Œuvres de P. Corneille, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome VI (p. 536-549).
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ACTE V.



Scène PREMIÈRE.

SOPHONISBE, HERMINIE.
SOPHONISBE.

Cesse de me flatter d’une espérance vaine :
Auprès de Scipion ce prince perd sa peine.
S’il l’avoit pu toucher, il seroit revenu ;
1520Et puisqu’il tarde tant, il n’a rien obtenu.

HERMINIE.

Si tant d’amour pour vous s’impute à trop d’audace,
Il faut un peu de temps pour en obtenir grâce :
Moins on la rend facile, et plus elle a de poids.
Scipion s’en fera prier plus d’une fois ;
1525Et peut-être son âme encore irrésolue…

SOPHONISBE.

Sur moi, quoi qu’il en soit, je me rends absolue ;
Contre sa dureté j’ai du secours tout prêt,
Et ferai malgré lui moi seule mon arrêt.
Cependant de mon feu l’importune tendresse
1530Aussi bien que ma gloire en mon sort s’intéresse,
Veut régner en mon cœur[1] comme ma liberté,
Et n’ose l’avouer de toute sa fierté.
Quelle bassesse d’âme ! ô ma gloire ! ô Carthage !
Faut-il qu’avec vous deux un homme la partage ?

1535Et l’amour de la vie en faveur d’un époux
Doit-il être en ce cœur aussi puissant que vous ?
Ce héros a trop fait de m’avoir épousée ;
De sa seule pitié s’il m’eût favorisée,
Cette pitié peut-être en ce triste et grand jour
1540Auroit plus fait pour moi que cet excès d’amour.
Il devoit voir que Rome en juste défiance…

HERMINIE.

Mais vous lui témoigniez pareille impatience ;
Et vos feux rallumés montroient de leur côté
Pour ce nouvel hymen égale avidité.

SOPHONISBE.

1545Ce n’étoit point l’amour qui la rendoit égale :
C’étoit la folle ardeur de braver ma rivale ;
J’en faisois mon suprême et mon unique bien.
Tous les cœurs ont leur foible, et c’étoit là le mien.
La présence d’Éryxe aujourd’hui m’a perdue ;
1550Je me serois sans elle un peu mieux défendue ;
J’aurois su mieux choisir et les temps et les lieux.
Mais ce vainqueur vers elle eût pu tourner les yeux :
Tout mon orgueil disoit à mon âme jalouse
Qu’une heure de remise en eût fait son épouse,
1555Et que pour me braver à son tour hautement,
Son feu se fût saisi de ce retardement.
Cet orgueil dure encore, et c’est lui qui l’invite
Par un message exprès à me rendre visite,
Pour reprendre à ses yeux un si cher conquérant,
1560Ou, s’il me faut mourir, la braver en mourant.
Mais je vois Mézétulle ; en cette conjoncture,
Son retour sans ce prince est d’un mauvais augure.
Raffermis-toi, mon âme, et prends des sentiments
À te mettre au-dessus de tous événements.


Scène II.

SOPHONISBE, MÉZÉTULLE, HERMINE.
SOPHONISBE.

Quand reviendra le Roi ?

MÉZÉTULLE.

1565Quand reviendra le Roi ?Pourrai-je bien vous dire
À quelle extrémité le porte un dur empire ?
Et si je vous le dis, pourrez-vous concevoir
Quel est son déplaisir, quel est son désespoir ?
Scipion ne veut pas même qu’il vous revoie.

SOPHONISBE.

1570J’ai donc peu de raison d’attendre cette joie ;
Quand son maître a parlé, c’est à lui d’obéir.
Il lui commandera bientôt de me haïr ;
Et dès qu’il recevra cette loi souveraine,
Je ne dois pas douter un moment de sa haine.

MÉZÉTULLE.

1575Si vous pouviez douter encor de son ardeur,
Si vous n’aviez pas vu jusqu’au fond de son cœur,
Je vous dirois…

SOPHONISBE.

