être insignifiants.
J’ai réuni un grand nombre de ces actes accidentels, accomplis par d’autres et par moi-même et, après avoir soumis chaque cas à un examen approfondi, j’ai cru pouvoir conclure que ces actes méritent plutôt le nom de symptomatiques. Ils expriment quelque chose que l’auteur de l’acte lui-même ne soupçonne pas et qu’il a généralement l’intention de garder pour lui, au lieu d’en faire part aux autres.
La moisson la plus abondante de ces actes accidentels ou symptomatiques nous est d’ailleurs fournie par les résultats du traitement psychanalytique des névroses. Je ne puis résister à la tentation de montrer, sur deux exemples provenant de cette source, jusqu’à quel degré et avec quelle finesse ces incidents peu apparents sont déterminés par des idées inconscientes. La limite qui sépare les actes symptomatiques des méprises est si peu tranchée que j’aurais pu tout aussi bien citer ces exemples dans le chapitre précédent.
a) Au cours d’une séance de psychanalyse, une jeune femme fait part de cette idée qui lui vient à l’esprit : la veille en se coupant les ongles, « elle a entamé la chair alors qu’elle était occupée à enlever la petite peau de la matrice de l’ongle ». Ce détail est si peu intéressant qu’on peut se demander pourquoi la malade s’en est souvenue et en a fait part; on soupçonne en conséquence qu’il s’agit d’un acte symptomatique. C’est à l’annulaire qu’est arrivé ce petit malheur, l’annulaire auquel on porte l’alliance. Le jour de l’accident était, en outre, le jour anniversaire de son mariage, ce qui confère à la petite blessure un sens tout à fait net et facile à découvrir. Elle raconte, en outre, un rêve se rapportant à la maladresse de son mari et à sa propre anesthésie sexuelle. Mais pourquoi s’est-elle blessée à l’annulaire gauche, alors que c’est sur l’annulaire droit qu’on porte l’alliance? Son mari est avocat, « docteur en droit 81 » et étant jeune fille elle avait une secrète inclination pour un médecin «( docteur en gauche », disait-elle, en plaisantant). Un mariage de la main gauche avait aussi sa signification déterminée.
b) Une jeune femme non mariée raconte : « Hier j’ai déchiré par hasard en deux un billet de banque de 100 florins et j’en ai donné une moitié à une dame qui était en visite chez moi. Aurais-je commis, moi aussi, un acte symptomatique? » Une analyse un peu poussée révèle les détails suivants : Cette femme consacre une partie de son temps et de sa fortune à des œuvres de charité. En commun avec une autre dame, elle assure l’éducation d’un orphelin. Les 100 florins lui ont été envoyés précisément par cette autre dame. Ayant reçu le billet, elle l’a mis dans une enveloppe et déposé provisoirement sur son bureau.
La dame qu’elle avait en visite était une personne notable, s’occupant d’une autre oeuvre de charité. Elle était venue chercher une liste de personnes auxquelles elle puisse demander une contribution pour son œuvre. Ne trouvant pas de papier pour écrire les noms, ma patiente prit l’enveloppe qui était sur son bureau et la déchira en deux, sans penser à son contenu : elle voulait, en effet, garder pour elle un duplicata de la liste qu’elle allait donner à sa visiteuse. Qu’on remarque bien le caractère inoffensif de cet acte inutile. On sait qu’un billet de cent florins ne perd rien de sa valeur, lorsqu’il est déchiré, dès l’instant où il est possible de le reconstituer avec les fragments. Or, étant donné l’importance de l’usage auquel allait servir le morceau de papier, il était certain que la dame le garderait, et il était non moins certain que dès qu’elle se serait aperçue de son précieux contenu, elle s’empresserait de le renvoyer à sa propriétaire.
Mais quelle pensée inconsciente pouvait bien exprimer cet acte accidentel, facilité par un oubli? La dame en visite était un partisan résolu de notre méthode de traitement. C’est elle qui avait conseillé à ma malade de s’adresser à moi et, si je ne me trompe, cette malade lui était très reconnaissante de ce conseil. Le demi-billet de cent florins représenterait-il les honoraires pour cette aimable intervention ? Ce serait bien étonnant.
Mais voici d’autres détails. La veille, une intermédiaire d’un autre genre, que ma malade avait rencontrée chez une parente, lui avait demandé si elle ne serait pas disposée à faire la connaissance d’un certain monsieur; et, quelques heures avant l’arrivée de la dame, ma malade avait reçu une lettre dans laquelle ce même monsieur demandait sa main, ce qui l’avait beaucoup amusée. Lorsque la dame eut préludé à la conversation, en demandant à ma malade des nouvelles de sa santé, celle-ci a pu penser : « Tu m’as bien indiqué le médecin qu’il me fallait; mais je te serais encore plus reconnaissante, si tu pouvais m’aider à trouver le mari qu’il me faut » (et en pensant au mari, elle pensait certainement aussi à un enfant). Partant de cette idée refoulée, elle a fondu ensemble les deux intermédiaires et a tendu à la visiteuse les honoraires que dans son imagination elle était disposée à offrir à l’autre. Ce qui rend cette explication tout à fait vraisemblable, c’est que pas plus tard que la veille au soir je l’avais entretenue des actes accidentels et symptomatiques. Elle profita de la première occasion pour produire quelque chose d’analogue.
