Servitude et grandeur militaires/III/8

Société des amis des livres (p. 254-268).


CHAPITRE VIII

LE CORPS-DE-GARDE RUSSE


« Est-il possible ? dis-je en frappant du pied. Quand j’entends de pareils récits, je m’applaudis de ce que l’officier est mort en moi depuis plusieurs années. Il n’y reste plus que l’écrivain solitaire et indépendant qui regarde ce que va devenir sa liberté et ne veut pas la défendre contre ses anciens amis. »

Et je crus trouver dans le capitaine Renaud des traces d’indignation, au souvenir de ce qu’il me racontait ; mais il souriait avec douceur et d’un air content.

— C’était tout simple, reprit-il. Ce colonel était le plus brave homme du monde ; mais il y a des gens qui sont, comme dit le mot célèbre, des

fanfarons de crimes et de dureté. Il voulait me maltraiter parce que

l’Empereur en avait donné l’exemple. Grosse flatterie de corps de garde.

Mais quel bonheur ce fut pour moi ! — Dès ce jour, je commençai à m’estimer intérieurement, à avoir confiance en moi, à sentir mon caractère s’épurer, se former, se compléter, s’affermir. Dès ce jour, je vis clairement que les événements ne sont rien, que l’homme intérieur est tout, je me plaçai bien au-dessus de mes juges. Enfin je sentis ma conscience, je résolus de m’appuyer uniquement sur elle, de considérer les jugements publics, les récompenses éclatantes, les fortunes rapides, les réputations de bulletin, comme de ridicules forfanteries et un jeu de hasard qui ne valait pas la peine qu’on s’en occupât.

J’allai vite à la guerre me plonger dans les rangs inconnus, l’infanterie de ligne, l’infanterie de bataille, où les paysans de l’armée se faisaient faucher par mille à la fois, aussi pareils, aussi égaux que les blés d’une grasse prairie de la Beauce. — Je me cachai là comme un chartreux dans son cloître ; et du fond de cette foule armée, marchant à pied comme les soldats, portant un sac et mangeant leur pain, je fis les grandes guerres de l’Empire tant que l’Empire fut debout. — Ah ! si vous saviez comme je me sentis à l’aise dans ces fatigues inouïes ! Comme j’aimais cette obscurité et quelles joies sauvages me donnèrent les grandes batailles ! La beauté de la guerre est au milieu des soldats, dans la vie du camp, dans la boue des marches et du bivouac. Je me vengeais de Bonaparte en servant la Patrie, sans rien tenir de Napoléon ; et quand il passait devant mon régiment, je me cachais, de crainte d’une faveur. L’expérience m’avait fait mesurer les dignités et le Pouvoir à leur juste valeur ; je n’aspirais plus à rien qu’à prendre de chaque conquête de nos armes la part d’orgueil qui devait me revenir selon mon propre sentiment ; je voulais être citoyen, où il était encore permis de l’être, et à ma manière. Tantôt mes services étaient inaperçus, tantôt élevés au-dessus de leur mérite, et moi je ne cessais de les tenir dans l’ombre, de tout mon pouvoir, redoutant surtout que mon nom fût trop prononcé. La foule était si grande de ceux qui suivaient une marche contraire, que l’obscurité me fut aisée, et je n’étais encore que lieutenant de la Garde Impériale en 1814, quand je reçus au front cette blessure que vous voyez, et qui, ce soir, me fait souffrir plus qu’à l’ordinaire.

Ici le capitaine Renaud passa plusieurs fois la main sur son front, et, comme il semblait vouloir se taire, je le pressai de poursuivre, avec assez d’instance pour qu’il cédât.

Il appuya sa tête sur la pomme de sa canne de jonc.

— Voilà qui est singulier, dit-il, je n’ai jamais raconté tout cela, et ce soir j’en ai envie.