Je vous dirois…Que Rome à présent l’intimide ?

MÉZÉTULLE.

Madame, vous savez…

SOPHONISBE.

Madame, vous savez… Je sais qu’il est Numide.
Toute sa nation est sujette à l’amour[2] ;
1580Mais cet amour s’allume et s’éteint en un jour :
J’aurois tort de vouloir qu’il en eût davantage.

Que peut en cet état le plus ferme courage ?
Scipion ou l’obsède ou le fait observer ;
Dès demain vers Utique il le veut enlever…

SOPHONISBE.

1585N’avez-vous de sa part autre chose à me dire ?

MÉZÉTULLE.

Par grâce on a souffert qu’il ait pu vous écrire,
Qu’il l’ait fait sans témoins ; et par ce peu de mots,
Qu’ont arrosé ses pleurs, qu’ont suivi[3] ses sanglots,
Il vous fera juger…

SOPHONISBE.

Il vous fera juger…Donnez.

MÉZÉTULLE.

Il vous fera juger…Donnez.Avec sa lettre,
1590Voilà ce qu’en vos mains j’ai charge de remettre.

billet de massinisse à sophonisbe.
SOPHONISBE, lit.

Il ne m’est pas permis de vivre votre époux ;
Mais enfin je vous tiens parole,
Et vous éviterez l’aspect du Capitole,
Si vous êtes digne de vous.
1595Ce poison que je vous envoie
En est la seule et triste voie ;
Et c’est tout ce que peut un déplorable roi
Pour dégager sa foi[4].

Voilà de son amour une preuve assez ample ;
1600Mais s’il m’aimoit encore, il me devoit l’exemple :
Plus esclave en son camp que je ne suis ici,

Il devoit de son sort prendre même souci.
Quel présent nuptial[5] d’un époux à sa femme !
Qu’au jour d’un hyménée il lui marque de flamme !
1605Reportez, Mézétulle, à votre illustre roi
Un secours dont lui-même a plus besoin que moi :
Il ne manquera pas d’en faire un digne usage,
Dès qu’il aura des yeux à voir son esclavage.
Si tous les rois d’Afrique en sont toujours pourvus
1610Pour dérober leur gloire aux malheurs imprévus[6],
Comme eux et comme lui j’en dois être munie ;
Et quand il me plaira de sortir de la vie,
De montrer qu’une femme a plus de cœur que lui,
On ne me verra point emprunter rien d’autrui.


Scène III.

SOPHONISBE, ÉRYXE, Page, HERMINIE, BARCÉE, MÉZÉTULLE[7].
SOPHONISBE[8].

1615Éryxe viendra-t-elle ? As-tu vu cette reine ?

LE PAGE.

Madame, elle est déjà dans la chambre prochaine,
Surprise d’avoir su que vous la vouliez voir.
Vous la voyez, elle entre.

SOPHONISBE.

Vous la voyez, elle entre.Elle va plus savoir[9].

Si vous avez connu le prince Massinisse…

ÉRYXE.

1620N’en parlons point[10], Madame ; il vous a fait justice.

SOPHONISBE.

Vous n’avez pas connu tout à fait son esprit ;
Pour le connoître mieux, lisez ce qu’il m’écrit.

ÉRYXE.
(Elle lit bas.)

Du côté des Romains je ne suis point surprise ;
Mais ce qui me surprend, c’est qu’il les autorise,
1625Qu’il passe plus avant qu’ils ne voudroient aller.

SOPHONISBE.

Que voulez-vous, Madame ? il faut s’en consoler[11].
Allez, et dites-lui que je m’apprête à vivre,
En faveur du triomphe, en dessein de le suivre ;
Que puisque son amour ne sait pas mieux agir,
1630Je m’y réserve exprès pour l’en faire rougir.
Je lui dois cette honte ; et Rome, son amie,
En verra sur son front rejaillir[12] l’infamie :
Elle y verra marcher, ce qu’on n’a jamais vu,
La femme du vainqueur à côté du vaincu,
1635Et mes pas chancelants sous ces pompes cruelles
Couvrir ses plus hauts faits de taches éternelles.
Portez-lui ma réponse ; allez.