On peut subdiviser les actes symptomatiques et accidentels très fréquents, en les classant dans diverses catégories, selon qu’ils sont habituels, se produisent généralement dans certaines conditions, ou sont isolés. Les premiers (habitude de jouer avec sa chaîne de montre, de se tirailler la barbe, etc.), qui peuvent presque servir à caractériser les personnes qui les accomplissent, se confondent avec les innombrables tics et doivent être traités avec ces derniers. Je range dans le deuxième groupe les mouvements qu’on accomplit avec la canne qu’on a à la main, le griffonage avec le crayon qu’on tient entre les doigts, le pétrissage de mie de pain et autres substances plastiques; font partie du même groupe les gens qui ont l’habitude de faire sonner la monnaie qu’ils ont dans leur poche, de tirer sur leurs habits, etc. A toutes ces occupations, qui apparaissent comme des jeux, le traitement psychique découvre un sens et une signification auxquels est refusé un autre mode d’expression. Généralement, la personne intéressée ne se doute ni de ce qu’elle fait, ni des modifications qu’elle fait subir à ses gestes habituels; elle reste sourde et aveugle aux effets produits par ces gestes. Elle n’entend, par exemple, par le bruit qu’elle produit en faisant remuer les pièces de monnaie qu’elle a dans sa poche et elle prend un air étonné et incrédule, lorsqu’on attire son attention sur ce détail. De même, toutes les manipulations que certaines personnes, sans s’en apercevoir, infligent à leurs habits, ont une signification et méritent de retenir l’attention du médecin. Tout changement dans la mise ordinaire, toute négligence, comme, par exemple, un bouton mal ajusté, toute velléité de laisser telle ou telle partie du corps découverte – tout cela signifie quelque chose que le porteur des habits ne veut pas dire directement et dont le plus souvent il ne se doute même pas. L’interprétation de ces petits actes accidentels, ainsi que les preuves à l’appui de cette interprétation, se dégagent chaque fois, avec une certitude suffisante, au cours de la séance, des circonstances dans lesquelles l’acte s’est produit, de la conversation qu’on vient d’avoir avec la personne, ainsi que des idées qui lui viennent à l’esprit, lorsqu’on attire son attention sur le caractère, en apparence seulement accidentel, de l’acte. Étant donné cependant que, dans ce que je viens de dire, j’avais principalement en vue des personnes anormales, je renonce à citer à l’appui de mes affirmations des exemples confirmés par l’analyse; mais si je mentionne toutes ces choses, c’est parce que je suis convaincu que les actes qui nous occupent possèdent chez l’homme normal la même signification que chez les anormaux.
Je citerai un seul exemple, fait pour montrer à quel point un acte symbolique, devenu une habitude, peut se rattacher à ce qu’il y a de plus intime et de plus important dans la vie 82.
« D’après ce que nous a enseigné le professeur Freud, le symbolisme joue dans la vie infantile de l’homme un rôle beaucoup plus important qu’on ne le croyait, d’après les expériences psychanalytiques les plus anciennes. Sous ce rapport, il n’est pas sans intérêt de rapporter l’analyse suivante, surtout à cause des perspectives médicales qu’elle laisse entrevoir.
« En installant son mobilier dans un nouvel appartement, un médecin retrouve un stéthoscope « simple » en bois. Après avoir cherché pendant un instant la place où il va le déposer, il se sent comme poussé à le placer sur son bureau, entre son propre siège et celui sur lequel il a l’habitude de faire asseoir ses malades. Cet acte était quelque peu bizarre, pour deux raisons. En premier lieu, ce médecin (qui est neurologue) se sert rarement du stéthoscope, et dans les rares cas où il a besoin de cet appareil, il se sert d’un stéthoscope double (pour les deux oreilles). En second lieu, il gardait tous ses appareils et instruments médicaux dans des tiroirs; celui-ci s’est donc vu accorder un traitement de faveur. Quelques jours après, il ne pensait plus à la chose, lorsqu’une malade, venue en consultation et qui n’avait jamais vu un stéthoscope « simple », lui demanda ce que c’était. Ayant reçu l’explication, elle demanda encore pourquoi l’instrument était posé là et non pas ailleurs; à quoi le médecin répondit assez vivement que cette place en valait bien une autre. Ces questions ne l’en frappèrent pas moins, et il commença à se demander si son acte ne lui avait pas été dicté par des motifs inconscients. Familiarisé avec la méthode psychanalytique, il résolut de tirer la chose au clair.
« Il se rappela tout d’abord qu’alors qu’il était étudiant en médecine il avait un chef de service qui avait l’habitude, pendant ses visites dans les salles d’hôpital, de tenir à la main un stéthoscope simple dont il ne se servait jamais. Il admirait beaucoup ce médecin et lui était très dévoué. Plus tard, étant devenu lui-même médecin des hôpitaux, il avait pris la même habitude et se serait senti mal à l’aise si, par mégarde, il était sorti de chez lui sans balancer l’instrument à la main. Ce qui prouvait cependant l’inutilité de cette habitude, ce n’était pas seulement le fait que le seul stéthoscope dont il se servait réellement était un stéthoscope double qu’il portait dans sa poche, mais aussi cette particularité qu’il avait conservé son habitude, après avoir été nommé dans un service de chirurgie où le stéthoscope n’était d’aucune utilité. La signification de ces observations apparaît, si nous admettons la nature phallique de cet acte symbolique.
« Un autre fait dont il retrouva le souvenir était le suivant : jeune garçon, il avait été frappé par l’habitude du médecin de famille de garder son stéthoscope simple à l’intérieur de son chapeau. Il trouvait intéressant que le médecin ait toujours eu à sa portée son principal instrument, lorsqu’il allait voir des malades, et qu’il lui ait suffi d’enlever son chapeau (c’est-à-dire une partie de ses vêtements), pour l’en retirer. Jeune enfant, il avait beaucoup de sympathie pour ce médecin; et en s’analysant récemment, il se rappela qu’à l’âge de trois ans et demi il eut deux phantasmes au sujet de la naissance de sa plus jeune sœur – premièrement, qu’elle était née de lui-même et de sa mère, deuxièmement, de lui-même et du docteur. Dans ces phantasmes, il jouait aussi bien le rôle féminin que le rôle masculin. Il se rappela ensuite avoir été, à l’âge de six ans, examiné par ce même médecin, et il se souvenait nettement de la sensation voluptueuse qu’il avait éprouvée à sentir la tête du docteur appuyée sur sa poitrine par l’intermédiaire du stéthoscope, ainsi que le va-et-vient rythmique de ses mouvements respiratoires. A l’âge de trois ans il eut une maladie chronique des bronches qui nécessita des examens répétés, dont il ne se souvient d’ailleurs pas.
