Souvenirs de la Basse Cornouaille/Livraison 2/15


NOTICE
SUR N.-D. DE ROSCUDON
De Pont-Croix
Saccagée en 1597

N.-D. de Roscudon, église paroissiale de Pont-Croix, classée depuis longtemps comme monument historique vient d’être l’objet d’importantes restaurations.

Quelques esprits, malgré l’évidence, s’obstinent à montrer les pouvoirs publics hostiles, les accusent de malveillance, de parcimonie, d’indifférence même, à l’égard des édifices religieux… en trouveront-ils la preuve dans les généreux dons suivants ?

Le ministère des Beaux-Arts donne
6,000 fr.
Le ministère des Cultes
3,500
Le Conseil Général
600
La Fabrique de N.-D. de Roscudon
5,000
La municipalité
200
15,300 fr.

Le faible don de la municipalité n’étonnera pas. Sans doute elle aime ce monument qui fait sa gloire, mais elle est limitée dans ses ressources… et nous le savons tous, le denier de la veuve fût le plus agréable à Dieu.

Était-ce assez pour arriver à parachever tous les travaux… loin de là… Le zèle de notre curé doyen, pour l’embellissement de son église l’a compris. M. Téphany s’est adressé aux bourses généreuses de ses paroissiens. Il est allé, de porte en porte, recueillir le don du riche et l’obole du pauvre… le besoin était grand et son appel a été entendu… des merveilles s’en sont suivies. Mais hélas encore insuffisantes pour arriver à la parfaite réalisation des besoins… L’hiver est venu et les ressources sont épuisées… ce sera dans l’avenir un nouvel appel et les cordons des bourses se délieront encore… Le succès qui a couronné le premier assaut est le sûr garant qu’un nouvel appel produira un meilleur résultat, s’il est possible : le premier élan est le seul qui coûte et quand il est suivi de succès, c’est avec plus d’entrain qu’on recommence, surtout quand on n’ignore pas que les cœurs battent à l’unisson.

Roscudon tertre de ramier… Je voudrais bien que quelque savant vienne nous donner l’origine de cette appellation… quoiqu’il en soit, N.-D. de Roscudon est contemporaine de la cathédrale Saint Corentin, de Quimper, le plus beau sans contredit, et le plus ouvragé monument religieux de la Bretagne…… Comment se fit-il, que le XVe siècle laissa inachevée cette basilique ?

Vous rappelez-vous ces flèches de plomb, ces cônes ternes et opaques et si lourds, auxquels par dérision on avait donné le nom… Éteignoirs de Saint Corentin. Mgr Graveran, dont la mémoire est vénérée entre toutes, s’attrista et comme Évêque et comme Breton… Il calcula qu’un sou donné par chacun de ses paroissiens produirait pendant cinq ans, la somme suffisante pour doter son église d’une couronne digne d’elle. Il adressa son admirable mandement, sur les flèches de St-Corentin. L’obole de la charité prit le nom de : sou de Saint Corentin, et l’œuvre des flèches commença au printemps de 1854.

Souvent il arrive aux serviteurs de Dieu de ne pouvoir bénir sur la terre, la réalisation complète d’une sainte entreprise.

C’est ce qui advint pour le dévoué pasteur, et ce ne fut qu’après son départ de la terre, que les travaux prirent fin, le 1er août 1856.

La dépense générale de la construction des deux flèches s’éleva à 149,740 fr. 80… le devis des travaux dressé par l’architecte était de 153,979 f. 85.

Monsieur Bigot, mort l’année dernière fut l’architecte. Sur les indices du prélat, il prit modèle sur la flèche de Pont-Croix dont il reproduit les détails et les décorations.

Et c’était justice, vous l’avouerez comme moi, vous tous qui connaissez les proportions si exactes de notre clocher à jour.

