Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux/Devant la douleur/Chapitre II

Nouvelle Librairie Nationale (I à IVp. 196-211).

CHAPITRE II


Le professeur Potain chez lui, à Necker et à la Charité ;
Esbach, Suchard, Foubert et Vaquez. — Tillaux à l’Hôlel-Dieu.
Le papa Richet. — Pasteur et la rage. — Péan
à Saint-Louis, Besnier, les Fournier et la syphilis héréditaire.



Le professeur Potain était l’antithèse vivante de Charcot. Il aimait les hommes d’un cœur ardent, infatigable et il voyait surtout dans son art un moyen de les secourir. Sa bonté raffinée s’étendait, de sa famille et de ses amis, à ses clients, à ses élèves, aux inconnus. Toutes les forces de son intelligence aux antennes innombrables étaient dirigées vers le soulagement des maux, souvent désespérés, pour lesquels on l’invoquait de tous les étages de la société, de tous les coins de France et d’Europe. Sa vie de savant, de chercheur, d’expérimentateur hors ligne était dévorée par les appels, les supplications, les larmes d’une multitude d’infortunés, déjà en route pour les sombres bords, dont il était la seule espérance. Chacune de ses journées était occupée : le matin par l’hôpital, l’après-midi par une trentaine de visites qui remplissaient son petit calepin noir, de rendez-vous à son domicile boulevard Saint-Germain, en face de Charcot ; le soir, par un rassemblement d’observations et de notes prolongé jusqu’à une heure et demie, deux heures de l’aube. Il gagnait ainsi beaucoup d’argent, mais il en distribuait bien davantage, avec un tact, un génie du cœur qui décuplait le prix de ses charités. Avec cela, il était d’une petite santé, d’un physique souffreteux, à la fois sublime et ingrat, qui l’apparentait à Pascal et à Érasme. De chaque côté de son grand nez, ses yeux divergents, globuleux et pleins de pitié se conjoignaient pour observer son consultant, pour pénétrer au fond de ses cryptes, dans ses replis les plus secrets. Sa voix basse et douce effleurait le secondaire, résumait le principal, réconfortait, rassurait. Ses oreilles avaient la courbe de l’auscultation. Ses mains, assez fortes, étaient satinées et habiles, écartaient la chemise ou la chemisette avec une adresse de chambrière. Au chevet des agonisants, le Dr Potain devenait immatériel, impalpable, tel qu’une lueur de phare sur les flots. Combien ont disparu, emportant la vision angélique de cette héroïque laideur ! Une mère me disait : « Sa mère a dû pleurer à le regarder quand il était enfant. Mais quelle joie pour elle, dans le Ciel, quand elle le voit faire aujourd’hui ! »

La Providence m’a permis d’approcher, pendant plusieurs années, ce grand maître, de recueillir pieusement ses avis, ses conseils, de les graver dans ma mémoire. Je n’ai perdu aucune de ses paroles, si mesurées et toujours d’une parfaite syntaxe, aucun de ses divins sourires, aucune des inflexions sourdes et vives qu’il accentuait parfois d’un frottement de l’index contre sa narine droite, et d’une tape sur sa petite calotte de chef de service. Je vois son tablier, que dépasse le manche du stéthoscope, sa vareuse, le gros crayon bleu dont il dessinait, sur les draps, les courbes d’une fièvre ou la cadence d’un rythme cardiaque, l’appareil à l’aide duquel il enregistrait le mouvement du pouls, la tension artérielle. Je sens, sur mon épaule, l’empreinte affectueuse de ses doigts et sur ma joue le baume de son baiser, le soir de la mort de mon père. Son image bénie est de celles vers qui je me tourne aux heures amères ou graves, pour demander un réconfort.

C’était un clinicien extrêmement ferme et qui avait le sentiment de sa valeur. Appelé en même temps que Charcot au chevet d’Alphonse Daudet, souffrant d’une forte bronchite, il recommença l’auscultation que son illustre confrère venait d’achever, sans tenir aucun compte du « mais je suis fixé » de celui-ci. Une autre fois, cinq ou six professeurs notoires discutaient sur le cas d’un malade, d’une sciatique compliquée. Aucun ne l’avait examiné. On en était au choix du remède. Alors Potain : « Eh bien, messieurs, je demande, moi, à voir cette jambe. » Il se méfiait des théories et des thèses et ne généralisait qu’exceptionnellement. Quand il avait achevé un examen, il tombait dans une longue méditation, que nous nous gardions d’interrompre, le regard en introspection, le visage incliné de côté, ainsi que s’il percevait, de très loin, le confidentiel chuchotement de la nature. Il en oubliait la circonstance, ses obligations, l’heure de son repas. Il sortait de cette rêverie brusquement quelquefois, par un « ah bah ! » retentissant, à l’aide duquel il se raillait de lui-même.