« A l’âge de huit ans, il fut fortement impressionné, en entendant un de ses camarades raconter que le médecin avait l’habitude de se mettre au lit avec ses patientes. Ce récit avait un fond de vérité, car le médecin en question jouissait de la sympathie de toutes les femmes du quartier (et de sa mère aussi). L’analysé lui-même avait éprouvé plus d’une fois le désir sexuel en présence de certaines de ses patientes; il en avait successivement aimé deux et avait fini par épouser une cliente. Il est à peu près certain que c’est son identification inconsciente avec le médecin qui le poussa à choisir la carrière médicale. Il résulte d’analyses faites sur d’autres médecins que telle est en effet la raison la plus fréquente (bien qu’il soit difficile de préciser cette fréquence) du choix de cette carrière. Dans le cas précis, il put y avoir deux moments décisifs : en premier lieu, la supériorité, qui s’est manifestée dans plusieurs occasions, du médecin sur le père, dont le fils était très jaloux; et en second lieu le fait que le médecin savait des choses défendues et avait de nombreuses occasions de satisfaction sexuelle.
« L’analysé retrouve ensuite le souvenir d’un rêve (qui a été publié ailleurs 83 de nature nettement homosexuelle et masochiste, dans lequel un homme, qui n’est qu’un avatar du médecin, menaçait le rêveur d’un glaive. Cela lui rappela une histoire qu’il avait lue dans le Chant des Niebelangen et où il est question d’une épée que Sigurd aurait placée entre lui et Brunhilde endormie. La même histoire figure dans la légende d’Arthur que notre homme connaît également.
« Le sens de l’acte symptomatique devient ainsi compréhensible. Le médecin avait placé son stéthoscope entre lui et ses patientes, tout comme Sigurd avait placé son épée entre lui et la femme à laquelle il ne devait pas toucher. C’était un acte de compromis qui devait servir à deux fins : éveiller, en présence d’une patiente séduisante, son désir refoulé d’avoir avec elle des rapports sexuels et lui rappeler en même temps que ce désir ne pouvait être satisfait. Il s’agissait, pour ainsi dire, d’un charme contre- les assauts de la tentation.
« J’ajouterai encore que le garçon a été fortement impressionné par ces vers du Richelieu de Lord Lytton
Beneath the rule of men entirely great
The pen is mightier than the sword 84.
« Cette analyse montre une fois de plus quelles profondeurs de la vie psychique nous révèlent les actes soidisant « inoffensifs, dépourvus de sens » et à quelle période précoce de la vie commence à se développer la tendance à la symbolisation ».
Je puis encore citer un cas de ma pratique psychothérapique où une main jouant avec une boule de mie de pain
Pendant que je parlais, le garçon avait cessé de pétrir sa mie, et lorsque je fus arrivé au passage racontant ce que le roi fit dans son jardin, et notamment aux mots : « abattit sans mot dire », mon malade abattit, à son tour, la tête de son bonhomme avec la rapidité
Les actes symptomatiques, dont on trouve une variété inépuisable aussi bien chez
Le Dr J. E. G. van Emden (de La Haye) relate un autre cas
Il va sans dire que je ne me suis pas opposé à sa retraite, et
Voici ce que raconte le Dr Hanns Sachs :
«
Inutile
Je dois au docteur B. Dattner (de Vienne) la communication
« Je suis en train de déjeuner au restaurant avec mon collègue de philosophie, le Dr H. Il me raconte ce
« La signification de son acte symptomatique apparaît
Les exemples suivants montrent quelle signification peut avoir le fait
1) Dr B. Dattner : « Un de mes collègues fait une visite à une de ses amies
Le mari de
Deux jours plus tard, le collègue fit un rêve dans lequel la boite figurait à titre de symbole et son amie
2) Dr Hanns Sachs : « Notre bonne a un faible pour un certain gâteau.
« Le lendemain, lorsque nous voulûmes manger ce qui restait du gâteau, ma femme constata que la bonne
«
Les actes accidentels ou symptomatiques se rattachant à la vie conjugale ont souvent la plus grande signification et peuvent inspirer la croyance aux signes prémonitoires à ceux qui ne sont pas familiarisés avec la psychologie de
Aux travaux très intéressants de A. Maeder, publiés en français 85,
« Une dame nous racontait récemment
Un de mes amis, qui sait observer et interpréter les signes,
A cela se rattache ce que Th. Reik (Internat. Zeitschr.f Psychoanalyse, III, 1915) raconte au sujet
« Nous connaissons les actes symptomatiques accomplis par des époux et qui consistent à enlever et à remettre machinalement leur alliance. Mon collègue K. a accompli toute une série
A propos de ces actes symptomatiques ayant pour objet la bague,
Il
Acte manqué équivalant à un aveu.