Je dois en outre signaler les faits historiques suivants. Le 26 juillet 1424, un fils des barons de Pont-Croix, posait les premières pierres de la façade de la Cathédrale… Bertrand de Rosmadec, de Pont-Croix Tyvarlenn, fut le bienfaiteur de Quimper, dont il fut évêque de 1416 à 1445.

Les archives disent : « Il fit plus de bien à lui tout seul que la plupart de ses prédécesseurs ensemble, il avait une immense fortune. Habitants de Quimper, quand, à vos solennités vous entendrez résonner le bourdon le Bertrand, rappelez-vous que cet airain sonore est un don de notre compatriote… et vous l’ignorez peut-être, mais je vais vous le dire : du 14 mav 1735, illustrissime, et révérendissime Francois-Hyacinthe de Plœuc, évêque de Quimper, comte de Cornouaille, assisté de MM. du Chapitre, a fait la cérémonie de la bénédiction de la seconde grosse cloche nommée Renée-Maurivette, coulée du samedi 7 du présent mois, etc… et laquelle a été nommée par sire René-Alexis Le Sénéchal, comte de Carcado, marquis de Pont-Croix et autres lieux… et marraine demoiselle Mauricette de Plœuc, dame de Guilguiven.

On fit dans le diocèse, pour la fonte de cette cloche du consentement de l’évêque une quête extraordinaire de Saint Corentin, qui rapporta 889 livres 1 sou 10 deniers.

Devons-nous notre église à la famille des seigneurs bannerets de Pont-Croix Tyvarlenn, quelques-uns le disent mais où sont les preuves ?

N.-D. de Roscudon fut d’abord collégiale de chanoines. J’ai pu, avec peine c’est vrai, et au moyen de la loupe, déchiffrer les noms de ceux qui existaient lors du saccage de 1597, par La Fontenelle, et je donne ces noms quand je raconte le saccage de Pont-Croix… on en comptait une dizaine.

Jusqu’en 1793, Pont-Croix resta sous la juridiction paroissiale de Beuzec… J’ai voulu faire des recherches aux archives de cette église, mais au commencement de ce siècle, les archives ont été brûlées, moyen très simple d’écrire l’histoire, mais regrettable pour les chercheurs.

À l’époque de la ligue, époque néfaste, Beuzec-Cap-Sizun, fournit un homme qui a laissé une certaine notoriété, le chanoine Moreau, auteur de l’histoire de la ligue, en Bretagne… document sec et aride, cette chronique est le principal guide… Moreau est né, dans un village dont je retrouve le nom, mais dans une commune limitrophe. Il faut dire que tout a été remanié dès le commencement de la révolution, et Kergadou pouvait fort Dieu se trouver à cette époque sous la juridiction de la cure de Beuzec… il n’est pas éloigné… Moreau fut enterré dans la cathédrale et son tombeau fut violé, en 1793 alors qu’au pied du mont Frugy, on inscrivait sur le piédestal de la déesse de la liberté, cette pancarte retrouvée dans un registre du tribunal civil :

Périssent les tyrans,
Périssent les despotes
Crèvent les cy devants
Vivent les sans-culottes

Les archives disent… Moreau, vénérable et discrète personne, chanoine, official de Cornouaille, licencié aux droits, bénéficiaire de la prébende de Beuzec-Cap-Sizun 1601, fabrique de la cathédrale 14 octobre de la même année ; il habitait sur la place Saint-Corentin, à la maison prébendale.

Ne fut-il pas, en quelque sorte, Curé de N.-D. de Roscudon ?

À deux kilomètres de Pont-Croix, sur la rive gauche du Goyen, on retrouve les vestiges des carrières de granit qui servirent à édifier le monument dont la flèche a 67 mètres de hauteur, et la signale à toute la contrée.

Aucun doute ne saurait subsister… on travailla à deux reprises différentes… et nulle part on ne distingue mieux la transition du style roman au style ogival.