— Bah ! n’importe ! j’aime à m’y laisser aller avec un ancien camarade. Ce sera pour vous un objet de réflexions sérieuses quand vous n’aurez rien de mieux à faire. Il me semble que cela n’en est pas indigne. Vous me croirez bien faible ou bien fou ; mais c’est égal. Jusqu’à l’événement, assez ordinaire pour d’autres, que je vais vous dire et dont je recule le récit malgré moi, mon amour de la gloire des armes était devenu sage, grave, dévoué et parfaitement pur, comme est le sentiment simple et unique du devoir ; mais, à dater de ce jour-là, d’autres idées vinrent assombrir encore ma vie.

C’était en 1814 ; c’était le commencement de l’année et la fin de cette sombre guerre où notre pauvre armée défendait l’Empire et l’Empereur, et où la France regardait le combat avec découragement. Soissons venait de se rendre au Prussien Bulow. Les armées de Silésie et du Nord y avaient fait leur jonction. Macdonald avait quitté Troyes et abandonné le bassin de l’Yonne pour établir sa ligne de défense de Nogent à Montereau, avec trente mille hommes.

Nous devions attaquer Reims, que l’Empereur voulait reprendre. Le temps était sombre et la pluie continuelle. Nous avions perdu la veille un officier supérieur qui conduisait des prisonniers. Les Russes l’avaient surpris et tué dans la nuit précédente, et ils avaient délivré leurs camarades. Notre colonel, qui était ce qu’on nomme un dur à cuire, voulut prendre sa revanche. Nous étions près d’Épernay et nous tournions les hauteurs qui l’environnent. Le soir venait, et, après avoir occupé le jour entier à nous refaire, nous passions près d’un joli château blanc à tourelles, nommé Boursault, lorsque le colonel m’appela. Il m’emmena à part, pendant qu’on formait les faisceaux, et me dit de sa vieille voix enrouée :

« Vous voyez bien là-haut une grange, sur cette colline coupée à pic ; là où se promène ce grand nigaud de factionnaire russe avec son bonnet d’évêque ?

— Oui, oui, dis-je, je vois parfaitement le grenadier et la grange.

— Eh bien, vous qui êtes un ancien, il faut que vous sachiez que c’est là le point que les Russes ont pris avant-hier et qui occupe le plus l’Empereur, pour le quart d’heure. Il me dit que c’est la clef de Reims, et ça pourrait bien être. En tout cas, nous allons jouer un tour à Woronzoff. À onze heures du soir, vous prendrez deux cents de vos lapins, vous surprendrez le corps de garde qu’ils ont établi dans cette grange. Mais, de peur de donner l’alarme, vous enlèverez ça à la baïonnette. »

Il prit et m’offrit une prise de tabac, et, jetant le reste peu à peu, comme je fais là, il me dit, en prononçant un mot à chaque grain semé au vent :

« Vous sentez bien que je serai par là, derrière vous, avec ma colonne. — Vous n’aurez guère perdu que soixante hommes, vous aurez les six pièces qu’ils ont placées là… Vous les tournerez du côté de Reims… À onze heures… onze heures et demie, la position sera à nous. Et nous dormirons jusqu’à trois heures pour nous reposer un peu… de la petite affaire de Craonne, qui n’était pas, comme on dit, piquée des vers.