Il y a quelques années, un homme beaucoup plus jeune que moi et partageant mes idées, a bien voulu
«
Je connais aussi un monsieur âgé ayant épousé une très jeune fille et qui, au lieu de partir tout de suite en voyage, préféra passer avec sa jeune femme la première nuit dans un hôtel de la capitale. A peine arrivé à
Il est consolant de penser que, dans
Voici quelques exemples à
Dr B. Dattner : « Un collègue me raconte
Une dame de ma connaissance ayant perdu sa vieille mère
On peut admettre
Arrivée dans une station thermale, elle se décide à faire une visite dans une pension de famille où elle était logée lors
Dans une communication assez longue, publiée sous le titre: « La signification symptomatique de la perte
« Une jeune fille, encore à la charge de ses parents, veut
Il faut dire que ce sont justement les actes symptomatiques de ce genre qui nous ouvrent le meilleur accès à la connaissance de la vie psychologique intime de
Sur le grand nombre
A propos de ce fait, et
De tous les poètes qui se sont prononcés sur les petits actes symptomatiques ou actes manquées, ou ont eu à
Le Dr Karl Weiss (de Vienne) a attiré
« Au bout
– Attends-tu depuis longtemps? demanda-t-il
– Depuis six mois, tu le sais, répondit Esther. Mais
– Oui, tout à
– Beaucoup de choses se sont passées depuis la, dernière fois.
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– Comment cela ?
– Tous lès petits objets que
– Que dis-tu? Je me rappelle maintenant une foule de cas que je considérais comme de simples effets du hasard. Un jour
– Bizarre! Ce sont les objets liés aux yeux qui sont les plus sensibles.
« Et je ne suis nullement étonné que Grégoire de Nazianze, en observant les gestes brusques et agités de Julien, ait prédit
== 10. Les erreurs ==
Les erreurs de mémoire ne se distinguent des oublis avec faux souvenir que par ce détail que les premières, loin d’être reconnues comme telles, trouvent créance. l’ « emploi du mot « erreur » semble se rattacher encore à une autre condition. Nous parlons d’erreur, au lieu de parler de faux souvenir, lorsque dans les matériaux psychiques qu’on veut reproduire on tient à mettre l’accent sur leur réalité objective, c’est-à-dire lorsqu’on veut se souvenir d’autre chose que d’un fait de la vie psychique de la personne qui cherche à se souvenir, d’une chose pouvant être confirmée ou réfutée par le souvenir d’autres personnes. D’après cette définition, c’est l’ignorance qui serait le contraire d’une erreur de mémoire.
Dans mon livre Die Traumdeutung (1900; 3e édit., 1919), je me suis rendu coupable d’une foule d’erreurs portant sur des faits historiques et autres, erreurs qui m’ont frappé et étonné lorsque j’ai relu le livre après sa publication. Un examen un peu approfondi n’a pas tardé à me montrer que ces erreurs ne tenaient nullement à mon ignorance, que c’étaient des erreurs de mémoire facilement explicables par l’analyse.
a) Page 266, je donne la ville de Marburg, dont le nom se retrouve en Styrie, comme étant la ville natale de Schiller. Je retrouve la cause de cette erreur dans l’analyse d’un rêve que j’ai fait au cours d’un voyage de nuit et dont j’ai été brusquement tiré par le conducteur annonçant la station Marburg. Dans ce rêve, il était question d’un livre de Schiller. Or, Schiller est né, non dans la ville universitaire de Marburg, mais dans la ville souabe Marbach. Cela, je l’affirme, je l’ai toujours su.
b) Page 135, je donne au père d’Hannibal le nom d’Hasdrubal. Cette erreur, qui m’a été particulièrement désagréable, ne m’a d’ailleurs que confirmé dans la conception que je me suis faite des erreurs de ce genre. Peu de lecteurs de mon livre étaient mieux au courant de l’histoire des Barkides que moi qui ai commis cette erreur et l’ai laissée passer dans trois épreuves. Le père d’Hannibal s’appelait Hamilcar Barkas; quant à Hasdrubal, c’était le nom du frère d’Hannibal, ainsi d’ailleurs que celui de son beau-frère et prédécesseur au commandement.
c) Pages 177 et 370, j’affirme que Zeus a émasculé et renversé du trône son père Kronos. J’ai, par erreur, fait avancer cette horreur d’une génération : la mythologie grecque l’attribue à Kronos à l’égard de son père Ouranos 87.
Comment se fait-il que ma mémoire se soit trouvée en défaut sur ces points, alors que (et j’espère que mes lecteurs ne me démentiront pas) j’y retrouve habituellement sans difficulté les matériaux les plus éloignés et les moins usités? Et comment se fait-il encore que, malgré trois corrections d’épreuves, ces erreurs m’aient échappé, comme si j’avais été frappé de cécité ?
Goethe a dit de Lichtenberg : « dans chacun de ses traits d’esprit il y a un problème caché ». On peut en dire autant des passages cités de mon livre : derrière chaque erreur, il y a quelque chose de refoulé ou, plus exactement, une absence de sincérité, une déformation reposant sur des choses refoulées. En analysant les rêves rapportés dans ces passages, j’ai été obligé, par la nature même des sujets auxquels se rapportaient les idées du rêve, d’interrompre à un moment donné l’analyse avant qu’elle fût achevée, et aussi d’atténuer par une légère déformation le relief de tel ou tel autre détail indiscret. Je ne pouvais pas faire autrement et n’avais pas d’autre choix, si je voulais en général citer des exemples et des preuves; je me trouvais dans une situation difficile, découlant de la nature même des rêves, qui consiste à exprimer ce qui est refoulé, c’est-à-dire inaccessible à la conscience. J’ai dû cependant laisser pas mal de choses susceptibles de choquer les âmes sensibles. Or, la déformation ou la suppression de certaines idées qui m’étaient connues et qui étaient en plein développement ne s’est pas effectuée sans qu’il restât des traces de ces idées. Ce que j’ai voulu supprimer s’est souvent glissé à mon insu dans ce que j’ai maintenu et s’y est manifesté sous la forme d’une erreur. Dans les trois exemples cités plus haut il s’agit d’ailleurs du même sujet : les erreurs sont des produits d’idées refoulées se rapportant à mon père décédé.
