Saint Paul (Renan)/XVII. Suite de la troisième mission. Corinthe

Michel Lévy (p. 458-496).


CHAPITRE XVII.


SUITE DE LA TROISIÈME MISSION. — SECOND SÉJOUR
DE PAUL À CORINTHE — L’ÉPÎTRE AUX ROMAINS.


Paul, selon notre calcul, partit de Macédoine et vint en Grèce à la fin de novembre ou au commencement de décembre de l’an 57. Il avait avec lui les délégués choisis par les Églises de Macédoine pour l’accompagner à Jérusalem et pour porter l’aumône des fidèles, entre autres Sopatros ou Sosipatros, fils de Pyrrhus, de Bérée, un certain Lucius, un certain Tertius, Aristarque et Secundus de Thessalonique[1]. Jason de Thessalonique, son hôte lors de son premier voyage, l’accompagnait aussi, ce semble[2]. Peut-être, enfin, les députés d’Asie, Tychique et Trophime d’Éphèse, Caïus de Derbé, étaient-ils déjà avec lui[3]. Timothée vers ce temps ne le quittait pas[4]. Tout cela faisait une sorte de caravane apostolique, d’un aspect fort imposant. Quand on eut rejoint Titus et les deux autres frères qui avaient accompagné ce dernier à Corinthe, Corinthe posséda vraiment toute l’élite du mouvement nouveau. Paul, conformément à son premier plan, qu’il avait plusieurs fois modifié, mais qu’il finit par exécuter dans ses lignes essentielles, passa dans cette ville les trois mois d’hiver 57-58 (décembre 57, janvier et février 58)[5]. L’Église d’Athènes était si peu de chose que Paul, selon toute apparence, ne la visita pas, ou du moins ne s’y arrêta guère.

L’apôtre, n’ayant plus à sa disposition la pieuse hospitalité d’Aquila et de Priscille, logea cette fois chez Caïus, dont la maison servait aux réunions de l’Église tout entière, et auquel le rattachait un lien tenu alors pour très-sacré[6]. Stéphanas était peut-être mort ou absent. Paul observait toujours à Corinthe beaucoup de réserve, car il ne se sentait pas sur un terrain bien sûr. Voyant le danger qu’offrait la fréquentation du monde dans une ville aussi corrompue, il revenait parfois sur ses larges principes et conseillait d’éviter entièrement les relations avec les païens[7]. Le bien des âmes à un moment donné était sa seule règle, le seul but qu’il se proposât.

Il est probable que la présence de Paul à Corinthe calma tout à fait les dissentiments qui depuis plusieurs mois lui donnaient tant d’inquiétude[8]. Une allusion amère qu’il fait vers ce temps à « ceux qui se vantent des travaux que Christ n’a pas faits par eux » et à d’autres « qui bâtissent sur les fondements posés par autrui[9] » montre cependant que la vive impression des mauvais procédés de ses adversaires lui était restée. L’affaire de la souscription marchait à souhait : la Macédoine et l’Achaïe avaient réuni une forte somme[10]. L’apôtre trouva enfin un petit intervalle de repos ; il en profita pour écrire, toujours sous forme d’épître, une sorte de résumé de sa doctrine théologique[11].

Comme ce grand exposé intéressait également toute la chrétienté, Paul l’adressa à la plupart des Églises qu’il avait fondées et avec lesquelles il pouvait communiquer en ce moment. Les Églises favorisées d’un tel envoi furent au nombre de quatre au moins[12]. Une de ces Églises fut l’Église d’Éphèse[13] ; une copie fut aussi envoyée en Macédoine[14] ; Paul eut même l’idée d’adresser ce morceau à l’Église de Rome. Dans tous les exemplaires, le corps de l’épître[15] était à peu près le même ; les recommandations morales et les salutations variaient. Dans l’exemplaire destiné aux Romains, en particulier, Paul introduisit quelques variantes accommodées au goût de cette Église, qu’il savait être très-attachée au judaïsme[16]. C’est l’exemplaire adressé à l’Église de Rome qui servit de base à la constitution du texte, quand on fit le recueil des épîtres de saint Paul. De là le nom que l’épître en question porte aujourd’hui. Les éditeurs (s’il est permis de s’exprimer ainsi) ne copièrent qu’une fois les parties communes ; cependant, comme ils se seraient fait scrupule de rien perdre de ce qui était sorti de la plume de l’apôtre, ils recueillirent à la fin de la copie princeps les parties qui variaient dans les différents exemplaires ou qui se trouvaient en plus dans l’un d’eux[17].

Ce précieux écrit, base de la théologie chrétienne, est de beaucoup celui où les idées de Paul sont exposées avec le plus de suite. C’est là que paraît dans tout son jour la grande pensée de l’apôtre : la Loi n’importe ; les œuvres n’importent ; le salut ne vient que de Jésus, fils de Dieu, ressuscité d’entre les morts. Jésus, qui, aux yeux de l’école judéo-chrétienne, est un grand prophète, venu pour accomplir la Loi, est aux yeux de Paul une apparition divine, rendant inutile tout ce qui l’a précédé, même la Loi. Jésus et la Loi sont pour Paul deux choses opposées. Ce qu’on accorde à la Loi d’excellence et d’efficacité est un vol fait à Jésus ; rabaisser la Loi, c’est grandir Jésus. Grecs, Juifs, barbares, tous se valent ; les Juifs ont été appelés les premiers, les Grecs ensuite ; tous ne sont sauvés que par la foi en Jésus[18].