Je me rappelle, à la Charité, un malheureux atteint d’un énorme anévrisme de l’aorte, lequel avait rongé peu à peu la cage thoracique et battait sous la peau. Nous attendions, d’une minute à l’autre, l’issue fatale. M. Potain, chaque jour, passait une grande heure auprès de ce condamné. Il revenait dans l’après-midi s’informer de ses nouvelles. Il souffrait visiblement de son impuissance. Un après-midi, jugeant le moment terrible arrivé, par un beau soleil d’été qui tombait des hautes fenêtres dans la triste salle, il demanda de l’ouate et des bandes, emmaillota lui-même, avec des précautions infinies, le torse tremblant. Il achevait à peine, que ce pansement in extremis devint rouge comme une écharpe de toréador… et voici le maître qui serre avec amour, contre son épaule trempée de sang, la pauvre tête épouvantée et oscillante, lui fait ainsi franchir le grand passage.

Quand un convalescent bien minable s’apprêtait à quitter le service, M. Potain, au moment du départ, lui glissait un billet de cinq cents francs dans la main. S’il s’agissait d’une femme d’ouvrier, d’une mère de famille, c’était davantage. Ceci fait, il se sauvait à grandes enjambées, comme un voleur, sans écouter les remerciements, les balbutiements de la gratitude. Nous devions le suivre à la course. Sa voiture, entrant à l’hôpital, était accompagnée souvent jusqu’au fond des cours par quelque hâve et livide purotin, par une ménagère dépenaillée, auxquels il remettait un des louis dont il avait toujours, à même la poche de son gilet, une ample provision, à tout hasard. Nous nous demandions, avec mon cher ami Vaquez, interne dans le même temps que j’étais externe, quelles sommes notre patron distribuait ainsi du 1er janvier au 31 décembre ? C’était sûrement une petite fortune.

La chose se savait, les gens abusaient, car il y a du mauvais monde même parmi les pauvres, mais M. Potain se fichait bien que l’on se fichât de lui. Il se reposait en donnant et répondait aux observations de ses élèves par un « ah bah ! »… cette fois ironique.

Comme Charcot, il aimait la bonne littérature et la bonne musique, en particulier Beethoven. Fréquemment il citait les classiques, Racine, Pascal, Saint-Simon et aussi le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe, dont la phrase harmonieuse l’enchantait. Son cours à l’hôpital était très suivi, bien qu’il parlât trop bas, avec des sursauts de la voix qui étonnaient ses auditeurs. On ne pouvait apprendre qu’à son école la pathologie du cœur et des vaisseaux, les signes prémonitoires de la tuberculose et de la néphrite interstitielle. Il fallait le voir ausculter avec de longs appuis, des interruptions, des reprises, pour se rendre compte des paysages auditifs, visuels, dans lesquels il se promenait par l’imagination, des perspectives qu’il découvrait, en véritable explorateur de l’organisme. Aucun souffle, aucun frémissement, aucun bruit de galop, si léger fût-il, ne lui échappait. Son ouïe valait celle de tous les Indiens de Fenimore Cooper. Elle décomposait les sons superposés. Elle distinguait l’imperceptible durcissement d’une valvule, le retrait d’un filet de sang. Jugeant le détail, Potain appréciait l’ensemble avec une sagacité incomparable, prévoyait les complications et combinait les remèdes en conséquence. Il est un des très rares médecins qui aient su administrer la digitale et la quinine, de même que l’Anglais Sydenham fut presque le seul à savoir jouer de son opium. Les médicaments sont des arcanes, que pénètrent, après de longues années d’expérience, quelques véritables sorciers. La rédaction d’une ordonnance parfaite exige autant de génie que de bon sens.

Ce méticuleux pouvait être distrait. Il nous racontait qu’un soir de fête de famille, car il adorait la jeunesse, il s’était laissé faire, à l’aide d’un bouchon brûlé, une superbe paire de moustaches. Entre temps, on l’appelait auprès d’un client. Il montait en voiture sans se rappeler qu’il était grimé et ne comprenait rien à la stupeur du malade et de l’entourage, qui le voyaient arriver ainsi transformé. Ce souvenir provoquait son bon rire, joyeux et frais comme celui d’un enfant ou d’un saint.