Reprenons ces erreurs :
a) Si vous relisez le rêve analysé page 266 de mon ouvrage Die Traumdeutung, vous constaterez soit directement, soit à travers certaines allusions, que
b)
c)
Il est aussi arrivé plus
De ces erreurs issues du refoulement, il faut distinguer nettement celles qui reposent sur une ignorance réelle. Ce fut, par exemple, par ignorance que me trouvant un jour en excursion en Wachau, dans le village
Voici encore une erreur instructive et qui me fait honte, un exemple, pour ainsi dire,
On est étonné de constater que le penchant à la vérité est beaucoup plus fort
Le mécanisme de
Pour ne pas parler uniquement de mes erreurs personnelles, je vais citer encore quelques exemples qui auraient pu tout aussi bien figurer sous la rubrique des lapsus de la parole ou des méprises (ce qui
a)
b) Une jeune femme se propose de faire une visite à une de ses amies récemment mariée, habitant la Habsburgerstrasse. Elle parle de cette visite pendant le repas, mais dit par erreur
c) Au cours
d) M. Brill raconte le cas
e) Voici un cas
f)
Une dame a trois filles, dont deux sont déjà mariées, tandis que la troisième attend encore son sort. Une amie avait offert à chacune des filles mariées le même cadeau de noces : un superbe service à thé en argent. Toutes les fois où il est question de ce service, la mère en
On peut interpréter tout aussi facilement les cas où une mère confond les noms de ses filles, fils ou gendres.
Voici un joli exemple de confusion de noms,
« À la table
g) Je range encore parmi les « erreurs »
h) Voici une erreur
i) M.Maeder nous montre, par un joli exemple (« Nouvelles contributions, etc.», Arch. de Psychol, VI, 1908),comment un désir réprimé à contre-cœur peut être satisfait à
j) Le Dr V. Tausk oublie, sous le titre « Fausse direction »(Intern. Zeitchr. f. Psychoanal., IV, 1916-1917), le cas
«
k) Il
l) M. J. Stärcke (l.c.) raconte un cas personnel où il
« Je devais un jour faire dans un village une conférence avec projections. La date de cette conférence se trouva subitement reculée
On dira peut-être que les erreurs dont je me suis occupé dans ce chapitre ne sont ni très nombreuses, ni très significatives. Mais je me permets de demander si nos points de vue ne
== 11. Association de plusieurs actes manqués ==
Deux des exemples cités dans le chapitre précédent, à savoir ma propre erreur, consistant à situer les Médicis à Venise, et celle du jeune homme qui a su, malgré la défense qui lui en était faite, entrer en communication téléphonique avec sa maîtresse, n’ont pas été décrits d’une façon précise et apparaissent, à un examen plus attentif, comme résultant d’une combinaison d’un oubli et d’une erreur. Avec plus de netteté encore, cette même combinaison apparaît dans quelques autres exemples que je vais citer.
a) Un ami me fait part du fait suivant : « Il y a quelques années, je me suis fait élire membre du comité d’une association littéraire, dans l’espoir que cette société m’aiderait à faire jouer une de mes pièces. Je prenais part, sans grand enthousiasme d’ailleurs, aux réunions du Comité qui avaient lieu tous les vendredis. Il y a quelques mois, je reçus l’assurance que ma pièce serait jouée au théâtre de F., et depuis ce moment j’oublie régulièrement de me rendre aux séances. Ayant lu vos travaux, j’ai eu honte de mon oubli, en me disant que c’était indélicat de ma part de manquer les réunions parce que je n’avais plus besoin de ces gens. Aussi étais-je fermement décidé à ne pas oublier d’assister à la réunion du vendredi suivant. Je pensais tout le temps à cette décision et, lorsque je l’ai enfin mise à exécution, je me suis trouvé, à mon grand étonnement, devant une porte close : je m’étais en effet trompé de jour ; j’étais venu le samedi, alors que les séances, ainsi que je l’ai dit, avaient lieu le vendredi. »
b) L’exemple suivant représente une association d’un acte manqué et de l’impossibilité de retrouver un objet. Cet exemple m’est parvenu par un plus long détour, mais il vient d’une source sûre.
Une dame fait un voyage à Rome avec son beau-frère, peintre célèbre. Le visiteur est très fêté par les Allemands habitant Rome et reçoit, entre autres cadeaux, une médaille antique en or. La dame constate avec peine que son beau-frère ne sait pas apprécier cette pièce à sa valeur. Sa sœur étant venue la remplacer à Rome, elle rentre chez elle et s’aperçoit, en défaisant la malle, qu’elle a emporté la médaille, sans savoir comment. Elle en informe aussitôt son beau-frère et lui annonce qu’elle renverra la médaille à Rome le lendemain même. Mais le lendemain la médaille était si bien rangée qu’elle était devenue introuvable; donc impossible de l’expédier. C’est alors que la dame eut l’intuition de ce que signifiait sa « distraction » : son désir de garder la belle pièce pour elle.
c) Voici quelques cas d’actes manqués se reproduisant avec obstination, mais en changeant chaque fois de moyens :
Jones (l. c., p. 483) raconte que, pour des raisons qu’il ignore, il avait une fois laissé sur son bureau, pendant quelques jours, une lettre qu’il avait écrite. Un jour il se décide à l’expédier, mais elle lui est renvoyée par le « dead letter office » (service des lettres tombées au rebut), parce qu’il avait oublié d’écrire l’adresse. Ayant réparé cet oubli, il remet la lettre à la poste, mais cette fois sans avoir mis un timbre. Et c’est alors qu’il est obligé de s’avouer qu’au fond il ne tenait pas du tout à expédier la lettre en question.