Que peut l’homme, en effet, abandonné à lui-même ? Une seule chose, pécher. Et d’abord, en ce qui concerne les païens, le spectacle du monde visible et la loi naturelle écrite en leur cœur auraient dû suffire pour leur révéler le vrai Dieu et leurs devoirs. Par un aveuglement volontaire et inexcusable, ils n’ont pas adoré le Dieu qu’ils connaissaient bien ; ils se sont perdus dans leurs vaines pensées ; leur prétendue philosophie n’a été qu’égarement. Pour les punir, Dieu les a livrés aux vices les plus honteux, aux vices contre la nature. Les juifs ne sont pas plus innocents ; ils ont reçu la Loi, mais ils ne l’ont pas observée. La circoncision ne fait pas le vrai juif ; le païen qui observe bien la loi naturelle vaut mieux que le juif qui n’observe pas la loi de Dieu. Les juifs n’ont-ils donc pas quelque prérogative ? Sans doute, ils en ont une : c’est à eux que les promesses ont été faites ; l’incrédulité de plusieurs d’entre eux n’empêchera pas ces promesses de s’accomplir. Mais la Loi par elle-même n’a pu faire régner la justice ; elle n’a servi qu’à créer le délit et à le mettre en évidence. En d’autres termes, les juifs, comme les gentils, ont vécu sous l’empire du péché[19].

D’où vient donc la justification ? De la foi en Jésus[20], sans nulle distinction de race. Tous les hommes étaient pécheurs ; Jésus a été la victime propitiatoire ; sa mort a été la rédemption que Dieu a acceptée pour les péchés du monde, les œuvres de la Loi n’ayant pu justifier le monde. Dieu n’est pas seulement le Dieu des juifs ; il est aussi le Dieu des gentils. C’est par la foi qu’Abraham fut justifié, puisqu’il est écrit : « Il crut, et cela lui fut imputé à justice[21]. » La justification est gratuite ; on n’y a nul droit par ses mérites ; c’est une imputation qui se fait par grâce et par un acte tout miséricordieux de la Divinité[22].

Le fruit de la justification, c’est la paix avec Dieu, l’espérance, et par conséquent la patience, qui fait que nous mettons notre gloire et notre bonheur dans les tribulations, à l’exemple du Christ, qui est mort pour les impies et dans le sang duquel nous avons été justifiés. Si Dieu a tant aimé les hommes qu’il a livré son fils à la mort pour eux, quand ils étaient pécheurs, que ne fera-t-il pas maintenant qu’ils sont réconciliés[23] ?

Le péché et la mort étaient entrés dans le monde par un seul homme, Adam, en qui tous ont péché. La grâce et le salut sont entrés dans le monde par un seul homme, Christ, en qui tous sont justifiés. Deux hommes types ont existé, « le premier Adam », ou l’Adam terrestre, origine de toute désobéissance, « le second Adam », ou l’Adam céleste, origine de toute justice. L’humanité se partage entre ces deux chefs de file, les uns suivant l’Adam terrestre, les autres, l’Adam spirituel[24]. La Loi n’a fait que multiplier les contraventions, et en donner conscience. C’est la grâce qui, surabondant où avait abondé le délit, a tout effacé, si bien qu’on peut presque dire que, grâce à Jésus, le péché a été un bonheur et n’a servi qu’à mettre en lumière la miséricorde de Dieu[25].

Mais, dira-t-on, péchons alors pour que la grâce surabonde ; faisons le mal pour que le bien en sorte[26]. Voilà, dit Paul, ce qu’on me prête, en faussant ma doctrine. Rien de plus éloigné de ma pensée. Ceux qui ont été baptisés en Christ sont morts au péché, ensevelis avec Christ, pour ressusciter et vivre avec lui, c’est-à-dire pour mener une vie toute nouvelle. Notre « vieil homme », c’est-à-dire l’homme que nous étions avant le baptême, a été crucifié avec Christ. De ce que le chrétien est dégagé de la Loi, il ne suit donc pas qu’il lui soit loisible de pécher. De l’esclavage du péché, il a passé à l’esclavage de la justice ; de la voie de mort, à la voie de vie. Le chrétien d’ailleurs est mort à la Loi ; or la Loi créait le péché. En elle-même, elle était bonne et sainte, mais elle faisait connaître le péché ; elle l’aggravait[27], et de la sorte le commandement qui aurait dû créer la vie créait la mort. Une femme est adultère, si du vivant de son mari elle manque à la loi du mariage ; mais, après la mort du mari, il n’y a plus d’adultère possible. Le Christ, en tuant la Loi, nous a donc soustraits à la Loi et gagnés à lui. Mort à la chair, qui portait au péché, mort à la Loi, qui faisait ressortir le péché, le chrétien n’a plus qu’à servir Dieu « dans la nouveauté de l’esprit, et non dans la vétusté de la lettre ». La Loi était spirituelle, mais l’homme est charnel. Il y a deux parts dans l’homme, l’une qui aime et veut le bien, l’autre qui fait le mal, sans que l’homme en ait conscience. N’arrive-t-il pas souvent qu’on ne fait pas le bien qu’on veut, et qu’on fait le mal qu’on ne veut pas ? C’est que le péché habite dans l’homme et agit en lui sans lui. « L’homme intérieur », c’est-à-dire la raison, adhère à la loi de Dieu ; mais la concupiscence est en guerre permanente avec la raison et la loi de Dieu. « Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? Grâces à Dieu, par Jésus-Christ, notre Seigneur[28] ! »