Une seule fois je l’ai vu se mettre en colère. Il avait, comme garçon de salle à la Charité, un bonhomme broussailleux, barbu, pas bête, débrouillard, gouliâfre et quelque peu pochard, qui s’appelait Ferdinand. L’armoire de Ferdinand, comparable au nid de la huppe, renfermait les objets les plus hétéroclites, de la ficelle, des anchois, de l’eau-de-vie, du sucre, un manuel du parfait infirmier et des vieux boutons. Ayant ponctionné une pleurésie intéressante, M. Potain avait recommandé expressément qu’on lui gardât le liquide. Le pauvre Ferdinand, étant ivre, renversa le flacon dans sa cachette, englua ses trésors et reçut du patron, par-dessus le marché, une avalanche d’injures véhémentes, qui se termina par un billet de cinquante francs. En suite de quoi nous dations de là les éphémérides de la Charité : « Monsieur, c’était quinze jours, un mois après le suif à Ferdinand. » — « Ah ! oui, la perte du liquide pleurétique… sacré diable d’animal ! »

Le service Potain était naturellement très recherché. Les meilleurs de la Faculté sollicitaient l’honneur de faire partie de cette clinique. J’ai connu là l’excellent Foubert, aujourd’hui disparu ; Sapelier, qui s’est fait depuis une belle clientèle ; Paul Delbet, médecin de grande valeur, qu’il ne faut pas confondre avec son cousin, le chirurgien penseur Pierre Delbet, et enfin Henri Vaquez, le maître actuel de la pathologie du cœur et des vaisseaux et le successeur de M. Potain. C’était un milieu agréable et sans morgue, beaucoup plus humain que celui de la Salpêtrière et où le malade n’était pas considéré comme un simple support de la maladie. La merveilleuse bonté du chef rayonnait sur tout le monde, enlevait même à l’hôpital cet aspect rébarbatif et impersonnel, cette odeur fade qui impressionnent tellement les pauvres gens. Des habitués, atteints d’un vulgaire rhumatisme chronique, venaient là faire leur petite saison de villégiature, participer au régal de la double portion, se requinquer dans cette atmosphère familiale. J’en ai vu qui se plaignaient à M. Potain de la trop grande fréquence de la purée de pois cassés. Il répondait avec douceur : « Cela sort un peu de mes attributions. Néanmoins, j’en parlerai à la direction. Il importe en effet de varier les menus. »

Tel était aussi l’avis d’Esbach, chef du laboratoire de chimie, et de son inséparable Suchard, chef des travaux anatomo-pathologiques et chargé des autopsies. Esbach était un bon vivant, jovial et robuste, qui avait écrit un Tartarin à l’École de Médecine fin lettré et fin gourmet. Suchard était une magnifique intelligence, un de ces esprits clairs et pondérés, qui élucident en cinq minutes les questions les plus embrouillées. Il avait la passion du canotage et, chaque dimanche, remontait la Seine ou la Marne dans une yole construite selon ses plans. Les deux amis, étant célibataires, déjeunaient et dînaient ensemble au calé Caron, situé alors au coin de la rue des Saints-Pères et de la rue Jacob. Le premier arrivé au laboratoire de la Charité esquissait au tableau noir un projet de menu que l’autre, en son absence rectifiait ou complétait. Sur le coup de onze heures, Esbach et Suchard tombaient d’accord et remettaient gravement le résultat de leurs méditations au maître d’hôtel. Ils m’ont invité quelquefois à ces agapes. J’en ai gardé un aussi bon souvenir que du dîner d’agrégation de Babinski, organisé à la Tour d’argent, sur les fourneaux du regretté Frédéric, par son incomparable frère, maître indiscutable de tous les gourmands et gloutons de France, Babinski II, dit Ali Bab, auteur de ce glorieux chef-d’œuvre : Gastronomie pratique. La perfection du palais buccal est l’apanage des hommes d’esprit. Il fallait entendre Esbach et Suchard dépiauter un imbécile ou un charlatan. C’est de leurs robustes causeries et de leurs définitions sans miséricorde qu’est née dans mon esprit la première idée des Morticoles. Ah ! les honnêtes, les loyaux garçons, solides dans leur science, dans leurs amitiés, dans leurs antipathies, et auxquels toute vilenie donnait la nausée !

Pendant l’été, M. Potain prenait alors un mois de vacances à Uriage, où il avait loué une villa au milieu du parc. Il y travaillait, bien entendu, du matin au soir, — Charcot, Maurras et lui sont les plus grands, les plus acharnés travailleurs que j’aie connus, — mais parmi la verdure et le chant des oiseaux. Il me confiait que ce petit concert de l’aube lui était un délice : « Je ne me lasse jamais de leurs mélodies. Il n’y a pas d’opéra qui les vaille. Elles donnent l’impression d’une joie féerique. » Je n’ai pas besoin de vous dire qu’un très grand poète de la santé et du bonheur habitait ce méditatif, perpétuellement appliqué à la souffrance humaine. J’ai entendu dans sa bouche ce mot significatif : « Rien ne repose comme un visage de femme. » Nullement matérialiste, il était, sinon pratiquant, tout au moins profondément traditionnel. Son âme ignorait les soubresauts, les brûlures et les ricanements des âmes qu’a désertées le divin.