Nous ignorons, ai-je dit, à qui l’on doit la construction du monument il est regrettable de constater vraiment, la facilité avec laquelle les souvenirs qui se rattachent à nos monuments religieux se sont altérés…… on éprouve généralement la tendance de les attribuer à une origine étrangère… ne dit-on pas presque toujours.

Ce monument a été bâti par les Anglais… il n’y avait pas, semble-t-on dire, d’ouvriers assez habiles en Bretagne pour les construire… c’est une erreur… on a bien su conserver le souvenir des époques où nos grandes églises ont été construites, à l’initiative de quel grand personnage civil ou religieux on doit leur construction… mais hélas ! les chroniques ont négligé de nous renseigner sur les modestes ouvriers qui travaillèrent à les bâtir, à les orner… disons cependant à partir du XVe siècle, on a pu trouver des noms, et ces noms appartiennent incontestablement à la Bretagne : architecture, taille de pierre, charpentage, donnent des noms exclusivement bretons.

Les facteurs d’orgues, les fondeurs, quelques verriers seuls, portent des noms étrangers… la conséquence de tout ceci est : jusqu’à preuve du contraire, attribuons à des maîtres originaires de nos pays la construction de nos églises, du moyen âge… des confréries se fondèrent dans nos pays bretons surtout dans le pays de Léon.

C’étaient des membres pris dans une même paroisse, dans une même ville… on en comptait, dans le clergé, dans la noblesse, dans les ouvriers, architectes, maîtres maçons, maîtres sculpteurs de pierre et de bois, maîtres verriers, artisans du même métier allant de Compagnie. Avec le plus grand regret, il m’est impossible de donner exactement le nom des architectes, maistres maçons et autres qui vinrent édifier N.-D. de Roscudon… je me tiens aux grandes probabilités, jusqu’au XVe siècle. Ce n’est qu’à cette époque que l’on trouve des noms dans les archives de N.-D. de Roscudon.

Disons d’abord : que dans aucun document, la qualification d’architecte n’est donnée… elle ne comporte nullement l’idée d’une direction des travaux… ainsi ceux que l’on nomme architectes, reçoivent un salaire inférieur à celui de maistres tailleurs de pierre… Les architectes étaient des contremaîtres, surveillants et non directeurs des travaux… on donnait au contraire, aux maistres tailleurs de pierre, le nom de maistres de l’œuvre.

Les maîtres ecclésiastiques que Bertrand de Rosmadec établit pour la cathédrale, avaient la direction des travaux : mais en exerçant cette direction, ils ne négligeaient pas quand il s’agissait de tracer un plan, le concours des gens du métier… ceux-ci avaient lumière et expérience.

Ceci se retrouve dans les contrats du moyen-âge. maistres tailleurs de pierre, maistres sculpteurs en bois, maistres charpentiers, commandaient l’œuvre en quelque sorte. Ces ouvriers travaillaient à bas prix… voici un texte  : « Et pour ce faire, le dict Goaraguer doibt avoir et aura la somme de cent livres monnaie et vingt quartiers de froment ».

Nommons d’abord les maistres de l’œuvre à cette époque, il y eut Jean Harscoëd, gouverneur de l’œuvre entreprise en 1417 ; 11 y eut Guillaume Periou, 1470… C’étaient ces maistres de l’œuvre qui passaient des marchés… Il y eut aussi Pierre Morvan, en 1467… Ceux-ci s’entendaient avec les architectes, maistres tailleurs de pierre, maistres charpentiers, qui allaient de compagnie d’un monument à un autre : de Locronan à Quimper, de Quimper à Pont-Croix.

Parmi les architectes je cite, Guillaume Guenmorvan : Henri Guenmorvan… Ces contremaîtres étaient peu payés ; le premier recevait pour son travail… par jour, 2 sous 9 deniers 3 fr. 25, son aide, 1 sou 5 deniers 1 fr 97.