Le vrai chrétien, étant délivré de la Loi et de la concupiscence, est donc à l’abri de la damnation, par la miséricorde de Dieu, qui a envoyé son fils unique prendre une chair de péché, semblable à la nôtre, pour détruire le péché. Mais cette délivrance n’a lieu que si l’homme rompt avec la chair et vit selon l’Esprit. La sagesse de la chair est la grande ennemie de Dieu ; elle est la mort même. L’Esprit, au contraire, est la vie. Par lui, nous sommes constitués fils adoptifs de Dieu ; par lui, nous crions Abba, c’est-à-dire « Père[29] ». Mais, si nous sommes fils de Dieu, nous sommes aussi ses héritiers et les cohéritiers de Christ. Après avoir participé à ses souffrances, nous participerons à sa gloire. Que sont toutes les souffrances actuelles auprès de la gloire qui va bientôt éclater pour nous ? La création tout entière attend cette grande apocalypse des fils de Dieu. Elle gémit, elle est en quelque sorte dans les angoisses de l’enfantement ; mais elle espère. Elle espère, dis-je, être délivrée de la servitude où elle gémit, assujettie qu’elle est à l’infirmité et à la corruption, et passer à la liberté glorieuse des fils de Dieu. Nous aussi, qui avons reçu les prémices de l’Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant le moment où notre élévation à l’état de fils de Dieu sera complète et où notre corps sera délivré de sa fragilité. C’est l’espérance qui nous sauve ; or on n’espère pas ce qu’on voit. Persévérons patiemment dans cette attente de l’invisible, avec l’aide de l’Esprit. Nous ne savons pas prier ; mais l’Esprit supplée à notre faiblesse, et intervient pour nous auprès de Dieu par des gémissements ineffables[30]. Dieu qui scrute les cœurs sait deviner les désirs de l’Esprit et démêler ces gémissements indistincts et inarticulés[31].

Quel motif d’assurance, d’ailleurs ! C’est par un acte direct de Dieu que nous sommes désignés pour la métamorphose qui nous rendra semblables à son fils, et qui fera de tous les vivants une troupe de frères dont Jésus sera l’aîné. Par sa prescience, Dieu connaît d’avance les élus ; ceux qu’il connaît, il les prédestine ; ceux qu’il prédestine, il les appelle ; ceux qu’il appelle, il les justifie ; ceux qu’il a justifiés, il les glorifie. Soyons tranquilles : si pour nous Dieu n’a pas épargné son propre fils, et l’a livré à la mort, que peut-il nous refuser ? Qui serait, au jour du jugement, l’accusateur des élus ? Dieu, qui les a justifiés ? — Qui les condamnerait ? Christ, qui est mort et ressuscité, qui est assis à la droite de Dieu, qui intercède pour nous ? Impossible. « Que peuvent donc contre nous les tribulations, les angoisses, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? Pour moi, ajoute Paul, je suis certain que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les Puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les forces d’en haut ni les forces d’en bas, ni rien au monde, ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ Jésus, notre Seigneur[32]. »

On voit à quelle rupture complète avec le judaïsme le christianisme est arrivé entre les mains de Paul. Jésus n’avait pas été aussi loin. Certes, Jésus avait hautement proclamé que le règne de la Loi était fini, qu’il ne restait plus debout que le culte en esprit et en vérité du Dieu-Père. Mais, chez Jésus, la poésie, le sentiment, l’image, le style sont essentiellement juifs. Il relève en droite ligne d’Isaïe, des psalmistes, des prophètes du temps de la captivité, de l’auteur du Cantique des cantiques et parfois de l’auteur de l’Ecclésiaste. Paul ne relève que de Jésus, de Jésus non tel qu’il fut sur le bord du lac de Génésareth, mais de Jésus tel qu’il le conçoit, tel qu’il l’a vu dans sa vision intérieure. Pour ses anciens coreligionnaires, il n’a que de la pitié. Le chrétien « parfait », le chrétien « éclairé » est à ses yeux celui qui sait la vanité de la Loi, son inutilité, la frivolité des pratiques pieuses[33]. Paul voudrait être anathème pour ses frères en Israël ; c’est pour lui une grande tristesse, une continuelle peine de cœur de songer à cette race noble, élevée si haut en gloire, qui eut le privilège de l’adoption, de l’alliance, de la Loi, du vrai culte, des promesses, qui a eu les patriarches, dont le Christ est sorti selon la chair. Mais Dieu n’a pas manqué à ses promesses. Pour être issu d’Israël, on n’est pas vrai Israélite ; on est héritier des promesses par le choix et la vocation de Dieu, non par le fait de la naissance. Il n’y a en cela rien d’injuste. Le salut est le résultat, non des efforts humains, mais de la miséricorde de Dieu. Dieu est bien libre d’avoir pitié de qui il veut, et d’endurcir qui il veut. Qui oserait demander raison à Dieu de ses préférences ? Est-ce que le vase d’argile dit au potier : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Est-ce que le potier n’a pas le droit, avec la même masse de terre, de faire deux vases, l’un pour des usages honorables, l’autre pour des usages ignobles ? S’il plaît à Dieu de préparer tel homme pour montrer sa puissance en le brisant, comme il fit pour Pharaon[34], il en est bien le maître, d’autant plus que cela fait ressortir sa miséricorde envers ceux qu’il a préparés et appelés pour la gloire. Or, cette élection, il la fait sans s’arrêter à aucune considération de race ni de sang[35].