Aucun des clients de M. Potain n’a pu oublier le souci extraordinaire avec lequel, — son examen terminé, — il posait les grandes lignes et les détails du traitement. Ce travail lui prenait quelquefois trois quarts d’heure, une heure de silence, d’immobilité complète, et contrastait singulièrement avec les ordonnances bâclées ou insouciantes des premiers parmi ses confrères. Je lui demandais pourquoi il recommandait si souvent l’eau de chicorée à sa clientèle riche. Il me répliqua avec tranquillité : « Parce que la chicorée fait boire de l’eau pure et que l’alcoolisme est malheureusement assez fréquent chez les dames de la bonne société. Cela leur est venu d’Angleterre et d’Amérique. Le désœuvrement en est cause. Elles abusent notamment de l’eau de mélisse. » L’usage, de plus en plus fréquent, des poisons chroniques, cocaïne, morphine, laudanum, extrait thébaïque, l’effrayait pour l’avenir. Il s’en détournait volontiers, ainsi que des grandes aberrations du système nerveux, des troubles sexuels tels que l’inversion masculine et féminine, dont on commençait à peine à s’occuper. Il avait une invincible horreur de ce qui dégrade la créature humaine, un besoin de respirer l’air pur et le parfum des fleurs morales, que j’ai retrouvé au même degré seulement chez Mistral. C’est pourquoi j’affirme et je maintiens que M. Potain portait en lui un poète lyrique. Ce qui le soutenait, dans son affreuse et sublime besogne, c’était l’espoir de la guérison. Il se plaignait doucement qu’on l’appelât toujours, comme un médecin des morts, pour constater le décès. Il murmurait, au retour de ces tournées funèbres : « C’est accablant. En vérité, c’est accablant. »

Ce sentiment existe, à des degrés divers, chez tous les médecins qui voient au delà de leur métier, qui ne sont pas de simples distributeurs de spécialités pharmaceutiques. Il arrive un jour, aux environs de la cinquantaine, où la curiosité clinique s’émousse, où le contact perpétuel de la douleur, de la déchéance et du trépas d’autrui fatigue et déprime, où le docteur à la mode éprouve le besoin de s’évader : il tombe amoureux fou d’une dame austère, d’une demoiselle frivole, de peinture, de musique, de voyage, de littérature. Il songe : « Eh ! là-bas, je ne veux pas avoir usé toutes mes facultés à la contemplation du charnier. » C’est la revanche de la vie déclinante sur la mort. Chez plusieurs de mes anciens camarades, et cotés, et arrivés, et célèbres, j’ai remarqué, avec cette lassitude, ce dégoût intime. Personnellement je l’avais éprouvé très vite, au bout de sept ans d’études médicales. Aussi ne me surprend-il pas chez les autres. Il faut un cœur d’apôtre ou une insensibilité totale pour traverser tant de cercles infernaux, remplis de gémissements et de plaies hideuses.

J’avais dix-neuf ans, le jour où j’entrai, comme « bénévole » ou « roupion », dans le service de chirurgie de Tillaux à l’Hôtel-Dieu. Le docteur Tillaux n’avait point l’envergure de Potain, mais c’était un cœur excellent, un praticien sûr et d’une scrupuleuse honnêteté. Ses favoris étaient encore blonds, ses cheveux grisonnants rejetés en arrière, et sa bouche demi-paysanne ne manquait certes pas de finesse. Il tutoyait volontiers ses malades et défendait justement à ses internes d’en faire autant : « Attendu, monsieur, que vous n’avez pas mon âge. » Dès huit heures du matin, il arrivait à l’hôpital dans un coupé déverni, que traînait une émouvante rossinante, et il commençait, à la mode d’autrefois, l’appel de ses élèves, sur un beau carton ad hoc, peint en couleur par la Sœur de charité de la salle des hommes, attachée elle-même au service depuis vingt-cinq ans. La pratique rudimentaire de l’antisepsie au début inondait les lits d’une douche nauséabonde d’acide phénique ; le pansement dit de Lister faisait florès, bien que Lister ne l’appliquât déjà plus.

Mon premier malade fut un cancéreux d’une maigreur effroyable qui « faisait » — comme on disait — des troubles cérébraux et accusait les infirmiers de jeter « des poils » dans ses aliments. Comme je le chapitrais, il se mit en fureur, ameuta ses voisins, prétendit que j’avais craché dans sa soupe. Il fallut une bonne demi-heure pour le calmer. Du côté des femmes, m’échut une vieille gâteuse, affligée d’une fistule compliquée, qui faisait communiquer entre elles toutes les pièces basses de son organisme, par où je devais introduire des filières de mèches au sublimé. Au premier essai, je crus vomir. L’odeur de corruption était épouvantable. On m’avait affirmé : « Vous vous aguerrirez… » Mais pas du tout. C’est là un cliché fort inexact. Je ne me suis jamais aguerri. Il m’arrive encore maintenant de rêver de ce lit, de ces drains, de cette fétidité, qui me donnaient envie de m’enfuir, qui faisaient qu’à la pension Laveur, sous l’œil bienveillant de tante Rose, de la brune Mathilde ou de Baptiste, je m’arrêtais soudain de manger, jusqu’à ce que j’eusse chassé l’image diabolique.