Ces salaires étaient inférieurs à celui des maistres tailleurs de pierre… et ceux-ci avaient nom : Per ann Goaraguer et le fils, Guillaume… À la tête d’une équipe de nombreux ouvriers, ils allaient d’un endroit à un autre… car ces monuments, se construisaient à la même époque.

En 1486, Alain Le Maout, évêque, fit mander, Per ann Goaraguer, qui travaillait à Locronan pour conférer avec lui à Quimper, pour quelques jours seulement, et le fit retourner à Locronan aussitôt.

C’était toute une famille de maistres maçons. une véritable dynastie d’ouvriers de l’œuvre que ces Goaraguer.

On compte Perr an Goaraguer en français, Pierre Le Goaraguer, et Goaraguer veut dire archer… on nomme encore, Laum an Goaraguer Lan Alain ar Goaraguer, etc… actuellement le pays de Bretagne qui nous environne compte nombreuses familles, se nommant Goraguer.

Le salaire de ces maistres était minime… 2 sols, 1 deniers. Je compte cette dynastie des Goaraguer dans toutes les œuvres d’églises qui se bâtissaient à la même époque, ou à peu près de 1340 à 1430, on en retrouve même en 1500, c’est donc une grande probabilité pour N.-D. de Roscudon bien que ce ne soit pas une certitude… jai déjà dit, que en 1486, Alain Le Maout, évêque de Quimper, fit mander Perr ann Goaraguer, qui travaillait à Locronan, pour conférer avec lui à Quimper, pour quelques jours seulement, et le fit retourner à ses travaux.

Pour les maistres sculpteurs, mêmes restrictions que pour les maistres maçons… et ces charpentiers vrais artistes sculpteurs avaient nom… Rospabé, Perr an Gluidic, Hervé Calvé… et ces noms je les trouve dans les contrats passés avec les maistres de l’œuvre, sous de Rosmadec et successeurs. J’arrive maintenant aux certitudes, mais après le XVe siècle alors que les archives de N.-D. de Roscudon, lui était propres. Une industrie celle de la broderie, restée remarquable à Pont-l’Abbé, presque exclusive aux mains des hommes, dont le travail passe de beaucoup celui des ouvrières, en finesse et solidité, était au temps jadis florissante pour les ornements de nos églises, l’industrie moderne a des machines qui donnent à meilleur marché. Autrefois c’était une richesse, un sujet d’orgueil pour les fidèles. On a conservé les noms des ouvriers qui se distinguaient, citons par ordre de date, puisque cela intéresse… « Au sieur Laurans ar Floch (Laurent Le Floch) de Kemper, payé la somme de 100 livres tournois, pour vente d’une chappe de velours dû : (sic) pour le service des morts » Le velours était chose rare… Archives de N.-D. de Roscudon 1634, comptes de Henri Moullec… donnant le dict comptable descharge de la somme de 74 livres tournois qu’il aurait payé à Laurans ar Floch, pour avoir fait teindre, accommoder un ornement de satin rouge en violet comme devant d’autel, chasuble, avoir fourny le fil, galon et franche de soye à ce requis et fanon violet. Compte Guillaume Canévat, 1657. Je fais remarquer en passant que les calligraphes si habiles cependant étaient peu payés… Le procureur de la fabrique 1486 paya à Yvon ann Barc’ham, la somme de 70 sols pour écrire un martyrologe : « pro scriben do, librum martvrologii, magistro yvoni ann Barc’ham clerico, » 70 sols 15 francs… ici je donne à titre curieux la composition du ciment qui servit au rejointage du clocher de Pont-Croix au XVIe siècle, n’est-ce pas le moment où l’on procède à la même opération, mais combien plus facile par les ciments connus.

44 pots, huiles de baleine, à 14 sols, le pot
3 livres sanguine à 60 sols la livre
6 livres mine de plomb à 9 sols la livre
vitraux têts et pots cassés

Comptes Jacques Piriou procureur de la fabrique.