— Ça suffit, » lui dis-je ; et je m’en allai, avec mon lieutenant en second, préparer un peu notre soirée. L’essentiel, comme vous voyez, était de ne pas faire de bruit. Je passai l’inspection des armes et je fis enlever, avec le tire-bourre, les cartouches de toutes celles qui étaient chargées. Ensuite, je me promenai quelque temps avec mes sergents, en attendant l’heure. À dix heures et demie, je leur fis mettre leur capote sur l’habit et le fusil caché sous la capote ; car, quelque chose qu’on fasse, comme vous voyez ce soir, la baïonnette se voit toujours, et quoiqu’il fît autrement sombre qu’à présent, je ne m’y fiais pas. J’avais observé les petits sentiers bordés de haies qui conduisaient au corps de garde russe, et j’y fis monter les plus déterminés gaillards que j’aie jamais comman dés. — Il y en a encore là, dans les rangs, deux qui y étaient et s’en souviennent bien. — Ils avaient l’habitude des Russes, et savaient comment les prendre. Les factionnaires que nous rencontrâmes en montant disparurent sans bruit, comme des roseaux que l’on couche par terre avec la main. Celui qui était devant les armes demandait plus de soin. Il était immobile, l’arme au pied et le menton sur son fusil ; le pauvre diable se balançait comme un homme qui s’endort de fatigue et va tomber. Un de mes grenadiers le prit dans ses bras en le serrant à l’étouffer, et deux autres, l’ayant bâillonné, le jetèrent dans les broussailles. J’arrivai lentement et je ne pus me défendre, je l’avoue, d’une certaine émotion que je n’avais jamais éprouvée au moment des autres combats. C’était la honte d’attaquer des gens couchés. Je les voyais, roulés dans leurs manteaux, éclairés par une lanterne sourde, et le cœur me battit violemment. Mais tout à coup, au moment d’agir, je craignis que ce ne fût une faiblesse qui ressemblât à celle des lâches, j’eus peur d’avoir senti la peur une fois, et, prenant mon sabre caché sous mon bras, j’entrai le premier, brusquement, donnant l’exemple à mes grenadiers. Je leur fis un geste qu’ils comprirent ; ils se jetèrent d’abord sur les armes, puis sur les hommes, comme des loups sur un troupeau. Oh ! ce fut une boucherie sourde et horrible ! la baïonnette perçait, la crosse assommait, le genou étouffait, la main étranglait. Tous les cris à peine poussés étaient éteints sous les pieds de nos soldats, et nulle tête ne se soulevait sans recevoir le coup mortel. En entrant, j’avais frappé au hasard un coup terrible, devant moi, sur quelque chose de noir que j’avais traversé d’outre en outre : un vieil officier, homme grand et fort, la tête chargée de cheveux blancs, se leva comme un fantôme, jeta un cri affreux en voyant ce que j’avais fait, me frappa à la figure d’un coup d’épée violent, et tomba mort à l’instant sous les baïonnettes. Moi, je tombai assis à côté de lui, étourdi du coup porté entre les yeux, et j’entendis sous moi la voix mourante et tendre d’un enfant qui disait : Papa…

Je compris alors mon œuvre, et j’y regardai avec un empressement frénétique. Je vis un de ces officiers de quatorze ans, si nombreux dans les armées russes qui nous envahirent à cette époque, et que l’on traînait à cette terrible école. Ses longs cheveux bouclés tombaient sur sa poitrine, aussi blonds, aussi soyeux que ceux d’une femme, et sa tête s’était penchée comme s’il n’eût fait que s’endormir une seconde fois. Ses lèvres roses, épanouies comme celles d’un nouveau-né, semblaient encore engraissées par le lait de la nourrice, et ses grands ye ux bleus entr’ouverts avaient une beauté de forme candide, féminine et caressante. Je le soulevai sur un bras, et sa joue tomba sur ma joue ensanglantée, comme s’il allait cacher sa tête entre le menton et l’épaule de sa mère pour se réchauffer. Il semblait se blottir sous ma poitrine pour fuir ses meurtriers. La tendresse filiale, la confiance et le repos d’un sommeil délicieux reposaient sur sa figure morte, et il paraissait me dire : Dormons en paix.

— Était-ce là un ennemi ? m’écriai-je. — Et ce que Dieu a mis de paternel dans les entrailles de tout homme s’émut et tressaillit en moi ; je le serrais contre ma poitrine, lorsque je sentis que j’appuyais sur moi la garde de mon sabre qui traversait son cœur et qui avait tué cet ange endormi. Je voulus pencher ma tête sur sa tête, mais mon sang le couvrit de larges taches ; je sentis la blessure de mon front, et je me souvins qu’elle m’avait été faite par son père. Je regardai honteusement de côté, et je ne vis qu’un amas de corps que mes grenadiers tiraient par les pieds et jetaient dehors, ne leur prenant que des cartouches. En ce moment, le Colonel entra suivi de la colonne, dont j’entendis le pas et les armes.