La semaine suivante, ce fut pire, ce fut le cauchemar. Pasteur venait de découvrir le traitement de la rage, au milieu d’un grand brouhaha de dévots et d’incrédules, dont le tam tam remplissait le milieu médical. Tillaux était nettement Pastorien. Six paysans russes ayant été mordus à la figure et aux mains par un loup enragé, le gouvernement du Tsar les expédia à Paris. On les mit en surveillance à l’Hôtel-Dieu. Pendant huit jours. Pasteur vint ponctuellement régler en personne les injections de son sérum, que faisait Tillaux à ces malheureux. Ce grand homme était d’une charmante simplicité et d’une parfaite bonhomie. Une petite gêne à peine perceptible, dans ses mouvements, indiquait à l’œil averti qu’il avait eu une attaque. Celle-ci n’avait fait d’ailleurs qu’aiguiser son génie. Nous nous rangions sur son passage avec une vénération véritable. Nous écoutions avidement ses moindres paroles, nous suivions chacun de ses regards, où transpirait une compréhension infinie.

Le neuvième jour, un des paysans, contractant ses mâchoires comme les branches d’un étau, entra en rage. On le transporta en hâte dans un pavillon d’isolement, mais ses cris traversaient les cloisons, et je n’oublierai jamais les visages épouvantés de ses compagnons condamnés au même sort, qui se bouchaient les oreilles de leurs gros doigts mâchurés par le fauve. À partir de là, chaque matin, le mal implacable s’abattit sur un nouveau Russe, si bien que les six y passèrent. Leurs clameurs désespérées, tantôt sourdes, tantôt suraiguës, se faisaient entendre jusqu’au parvis Notre-Dame. L’effroi régnait sur l’hôpital. Quand on pénétrait dans ces chambres de torture, on trouvait les infortunés disloqués comme des ceps, les yeux désorbités, l’écume aux lèvres, cramponnés aux barreaux de leur lit, ou se roulant sur le sol, des lambeaux de leurs draps entre les dents. Le moindre fil de lumière, le moindre reflet sur un gobelet, le moindre grincement de serrure, leur étaient insupportables. Pendant les répits, ils nous suppliaient, dans leur langue, de les achever, de mettre un terme à leur supplice. Après une consultation entre le pharmacien en chef, Tillaux et Pasteur, on s’y résolut. Le pharmacien prépara cinq pilules — le premier enragé étant mort enfin — qui furent administrées aux cinq autres, avec toute la discrétion d’usage en pareil cas. Quand le silence retomba, tel qu’un grand suaire, sur la maison des maux sans nombre, nous nous mîmes tous à pleurer d’horreur. Nous étions à bout de nerfs, anéantis. Je songeais, à part moi, que la médecine était une carrière bien sinistre.

On admira que Pasteur eût fait quand même ses injections, bien que les six cas fussent désespérés. Les adversaires de sa méthode avaient ainsi beau jeu d’attribuer l’échec à l’inefficacité du remède. Mais il était de ceux, très rares, qui préfèrent une bonne conscience à la gloire.

Le service du vieux chirurgien Richet, père du physiologiste et métapsychiste Charles Richet, était contigu à celui de Tillaux. Souvent, pour nous amuser, nous franchissions la frontière ennemie, car Richet détestait Tillaux, auteur d’une anatomie topographique qui faisait concurrence à la sienne. En parlant de ce bouquin, le papa Richet disait « le livre ». C’était un grand et vieux diable, tout en os, d’une solennité bouffonne. Il prononçait les â très ouverts, d’une large bouche, qui se refermait comme une boîte, avec un bruit sec. Il racontait ainsi une villégiature en famille au bord de la mer : « Madame Richet, ma vénérable épouse, avait de l’eau jusque-là… Mossieur Charles Richet, mon fils, agrégé à la même Faculté… avait de l’eau jusqu’ici… Moâ-même, le professeur Richet, je n’avais, vu ma haute taille, de l’eau que jusqu’aux genoux. » Il avalait, avec une remarquable complaisance, les plus extravagantes bourdes, que lui racontaient à qui mieux mieux ses élèves. J’ai compris depuis comment l’excellent Charles Richet, gobe-spectres s’il en fut, a pu étudier de près tant de fantômes.

Passons maintenant à l’hôpital Saint-Louis qui s’enorgueillissait, voici un quart de siècle, de trois maîtres éminents : Péan, Besnier et Alfred Fournier.

