Sous les porches (Verhaeren)

Poèmes (IIe série)Société du Mercure de France (p. 23-24).

SOUS LES PORCHES


L’ombre s’affermissait sur les plaines captives,
Et, de ses murs, barrait les horizons d’hiver,
Comme en un tombeau noir, de vieux astres de fer
Brûlaient, trouant le ciel de leurs flammes votives.

On se sentait serré dans un monde d’airain,
Où quelque part, au-loin, se dresseraient des pierres
Effrayantes et qui seraient les idoles guerrières
D’un peuple encor enfant, terrible et souterrain.


Un air glacé mordait les tours et les demeures,
Et le silence entier serrait comme un effroi,
Et nul cri voyageur, au loin. Seul un beffroi,
Immensément vêtu de nuit, cassait les heures.

On entendait les lourds et tragiques marteaux
Heurter, comme des blocs, les bourdons taciturnes ;
Et les coups s’abattaient, les douze coups nocturnes,
Avec l’éternité, sur les cerveaux.