Si le peuple juif d’ailleurs s’est vu supplanté, c’est sa faute. Il a eu trop de confiance dans les œuvres de la Loi ; il a cru par ces œuvres arriver à la justice. Les gentils, débarrassés de cette pierre d’achoppement, sont entrés plus facilement dans la vraie doctrine du salut par la foi. Israël a péché par trop de zèle pour la Loi et pour avoir fait trop de fond sur la justice personnelle qui s’acquiert par les œuvres. Cela lui a fait oublier que la justice vient de Dieu seul, qu’elle est un fruit de la grâce et non des œuvres ; cela lui a fait méconnaître l’instrument de cette justice, qui a été Jésus[36].

Dieu a-t-il donc répudié son peuple ? Non. Dieu, il est vrai, a trouvé bon d’aveugler et d’endurcir le plus grand nombre des Juifs. Mais le premier noyau d’élus a été pris au sein d’Israël. En outre, la perdition du peuple hébreu n’est pas définitive. Cette perdition a eu seulement pour objet de sauver les gentils et de provoquer entre les deux branches des élus une salutaire émulation. C’est un bonheur pour les gentils que les Juifs aient un moment failli à leur vocation, puisque c’est à leur défaut et grâce à leur défaillance que les gentils ont pu leur être substitués. Mais, si une défaillance du peuple juif, si un moment de retard de sa part a été le salut du monde, que sera son entrée en masse dans l’Église ? Ce sera vraiment la résurrection. Si les prémices sont saintes, toute la masse l’est aussi ; si la racine est sainte, les rameaux le sont aussi. Quelques rameaux ont été retranchés, et à leur place ont été greffées des branches d’olivier sauvage, lesquelles sont devenues ainsi participantes de la racine et des sucs de l’olivier. Garde-toi bien, olivier sauvage, de t’enorgueillir aux dépens des branches coupées. Ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine qui te porte. — Oui, diras-tu ; mais les rameaux ont été coupés pour que je sois greffé. — Sans doute ; ils ont été coupés faute de foi ; toi, c’est à la foi que tu dois tout ; prends garde de t’enorgueillir ; tremble. Si tu ne persévères, toi aussi tu seras retranché. S’ils viennent à la foi, Dieu a bien le pouvoir de les regreffer sur leur propre tronc. Israël a été aveuglé, jusqu’à ce que la foule des gentils soit entrée dans l’Église ; mais, après cela, Israël sera sauvé à son tour. Les dons de Dieu sont sans repentance. L’amitié d’Israël et de Dieu a souffert une éclipse, pour que les gentils pussent dans l’intervalle recevoir l’Évangile ; mais la vocation d’Israël, les promesses faites aux patriarches n’en auront pas moins leur effet[37]. Dieu se sert de l’incrédulité des uns pour sauver les autres ; puis ceux qu’il a rendus incrédules, il les sauve à leur tour ; tout cela pour bien établir que le salut est de sa part un pur acte de miséricorde et non un résultat auquel on arrive par droit de naissance, ou par les œuvres, ou par le libre choix de sa raison. Dieu ne prend conseil de personne ; il n’est l’obligé de personne ; il n’a de retour à rendre à personne. « O profondeur des desseins de Dieu ! Que ses jugements sont insondables ! Que ses voies sont impénétrables ! Tout vient de lui, tout est par lui, tout est pour lui. Gloire à lui dans l’éternité ! Amen[38]. »

L’apôtre, selon son usage, termine par des applications morales. Le culte du chrétien est un culte de raison[39], sans autre sacrifice que celui de soi-même. Chacun doit présenter à Dieu une victime pure et digne d’être favorablement acceptée[40]. L’esprit de l’Église doit être la modestie, la concorde, la mutuelle solidarité ; tous les dons, tous les rôles y sont intimement associés. Un même corps a plusieurs membres ; tous les membres n’ont pas la même fonction, mais tous ont besoin les uns des autres[41]. Prophètes, diacres, docteurs, prédicateurs, bienfaiteurs, supérieurs, commissaires pour les œuvres de miséricorde sont également nécessaires, pourvu qu’ils portent dans leurs fonctions la simplicité, le zèle, la gaieté que ces fonctions réclament. Charité sans hypocrisie, fraternité, politesse et prévenances, activité, ferveur, joie, espérance, patience, amabilité, concorde, humilité, pardon des injures, amour du prochain, empressement à subvenir aux besoins des saints ; bénir ceux qui vous persécutent, se réjouir avec ceux qui se réjouissent, pleurer avec ceux qui pleurent, vaincre le mal non par le mal, mais par le bien : telle est la morale, en partie empruntée aux anciens livres hébreux[42], que Paul prêche après Jésus[43]. Il semble qu’à l’époque où il écrivait cette épître, diverses Églises, surtout l’Église de Rome, comptaient dans leur sein soit des disciples de Juda le Gaulonite, qui niaient la légitimité de l’impôt et prêchaient la révolte contre l’autorité romaine, soit des ébionites, qui opposaient absolument l’un à l’autre le règne de Satan et le règne du Messie, et identifiaient le monde présent avec l’empire du démon[44]. Paul leur répond, en vrai disciple de Jésus :