Tout enfant, j’avais été mené en consultation, 21, place Vendôme, chez le chirurgien Péan. J’avais gardé une impression profonde de son fouchtra de domestique, qu’amadouait un petit pourboire, de ses immenses salons, peuplés de stropiats de tout âge, de sa personnalité géante, solide, carrée, de sa large tête à favoris noirs, de sa voix pâteuse et robuste. Je le dis tout de suite, c’était un brave homme, sommaire et brutal, capable de bonté, de générosité, incapable d’une vision d’ensemble, extrêmement habile de ses pattes, — car, comment appeler cela des mains ? — jovial ainsi qu’un boucher au milieu de son abattoir et qui tranchait dans le vif comme dans du bois. Tel quel, il était un aigle à côté du prétentieux et roucoulant Pozzi, dont l’ignorance en tout est fabuleuse, ou même de Doyen, opérateur génial, médiocre clinicien, et qui s’imagine de temps en temps avoir découvert le remède de tous les maux. Péan était éducable et perfectible, il écoutait les avis autorisés, il connaissait ses trous. Doyen ignore les siens et ferme obstinément les oreilles et les yeux à tout ce qui contrecarre ses marottes. Alors qu’il se croit un va-de-l’avant et un novateur, son plus grave défaut est d’être borné.

C’est Péan qui a inauguré les séances opératoires où le virtuose du couteau abat trois jambes, deux bras, désarticule deux épaules, trépane cinq crânes, enlève en se jouant une demi-douzaine d’utérus avec les annexes, et quelques paires d’ovaires. Il fonctionnait en habit, en cravate blanche, assaisonnant son travail de prestidigitateur tragique avec des coq-à-l’âne et des truismes effrayants. Je citerai notamment l’axiome célèbre : « Il vaut mieux dix pinces inutiles qu’une seule qui ne sert à rien », et la formule coutumière : « Retirez-vous tous derrière, mâssieurs, car tout le monde est devant et ceux qui sont derrière ne vouaillent rien. » Au bout de deux heures de cet exercice, il ruisselait de sang et de sueur, les mains, ou mieux les battoirs, rouges comme ceux d’un assassin, les pieds trempés de pourpre, et toujours guilleret. On emportait les opérés coupacés et livides, en plusieurs tronçons, sur des brancards, à la queue leu leu, à la va-comme-je-te-pousse, les pinces brinque-ballant dans les abdomens ouverts, ainsi que des veaux ou des porcs. Seul Hogarth eût pu rendre cette panique du dépècement, ce massacre scientifique, qui tenait de l’étal, du supplice et de la course de taureaux. Les spectateurs non prévenus vomissaient. D’autres riaient stupidement. D’autres se sauvaient. D’autres s’évanouissaient. Je n’ai jamais vu, pour ma part, un tel amas de troncs, de morceaux et de moignons, un pareil hachis de viande humaine. Cela, vu l’imperfection du sommeil chloroformique, au milieu de soupirs, de sanglots, de hurlements de douleur, de cris pareils à des sifflets de locomotive et de steamers, du bruit des corps mous chus à terre en se contorsionnant. Ce jeu achevé, Péan lavait à grande eau ses abatis, se curait les ongles, se mouchait dans un bruit de tonnerre, bouchonnait les taches écarlates de son plastron, de son gilet, de son pantalon, et s’en allait à grandes enjambées, avec une mine de carnassier satisfait. Il avait accompli sa fonction ici-bas, qui était de trancher, d’ouvrir, de réséquer, de désosser et d’éventrer. « Je le tailladai, Dieu le guarit… » La vérité est qu’on ne « guarissait» pas beaucoup chez le terrible coupe-toujours.

Il n’est presque rien de plus grossier, de plus bref que la chirurgie, quand elle se sépare de la médecine, quand celui qui tient le couteau ne sait point que ce couteau est un pis aller, une défaite de l’ingéniosité thérapeutique. Les femmes sottes admirent cette charcuterie enragée, où elles voient un spectacle de force. On ne compte plus les bonnes fortunes des chirurgiens à la mode. Ils prennent rang aussitôt après les cabotins du genre comique, un peu avant les cabotins du genre grave. Cependant l’avenir appartient au visionnaire, armé à la fois du baume, du venin et de l’acier, et qui n’emploiera le troisième moyen que par rarissime exception.

Le professeur Besnier, spécialiste des maladies de la peau, ressemblait à un expert plutôt qu’à un médecin. Propret, sagace et méthodique, la bouche mince, l’œil aigu, il examinait d’abord d’ensemble, puis à la loupe, les multiples et bizarres échantillons, les raretés que ses confrères envoyaient à sa consultation. Comme d’autres reconnaissent, au premier examen, un Nattier, ou un Reynolds, ou un Gainsborough authentique, le fameux dermatologiste diagnostiquait sans traîner un psoriasis, un purpura, une « exfoliante », ces révoltes et excroissances du revêtement cutané qui font ressembler le malade à un poisson, à une vieille armure rouillée, à un champ de fraises, à un Indien, à un crocodile, à un pot de confiture renversé. L’aimable homme épluchait avec gourmandise les boutons, les petites croûtes, les squames, les suppurations offertes à sa savante curiosité. Quand il était fixé, d’un regard circulaire, il interrogeait ses élèves rangés autour de lui et jouissait de leur incertitude.