MÉZÉTULLE.

Portez-lui ma réponse ; allez.Dans ses ennuis…

SOPHONISBE.

C’est trop m’importuner en l’état où je suis.
Ne vous a-t-il chargé de rien dire à la Reine ?

MÉZÉTULLE.

Non, Madame.

SOPHONISBE.

1640Non, Madame.Allez donc ; et sans vous mettre en peine
De ce qu’il me plaira croire ou ne croire pas,
Laissez en mon pouvoir ma vie et mon trépas.


Scène IV.

SOPHONISBE, ÉRYXE, HERMINIE, BARCÉE.
SOPHONISBE.

Une troisième fois mon sort change de face,
Madame, et c’est mon tour de vous quitter la place.
1645Je ne m’en défends point, et quel que soit le prix
De ce rare trésor que je vous avois pris,
Quelques marques d’amour que ce héros m’envoie,
Ce que j’en eus pour lui vous le rend avec joie.
Vous le conserverez plus dignement que moi.

ÉRYXE.

1650Madame, pour le moins j’ai su garder ma foi ;
Et ce que mon espoir en a reçu d’outrage
N’a pu jusqu’à la plainte emporter mon courage[13].
Aucun de nos Romains sur mes ressentiments…

SOPHONISBE.

Je ne demande point ces éclaircissements,
1655Et m’en rapporte aux Dieux qui savent toutes choses.
Quand l’effet est certain, il n’importe des causes :
Que ce soit mon malheur, que ce soient nos tyrans,
Que ce soit vous, ou lui, je l’ai pris, je le rends.
Il est vrai que l’état où j’ai su vous le prendre
1660N’est pas du tout le même où je vais vous le rendre :

Je vous l’ai pris vaillant, généreux, plein d’honneur,
Et je vous le rends lâche, ingrat, empoisonneur ;
Je l’ai pris magnanime, et vous le rends perfide ;
Je vous le rends sans cœur, et l’ai pris intrépide ;
1665Je l’ai pris le plus grand des princes africains,
Et le rends, pour tout dire, esclave des Romains.

ÉRYXE.

Qui me le rend ainsi n’a pas beaucoup d’envie
Que j’attache à l’aimer le bonheur de ma vie.

SOPHONISBE.

Ce n’est pas là, Madame, où je prends intérêt.
1670Acceptez, refusez, aimez-le tel qu’il est,
Dédaignez son mérite, estimez sa foiblesse ;
De tout votre destin vous êtes la maîtresse :
Je la serai du mien, et j’ai cru vous devoir
Ce mot d’avis sincère avant que d’y pourvoir.
1675S’il part d’un sentiment qui flatte mal les vôtres,
Lélius, que je vois, vous en peut donner d’autres ;
Souffrez que je l’évite, et que dans mon malheur
Je m’ose de sa vue épargner la douleur.


Scène V.

LÉLIUS, ÉRYXE, LÉPIDE, BARCÉE.
LÉLIUS.

Lépide, ma présence est pour elle un supplice.

ÉRYXE.

1680Vous a-t-on dit, Seigneur, ce qu’a fait Massinisse ?

LÉLIUS.

J’ai su que pour sortir d’une témérité
Dans une autre plus grande il s’est précipité[14].

