« La Pensée et l’Action » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Phe-bot (discussion | contributions)
m Ernest-Mtl: match
Ligne 733 :
Il y a un an de cela, et Marty est actuellement à Nîmes, soumis à l'horrible régime des maisons centrales, privé de toute liberté, non seulement matérielle, mais intellectuelle et morale, puisque toute lecture même lui est interdite. Une disposition votée par la commission de législation laisse au Président de la République le soin d'étendre par voie de grâce les limites de l'amnistie prochaine. Puisse le premier magistrat du pays ouvrir largement ses mains pour le pardon ! Vers lui nous nous tournons pour lui dire: Monsieur le Président, au pays qui a besoin de leur force et de l'apaisement que lui apportera votre geste de justice, à vous-même aussi et aux traditions de votre famille, vous devez d'amnistier tous les marins de la mer Noire.
 
 
==__MATCH__:[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/283]]==
Premiers combats pour la paix
 
Ligne 745 ⟶ 746 :
(1) L'article de la Grande Encyclopédie Soviétique qui lui est consacré commence ainsi : « Einstein est le plus grand physicien de notre temps ». Il est, par contre, beaucoup plus réservé au sujet de ses conceptions philosophiques auxquelles il reproche fort justement un certain manque de « cohérence » due à l'influence de Mach. Au point de vue politique également la position d'Einstein présente des contradictions. Son pacifisme sincère et courageux qui lui valut bien souvent la haine des bellicistes américains, n'est pas exempt de certaines illusions.
 
Revenu à Berlin après 1918, il se trouvait eu butte, malgré son génie, à l'hostilité des nationalistes d'outre-Rhin.
==[[Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/284]]==
Mais les chauvins français de l'époque voyaient sur-tout en lui un Juif et un intellectuel progressiste, ami de Rathenau (1). Ils essayèrent par tous les moyens (2) d'empêcher sa venue à Paris. Einstein vint cependant. C'était une victoire pour Langevin et les démocrates français qui avaient soutenu son effort, mais c'était aussi pour Einstein un geste lourd de conséquences. Quelques années plus tard, Paul Langevin rendait hommage au courage qu'avait montré son ami dans ces circonstances (3) :
 
(1) Walther Rathenau, homme politique allemand, partisan d'un rapprochement avec la France, assassiné en 1922, par les mêmes nationalistes allemands qui tuèrent Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg.
(2) Parmi ces moyens, l'antisémitisme fut largement exploité. En 1935, le géologue Louis de Launay, Membre de l'Académie des Sciences n'écrivait-il pas encore ("L'Eglise et la Science", p. 202): "Les conceptions mathématiques que développent aujourd'hui avec des airs de prophètes inspirés des savants juifs de Pologne, de Russie ou d'Allemagne et devant lesquelles la foule s'émerveille comme devant la lanterne magique de la fable, semblent par leur incohérence voulue, destinées à nous montrer que le génie est une forme de névrose contiguë à la folie".
(3) Conférence faite à la Société astronomique de France, sous le titre l'Oeuvre d'Einstein et l'Astronomie et publiée dans le bulletin de la Société astronomique, l'Astronomie, de juillet 1931.
A côté de la bonté, il a le courage, disais-je. Vous savez quelle a été son attitude pendant la guerre, attitude qui lui a valu, dans l'Allemagne qu'il habitait, où il était professeur depuis peu de temps, bien des hostilités, bien des difficultés. Le fait même qu'en 1922 il soit venu en France, lui a valu de nouvelles animosités. Au cours des
=== no match ===
années qui ont suivi la guerre et que l'Allemagne a passées dans un état de grand bouleversement, il a été un des plus visés, un des plus exposés à ces violences qui se sont manifestées, par exemple, par le meurtre d'un homme à qui je ne puis m'empêcher de penser à propos d'Einstein : Rathenau, un Juif lui aussi, de grande valeur intellectuelle et de grand courage. Lorsque Einstein, en 1922; reçut l'invitation du Collège de France, c'est Rathenau, alors ministre et qui devait peu de temps après être victime de son courage, qui lui a conseillé de venir à Paris. A ce moment, en effet, j'ai reçu à deux jours d'intervalle deux lettres d'Einstein : la première me disant qu'il ne croyait pas pouvoir accepter l'invitation qui lui était faite de venir en France, et la deuxième le lendemain commençant par ceci : Rathenau m'a dit que c'était mon devoir d'accepter, et j'accepte. Il est donc venu à Paris : vous savez les difficultés auxquelles il fut ensuite exposé pour avoir accompli ce qui était bien alors un acte de courage; il a dû accepter temporairement une situation à l'Université de Leyde, non seule-ment en raison de la misère dans laquelle il était tombé en un temps où les marks qu'il touchait pour son traitement de, professeur n'avaient plus aucune valeur, mais aussi parce qu'on n'était pas très certain qu'il n'y eût pas danger pour lui à rester en Allemagne. Depuis cette époque, ses conceptions pacifistes sont demeurées très entières et il ne craint pas de les affirmer chaque fois qu'il le juge utile.
 
En invitant Einstein à Paris, Langevin ne voulait pas seulement rendre hommage au physicien génial, il voulait aussi tendre une main fraternelle au courageux démocrate qui, en pleine guerre, s'était levé contre les crimes du militarisme allemand. C'est dans un même désir de soutenir les vrais républicains d'outre-Rhin que Langevin ne craignit pas peu après de se rendre à Berlin. Nationalistes allemands et français firent chorus pour feindre, des deux côtés de la frontière, une patriotique indignation et le préfet de police de Berlin interdit au savant français de prendre la parole. Paul Langevin tourna, d'ailleurs, cette interdiction en faisant lire, en sa présence, la traduction de son allocution dans les diverses réunions où il était invité... Vingt ans après, les fascistes allemands et les « nationalistes » français devenus leurs valets devaient essayer de prendre leur revanche.