Je passe à l’intérieur du monument :

En entrant on se trouve en présence d’une estrade en bois, chêne travaillé œuvre d’un artiste du XIIIe siècle, supportant autrefois les orgues, objet d’art admirablement ciselé, parfaitement entretenu par les soins de notre curé doyen M. Téphany… c’est un échantillon des chefs-d’œuvre d’art naïf, de patience surtout, que nos maîtres du moyen âge, burinaient avec amour dans la pierre, dans le bois… de là, ces salamandres fantastiques, ces griffons ailés, hideux, poèmes éclos dans leurs têtes aux heures méditatives. Combien de Te Deum, combien de chants de joie aux mariages, aux baptêmes ont entonné des voix plus ou moins habiles… combien aussi de marches funèbres, de symphonies lugubres… à l’enterrement d’un Rosmadec, on comptait une centaine et plus de seigneurs de la province de Bretagne.

Les orgues ne sont plus là… mais combien, n’avons nous pas vu, de parents, d’amis, des mères des frères, des sœurs passer devant cette belle estrade, sous ces jolies rosaces à jour qui lui font face et malgré soi on se prend à dire avec Lamartine.

…nos rangs s’éclaircissent
Chaque heure emporte un sentiment,
Que nos pauvres âmes s’unissent
Et se serrent plus tendrement.

Les premières orgues parurent en France, vers l’an 800, elles furent un don d’Haroun-al-Raschid à Charlemargne… Les orgues de Roscudon dataient de quelques siècles plus tard et ne devaient pas avoir ces accords sonores cette sûreté de son dont nous jouissons maintenant… celles de N.-D. de Roscudon eurent plusieurs réparations… Les orgues ne pouvant plus servyr estant tant pour cause de l’injure du temps, de le poussière et de la crace que pour estre partye des tuyaux démontés, et soufflets crevés le comptable envoie Ollivier, trouver le facteur d’orgues à Daoulas auquel il pava pour le voyage 30 sols… le sieur Dallam estant venu les voyr, afin de voir ce qu’il manquait, son voyage a cousté 4 livres, Ollivier était le messager de l’époque… Comptes Yves Ansque en 1689, au sieur Dalm facteur d’orgres (sic) pour avoir raccommodé les soufflets de l’advis du sieur Frager recteur, bourgeoys et habitants du dict Pont-Croix, 250 livres… comptes François Baron, 1694… la somme de 10 livres poié au sieur Toussaint Dallam, pour avoir raccommodé soufflets et orgres de Pont-Croix.

Comptes de Alain Le Lay… Dallam était anglais, forcé de quitter son pays en 1642, réfugié à Quimper son nom se francisa en Dalm, et nombreuses familles de la région portent le nom. Cette estrade est mal placée, ceci fait le désespoir de notre excellent maître, M. Manière dont le souhait était de terminer sa longue carrière de professeur et de maître de chapelle, en essayant de nouvelles orgues… Les habitants de Pont-Croix conserveront avec soin cette estrade sculptée faisant face aux rosaces multiples, admirablement œuvrées du portail, et cette estrade est contiguë à cette petite porte qui au temps jadis avait nom, porte des lépreux… Comme partout au moyen-âge, une léproserie existait au village de Kélaret, à environ 2 kilomètres de la ville.

Il y avait deux tableaux anciens qui provenaient d’Adam Guilpin, de Kemper, pareillement demande descharge le dict comptable de la somme de 36 livres, poiée à maistre Adam Guilpin de Quimper-Corentin, pour deux tableaux. Comptes d’Antoine Trépos, 1658. Seraient-ce les vieux tableaux de l’autel du rosaire… Ceux-ci ne portent pas de nom, en tous cas, il ne proviennent ni de Murillo ni de Raphaël, pas même du dernier de leurs élèves.

La richesse d’une église se trouve dans son orfèvrerie.

