Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2/Critique d’art/III


III

CATALOGUE
DE LA VENTE D’IVAN TOURGUENEFF

20 avril 1878.


Peut-être plaira-t-il à quelques curieux d’avoir un spécimen de ces catalogues dont le genre n’est pas classé dans les manuels de littérature scolaires. Celui que je reproduis se revêt au moins de cet intérêt qu’il peut servir aux admirateurs d’un écrivain illustre à reconstituer le milieu où son génie battit de l’aile. Je l’écrivis sur sa table même, dans l’appartement qu’il occupait au plus haut étage de l’hôtel de Mme Viardot, rue de Douai, juste en face de celui de Francisque Sarcey. Il avait voulu m’y laisser seul, libre de toute influence, en proie à ma critique et je restai là cinq heures durant à m’imbiber de l’atmosphère d’art qu’il respirait en travaillant, sans autre distraction que celle d’apercevoir par la baie de son atelier le bûcheron avunculaire en train d’abattre du bois de copie. Je puis donc dire au propre, et non, hélas, au figuré, que j’ai tenu un jour la plume d’Ivan Tourgueneff et que je l’ai trempée dans son encrier.


préface du catalogue

La place serait mal choisie, et, en tout cas, insuffisante pour expliquer aux profanes de l’Hôtel des ventes qui est Ivan Tourgueneff, s’ils l’ignorent, et leur dire, s’ils le savent, qu’ils ont affaire ici à un maître considérable des Lettres de ce temps. Ce grand écrivain de la langue russe est l’un des romanciers les plus puissants de l’âge d’or du roman, et la plupart de ses ouvrages ont influé de quelque manière sur les destinées sociales de son pays, par conséquent sur son histoire. Les Mémoires d’un chasseur furent pour le servage en Russie ce qu’en Amérique La Case de l’Oncle Tom avait été pour l’esclavage nègre. L’ukase du 1er  février 1861 qui rendit libres vingt-cinq millions de moujiks n’a probablement été inspiré au libéralisme de l’Empereur Alexandre que par ce livre ardent et magnifique.

Ivan Tourgueneff a été aussi le Jérémie du nihilisme dont il reconnut le mouvement redoutable dès la guerre de Crimée et que, le premier, il signala à l’Europe. Patriote russe, il en avait compris le danger pour son pays et, condensant toutes les forces de son talent, il tenta de l’enrayer par un livre, Pères et Enfants, d’une ironie poignante, et jusqu’à ce jour son chef-d’œuvre. Il eut un retentissement immense et suscita à son auteur de rudes inimitiés, non encore apaisées peut-être. Il n’y a pas d’Hercule contre une avalanche, et, son cri jeté et perdu, Tourgueneff en revint aux choses de l’imagination où il excelle. C’est à Paris qu’il compose et publie, tantôt au Temps, tantôt à la Revue des Deux Mondes ses romans, contes et nouvelles, aussi aisément écrits dans notre langue que dans la sienne, et hier encore la Comédie-Française n’avait pas d’habitué plus fidèle à son foyer, entre les bustes de nos classiques. Jadis banni de la terre natale par l’ombrageux Nicolas pour une simple apologie de Gogol, il nous arriva à la même époque qu’Henri Heine, vers 1840, et tout de suite il fut des nôtres. Il était le Russe du boulevard, comme Heine en était l’Allemand, ayant réalisé tous les deux le problème de choisir sa patrie. Le premier geste d’Alexandre II, à son avènement, fut bien de rappeler l’illustre maître, son ami d’ailleurs, mais il était trop tard, le pli français était pris et Tourgueneff nous est resté. Il n’est pas de milieu mondain ou de centre artistique où l’on ne rencontre « le grand Moscove », comme l’appelle Gustave Flaubert, reconnaissable à sa stature de géant, à sa crinière argentée, à sa voix flûtée et à ses douces manières slaves, et, au « Drouot » même, il est le visiteur presque quotidien de nos ventes. Il s’asseoit sur une banquette, ajuste son lorgnon, et d’un signe perçu de Charles Pillet seulement, il pousse à l’enchère des maîtres qu’il aime. C’est ainsi qu’il s’est formé la petite collection éclectique, et si individuelle, dont j’ai hâte de vous entretenir.