— « Bravo ! mon cher, me dit-il, vous avez enlevé ça lestement. Mais vous êtes blessé ?

— Regardez cela, dis-je ; quelle différence y a-t-il entre moi et un assassin ?

— Eh ! sacredié, mon cher, que voulez-vous ? c’est le métier.

— C’est juste, » répondis-je, et je me levai pour aller reprendre mon commandement. L’enfant retomba dans les plis de son manteau dont je l’enveloppai, et sa petite main ornée de grosses bagues laissa échapper une canne de jonc, qui tomba sur ma main comme s’il me l’eût donnée. Je la pris ; je résolus, quels que fussent mes périls à venir, de n’avoir plus d’autre arme, et je n’eus pas l’audace de retirer de sa poitrine mon sabre d’égorgeur.

Je sortis à la hâte de cet antre qui puait le sang, et quand je me trouvai au grand air, j’eus la force d’essuyer mon front rouge et mouillé. Mes grenadiers étaient à leurs rangs ; chacun essuyait froidement sa baïonnette dans le gazon et raffermissait sa pierre à feu dans la batterie. Mon sergent-major, suivi du fourrier, marchait devant les rangs, tenant sa liste à la main, et, lisant à la lueur d’un bout de chandelle planté dans le canon de son fusil comme dans un flambeau, il faisait paisiblement l’appel. Je m’appuyai contre un arbre, et le chirurgien-major vint me bander le front. Une large pluie de mars tombait sur ma tête et me faisait quelque bien. Je ne pus m’empêcher de pousser un profond soupir :

« Je suis las de la guerre, dis-je au chirurgien.

— Et moi aussi, » dit une voix grave que je connaissais.

Je soulevai le bandage de mes sourcils, et je vis, non pas Napoléon empereur, mais Bonaparte soldat. Il était seul, triste, à pied, debout devant moi, ses bottes enfoncées dans la boue, son habit déchiré, son chapeau ruisselant la pluie par les bords ; il sentait ses derniers jours venus, et regardait autour de lui ses derniers soldats.

Il me considérait attentivement.

— « Je t’ai vu quelque part, dit-il, grognard ? »

À ce dernier mot, je sentis qu’il ne me disait là qu’une phrase banale, je savais que j’avais vieilli de visage plus que d’années, et que fatigues, moustaches et blessures me déguisaient assez.

— « Je vous ai vu partout, sans être vu, répondis-je.

— Veux-tu de l’avancement ? »

Je dis : « Il est bien tard. »

Il croisa les bras un moment sans répondre, puis :

« Tu as raison, va, dans trois jours, toi et moi nous quitterons le service. »

Il me tourna le dos et remonta sur son cheval, tenu à quelques pas. En ce moment, notre tête de colonne avait attaqué et l’on nous lançait des obus. Il en tomba un devant le front de ma compagnie, et quelques hommes se jetèrent en arrière, par un premier mouvement dont ils eurent honte. Bonaparte s’avança seul sur l’obus qui brûlait et fumait devant son cheval, et lui fit flairer cette fumée. Tout se tut et resta sans mouvement ; l’obus éclata et n’atteignit personne. Les grenadiers sentirent la leçon terrible qu’il leur donnait ; moi j’y sentis de plus quelque chose qui tenait du désespoir. La France lui manquait, et il avait douté un instant de ses vieux braves. Je me trouvai trop vengé et lui trop puni de ses fautes par un si grand abandon. Je me levai avec effort, et, m’approchant de lui, je pris et serrai la main qu’il tendait à plusieurs d’entre nous. Il ne me reconnut point, mais ce fut pour moi une réconciliation tacite entre le plus obscur et le plus illustre des hommes de notre siècle. — On battit la charge, et, le lendemain au jour, Reims fut repris par nous. Mais, quelques jours après, Paris l’était par d’autres.