— Eh bien ?

— C’est de l’impétigo, monsieur.

— Ah ! vous croyez cela… Et vous, un tel ?

— Je pencherais plutôt pour une lésion de grattage.

— Eh ! eh !… et vous, un tel ?…

L’examen se poursuivait. Les suppositions épuisées, Besnier concluait : « Messieurs, c’est ceci et cela. » Chacun s’inclinait devant cette infaillibilité souriante. Quand on sortait de là, les murs, les affiches semblaient autant d’affections de la peau et on les nommait machinalement au passage. Le plus remarquable, chez ce maître ainsi spécialisé, c’était son indifférence quant à l’état général ou, si vous préférez, quant aux diathèses qui provoquaient ses chères éruptions. Seule lui plaisait la classification par catégories, variétés et nuances.

Quant au professeur Alfred Fournier, courtois, fermé, d’aspect très simple, ç’a été le premier syphiligraphe de son temps et probablement de tous les temps. Son fils Edmond Fournier, mon camarade d’études, a continué son œuvre et j’affirme sans crainte de me tromper que les travaux de ces deux chercheurs sur la syphilis héréditaire sont le plus large champ actuellement ouvert à l’analyse critique, dans le domaine littéraire, artistique, historique et philosophique, aussi bien que dans le médical. À mon avis, ce père et ce fils, en corroborant leurs remarques et en complétant leurs dossiers sur une expérience d’une quarantaine d’années, ont donné à l’humanité une de ses plus importantes et puissantes clés. Si celle-ci n’ouvre pas toutes les serrures, elle en ouvre certes les trois quarts. Le microbe du terrible mal, le tréponème, puisqu’il faut l’appeler par son nom, est aussi bien le fouet du génie et du talent, de l’héroïsme et de l’esprit, que celui de la paralysie générale, du tabès et de presque toutes les dégénérescences. Tantôt excitant et stimulant, tantôt engourdissant et paralysant, forant et travaillant les cellules de la moelle, de même que celles du cerveau, maître des congestions, des manies, des hémorragies, des grandes découvertes et des scléroses, le tréponème héréditaire, renforcé par les croisements entre familles syphilitiques, a joué, joue et jouera un rôle comparable à celui du fatum de l’antiquité. Il est le personnage, invisible mais présent, qui meut les romantiques et les déséquilibrés, les aberrants d’aspect sublime, les révolutionnaires pédants ou violents. Il est le ferment qui fait lever la pâte un peu lourde du sang paysan et l’affine en deux générations. Du fils d’une bonne il fait un grand poète, d’un petit bourgeois paisible un satyre, d’un commerçant un métaphysicien, d’un marin un astronome ou un conquérant. Une époque telle que le XVIe siècle, avec ses splendeurs et ses turpitudes, sa bravoure, sa frénésie amoureuse, son expansion formidable, apparaît à l’observateur averti ainsi qu’une incursion du tréponème dans l’élite comme dans les masses populaires, ainsi qu’une sarabande d’hérédos. Dès la première ligne de sa fameuse dédicace, Rabelais avait vu juste, et lui-même sûrement en était, avec son verbe fulgurant, sa perpétuelle levée d’images forcenées et brillantes. La plupart des dégénérescences, la majorité des méfaits attribués à l’alcoolisme sont imputables à ce spirille, d’une agilité, d’une ductilité, d’une pénétration, d’une congénitalité, si l’on peut dire, encore mystérieuse, autant que le « quel monstre est-ce », de la goutte de semence « de quoy nous sommes produits » à laquelle Montaigne fait allusion dans sa « Ressemblance des enfants aux pères ». Analogue pour l’élan et l’acrobatisme au propagateur de la vie, associé à lui dans mainte conception par la transmission héréditaire, le tréponème propage à la fois l’intensité dramatique de la vie, la stérilité qui est son contraire et les plus durs fléaux. Il est un « daimôn » matériel avec qui l’esprit doit compter, une vrille physique dans le moral et le factotum de l’instinct sexuel. Avant qu’il soit longtemps, je vous le jure, cette notion en bouleversera beaucoup d’autres et fera un massacre de poncifs.