Le nommé Joseph Bernard, exécuta pour N.-D. de Roscudon, d’importants travaux. 1673…1674. À Joseph Bernard, le comptable a payé pour l’église de N.-D. de Roscudon, la somme de 251 livres, 5 sols 762 fr. pour la fasçon de la croix, encensoire et navette… le tout comme il est porté par la quittance du saizième aoust 1674, dont il demande descharge… compte Yves Le Gall.

Supplie descharge de la somme de 720 livres (2 160 fr.) qu’il a payé à Joseph Bernard, pour le prix de six chandeliers d’argent qui sont dansla dicte église… compte Yves Ansquer (1674). À l’honorable homme Bernard, orphèvre, pour la fascon du grand calice d’argent avec sa platine quy sont présentement un trésor de la dicte église et pour l’apchat du crucifix d’argeant et sa croix, le pied en triangle servant à mettre les saintes huyles et une coquille d’argeant qui était de précédent dans la dicte églyse, a été relevé au dict Bernard sur le prix… 1677.

Demande descharge de deux calices et leurs plataines appartenant à la dicte églyse qui ont été employés pour faire le grand calice mentionné en l’article cydevant.

Au sieur Bernard, maistre orphaivre à Kemper, poié pour avoir raccommodé, démonté remonté de neuf, et fourny l’argeant pour la croix de la dicte églyse, la somme de 13 livres, 16 sols… comptes Alain Le Lay, 1674.

Le trésor de l’église était important à cette époque, car il existe de nombreuses notes de réparations.

Il est plus important d’arriver aux artistes sculpteurs en bois qui ont accompli les chefs-d’œuvre qui aujourd’hui se font admirer encore.

En outre demande descharge, de la somme de 90 livres qu’il aurait payé à Dean, maistre sculpteur de Kemper, pour deux images qu’il aurait faicts, l’une de la Trinité l’autre de St-Jan, de l’ordre du deffunt sieur recteur de Beuzec… comptes Charles Jamoys… 1664, ce devait être le successeur du chanoine Moreau, ou du moins un de ses proches successeurs.

Le même compte mentionne, six chandeliers noirs, fascon ébaine faicts par le même ouvrier pour la somme de 10 livres, 1672, donné à Déan, maistre sculpteur de Kemper-Corentin, 64 livres 10 sols, à valoir sur deux rétables qu’on a faict marché avec lui de fayre, suivant l’advis des habitants, comptes de Jan Le Bars, sieur du Menez Bihan — 1673… demande descharge de 360 livres qu’il aurait payé à Jan et Pierre Le Dean, maistres sculpteurs pour deuv rétables qu’ils ont vendus à la dicte églize, suivant quittance du 16 aoust, nil six cent cinquante (lisez septante) sic et trois… compte de Yves Le Gall. Ces deux rétables dans la construction desquels, il eut pour collaborateurs Jean Le Dean, son père ou son frère, existent encore à N.-D. de Roscudon… ils étaient destinés aux autels de St-Pierre et de Ste-Anne.

Ils furent peints et dorés en 1673, par maistre Gregoire Ansquer, peyntre et doreur de Quimper, pour la somme de 1,000 livres 3,000 fr. environ.

Vitraux… d’anciens vitraux color, és existent, on y voit la date de 1516… Les procédés de peinture sur verre étaient perdus. Il existe dans le moment d’habiles maîtres à Tours, au Mans et à Paris… ceux-ci font des chefs-d’œuvre.

Les anciens vitraux coloriés ne portent pas des noms de maîtres, mais les principaux verriers de l’époque avaient nom, Jean Goalligou… Jean Quéméner en 1524, date à laquelle on fabriquait les vitraux… Dans une note je trouve ceci : Johanni Quémener qui réparavit vitros ecclesiæ per intemperiemruptos… 100 sols… Je retrouve aussi le nom de Guy Le Guen, maistre verrier de Kemper… Ledit Le Guen habitait avec sa femme la tour du Chastel (place Saint-Corentin, actuellement).