* * * * *

Le capitaine Renaud se tut longtemps après ce récit, et demeura la tête baissée sans que je voulusse interrompre sa rêverie. Je considérais ce brave homme avec vénération, et j’avais suivi attentivement, tandis qu’il avait parlé, les transformations lentes de cette âme bonne et simple, toujours repoussée dans ses donations expansives d’elle-même, toujours écrasée par un ascendant invincible, mais parvenue à trouver le repos dans le plus humble et le plus austère Devoir. — Sa vie inconnue me paraissait un spectacle intérieur aussi beau que la vie éclatante de quelque homme d’action que ce fût. — Chaque vague de la mer ajoute un voile blanchâtre aux beautés d’une perle, chaque flot travaille lentement à la rendre plus parfaite, chaque flocon d’écume qui se balance sur elle lui laisse une teinte mystérieuse à demi dorée, à demi transparente, où l’on peut seulement deviner un rayon intérieur qui part de son cœur ; c’était tout à fait ainsi que s’était formé ce caractère dans de vastes bouleversements et au fond des plus sombres et perpétuelles épreuves. Je savais que jusqu’à la mort de l’Empereur il avait regardé comme un devoir de ne point servir, respectant, malgré toutes les instances de ses amis, ce qu’il nommait les convenances ; et, depuis, affranchi du lien de son ancienne promesse à un maître qui ne le connaissait plus, il était revenu commander, dans la Garde Royale, les restes de sa vieille Garde ; et comme il ne parlait jamais de lui-même, on n’avait point pensé à lui et il n’avait point eu d’avancement. — Il s’en souciait peu, et il avait coutume de dire qu’à moins d’être général à vingt-cinq ans, âge où l’on peut mettre en œuvre son imagination, il valait mieux demeurer simple capitaine, pour vivre avec les soldats en père de famille, en prieur du couvent.

— « Tenez, me dit-il après ce moment de repos, regardez notre vieux grenadier Poirier, avec ses yeux sombres et louches, sa tête chauve et ses coups de sabre sur la joue, lui que les maréchaux de France s’arrêtent à admirer quand il leur présente les armes à la porte du roi ; voyez Beccaria avec son profil de vétéran romain, Fréchou, avec sa moustache blanche ; voyez tout ce premier rang décoré, dont les bras portent trois chevrons ! qu’auraient-ils dit, ces vieux moines de la vieille armée qui ne voulurent jamais être autre chose que grenadiers, si je leur avais manqué ce matin, moi qui les commandais encore il y a quinze jours ? — Si j’avais pris depuis plusieurs années des habitudes de foyer et de repos, ou un autre état, c’eût été différent ; mais ici, je n’ai en vérité que le mérite qu’ils ont. D’ailleurs, voyez comme tout est calme ce soir à Paris, calme comme l’air, ajouta-t-il en se levant ainsi que moi. Voici le jour qui va venir ; on ne recommencera pas, sans doute, à casser les lanternes, et demain nous rentrerons au quartier. Moi, dans quelques jours, je serai probablement retiré dans un petit coin de terre que j’ai quelque part en France, où il y a une petite tourelle, dans laquelle j’achèverai d’étudier Polybe, Turenne, Folard et Vauban, pour m’amuser. Presque tous mes camarades ont été tués à la Grande-Armée, ou sont morts depuis ; il y a longtemps que je ne cause plus avec personne, et vous savez par quel chemin je suis arrivé à haïr la guerre, tout en la faisant avec énergie. »

Là-dessus il me secoua vivement la main et me quitta en me demandant encore le hausse-col qui lui manquait, si le mien n’était pas rouillé et si je le trouvais chez moi. Puis il me rappela et me dit :

« Tenez, comme il n’est pas entièrement impossible que l’on fasse encore feu sur nous de quelque fenêtre, gardez-moi, je vous prie, ce portefeuille plein de vieilles lettres, qui m’intéressent, moi seul, et que vous brûleriez si nous ne nous retrouvions plus.

« Il nous est venu plusieurs de nos anciens camarades, et nous les avons priés de se retirer chez eux. — Nous ne faisons point la guerre civile, nous. Nous sommes calmes comme des pompiers dont le devoir est d’éteindre l’incendie. On s’expliquera ensuite, cela ne nous regarde pas. »

Et il me quitta en souriant.