« Que chacun soit soumis aux puissances régnantes ; car il n’y a pas de puissance qui ne vienne de Dieu. Les puissances qui existent sont ordonnées par Dieu ; en sorte que celui qui fait de l’opposition aux puissances résiste à l’ordre établi par Dieu ; or, ceux qui résistent à l’ordre établi par Dieu s’attirent un jugement sévère. Les gouvernants, en effet, font peur au mal et non au bien. Veux-tu ne pas craindre l’autorité ? Fais le bien, et tu obtiendras d’elle des louanges ; car elle remplit de la part de Dieu auprès de toi un ministère bienfaisant. Mais, si tu fais le mal, tremble ; car ce n’est pas en vain qu’elle porte l’épée ; elle remplit de la part de Dieu un ministère de vengeance et de colère contre ceux qui font le mal. Il faut donc être des sujets soumis, non-seulement par crainte du châtiment, mais par devoir de conscience. Et voilà pourquoi vous payez les impôts. Les souverains, en effet, sont des fonctionnaires de Dieu[45], occupés à remplir l’office qu’il leur a imposé. Rendez donc à chacun ce qui lui est dû : à qui vous devez l’impôt, payez l’impôt ; à qui la redevance, payez la redevance ; à qui la crainte, payez la crainte ; à qui l’honneur, payez l’honneur[46]. »

Ceci fut écrit en la quatrième année de Néron. Ce prince n’avait encore donné aucun sujet de le maudire. Son gouvernement avait été jusque-là le meilleur qu’on eût eu depuis la mort d’Auguste. Au moment où Paul, avec beaucoup de bon sens, prenait contre la théocratie juive la défense de l’impôt, Néron en adoucissait les rigueurs et cherchait même à y appliquer les réformes les plus radicales[47]. Les chrétiens à cette date n’avaient pas eu à se plaindre de lui, et on conçoit qu’en un temps où l’autorité romaine servait son œuvre plutôt qu’elle n’y faisait obstacle, Paul ait cherché à prévenir des mouvements tumultueux qui pouvaient tout perdre, et auxquels les juifs de Rome étaient très-portés[48]. Ces séditions, les arrestations et les supplices qui en étaient la suite jetaient la plus grande défaveur sur la secte nouvelle, et en faisaient confondre les adeptes avec les voleurs et les perturbateurs de l’ordre public[49]. Paul avait trop de tact pour être émeutier ; il voulait que le nom de chrétien fût bien porté, qu’un chrétien fût un homme d’ordre, en règle avec la police, de bonne réputation aux yeux des païens[50]. Voilà ce qui lui fit écrire cette page également singulière de la part d’un juif et de la part d’un chrétien. On y voit percer, du reste, avec une rare naïveté ce qu’il y avait dans l’essence même du christianisme naissant de dangereux pour la politique. La théorie du droit divin de tout pouvoir établi est nettement posée. Néron a été proclamé par saint Paul un ministre, un officier de Dieu, un représentant de l’autorité divine ! Le chrétien, quand il pourra librement pratiquer sa religion, sera un sujet aveugle, nullement un citoyen. Je n’entends exprimer ici aucun blâme ; on ne fait jamais éminemment deux choses à la fois ; la politique n’est pas tout, et la gloire du christianisme est justement d’avoir créé en dehors d’elle tout un monde. Mais voyez à quoi on s’expose avec les théories absolues ! « Le fonctionnaire de Dieu », dont tous les hommes honnêtes doivent rechercher l’approbation, dont le glaive n’est redoutable qu’aux méchants, deviendra dans quelques années la Bête de l’Apocalypse, l’Antéchrist, le persécuteur des saints.

La situation étrange des esprits, la persuasion où l’on était que la fin du monde allait venir, expliquent, du reste, cette hautaine indifférence :

« L’heure est venue de nous réveiller du sommeil. Le salut est maintenant plus proche que quand nous avons cru. La nuit est passée ; le jour approche. Laissons donc là les œuvres de ténèbres et revêtons les armes de la lumière. Marchons honnêtement comme il convient de faire en plein jour, non dans les festins et les orgies, les impuretés et les débauches, les disputes et les jalousies. Revêtez le Christ Jésus et prenez garde que le soin de la chair ne dégénère en désirs[51]. »

La lutte de Paul contre ses adversaires, plus ou moins ébionites, se retrouve dans la partie de sa lettre relative à l’abstinence de viandes et aux observances de néoménies, de sabbats et de jours[52]. L’ébionisme, qui dès cette époque avait à Rome son centre principal[53], tenait beaucoup à ces pratiques extérieures[54], qui n’étaient à vrai dire qu’une continuation de l’essénisme. Il y avait des personnes scrupuleuses, ascétiques, qui non-seulement pratiquaient les ordonnances légales sur les viandes, mais qui encore s’imposaient de ne manger que des légumes, de ne pas boire de vin[55]. Il faut se rappeler que le christianisme se recrutait chez des personnes très-pieuses, et, comme telles, très-portées aux pratiques de dévotion. En devenant chrétiennes, ces personnes restaient fidèles à leurs anciennes habitudes ; ou plutôt l’adoption du christianisme n’était pour elles qu’un acte de dévotion (religio) de plus. Paul, dans cette nouvelle lettre, demeure fidèle aux excellentes règles de conduite qu’il avait déjà tracées aux Corinthiens[56]. En elles-mêmes, ces pratiques sont parfaitement vaines. Mais ce qui importe par-dessus tout, c’est de ne pas choquer les consciences faibles, de ne pas les troubler, de ne pas raisonner avec elles. Que celui dont la conscience est éclairée ne méprise pas celui dont la conscience est faible. Que la conscience timorée ne se permette pas de juger la conscience large. Que chacun suive son propre jugement ; le bien est ce qu’on croit le bien devant Dieu. Comment ose-t-on juger son frère ? C’est Christ qui nous jugera tous ; chacun n’aura à répondre que pour son propre compte. La distinction des viandes ne repose sur rien ; tout est pur. Mais ce qui importe, c’est de ne pas causer de scandale à son frère. Si, en mangeant les viandes permises, tu contristes ton frère, prends garde ; à cause d’une question de viandes, ne perds pas une âme pour laquelle Christ est mort. Le royaume de Dieu n’a rien à faire avec le manger et le boire ; il se résume en justice, paix, joie, édification[57].