Les colonnes torses des autels sont dues à ces Déan et datent de la même époque.

Que de fois n’avons-nous pas vu de nombreux touristes admirer les colonnes, les figurines des fonts baptismaux ? Que de fois n’avons-nous pas vu essayer de les dessiner. Il faut le dire, la Fabrique du temps de M. Téphany l’a compris, et s’est hâté de devancer les travaux de restauration de 1895, en les mettant à leur point.

Je ne parle qu’en passant de la chaire à prêcher, elle a aussi ses qualités, mais c’est un ouvrage moderne.

Enfin parlons de la célèbre Cène, ce chef-d’œuvre véritable bijou de sculpture, auquel les plus grands connaisseurs assignent un prix inestimable.

Que doit-on admirer le plus ? Est-ce le naturel des poses ? lest-ce le fini de l’exécution ?

Saint Jean penche la tête sur son divin maître… Saint Pierre questionne par un signe, les apôtres semblent se consulter, tandis que Judas Iscariote, est prêt à se lever pour aller trahir. Moment psychologique indiqué par les versets de Saint Jean.

« En vérité, je vous le dis, un de vous me trahira.

» Et les disciples se regardaient les uns les autres, étant en peine de qui il parlait.

» Or il y avait un des disciples de Jésus, celui que Jésus aimait qui était couché sur son sein.

» Simon Pierre lui fit signe de demander qui était celui de qui il parlait.

» Lui donc s’étant penché sur le sein de-Jésus, lui dit : Seigneur, qui est-ce ?

» Jésus répondit : c’est celui à qui je donnerai un morceau de pain trempé, et ayant trempé un morceau, il le donne à Judas Iscariote, fils de Simon.

» Et après que Judas eut pris le morceau, Satan entra dans lui. Jésus donc lui dit : fais au plus tôt ce que tu as à faire.

» Mais aucun de ceux qui étaient à table ne savait pourquoi il lui disait cela :

» Car quelques uns pensaient que comme Judas avait la bourse Jésus avait voulu lui dire… achète ce qu’il nous faut. »

Et l’on voit ici dans les tableaux que Judas, le treizième, tient à sa gauche sur l’escabeau la bourse que le sculpteur n’a pas oubliée… nul ne saurait contester l’opportunité de ce moment qu’indique les versets… le grand sculpteur qui a laissé ce chef-d’œuvre n’en a rien dit, et les anges sans doute savent le nom de l’artiste inconnu, et la date de la magnifique sculpture… on ignore le reste. Nulle indication, nulle légende ne vient à l’appui d’un nom. Aucun indice sur ce chef-d’œuvre que tous les guides signalent à l’admiration des touristes, indiquant le fini d’exécution et le naturel des poses… oui nous sommes d’accord pour cela mais il est une chose que nous ne comprenons pas, c’est qu’ils viennent le copier en disant… en or, ivoire et marbre. Où donc est l’ivoire ? Où donc est le marbre ? C’est du bois merveilleusement sculpté et doré, voilà tout… À moins qu’ils ne prennent comme ivoire la dentition cachée de tous, car pas un seul n’a la bouche entr’ouverte. Il y en a qui ont prétendu que cette merveille avait été cachée pendant l’époque néfaste de la terreur… d’autres ont été assez inconséquents pour dire quelle avait été changée, et qu’autrefois elle était en ivoire… comme si l’on avait pu trouver de l’ivoire de cette dimension ?…

En somme comment cet objet d’art, ce bijou a-t-il pu traverser les siècles, indemne de toute fracture ? Cependant il a vu l’incendie de 1597, allumé par les soudards de La Fontenelle, il a voir les plus mauvais jours de la terreur si funeste dans tant d’autres endroits ? J’ai entendu prétendre qu’on l’avait caché dans une cachette de la sacristie, pour attendre des jours meilleurs, je ne puis l’affirmer… Je dois avouer que j’ai consulté les archives, et qu’il ne fut question d’aucune terreur ici, on raconte bien quelques excentricités, mais hors des églises.