Au bas de l’escalier j’ai trouvé Mézétulle ;
Sur ce qu’a dit la Reine il est un peu crédule ;
1685Pour braver Massinisse, elle a quelque raison
De refuser de lui le secours du poison ;
Mais ce refus pourroit n’être qu’un stratagème,
Pour faire, malgré nous, son destin elle-même.
Allez l’en empêcher, Lépide ; et dites-lui
1690Que le grand Scipion veut lui servir d’appui,
Que Rome en sa faveur voudra lui faire grâce,
Qu’un si prompt désespoir sentiroit l’âme basse,
Que le temps fait souvent plus qu’on ne s’est promis,
Que nous ferons pour elle agir tous nos amis :
1695Enfin avec douceur tâchez de la réduire
À venir dans le camp, à s’y laisser conduire,
À se rendre à Syphax, qui même en ce moment
L’aime et l’adore encor malgré son changement.
Nous attendrons ici l’effet de votre adresse ;
N’y perdez point de temps.


Scène VI.

LÉLIUS, ÉRYXE, BARCÉE.
LÉLIUS.

1700N’y perdez point de temps.Et vous, grande princesse,
Si des restes d’amour ont surpris un vainqueur,
Quand il devoit au vôtre et son trône et son cœur,
Nous vous en avons fait assez prompte justice,
Pour obtenir de vous que ce trouble finisse,
1705Et que vous fassiez grâce à ce prince inconstant,
Qui se vouloit trahir lui-même en vous quittant.

ÉRYXE.

Vous auroit-il prié, Seigneur, de me le dire ?

LÉLIUS.

De l’effort qu’il s’est fait il gémit, il soupire ;
Et je crois que son cœur, encore outré d’ennui,
1710Pour retourner à vous n’est pas assez à lui.
Mais si cette bonté qu’eut pour lui votre flamme
Aidoit à sa raison à rentrer dans son âme,
Nous aurions peu de peine à rallumer des feux
Que n’a pas bien éteints cette erreur de ses vœux.

ÉRYXE.

1715Quand d’une telle erreur vous punissez l’audace,
Il vous sied mal pour lui de me demander grâce :
Non que je la refuse à ce perfide tour ;
L’hymen des rois doit être au-dessus de l’amour ;
Et je sais qu’en un prince heureux et magnanime
1720Mille infidélités ne sauroient faire un crime ;
Mais si tout inconstant il est digne de moi,
Il a cessé de l’être en cessant d’être roi.

LÉLIUS.

Ne l’est-il plus, Madame ? et si la Gétulie
Par votre illustre hymen à son trône s’allie,
1725Si celui de Syphax s’y joint dès aujourd’hui,
En est-il sur la terre un plus puissant que lui ?

ÉRYXE.

Et de quel front, Seigneur, prend-il une couronne,
S’il ne peut disposer de sa propre personne,
S’il lui faut pour aimer attendre votre choix,
1730Et que jusqu’en son lit vous lui fassiez des lois ?
Un sceptre compatible avec un joug si rude
N’a rien à me donner que de la servitude ;
Et si votre prudence ose en faire un vrai roi,
Il est à Sophonisbe, et ne peut être à moi.
1735Jalouse seulement de la grandeur royale,

Je la regarde en reine, et non pas en rivale ;
Je vois dans son destin le mien enveloppé,
Et du coup qui la perd tout mon cœur est frappé.
Par votre ordre on la quitte ; et cet ami fidèle
1740Me pourroit, au même ordre, abandonner comme elle.
Disposez de mon sceptre, il est entre vos mains :
Je veux bien le porter au gré de vos Romains.
Je suis femme ; et mon sexe accablé d’impuissance
Ne reçoit point d’affront par cette dépendance ;
1745Mais je n’aurai jamais à rougir d’un époux
Qu’on voie ainsi que moi ne régner que sous vous.

LÉLIUS.

Détrompez-vous, Madame ; et voyez dans l’Asie
Nos dignes alliés régner sans jalousie,
Avec l’indépendance, avec l’autorité
1750Qu’exige de leur rang toute la majesté.
Regardez Prusias, considérez Attale[15],
Et ce que souffre en eux la dignité royale.
Massinisse avec vous, et toute autre moitié,
Recevra même honneur et pareille amitié.
1755Mais quant à Sophonisbe, il m’est permis de dire
Qu’elle est Carthaginoise ; et ce mot doit suffire.
Je dirois qu’à la prendre ainsi sans notre aveu,
Tout notre ami qu’il est, il nous bravoit un peu ;
Mais comme je lui veux conserver votre estime[16],
1760Autant que je le puis je déguise son crime,
Et nomme seulement imprudence d’État
Ce que nous aurions droit de nommer attentat.