Les disciples de Paul furent plusieurs jours occupés à copier ce manifeste, à l’adresse des diverses Églises. L’épître aux Églises de Macédoine fut écrite par Tertius. Les Macédoniens qui accompagnaient Paul et les Corinthiens qui avaient des relations avec les Églises du nord de la Grèce profitèrent de l’occasion pour saluer leurs frères[58]. L’épître aux Éphésiens contenait la salutation nominale de Paul à presque tous les chrétiens de cette grande Église. Comme il y avait peu de relations entre Corinthe et la Macédoine, d’une part, Éphèse, de l’autre, l’apôtre ne parle pas aux Éphésiens du monde qui l’entoure ; mais il leur recommande vivement Phœbé, diaconesse de Kenchrées, qui probablement leur porta la lettre. Cette pauvre femme partit pour un rude voyage d’hiver à travers l’Archipel sans autre ressource que la recommandation de Paul. L’Église d’Éphèse était priée de la recevoir d’une façon digne des saints et de pourvoir à tous ses besoins[59]. Paul avait probablement quelques inquiétudes sur les intrigues du parti judéo-chrétien à Éphèse ; car, à la fin de la lettre, il ajouta de sa main :

« Or, je vous invite, frères, à prendre garde à ceux qui sèment des divisions et des scandales contre la doctrine que vous avez apprise. Évitez-les ; car ceux-là servent non pas notre Seigneur Christ, mais leur ventre, et, par leurs flatteries, par leurs cajoleries, ils séduisent les cœurs des simples. Votre docilité est partout vantée ; je me réjouis donc de vous ; mais je veux que vous soyez sages pour le bien et innocents devant le mal. Le Dieu de paix écrasera bientôt Satan sous vos pieds[60]. »

Nous avons vu que saint Paul, en rédigeant cet écrit capital, s’était proposé de l’envoyer à l’Église de Rome. Cette Église s’était reformée depuis l’édit de Claude, et on en disait beaucoup de bien[61]. Elle était peu nombreuse[62] et en général composée d’ébionites[63] et de judéo-chrétiens[64] ; elle renfermait aussi cependant des prosélytes et des païens convertis[65]. L’idée d’adresser un écrit dogmatique à une Église qu’il n’avait pas fondée était hardie et tout à fait en dehors des habitudes de Paul[66]. Il craignit beaucoup qu’on ne vît dans sa démarche quelque chose d’indiscret[67] ; il s’interdit tout ce qui aurait pu rappeler le ton d’un maître parlant avec autorité ; il ne fit pas de salutations personnelles[68]. Avec ces précautions, il pensa que son titre, désormais reconnu, d’apôtre des gentils[69] lui donnait le droit de s’adresser à une Église qu’il n’avait jamais vue[70]. L’importance de Rome comme capitale de l’empire le préoccupait ; depuis plusieurs années, il nourrissait le projet de s’y rendre[71]. Ne pouvant exécuter encore son dessein, il voulut donner une marque de sympathie à cette Église illustre, laquelle renfermait une classe de fidèles dont il s’envisageait comme le pasteur[72], et lui annoncer la bonne nouvelle de sa future arrivée[73].

La composition et l’envoi de l’épître dite « aux Romains » occupèrent la plus grande partie des trois mois d’hiver que Paul passa cette fois à Corinthe[74]. Ce furent, en un sens, les semaines les mieux remplies de sa vie. Cet écrit devint plus tard le résumé du christianisme dogmatique, la déclaration de guerre de la théologie à la philosophie, la pièce capitale qui a porté toute une classe d’âpres esprits à embrasser le christianisme comme une manière de narguer la raison, en proclamant la sublimité et la crédibilité de l’absurde. C’est l’application des mérites de Christ qui justifie ; c’est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire[75]. Voilà le renversement de la raison, qui, essentiellement pélagienne, a pour dogme fondamental la liberté et la personnalité des mérites. Eh bien, la doctrine de Paul, opposée à tout sens humain, a été réellement libératrice et salutaire. Elle a séparé le christianisme du judaïsme ; elle a séparé le protestantisme du catholicisme. Les observances pieuses, persuadant au dévot que par elles il est justifié, ont un double inconvénient : d’abord, elles tuent la morale en faisant croire au dévot qu’il y a un moyen sûr et commode d’entrer en paradis malgré Dieu. Le juif le plus sec de cœur, un usurier égoïste et méchant, s’imaginait qu’en observant la Loi il forçait Dieu de le sauver. Le catholique du temps de Louis XI se figurait qu’avec des messes on procédait envers Dieu comme par sommation d’huissier, si bien que tel vilain homme que Dieu n’aimait pas arrivait, pour peu qu’il fût avisé, à gagner le ciel cartes sur table, et que Dieu était obligé de l’admettre en sa compagnie. Cette impiété, où le judaïsme a versé par le talmudisme, où le christianisme a versé par le catholicisme du moyen âge, saint Paul y a porté le plus énergique remède. Selon lui, on est justifié, non par les œuvres, mais par la foi ; c’est la foi en Jésus qui sauve[76]. Voilà pourquoi cette doctrine, en apparence si peu libérale, a été celle de tous les réformateurs, le levier au moyen duquel Wiclef, Jean Huss, Luther, Calvin, Saint-Cyran ont soulevé une tradition séculaire de routine, de fade confiance dans le prêtre et dans une sorte de justice extérieure, n’entraînant pas le changement du cœur.