Les paysagistes, ceux surtout de notre École de Fontainebleau, en font presque tous les frais et il n’y a pas lieu de s’en étonner si l’on se remémore quel peintre de nature il est lui-même. N’est-il point « documentaire » (le mot est à la mode) de savoir dans quelle « ambiance » (encore un, pour vous servir) s’exerce un génie de cette trempe et quels sont les beaux visionnaires qu’il admet à son intimité silencieuse. Si les pensées ne naissent que du conflit des sensations, la description du cabinet d’Ivan Tourgueneff importe aux Taine futurs.

Le « Moscove » en a pour Daubigny sans doute parce qu’il est le plus « vrai » de l’École. Voici un effet de soir, d’ailleurs superbe, qui a dû l’emporter souvent dans la mélancolie du crépuscule. Le ciel est vaste et sur sa vastitude courent des nuées de pourpre et de safran. Au fond, abritées sous des bois déjà baignés de rosée, quelques maisonnettes à l’avant-garde d’un village, bordent le lit d’une rivière, assombrie, engourdie, lente et frissonnante, qui trempe tout le premier plan, se resserre entre deux promontoires et s’arrondit en petit port au pied du village mystérieux. Une barque qu’un pêcheur dirige à la godille, gagne la passe, et c’est tout, rien davantage, mais quelle vérité ! Personne, fût-ce Van der Meer, n’a mieux fixé le clair-obscur lumineux de l’heure brune où la nature se drape pour dormir. Les formes se noient dans la transparence, les couleurs s’atonisent, et c’est dans les plis d’un suaire frangé d’or que le jour vécu s’efface et tombe à l’éternité.

Perdons-nous à présent dans un coin discret, intime, oasis de notre Île-de-France, où il fait si bon de se sentir vivre, et de débrider sa bête. Voici une « solitude » comme Jean-Jacques les aimait. Sous un ciel frais, léger, un ciel d’oiseaux, Daubigny vous carde la couette de l’herbe drue et l’étale au pied des coteaux « modérés » chers à Sainte-Beuve. Mettez-vous au vert, surmenés, et siestez dans le duvet odorant de la terre, c’est ici qu’Antée reprend en la touchant des forces contre Hercule. Heureux ce pêcheur, homme sage et selon Dieu, qui, de son petit bachot, jette sa nasse dans l’Oise, et qui est le bonhomme du paysage, comme on dit dans les ateliers.

Nous voici chez Diaz, et c’est être chez Merlin l’Enchanteur, dans sa forêt magique. Comme étonnée de notre témérité, elle nous regarde par la prunelle de ce ciel tourmenté qui, dans le cillement d’une éclaircie, darde son bleu ardent et profond. Sa lueur se projette, condensée, sur une marnière sablonneuse qui miroite comme un plateau de cuivre dans une cave rembrandtesque. De hauts chênes, aux troncs verdegrisés à la fois et rouillés, se dressent en colonnade du palais forestier. Une source filtre à travers les bruyères roses, y serpente et se perd entre les rocs mousseux comme une couleuvre aux squames d’argent. Sur la droite deux hêtres morts tressent au tableau une bordure de branches bronzées que mordore un rayon d’aventure. Oh ! cette féerie, je vous dis que c’est Brocéliande, à moins que ce ne soit tout simplement notre Bois Sacré français ! Quel décorateur que ce Diaz, celui de Shakespeare !