La municipalité au contraire, dans une délibération s’interpose, en signalant le mauvais effet produit par les jeux des enfants, gamins qui avaient un peu pris possession du sanctuaire pour leurs jeux bruyants.

Une chapelle fut bien abattue, en 1793, mais parce qu’elle menaçait ruine… Cette chapelle sous le vocable de la Magdeleine, au nord-d’ouest de N.-D. de Roscudon avait servi de refuge aux fuyards du temps de La Fontenelle. Un agent municipal fut chargé de surveiller les travaux de la démolition, et le procès-verbal indique le nom.

Le chef-d’œuvre de la Cène, a une valeur inestimable, que les plus belles collections ne sauraient paver.

Les connaisseurs ne sauraient trop louer, la toile de Léonard dé Vinci, que tant de gravures ont reproduite.

Quand on a vu la Cène sculptée de Pont-Croix, la préférence vraiment reste au bijou de bois sculpté.

Je me permets d’ajouter un détail curieux. Il y a quelque temps, je recevais une collection de numéros d’un journal illustré, le plus répandu à Athènes… Comme l’illustration à Paris.

À la suite de la gravure représentant la Cène de Léonard de Vinci, que le journal désigne comme un des chefs-d'œuvre les plus beaux des musées français l’écrivain fait une remarque intercalée entre guillemets (clair obscur) c’est pour dire que les Grecs, comme les Français ont été contraints de créer un néologisme, pour exprimer cette teinte de peinture, que Rembrandt rendit célèbre… Or, notez, que tout le reste, texte, annotations, prix d’abonnement, tout en un mot est en grec moderne.

Que les nouvelles restaurations entreprises et qui prendront fin dans quelques années, viennent donc faire appel aux touristes qui repartiront émerveillés de ce monument, où nombreux artistes viennent à chaque saison prendre des sujets de tableaux.


Quelles étaient donc les réparations urgentes à entreprendre en 1896.

Je n’en dirai que quelques mots.

À la fin du siècle cernier, ou au commencement de celui-ci, l’aiguille si élancée du clocher a être abattue par la foudre, sur une longueur d’une vingtaine de pieds. On s’était contenté de la remplacer par des lamelles de plomb imitant la brique, superposées l’une contre l’autre, et très épaisses… on y a trouvé une seule date et le nom d’un couvreur… 1820… Toussaint Daniel, pour arriver à remettre d’énormes pierres de granit à une pareille hauteur, combien d’échafaudages fallait-il donc dresser ? Il fallait un charpentier habile… on en a rencontré un dont l’intelligence a su remédier au mal. C’est encore un Breton, enfant du peuple.

Huon, de St-Pol-de-Léon, élevé lui aussi à l’ombre du magnifique clocher de Kreïsker.

L’entrepreneur était M. Le Moine, de Paris, qui venait de terminer le musée de Victor Hugo.

Monsieur Goût, architecte du ministère des beaux-arts est venu à diverses reprises visiter les travaux.

Le zèle de notre curé doyen, a débadigeonné les colonnes massives du chœur et du transept… il y a encore beaucoup à faire… Le granit remis en lumière par un repiquage intelligent a prouvé ce que j’ai dit… Les pierres proviennent bien des carrières qu’indiquent les légendes… elles ont absolument le même grain me disait un carrier de la contrée.

Maintenant elles apparaissent sous leur vrai jour et espérons-le, on ne tentera plus de les peindre à la chaux.

Chose extraordinaire, à la même année les plus grandes restaurations s’accomplissent aux trois monuments saccagés il y a cette année, trois cents ans par La Fontenelle. Et ces trois basiliques sont aussi de la même époque… Penmarch, Locronan et Pont-Croix. Du XIIIe et XIVe siècle.