L’autre inconvénient des pratiques est de porter au scrupule. Les pratiques, étant supposées avoir une valeur par elles-mêmes, ex opere operato, indépendamment de l’état de l’âme, ouvrent la porte à toutes les subtilités d’une casuistique méticuleuse. L’œuvre légale devient une recette, dont le succès dépend d’une exécution ponctuelle. Ici encore, le talmudisme et le catholicisme se sont rencontrés. Le désespoir des dévots juifs du temps de Jésus et de saint Paul était la crainte de ne pas bien observer toute la Loi, l’appréhension de n’être pas en règle[77]. Il était reçu que le plus saint homme pèche, qu’il est impossible de ne pas prévariquer. On en venait presque à regretter que Dieu eût donné la Loi, puisqu’elle ne servait qu’à amener des contraventions[78] ; on avouait cette pensée singulière, que Dieu avait bien pu n’établir toutes ces prescriptions que pour faire pécher et constituer tout le monde pécheur. Jésus, dans la pensée de ses disciples, vint rendre aisée l’entrée de ce royaume de Dieu que les pharisiens avaient rendue si difficile, élargir la porte du judaïsme qu’on avait si fort rétrécie. Paul, du moins, n’imagine pas d’autre manière de supprimer le péché que de supprimer la Loi. Son raisonnement a quelque chose de celui des probabilistes : multiplier les obligations, c’est multiplier les délits ; délier les consciences, les rendre aussi larges que possible, c’est prévenir les offenses, puisque nul ne viole un précepte par lequel il ne se croit pas obligé.

Le grand tourment des âmes délicates est le scrupule ; qui les en soulage est sur elles tout-puissant. Une des habitudes les plus ordinaires de la dévotion des sectes piétistes en Angleterre est de concevoir Jésus comme celui qui décharge la conscience, rassure le coupable, calme l’âme pécheresse, délivre de la pensée du mal[79]. Accablé sous le sentiment du péché et de la condamnation, Paul de même ne trouve la paix qu’en Jésus. Tous sont pécheurs, tous jusqu’au dernier, tous le sont à cause de leur descendance d’Adam[80]. Le judaïsme, par ses sacrifices pour le péché, avait établi l’idée de comptes en quelque sorte ouverts entre l’homme et Dieu, de rémission et de dettes ; idée assez fausse, car le péché ne se remet pas, il se répare ; un crime commis durera jusqu’à la fin des temps ; seulement, la conscience qui l’a commis peut se redresser et produire des actes tout contraires. Le pouvoir de remettre les péchés était un de ceux qu’on croyait avoir été conférés par Jésus à ses disciples. L’Église n’en eut pas de plus précieux. Avoir commis un crime, avoir la conscience bourrelée, fut un motif pour se faire chrétien. « Voici une loi qui va vous délivrer de péchés dont vous n’avez pu être justifiés par la loi de Moïse[81], » quoi de plus tentant pour le juif ? Une des raisons qui fixèrent, dit-on, Constantin dans le christianisme fut la croyance que les chrétiens seuls avaient des expiations pour tranquilliser l’âme d’un père qui avait tué son fils[82]. Le miséricordieux Jésus, pardonnant à tous, accordant même une sorte de préférence à ceux qui ont péché, apparut dans ce monde troublé comme le grand pacificateur des âmes[83]. On se prit à se dire qu’il était bon d’avoir péché, que toute rémission était gratuite, que la foi seule justifiait[84].

Une particularité des langues sémitiques explique un tel malentendu et excuse cette psychologie morale incomplète. La forme hiphil signifie à la fois l’effectif et le déclaratif, si bien que hasdik veut dire également « rendre juste » et « déclarer juste », remettre à quelqu’un une faute qu’il a commise et déclarer qu’il ne l’a pas commise. Le « justifié » est, d’après, cet idiotisme, non-seulement celui qui est absous d’une faute, mais celui qui est tranquillisé à ses propres yeux, qui n’a plus à s’occuper des péchés qu’il peut avoir commis, des préceptes qu’il peut avoir violés à son insu.