Scène VII.

LÉLIUS, ÉRYXE, LÉPIDE, BARCÉE.
LÉLIUS.

Mais Lépide déjà revient de chez la Reine[17].
Qu’avez-vous obtenu de cette âme hautaine ?

LÉPIDE.

1765Elle avoit trop d’orgueil pour en rien obtenir :
De sa haine pour nous elle a su se punir.

LÉLIUS.

Je l’avois bien prévu, je vous l’ai dit moi-même,
Que ce dessein de vivre étoit un stratagème,
Qu’elle voudroit mourir ; mais ne pouviez-vous pas…

LÉPIDE.

1770Ma présence n’a fait que hâter son trépas.
À peine elle m’a vu, que d’un regard farouche,
Portant je ne sais quoi de sa main à sa bouche :
« Parlez, m’a-t-elle dit, je suis en sûreté,
Et recevrai votre ordre avec tranquillité. »
1775Surpris d’un tel discours, je l’ai pourtant flattée :
J’ai dit qu’en grande reine elle seroit traitée,
Que Scipion et vous en prendriez souci ;
Et j’en voyois déjà son regard adouci,
Quand d’un souris amer me coupant la parole :
1780« Qu’aisément, reprend-elle, une âme se console !
Je sens vers cet espoir tout mon cœur s’échapper ;
Mais il est hors d’état de se laisser tromper,
Et d’un poison ami le secourable office
Vient de fermer la porte à tout votre artifice.
1785Dites à Scipion qu’il peut dès ce moment
Chercher à son triomphe un plus rare ornement.

Pour voir de deux grands rois la lâcheté punie,
J’ai dû livrer leur femme à cette ignominie :
C’est ce que méritoit leur amour conjugal ;
1790Mais j’en ai dû sauver la fille d’Asdrubal.
Leur bassesse aujourd’hui de tous deux me dégage ;
Et n’étant plus qu’à moi, je meurs toute à Carthage,
Digne sang d’un tel père, et digne de régner,
Si la rigueur du sort eut voulu m’épargner ! »
1795À ces mots, la sueur lui montant au visage,
Les sanglots de sa voix saisissent le passage ;
Une morte pâleur s’empare de son front ;
Son orgueil s’applaudit d’un remède si prompt :
De sa haine aux abois la fierté se redouble ;
1800Elle meurt à mes yeux, mais elle meurt sans trouble[18],
Et soutient en mourant la pompe d’un courroux
Qui semble moins mourir que triompher de nous[19].

ÉRYXE.

Le dirai-je, Seigneur ? je la plains et l’admire :
Une telle fierté méritoit un empire ;
1805Et j’aurois en sa place eu même aversion
De me voir attachée au char de Scipion.
La fortune jalouse et l’amour infidèle
Ne lui laissoient ici que son grand cœur pour elle :
Il a pris le dessus de toutes leurs rigueurs,
1810Et son dernier soupir fait honte à ses vainqueurs.

LÉLIUS.

Je dirai plus, Madame, en dépit de sa haine,

Une telle fierté devoit naître romaine[20].
Mais allons consoler un prince généreux,
Que sa seule imprudence a rendu malheureux.
1815Allons voir Scipion, allons voir Massinisse ;
Souffrez qu’en sa faveur le temps vous adoucisse ;
Et préparez votre âme à le moins dédaigner,
Lorsque vous aurez vu comme il saura régner.

ÉRYXE.

En l’état où je suis, je fais ce qu’on m’ordonne ;
1820Mais ne disposez point, Seigneur, de ma personne ;
Et si de ce héros les désirs inconstants…

LÉLIUS.