Voici une petite observation du docteur Karl Weiss (de Vienne) sur un cas d’oubli (ZentraIbl f. Psychoanal., II, 9), qui décrit d’une façon impressionnante les vains efforts tentés pour réaliser une action en dépit d’une résistance intérieure : « Le cas suivant montre avec quelle fermeté l’inconscient est capable de s’affirmer, lorsqu’il a une raison de s’opposer à la réalisation d’un dessein et combien il est difficile de se défendre contre cette tendance. Un ami choisit dans ma bibliothèque un livre qui l’intéresse et me prie de le lui apporter le lendemain. Je le promets, mais éprouve aussitôt un sentiment de malaise que je ne réussis tout d’abord pas à m’expliquer. L’explication me vient plus tard : cet ami me doit depuis des années une certaine somme d’argent, au remboursement de laquelle il ne semble pas penser. Quelques instants après, je ne pense plus moi-même à la chose, mais le lendemain matin j’éprouve le même sentiment de malaise que la veille et me dis aussitôt : «Ton inconscient fera tout ce qu’il pourra pour te faire oublier ta promesse de prêter le livre. Mais tu ne veux pas être désobligeant et tu feras, de ton côté, tout ce que tu pourras pour ne pas l’oublier. » Je rentre chez moi, enveloppe le livre dans un papier, dépose le paquet sur mon bureau et me mets à écrire des lettres. – Quelque temps après je sors. A peine ai-je fait quelques pas, que je me rappelle avoir laissé sur le bureau les lettres que j’avais l’intention de mettre à la poste (soit dit en passant, parmi ces lettres, il y en avait une qui contenait des choses désagréables pour une personne qui, à une certaine occasion, aurait dû me rendre un service). Je retourne donc à la maison, prends les lettres et ressors de nouveau. Une fois dans le tramway, je me rappelle avoir promis à ma femme de lui faire un achat, et je pense avec satisfaction que ce sera un tout petit paquet. Le mot paquet éveille en moi par association l’idée du livre, et alors seulement je m’aperçois que je n’ai pas emporté celui-ci. Je ne l’ai donc pas seulement oublié la première fois, en même temps que les lettres, mais il m’a encore échappé la seconde fois, lorsque je suis rentré pour prendre les lettres à côté desquelles il était déposé. »
Il s’agit d’une situation analogue dans cette observation de M. Otto Rank (ZentraIbl. f. Psychoanal,, II, 5) qui a fait l’objet d’une analyse détaillée :
« Un homme méticuleusement ordonné et d’une exactitude pédante raconte, comme tout à fait extraordinaire, le fait suivant. Se trouvant un jour dans la rue et voulant savoir l’heure, il s’aperçoit qu’il a oublié sa montre à la maison, chose qui, autant qu’il se le rappelle, ne lui est encore jamais arrivée. Comme il était attendu le soir à un rendez-vous ferme et n’avait par le temps de rentrer chez lui pour prendre sa montre, il profita de sa visite chez une dame amie pour se faire prêter la montre de celle-ci; ayant d’ailleurs à revoir cette dame le lendemain, il lui promit de lui rapporter la montre par la même occasion. Le lendemain, une fois arrivé chez la dame, il s’aperçoit qu’il a oublié de rapporter la montre qu’elle lui avait prêtée. En revanche, il n’avait pas oublié d’emporter la sienne. Étonné et contrarié, il se promet de rapporter l’objet le jour même et tient sa promesse. Mais, nouveau sujet d’étonnement et de contrariété : voulant regarder l’heure, avant de prendre congé de la dame, il constate que cette fois c’est sa propre montre qu’il a oubliée à la maison. Cette répétition de l’acte manqué a paru à notre homme (généralement si ponctuel et exact) tellement pathologique qu’il tenait à tout prix à en connaître les motifs psychologiques. Ceux-ci n’ont pas tardé à se révéler dès la première question de l’analyste – à savoir, s’il ne lui était rien arrivé de désagréable le jour du premier oubli et, dans l’affirmative, dans quelles conditions cet événement désagréable s’était produit. Il raconta alors qu’après le déjeuner, peu de temps avant qu’il sortît de chez lui, en oubliant la montre, sa mère lui avait appris qu’un de leurs parents, un homme dont la conduite laissait beaucoup à désirer et qui lui avait déjà causé pas mal d’ennuis et coûté beaucoup d’argent, venait d’engager sa montre et demandait l’argent nécessaire pour la dégager et la rapporter à la maison. Cette manière malhonnête de se faire prêter de l’argent avait péniblement impressionné notre homme et lui avait rappelé tous les méfaits antérieurs du même parent, méfaits dont il eut tant à souffrir depuis des années. Son acte symptomatique apparaît dès lors comme ayant été déterminé par plusieurs motifs : d’un côté, il exprime à peu près son intention de ne pas se laisser extorquer de l’argent de cette manière et semble vouloir dire : « puisqu’on a besoin d’une montre à la maison, je laisse la mienne»; seulement, comme il a lui-même besoin de sa montre pour le rendez-vous du soir, son intention ne peut se réaliser que par la voie inconsciente, sous la forme d’un acte symptomatique. D’autre part, son oubli signifie encore ceci : les éternels sacrifices d’argent que je fais pour ce vaurien finiront par me ruiner et je serai obligé de me dépouiller de tout ce que je