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Colette Tiguel attendait l’autobus. Elle était ouvrière chez {{Mme|Deboral}}, grande couturière et elle retournait chez elle. C’était une jeune fille jolie, aimable et sérieuse, par surcroît.
Colette Tiguel attendait l’autobus. Elle était ouvrière chez {{Mme|Deboral}},
grande couturière et elle retournait chez elle. C’était une
jeune fille jolie, aimable et sérieuse, par surcroît.


Ordinairement, elle revenait en compagnie d’une de ses amies d’enfance, ouvrière dans le même atelier, mais, ce jour-là, une belle fin d’après-midi de mai, sa compagne ayant eu une course à faire, l’avait laissée rentrer seule.
Ordinairement, elle revenait en compagnie d’une de ses amies
d’enfance, ouvrière dans le même atelier, mais, ce jour-là, une
belle fin d’après-midi de mai, sa compagne ayant eu une course à
faire, l’avait laissée rentrer seule.


Autant Colette était affable, autant Marcelle, son amie, était affligée d’une humeur fantasque. Toujours mécontente d’elle et des autres, elle aimait à répéter que rien ne lui réussissait. Elle était orpheline et vivait chez une tante pauvre où tout lui déplaisait, la tante comme le logis. Elle n’avait comme distraction, les dimanches, que d’aller de temps à autre chez des cousines riches qu’elle appelait les perruches. Sa tante en était férue. Leur richesse lui en imposait et les dîners où elles étaient conviées parfois lui paraissaient des festins somptueux.
Autant Colette était affable, autant Marcelle, son amie, était
affligée d’une humeur fantasque. Toujours mécontente d’elle et des
autres, elle aimait à répéter que rien ne lui réussissait. Elle était
orpheline et vivait chez une tante pauvre où tout lui déplaisait,
la tante comme le logis. Elle n’avait comme distraction, les dimanches,
que d’aller de temps à autre chez des cousines riches qu’elle
appelait les perruches. Sa tante en était férue. Leur richesse lui en
imposait et les dîners où elles étaient conviées parfois lui paraissaient
des festins somptueux.


L’autobus n’arrivait pas et Colette aurait voulu que son amie fût là pour que le temps lui parût moins long.
L’autobus n’arrivait pas et Colette aurait voulu que son amie fût
là pour que le temps lui parût moins long.


Elle était d’autant plus gênée qu’un jeune homme la regardait avec une insistance qu’il essayait cependant de dissimuler.
Elle était d’autant plus gênée qu’un jeune homme la regardait
avec une insistance qu’il essayait cependant de dissimuler.


Des personnes s’en allaient, lasses d’attendre, mais Colette ne désespéra pas. Le jeune homme non plus. Il finit par se rapprocher et lui adressa la parole :
Des personnes s’en allaient, lasses d’attendre, mais Colette ne
désespéra pas. Le jeune homme non plus. Il finit par se rapprocher
et lui adressa la parole :


— Oh ! ces autobus ! Quand ils sont exacts, on ne songe pas à les féliciter, mais, dès qu’ils sont en retard, tout de suite on les maudit.
— Oh ! ces autobus ! Quand ils sont exacts, on ne songe pas à
les féliciter, mais, dès qu’ils sont en retard, tout de suite on les
maudit.


— C’est bien vrai, répliqua Colette en souriant.
— C’est bien vrai, répliqua Colette en souriant.
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Elle ne se doutait pas de la grâce de son sourire.
Elle ne se doutait pas de la grâce de son sourire.


— S’il n’y avait que le préjudice du repas, reprit le jeune homme revenu de l’éblouissement que lui avait causé le sourire, mais cela met en retard pour le bureau.
— S’il n’y avait que le préjudice du repas, reprit le jeune homme
revenu de l’éblouissement que lui avait causé le sourire, mais cela
met en retard pour le bureau.


— Et pour reprendre mon aiguille chez ma patronne…
— Et pour reprendre mon aiguille chez ma patronne…
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— Oui, c’est une compensation !
— Oui, c’est une compensation !


L’autobus survint. Colette y monta prestement, suivie par son compagnon de hasard.
L’autobus survint. Colette y monta prestement, suivie par son
compagnon de hasard.


Il s’assit près d’elle.
Il s’assit près d’elle.