Il y a vingt-cinq ans, cette question, aujourd’hui fort claire, était infiniment mal connue. En dépit des affirmations du grand Fournier, on discutait encore sur les relations de cause à efi’et entre le tréponème et la paralysie générale, entre le tréponème et le tabès. On niait la syphilis héréditaire au premier et, par conséquent, au second et au troisième degré. On la déclarait incapable de reproduire cliniquement presque tout le tableau de la syphilis tertiaire acquise. Maintenant encore beaucoup de médecins considèrent comme une exagération ce qui est la simple expression de la vérité : à savoir que le tréponème héréditaire est capable des mêmes ravages que le tréponème par contagion et que les fils et petits-fils des porteurs de cette tare sont souvent aussi menacés que leurs pères et grandspères, surtout dans les conséquences nerveuses profondes. Je ne fais qu’esquisser ici le premier linéament d’une étude complète de clinique sociale, que je compte bien publier un jour sous ce titre : L’Hérédo. En attendant, je préviens mon lecteur qu’une telle vue n’a rien d’affligeant. En restituant au tréponème presque toute l’hérédité nerveuse et mentale, les Fournier ont permis d’agir sur cette hérédité par les trois grands remèdes connus et classés jusqu’à présent : le mercure, l’hectine et l’arseno-benzol. En outre, il faut se rappeler qu’en fait d’hérédité rien n’est inéluctable et qu’un enfant complètement sain et indemne peut sortir de l’union de deux hérédos caractérisés. Le fameux « certificat de mariage » du pauvre Dr Cazalis — en littérature Jean Lahor — était une amère sottise. Dieu sait si le cher brave homme m’a bassiné souvent avec cette marotte, en l’honneur de laquelle il m’incitait à écrire des articles : « Aidez-moi, mon ami, à sauver la race.

— Mais vous l’éteindrez, la race, mon cher Cazalis, en exigeant votre certificat. Les gens ne se marient déjà pas tant. Ils ne se marieront plus du tout. Voyez-vous cette confession laïque passant sous le nez de tous les employés de mairie ?… Et quelle porte ouverte au chantage ! »

Au résumé l’immense majorité des neurasthéniques, des mélancoliques, des misanthropes, des lypémaniaques, en un mot des bizarres, sont des hérédos et relèvent du terrible petit ravageur, qu’on appelle aussi le spirochète pâle. Ils relèvent du même coup de son traitement. Peu importe que ce soit leur père ou grand-père, paternel ou maternel, ou même leur aïeul qui leur ait fait ce joli cadeau. Dans le doute, en avant la médication héroïque, et le plus tôt sera le mieux. Rappelez-vous les admirables vers de Boileau :


Un fou, rempli d’erreur, que le trouble accompagne.
Est malade à la ville ainsi qu’à la campagne.
En vain monte à cheval pour tromper son ennui.
Le chagrin monte en croupe et galope avec lui.


Remplacez le chagrin par son substratum clinique, le tréponème, et vous serez dans la vérité.

En littérature, l’hérédo type se caractérise par une prédominance manifeste de la facilité verbale sur la force de la pensée.

Trop de mots pour peu d’idées, telle est sa formule. Il en résulte une surabondance légèrement hagarde, qui ne permet pas la moindre hésitation au critique une fois prévenu. Pour prendre un exemple concret, l’école romantique de 1830, avec son boursouflement, son tourbillon d’images et ses égarements philosophicocandards, est un rassemblement d’hérédos de choix. Ils s’étaient attirés les uns les autres, par cette propension naturelle qu’ont les anormaux à se rejoindre. Je prie qu’on ne voie là aucun blasphème, ni aucune raillerie de mauvais goût. Nous sommes dans le domaine de la froide constatation, rien de plus. Les guerres du premier Empire, avec leurs excès, avaient facilité chez nos aïeux, à travers toute l’Europe, la cueillette du tréponème ; et, à la seconde génération, cette abondante moisson leva en écrivains lyriques, épiques et dramatiques, d’une belle fougue, mais remplis de trous creusés par le daimôn. Quant à Bonaparte, sa qualité d’hérédo est inscrite dans ce fait qu’il était atteint du mal appelé pouls lent permanent, ou syndrome de Stokes Adam, universellement reconnu aujourd’hui comme un stigmate tréponémique, à côté de la céphalée persistante, de l’enchifrènement perpétuel et de l’épilepsie larvée. Ainsi s’expliquent cliniquement, et le plus naturellement du monde, les aberrations politiques et diplomatiques de ce génie militaire. J’espère que l’effarant Masson Frédéric ne va pas prendre acte de cette remarque pour ajouter cinq autres pierres tombales, — je veux dire cinq nouveaux volumes, — au monument de sottise documentaire sous lequel il a écrasé son héros.

J’ajouterai, pour finir, que, depuis vingt ans exactement, je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer mon condisciple Edmond Fournier. Il sera le premier surpris en lisant — s’il la lit — sous ma plume cette apologie extensive de ses travaux et de ceux de son père. Rien ne démontre mieux l’avantage d’une carrière continuée familialement. Si Edmond Fournier n’avait pas eu à sa disposition les dossiers du professeur Alfred Fournier, sous les yeux cette longue expérience, il n’aurait pas écrit les ouvrages incomparables qui bouleversent de fond en comble le problème des dégénérescences et ouvrent sur l’hérédité des fenêtres nouvelles.