possède. Bien que l’impression produite par le récit de sa mère n’ait été, d’après lui, que momentanée, la répétition du même acte symptomatique montre que son inconscient continuait à subir l’influence de ce récit, qu’il en subissait l’obsession, tout comme on subit l’obsession d’idées conscientes 88. Étant donné cette manière de se comporter qui caractérise l’inconscient, nous ne trouvons pas étonnant que la montre empruntée ait une fois subi le même sort que celui qui a frappé la montre de notre sujet. Mais il y a peut-être des raisons spéciales qui ont favorisé ce transfert de l’oubli à l’ « innocente » montre de dame. Il se peut que notre homme ait eu la velléité inconsciente de garder cette montre pour remplacer la sienne, qu’il considérait comme sacrifiée; il se peut aussi qu’il ait voulut la garder en souvenir de la dame qui la lui avait prêtée. En outre, le fait d’avoir oublié l’objet emprunté lui fournit l’occasion de revoir la dame une fois de plus. Il est vrai qu’il devait aller la trouver le matin pour une autre affaire; mais oubliant de rapporter ce matin-là la montre, il semblait vouloir dire qu’il tenait trop à cette visite, convenue depuis longtemps, pour en profiter pour restituer la montre. En outre, le fait que notre homme ait oublié sa propre montre ; lorsqu’il s’est décidé à rapporter celle de la dame, indique que, sans s’en rendre compte, il évitait d’avoir sur lui les deux montres à la fois. Il se peut qu’il ait voulu s’interdire ainsi toute apparence de superflu, tout ce qui aurait pu être en opposition trop flagrante avec l’état de gêne dans lequel se trouvait son parent; d’autre part, il aura voulu accentuer, exagérer ses obligations envers sa famille (envers sa mère en particulier), pour étouffer les velléités de mariage qu’il semblait nourrir à l’égard de la dame. Voici, enfin, une dernière raison qui aura pu lui faire oublier de, rapporter la montre qui lui avait été prêtée : Se trouvant la veille au soir dans une société de jeunes gens (c’était le rendez-vous dont il a été question plus haut), il était gêné de regarder l’heure sur une montre de dame; il le faisait furtivement, mais il se peut que, pour éviter la reproduction de cette situation désagréable, il ait décidé de ne plus remettre cette montre dans sa poche. Comme il devait cependant la restituer, il est résulté de la lutte de ces deux tendances un acte symptomatique inconscient, qui se présente comme une sorte de compromis et comme une victoire chèrement payée de l’instance inconsciente. »
Voici quelques observations de M. J. Stärcke (l. c.).
1º Impossibilité de retrouver un objet, destruction, oubli : triple expression
«
«
2º Oubli répété. Méprise lors de
« Je devais envoyer à un ami une carte postale, mais remettais cet envoi
3ºOubli et erreur.
« Une jeune fille se rend un matin, par un temps superbe, au « Ryksmuseum », pour y copier des bustes en plâtre. Bien
Ainsi que le montrent quelques-unes des observations qui précèdent, une tendance perturbatrice inconsciente peut atteindre son but par la répétition obstinée du même acte manqué.
« Dans la partie la plus intéressante de la pièce de Wedekind, La Censure, figure la phrase suivante : « La crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler) ».
Le lendemain soir, La Censure est de nouveau jouée. Arrivé au fameux passage,
Lors de la troisième représentation de La Censure,
M. Rank
Je ne prétends pas que ces cas d’association d’actes manqués soient de nature à nous apprendre quelque chose de nouveau qui ne nous ait pas été révélé par les actes manqués simples. Mais les changements de forme qu’affecte l’acte manqué pour aboutir au même résultat sont l’expression plastique d’une volonté qui tend vers un but déterminé et fournissent un argument de plus et beaucoup plus sérieux contre la conception qui ne voit dans l’acte manqué qu’un fait accidentel, n’ayant pas besoin d’explication. Ce qui frappe encore dans ces cas, c’est l’impuissance dans laquelle on se trouve pour neutraliser le résultat d’un acte manqué, en lui opposant un projet conscient. Malgré tous ses efforts, mon ami ne réussit pas à assister à une séance de son comité, et malgré toute sa bonne volonté la belle-sœur du peintre est incapable de se séparer de la médaille. L’inconscient qui s’oppose à ces projets et desseins conscients finit par se trouver une issue, alors qu’on croit lui avoir barré tous les chemins. Pour se rendre maître du motif inconscient, il faut, en effet, quelques chose de plus qu’un contre-projet conscient : il faut une opération psychique qui fasse entrer cet inconscient dans la sphère de la conscience.
== 12. Déterminisme ==
=== Croyance au hasard et superstition ===
Points de vue
La conclusion générale qui se dégage des considérations particulières développées dans les chapitres précédents peut être formulée ainsi : certaines insuffisances de notre fonctionnement psychique (insuffisances dont le caractère général sera défini avec plus de précision tout à l’heure) et certains actes en apparence non-intentionnels se révèlent, lorsqu’on les livre à l’examen psychanalytique, comme parfaitement motivés et déterminés par des raisons qui échappent à la conscience.