Madame, encore un coup, laissons-en faire au temps[21].

FIN DU CINQUIEME ET DERNIER ACTE.
  1. Comme est le texte de toutes les éditions anciennes, y compris celle de 1692. Voltaire (1764) y a substitué contre.
  2. Tite Live dit au livre XXX, chapitre xii (voyez l’Appendice I, p. 551) : Ut est genus Numidarum in venere præceps ; et au livre XXIX, chapitre xxiii : Et sunt ante omnes Numidæ barbaros effusi in venerem.
  3. Toutes les éditions anciennes, sans en excepter celles de 1692 et de 1764, donnent arrosé et suivi, au singulier, faisant accorder ces participes avec peu et non avec mots.
  4. Voyez ci-après, dans l’Appendice I, p. 552, le chapitre xv du livre XXX de Tite Live.
  5. Accipio, inquit, nuptiale manus. (Tite Live, livre XXX, chapitre xv. Voyez l’Appendice I, p 553.
  6. Voyez plus haut, p. 465, note 1.
  7. Dans les premières éditions jusqu’à celle de 1692 inclusivement, le nom de Mézétulle a été omis en tête de cette scène, que Voltaire coupe en deux. Chez lui la scène iii finit au vers 1618 et a pour personnages : sophonisbe, un page (sic), barcée, herminie, mézétulle ; la scène iv, qui commence au vers 1619, a de moins le page et de plus éryxe.
  8. Dans l’édition de Voltaire (1764) : sophonisbe, au page.
  9. Les éditions de 1692 et 1764 ont ajouté après ce vers : « À Éryxe. »
  10. Thomas Corneille et Voltaire ont changé : « N’en parlons point, » en « N’en parlons plus. »
  11. Entre ce vers et le suivant Thomas Corneille et Voltaire ajoutent encore : « À Mézétulle. »
  12. Dans toutes les éditions anciennes, y compris celle de 1692 : rejallir.
  13. Var. N’a pu jusqu’à sa plainte emporter mon courage. (1663 et 66)
  14. Scipion reprocha à Massinisse « d’avoir réparé une témérité par un autre témérité, et d’avoir rendu l’événement plus triste qu’il n’était nécessaire.  » … Quod temeritatem temeritate alia luerit, tristioremque rem, quam necesse fuerit, fecerit. (Tite Live, livre XXX, chapitre xv.) Voyez ci-apres l’Appendice I, p. 553.
  15. Prusias, roi de Bithynie ; Attale, roi de Pergame.
  16. Ce vers et le suivant manquent dans l’édition de 1682 ; il en est de même, un peu plus loin, des vers 1819 et 1820.
  17. Dans l’édition de 1692 et celle de Voltaire (1764), ce vers est le dernier de la scène précédente, au lieu d’être le premier de celle-ci.
  18. « La fierté de son langage ne fut pas démentie par la fermeté avec laquelle elle prit la coupe et la vida sans donner aucun signe d’effroi. » Non locuta est ferocius, quam acceptum poculum, nullo trepidationis signo dato, impavide hausit. (Tite Live, livre XXX, chapitre xv) Voyez l’Appendice I, p. 553.
  19. Dans la pièce de Mairet (acte V, scène v), Sophonisbe mourante triomphe en ces termes :
    Nos vainqueurs sont vaincus, si nous leur témoignons
    Qu’ils nous craignent bien plus que nous ne les craignons.
  20. Dans la Sophonisbe de Nicolas de Montreux, Scipion, apprenant la courageuse mort de Sophonisbe, s’écrie :
    J’approuve cette mort en assurance unique
    Et envie l’honneur de la parjure Afrique
    D’avoir jadis nourri un esprit si hautain
    Qui méritoit de naître et de mourir Romain.
  21. Le premier hémistiche du dernier vers du Cid est :
    Laisse faire le temps…
    et il s’agit comme ici d’une union probable, mais la situation est bien différente.