Arrachons-nous du jardin de Rosalinde pour errer aux bocages élyséens que la pipette du père Corot vaporise. Trois ou quatre bouleaux argentés, éventés mollement par Zéphyre, prennent leur bain matinal d’azur turquoise où l’Aurore trace encore ses talons roses. Les nuées sortent, irisées, j’allais dire : poudre-de-rizées, et envahissent le champ céleste, comme une école de ballerines. Le village estompe au fond sa silhouette violâtre. Mais déjà Pierrette est levée, et tandis que sa vache dispute à la rosée l’herbe laitière et parfumée, elle rêve au bord de la mare avec des poses de naïade. On a de ces visions fuyantes par les baies de wagons en train express, mais, depuis la découverte de l’art de peindre, Corot seul a su les fixer.

Il n’y a pas de plus grand peintre que Jules Dupré quand il est heureux, et il l’est ici jusqu’à l’insolence. Les problèmes auxquels il s’est attaché dans cet effet d’automne sont les plus ardus du jeu de la lumière. Les gens du métier s’ébahiront de la sûreté avec laquelle il les a résolus. Quelle maîtrise vraiment en ce rayon qui se brise sur un ciel bouleversé, court sous les arbres, s’accroche au crépi de la chaumière, allume l’étoupe verte des gazons et s’éteint à vos pieds comme un clown infaillible salue après un tour de force.

Admirez-vous ce Georges Michel dit : « le peintre de Montmartre » que l’on égale aujourd’hui à Constable, ce en quoi on n’a pas tort, et dont le cabinet d’Ivan Tourgueneff vous présente deux pièces caractéristiques ? Par ordre de date au moins il fut le premier franc naturiste de l’École moderne, et l’aïeul des glorieux maîtres de 1830, puisque, né en 1765, il avait été, à vingt-six ans, l’un des vainqueurs de la Bastille. M. Alfred Sensier a reconstitué l’œuvre et la vie de ce Parigot extraordinaire qui n’a jamais peint que Montmartre, ou plutôt le mont Martre, au temps où la Butte n’était qu’une carrière de plâtre et s’éventait de quarante moulins plus hollandais que la Hollande. Georges Michel n’est mort qu’en 1843, dans sa quatre-vingtième année par conséquent ; et il a pu assister, sans les connaître, au triomphe de ses disciples, les Jules Dupré, les Daubigny, les François Millet, les Cabat, les Charles Jacque et tous les autres, grands réalistes de la palette française. La lumière a lui sur ce précurseur, et il n’est plus d’amateur qui, digne de ce nom, ne veuille posséder une vue « michelique » du vieux mont des Martyrs. Voyez celle-ci, « Les Chaumières ». Quelle émotion dans ces deux masures, tassées par la pluie ou les vents, humbles à pitié, d’où descend une pauvre femme tirant son enfant par la main. Le libérateur des moujiks doit aimer entre toutes cette toile où la fougue d’exécution sonne comme un cri d’humanité. Les choses parlent, dit le poète, elles pleurent aussi. Autre spécimen des recherches familières à l’artiste, Ruysdael signerait cette étude d’étendue, où moutonne comme la mer une plaine ensoleillée que couvre un dôme aérien, où se déroulent des nuages tragiques. À gauche une butte sombre s’avance en portant de coulisse, bossuée de cabanes assez sinistres, et elle recule encore à l’horizon ce site inquiétant qui n’est autre pourtant que la plaine des Vertus vue des hauteurs du mont chéri.

J’aurais été bien étonné que Charles Jacque ne figurât point dans le petit musée du Moscove. Je n’ai point eu cette déception ; il y occupe la place requise par deux morceaux de premier choix. L’un est un grand paysage normand qu’anime une bergère en robe rose, entourée de moutons et assise à l’ombre d’un bouquet de chênes. Personne ne construit mieux un arbre que Charles Jacque et ne l’agrafe au sol avec plus de puissance. Mais si vous voulez savoir ce que c’est qu’un chef-d’œuvre, regardez cette « Bergerie ». Dans une étable aux murs gris, sur la paille dorée où picorent les poules effrontées, une famille de moutons est réunie, heureuse et jouissant de son bonheur. Entre le père et la mère l’agneau se présente en pleine lumière comme le bambino de Bethléem. Rien n’est touchant comme l’expression candide des têtes de ces pauvres animaux. Ils peuvent donc enfin rester ensemble, se chauffer les uns aux autres, jouir de leurs amours et oublier, en l’absence de l’homme, qu’ils sont nés pour être égorgés. La poésie des noëls emplit cette bergerie d’un charme évangélique. Cet art-là ne vient ni de Cuyp ni de Berghem, il est propre à notre âge, à notre naturalisme sensible, au pays où la loi Grammont ajoute un dogme au christianisme. Je n’oublierai plus les regards de cette Sainte Famille moutonnière.