Pour pouvoir être rangé dans la catégorie des phénomènes susceptibles d’une pareille explication, un acte manqué doit satisfaire aux conditions suivantes :
a) Il ne doit pas dépasser une certaine limite fixée par notre jugement; autrement dit, il ne doit pas dépasser ce que nous appelons « les limites de
b) Il doit présenter le caractère
c) Alors même que nous nous rendons compte que nous accomplissons ou avons accompli un acte manqué, celui-ci ne sera bien caractérisé que si les motifs qui nous
Font donc partie de cette catégorie les cas
En allemand, tous les mots désignant les actes manqués cités plus haut commencent par la syllabe ver (Ver-sprechen, Ver-lesen, Ver-schreiben, Ver-greifen), ce qui a pour but de faire ressortir leur identité intime. A
I. En laissant de côté une partie de nos fonctions psychiques, parce que non justiciables
a) En reconstituant, en vue de sa publication,
Ce petit événement eut, plusieurs années après, une suite inattendue. Faisant un jour une conférence dans laquelle
b)
« Voici encore, à la hâte, une contribution à la psychopathologie de la vie quotidienne. Tu trouves dans ma lettre le nombre 2467, exprimant
Depuis ce premier exemple de motivation
« Mon état psychique actuel peut être caractérisé par ces deux mots – « misanthropie et repentir ». Le numéro 6 de la Bibliothèque Reclam (je connais par cœur beaucoup de numéros de cette collection) correspond à la Faute de Müllner. Je suis constamment tourmenté par
« Je me demande ensuite : « Quel ouvrage de la Bibliothèque Reclam porte le Nº 17 ? » Je suis certain de
Nous ne pouvons que regretter que la discrétion de
« Il
Elle donna le nombre 117. A quoi je répondis aussitôt : « 17 se rapporte à ce que je viens de te raconter; en outre, je
Cet homme, qui
Pour
M. Adler explique
Je veux insister sur les analyses de « cas de nombres », car je ne connais pas
La signification de ce nombre se trouvait ainsi élucidée, mais il nous restait encore à établir un lien entre la première partie de
Voici un petit exemple fourni par un de mes nombreux correspondants. Un directeur des télégraphes
« Mon fils
Le fils : Dis-moi un nombre quelconque.
Ligne 1 560 ⟶ 1 582 :
Le fils : A quoi penses-tu à propos de ce nombre?
La mère : Je pense au beau chapeau que
Le fils : Quel était son prix?
Ligne 1 566 ⟶ 1 588 :
La mère : 158 marks.
Le fils : Nous y sommes : 158 : 2 = 79. Tu auras trouvé le chapeau trop cher et auras certainement pensé : «
« A cette déduction de mon fils,
Ceux qui veulent avoir une idée de la manière dont les matériaux fournis par les nombres sont élaborés dans la pensée inconsciente, liront avec profit
Dans mes propres analyses de ce genre,
Nous ne serons pas étonnés de constater que
Jung a publié un intéressant exemple concernant
Je dois au Dr E. Hitschmann la solution
« Le Dr E. raconte : Il y a six ans, je faisais le voyage de Biarritz à Saint-Sébastien. Le chemin de fer passe au-dessus de la Bidassoa qui sépare la France de
Je me rappelle avoir alors cherché, mais en vain, le poème dont ces vers faisaient partie. Étant donné le rythme, il
Quelques mois plus tard, je tombe par hasard sur les poèmes
II
III. Bien que la connaissance de la motivation des actes manqués dont nous nous sommes occupés échappe ainsi à la pensée consciente, il serait souhaitable de découvrir une preuve psychologique de
a) Les paranoïaques présentent dans leur attitude ce trait frappant et généralement connu,
Alors que
b) Nous voyons une autre preuve de
Rentré de vacances, je commence à penser aux malades dont
Il en aurait été tout autrement si, faisant le trajet à pied et absorbé par mes « réflexions » et « distrait », je
Ce qui me distingue
Le Romain, qui renonçait à un important projet parce
Et soyez certain
IV. Celui qui a eu
Nous reconnaissons volontiers que nous sommes loin
En restant dans les limites de ces considérations, je ne puis donner aux questions formulées plus haut
La croyance aux rêves prophétiques compte beaucoup de partisans, parce
Un examen a permis de
Voici un exemple personnel de cette « coïncidence singulière», qui consiste à rencontrer une personne à laquelle on vient justement de penser. Par sa simplicité et sa facilité
Je rapporte,
« Il y a quelque temps,
On rattache encore au domaine du miraculeux et du mystérieux la bizarre sensation
Je crois
Je sais que le sujet mériterait une discussion approfondie; mais je ne donnerai ici que
En ce qui concerne les quelques rares et rapides sensations de « déjà vu » que
V. Un de mes collègues, possédant une vaste culture philosophique, auquel
Nous ne devons pas oublier,
Il
VI. Depuis nos considérations sur les lapsus de la parole, nous nous sommes contentés de montrer que les actes manqués ont une motivation cachée, et nous nous sommes servis de la psychanalyse pour nous frayer une voie vers la connaissance de cette motivation. Quant à la nature générale et aux particularités des facteurs psychiques qui
1° Quel est le contenu et quelle est
2° Quelles sont les conditions nécessaires pour
3° Peut-on établir des rapports constants et univoques entre le genre de
Je commencerai par citer quelques matériaux susceptibles de fournir les éléments
Même en ce qui concerne les erreurs de lecture et
Il est incontestable que les troubles de la parole se produisent plus facilement et exigent
On se trouve placé sur un terrain différent,
Dans
Le même conflit caractérise le phénomène de la méprise.
Enfin, dans les actes symptomatiques et accidentels, le conflit intérieur joue un rôle de plus en plus effacé. Ces manifestations, auxquelles la conscience attache une importance insignifiante,
En réponse à la première question concernant
Nous voilà en mesure de répondre à la deuxième des questions formulées plus haut : quelles sont les conditions psychologiques requises pour
La conclusion qui se dégage de ce que nous venons de dire est que si
VII. Quelques mots seulement encore, à titre
Mais nous pouvons formuler un jugement correct sur le travail particulier qui aboutit aussi bien aux actes manqués
Mais le caractère commun aux cas les plus légers comme les plus graves, donc aussi aux actes manqués et accidentels, consiste en ceci : tous les phénomènes en question, sans exception aucune, se ramènent à des matériaux psychiques incomplètement refoulés et qui, bien que refoulés par le conscient,
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