Sommeil, paisible fils de la Nuit solitaire


LXXV


Sommeil, paisible fils de la nuict solitaire,
Pere-alme, nourricier de tous les animaux,
Enchanteur gracieux, doux oubly de nos maux,
Et des esprits blessez l’appareil salutaire ;

Dieu favorable à tous, pourquoy m’es-tu contraire ?
Pourquoy suis-je tout seul rechargé de travaux,
Or’ que l’humide nuict guide ses noirs chevaux,
Et que chacun jouyst de ta grace ordinaire ?

Ton silence où est-il ? ton repos et ta paix,
Et ces songes vollans comme un nuage espais,
Qui des ondes d’oubly vont lavant nos pensées ?

Ô frere de la mort, que tu m’es ennemy !
Je t’invoque au secours, mais tu es endormy,
Et j’ards, toujours veillant, en tes horreurs glacées.