Y a-t-il rien de plus somptueux que les genêts en fleurs mais aussi de plus difficile à rendre ? Peu de peintres s’y entreprennent et pour cause. Chintreuil sort vainqueur du combat de coloris. Les siens resplendissent et embaument.

La marine de Boudin est, elle aussi, d’une réussite exceptionnelle. Nous sommes à l’embouchure de la Seine. Le fleuve coule sous une muraille de coteaux dénudés d’un bleu d’ardoise. Un orage se forme au fond et s’étend, silencieux encore. L’air s’agite et le vent de mer se heurte aux courants électriques. L’eau verdâtre se soulève, comme oppressée, et des voiles gonflées la raient de sillages écumeux. À gauche une falaise est flagellée d’un dernier coup de soleil intense. Le drame de l’estuaire est complet, d’une composition achevée et d’un art sobre et sûr qui rappelle la manière de Van Goyen.


Je crois devoir épargner au lecteur les études descriptives consacrées aux autres pièces modernes de la galerie d’Ivan Tourgueneff qui comprenait trente-trois numéros réunis selon un goût propre, aussi libéral qu’avisé ! Il n’est pas douteux qu’il ne les eût peu à peu assemblés au hasard des promenades, sans aucune arrière-pensée de bénéfice ou de lucre, pour le plaisir de s’environner de bons lutins familiers aux heureuses influences. Ainsi l’on groupe dans son salon ou dans son « grenier » les causeurs avec qui l’on sympathise. Ivan Tourgueneff recevait donc en permanence, porte battante, Courbet, Français, Anastasi, Jeanron, Vallée, Guillemet, Calvès, Brissot qui lui parlaient de la mer, des bois et des pâturages. Vollon, Vincelet, Jeannin et Attendu lui disaient les fleurs, les fruits et les orfèvreries. Et il avait aussi son jour russe, ou plutôt son jour européen, pour ces jeunes colons de la France d’art, Alexis Harlamoff, Tatischef, Szyndler, Grimelund et Gegerfeldt avec lesquels il s’entretenait en russe, en polonais, en norwégien et en néerlandais, car il savait toutes les langues, de la gloire de ce Paris qui naturalise de lui-même les gens de talent de toutes races.

Une douzaine de toiles anciennes, toutes de l’école hollandaise ou flamande affirmait nettement encore par leur sélection le naturalisme presque exclusif du poète romancier. Voici dans quels termes j’avais analysé les principales.


Conrad Decker est un maître assez rare dont M. Louis Viardot a dit excellemment qu’il n’avait pas la place qu’il méritait et qu’il avait d’ailleurs occupée pendant sa vie. L’estime où on le tenait en Hollande est justifiée par la méprise, volontaire ou non, des marchands experts qui, hier encore, attribuaient à Ruysdaël ses ouvrages sans signature. Celui de notre galerie, en sus de sa valeur intrinsèque, offre cette particularité d’avoir été « illustré » par Adrien Van Ostade, figuriste spirituel et charmant, qui, en ceci, rendait même service à son ami qu’Adrien Van de Velde au vieux Wynants. Notre Conrad Decker vaut au moins celui du musée d’Amsterdam. Il a pour thème une mare abritée d’arbres dont quelques-uns gisent abattus. Sur la droite une ferme se dresse au sommet d’une éminence. Le groupe peint par Adrien Van Ostade est formé de quatre personnages, un paysan flanqué de son garçon demande en passant de ses nouvelles à une jeune mère du village qui berce son enfant. Cette petite scène rustique, si simple, semble être sortie d’elle-même du paysage très serré de facture et d’une jolie harmonie blonde.

