Sonnet pour M. D. V., envoyant un galand à M. L. C. D. L.

Sonnet pour M. D. V., envoyant un galand à M. L. C. D. L.
Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 33-34).

IV

Sonnet pour M. D. V.,
Envoyant un galand à M. L. C. D. L.

On ne sait quelles sont les personnes désignées par ces initiales. L’auteur d’un opuscule intitulé « la belle de Ludre, 1648-1725, essai biographique, Nancy, Maubon, 1861, in-8o, » a voulu y voir M. de Vivonne et la comtesse de Ludre ; mais il n’a pas remarqué que ce sonnet a été publié dès 1632, et que la comtesse n’est née qu’en 1648. — Un galand signifie ici un nœud de ruban. Voyez tome II, p. 7, note 5 ; p. 93, vers 1404 ; et le Lexique.


Au point où me réduit la distance des lieux,
Souffrez que ce galand vous porte mes hommages,
Comme si ses couleurs étoient autant d’images
De celle qu’en mon cœur je conserve le mieux.

Parez-en ce beau sein, ce chef-d’œuvre des cieux, 5
Cette honte des lis, cet aimant[1] des courages,

Ce beau sein où nature a mis tant d’avantages
Qu’il dérobe le cœur en surprenaut les yeux.

Il va mourir d’amour sur cette gorge nue ;
Il en pâlit déjà, sa vigueur diminue, 10
Et finit languissante en des traits effacés.

Hélas ! que de mortels lui vont porter envie,
Et voudroient en langueur finir ainsi leur vie,
S’ils pouvoient en mourant être si bien placés !


  1. Corneille, quelques années plus tard, critiquait agréablement dans la Veuve (tome I, p. 40, vers 200-204) une galanterie toute semblable :
    Il m’aborde en tremblant avec ce compliment :
    « Vous m’attirez à vous ainsi que fait l’aimant. »
    (Il pensoit m’avoir dit le meilleur mot du monde.)
    Entendant ce haut style, aussitôt je seconde,
    Et réponds brusquement sans beaucoup m’émouvoir :
    « Vous êtes donc de fer, à ce que je puis voir. »
    Mlle de Scudéry, dans une lettre du 28 septembre 1657, par laquelle elle invite un de ses amis à une réunion dans laquelle il doit trouver deux jeunes beautés, l’une brune et l’autre blonde, se moque aussi d’une comparaison du même genre (Manuscrits de Conrart, tome IX, p. 902 et 903) : « Je vous laisse à penser, dit-elle, combien vous serez désiré, et si les galants qui s’y trouveront ne seroient pas bien aises que ce fut encore la mode de dire :
    Comme l’on voit le fer entre deux calamites.
    Mais comme nous ne sommes plus aux siècles des comparaisons, et que celle-là est trop aisée, il faudra que les galants s’en passent. » — Voyez encore une comparaison analogue tirée de l’Astrée et citée par nous au tome IV, dans la note 5 de la page 353.