Schmitz-Dumont. — Le temps et l’espace

Zeit und Raum in ihren denknothwendigen Bestimmungen, abgeleitet aus dem Satze des Widerspruchs (Le temps et l’espace, comme formes nécessaires de la pensée, dérivés du principe de contradiction), par Schmitz-Dumont. Leipzig, 1875, 84 p. — Cet opuscule constitue la première partie — la seule publiée — d’une philosophie des sciences. L’auteur appuie sa déduction sur la métaphysique, la logique et les mathématiques exclusivement. Il rejette les explications tirées de la physiologie.

Toutes les théories émises jusqu’à nos jours sur le temps et l’espace sont réduites par lui à trois : 1o le temps et l’espace sont des formes subjectives de l’intuition ; 2o le temps et l’espace sont des formes de notre intuition, mais il existe en même temps un monde réel qui nous est donné sous ces deux formes ; 3o le temps et l’espace sont des données empiriques qui peuvent être toutes différentes dans un autre monde.

L’auteur, au contraire, croit pouvoir déduire ces notions du principe de contradiction ou d’identité, qu’il paraît d’ailleurs confondre plus d’une fois avec le principe de causalité.

« La seule chose absolument certaine, dit-il, c’est que nous avons diverses sensations, en d’autres termes qu’il existe quelque chose et que ce quelque chose parvient jusqu’à la conscience. » Mais dire que nous éprouvons une sensation, c’est dire que telle sensation est réellement telle sensation, ou que A = A. D’un autre côté, la conscience doit avoir la propriété de sentir, de comparer et de mettre en rapport deux sensations différentes A et B. C’est par le lien de la causalité que deux sensations sont données à la fois comme distinctes et comme jointes par un rapport. Sans la causalité, le monde ne serait pour nous qu’une seule et unique sensation, non pensable.

Ici donc s’introduit une notion nouvelle, celle de changement, de mouvement. « Le mouvement, dans sa dernière abstraction, est le passage d’un état de conscience à un autre. » Avec le changement et le mouvement naît l’idée de grandeur qui, par conséquent, n’est pas un fait primitif comme la sensation.

« Les concepts d’unité et de pluralité combinés avec celui de grandeur sont les éléments de la science du temps, de l’arithmétique. Pour constituer la géométrie, il faut absolument ajouter le concept de mouvement, de changement. »

L’auteur déduit de la notion de mouvement les trois dimensions de l’espace, considérées comme forme de la continuité ; et après l’examen d’un paradoxe de Neumann qui soutient que si le mouvement est perçu comme relatif, il doit exister quelque chose d’absolu, il arrive à cette conclusion : « Que l’espace absolu est la projection au dehors d’une pluralité de grandeurs changeantes. »

À ce sujet, l’auteur combat très-vivement les théories de la géométrie imaginaire. On sait que d’après des hypothèses dues à Gauss, Riemann, Bolyai, etc., notre géométrie euclidienne ne serait qu’un cas particulier d’une géométrie absolue : notre espace à trois dimensions ne serait qu’une donnée empirique et il pourrait exister dans d’autres mondes un espace à 4, 5… n dimensions, fondement d’une autre géométrie. L’auteur rejette cette doctrine « mystique » et prétend, en finissant, que les explications physiologiques données, dans ces derniers temps, sur la genèse des idées de temps et d’espace sont inacceptables.

Malgré son titre, l’ouvrage est consacré presque exclusivement à la notion d’espace. Nous ferons remarquer que cette question a donné lieu en Allemagne, depuis quelques années, à un grand nombre de travaux. Outre ceux de Helmholtz, Wundt, Zœllner, nous signalerons Baumann, Die Lehren von Raum, Zeit und Mathematik in der neueren Philosophie. 2 vol. Berlin, 1868-69. — Stumpf, über den psychologischen Ursprung der Raumvorstellung. Leipzig, 1873.

Th. Ribot.