Salomon Ruysdaël était le frère de Jacob Ruysdaël. Quoique son renom ait été éclipsé par ce cadet illustre, il n’en est pas moins un excellent peintre, moins dramatique sans doute, mais de vision aussi sincère. Il n’en faut pas d’autre témoignage que ce tranquille canal transparent, maintenu dans les tons gris d’une vérité de portrait. Au fond une ville et sa cathédrale, à gauche une rangée de maisons antiques semées entre des hêtres. Sur le miroir des eaux les chalands glissent flegmatiquement et sans que les vaches, baignées dans l’herbe du polder, cessent leur rêve intérieur pour les regarder passer, et dans ces soixante centimètres tient toute la Hollande.

Puis voici un délicieux David Teniers. Il pourrait s’intituler : Le départ du voyageur. Dans un pli de terrain, au bord d’une flaque en lavoir, en vue d’une église, une chaumière fume, sur le seuil de laquelle les parents et les amis de celui qui s’en va, là-bas, le bâton à la main, échangent les propos qu’on devine, j’allais écrire, que l’on entend. Il n’est point jusqu’au petit chien qui ne jappe tristement au maître qui le quitte. Bien avant Greuze et moins théâtralement, David Teniers, si jovial d’ordinaire, savait traiter ces scènes de famille. Peut-être celle-ci n’est-elle si prenante que parce qu’elle représente un épisode de sa propre vie et tout permet de le supposer, car il y a dépensé plus que de la maîtrise de coloriste. Le temps d’ailleurs, complice de ces « adieux » évocateurs, en a cristallisé la larme en perle.

Terminons par Van der Nerr et la superbe fin du jour nommée sans plus « Paysage » au catalogue. C’est un canal encore, car les maîtres néerlandais ne varient guère. De moulins en canaux et de canaux en moulins, on dirait qu’ils peignent sur le pas de leur porte. La ville profile l’alignement de ses maisons briquetées aux toitures en gradins sur un ciel en irradiation. À gauche une prairie close par une haie où les vaches, accablées, ruminent. Deux voisins, par-dessus cette haie, taillent bavette, une ménagère tricote, un enfant joue avec un toutou. Dans le flamboiement atmosphérique, des nuées bondissent et se poursuivent, et le tableau vous emplit des délices de la vie patriarcale, qui, Ivan Tourgueneff vous le dirait avec Virgile, est la bonne.


Les autres toiles anciennes du cabinet étaient, d’après mes notes, de moindre intérêt sinon de moindres signatures. On y voyait un portrait de jeune femme, acheté à la vente de M. Marcille et attribué à un élève d’Holbein, — un mandoliniste de Honthorst, — une scène chinoise de Jean-Baptiste Huet — une étude d’Huysmans de Malines, — un portrait de vieillard signé Raphael Mengs, — une marine houleuse de Simon de Vlieger, — un incendie de Troie à la flamande et enfin un portrait de Mozart enfant qui se trouvait bien en place dans la maison où l’on conservait en relique la partition autographe du Don Juan.

Une fois encore c’est pour les physiologues de la critique, imbus de la théorie des milieux, que je reproduis ce catalogue raisonné. Je n’ai d’ailleurs jamais su pourquoi Ivan Tourgueneff se décida à se séparer de ses chers lutins et je n’ai rien sur ce point à révéler à ses biographes. Mais ce que je sais, c’est qu’en étudiant, férule aux doigts, les tableaux devant lesquels il m’avait laissé, je voyais en face, de l’autre côté de la rue, Francisque Sarcey, le nez sur sa table à copie et le dos voûté par le faix des vocables, ramer, comme on dit, en galère, et que mes descriptions se ressentent encore de ce spectacle peu propice à la belle écriture.