Quand Paul expédia sa terrible épître, il avait à peu près fixé le jour de son départ[85]. Les plus graves inquiétudes l’assiégeaient[86] ; il avait le pressentiment d’accidents graves, et il s’appliquait souvent ces vers d’un psaume[87] : « Pour toi nous supportons la mort tous les jours, nous sommes tenus pour des brebis destinées à la boucherie[88] ». Des renseignements très-précis, et qui ne se vérifièrent que trop, lui représentaient les dangers qu’il allait courir de la part des Juifs de Judée[89]. Il n’était même pas rassuré sur les dispositions de l’Église de Jérusalem. Il avait trouvé tant de fois cette Église dominée par des préjugés mesquins qu’il craignait une mauvaise réception, laquelle, vu le nombre des croyants encore mal affermis qui l’accompagnaient, eût été d’un effet désastreux. Il invitait sans cesse les fidèles à prier Dieu pour que son offrande fût reçue favorablement par les saints[90]. Mettre ainsi de timides néophytes provinciaux en contact immédiat avec l’aristocratie de la capitale, était une pensée d’une suprême témérité. Guidé par son admirable droiture, Paul n’en persistait pas moins dans son projet. Il se croyait lié par un ordre de l’Esprit[91]. Il disait avec accent qu’il allait à Jérusalem servir les saints ; il se représentait comme le diacre des pauvres de Jérusalem[92]. Ses principaux disciples et les députés portant chacun l’offrande de leur Église étaient autour de lui, prêts à partir. C’étaient, rappelons-le, Sopatros de Bérée, Aristarque et Secundus de Thessalonique, Caïus de Derbé, Tychique et Trophime d’Éphèse, et enfin Timothée[93].

Au moment où Paul allait s’embarquer pour la Syrie, la justesse de ses craintes se confirma. On découvrit un complot formé par les juifs pour l’enlever ou le tuer durant le voyage[94]. Afin de déconcerter ces projets, Paul changea inopinément d’itinéraire. Il fut décidé qu’on repasserait par la Macédoine. Le départ eut lieu vers le mois d’avril[95] de l’an 58.

Ainsi se termina cette troisième mission, qui, dans la pensée de Paul, achevait la première partie de ses projets apostoliques. Toutes les provinces orientales de l’empire romain, depuis sa limite extrême vers l’est jusqu’à l’Illyrie[96], l’Égypte toujours exceptée, avaient entendu annoncer l’Évangile. Pas une seule fois, l’apôtre ne s’était départi de sa règle de ne prêcher que dans des pays où le Christ n’avait pas encore été nommé, c’est-à-dire où d’autres apôtres n’avaient point passé ; toute son œuvre avait été originale et n’appartenait qu’à lui seul[97]. La troisième mission avait eu pour champ les mêmes pays que la seconde ; Paul tournait un peu dans le même cercle, et commençait à se trouver à l’étroit[98]. Il lui tardait maintenant d’accomplir la seconde partie de ses projets, c’est-à-dire d’annoncer le nom de Jésus dans le monde occidental, pour qu’on pût dire que le mystère caché depuis l’éternité était connu de toutes les nations[99].

À Rome, il avait été devancé, et d’ailleurs ceux de la circoncision formaient la majorité dans l’Église. C’est comme pasteur universel des Églises des gentils, pour confirmer les païens convertis, et non comme fondateur, qu’il voulait paraître dans la capitale de l’empire. Il ne voulait qu’y passer, jouir quelque temps de la compagnie des fidèles, se reposer et s’édifier parmi eux, puis prendre, selon son habitude, de nouveaux compagnons de voyage qui le suivraient dans ses courses ultérieures[100]. Au delà, c’est sur l’Espagne qu’il portait son regard[101]. L’Espagne n’avait pas encore reçu à cette époque d’émigrés israélites[102] ; l’apôtre voulait donc, cette fois, déroger à l’habitude qu’il avait eue jusque-là de suivre la trace des synagogues et des établissements juifs antérieurs. Mais l’Espagne était considérée comme le terme de l’Occident ; de même que Paul se croit autorisé à conclure, de ce qu’il a été en Achaïe et en Macédoine, qu’il a atteint l’Illyrie ; de même, dans sa pensée, quand il aura été en Espagne, on pourra dire avec vérité que le nom de Jésus a été annoncé jusqu’aux confins de la terre et que la prédication de l’Évangile est pleinement accomplie[103].

Nous verrons que des circonstances indépendantes de sa volonté empêchèrent Paul de réaliser la seconde partie du plan grandiose qu’il s’était proposé. Il avait de quarante-cinq à quarante-huit ans ; il eût certes trouvé encore le temps et la force de faire dans le monde latin une ou deux de ces missions qu’il avait conduites dans le monde grec avec tant de bonheur ; mais le fatal voyage de Jérusalem renversa tous ses desseins. Paul sentait les périls de ce voyage ; tout le monde les sentait autour de lui. Il ne pouvait, néanmoins, renoncer à un projet auquel il attachait beaucoup d’importance. Jérusalem devait perdre Paul. C’était pour le christianisme naissant une condition des plus défavorables d’avoir sa capitale dans un foyer de fanatisme aussi exalté. L’événement qui, dans dix ans, détruira de fond en comble l’Église de Jérusalem rendra au christianisme le plus grand service qu’il ait jamais reçu dans le cours de sa longue histoire. La question de vie ou de mort était de savoir si la secte naissante se dégagerait ou non du judaïsme. Or, si les saints de Jérusalem, groupés autour du temple, fussent toujours restés l’aristocratie, et, pour ainsi dire, « la cour de Rome » du christianisme, cette grande rupture ne se fût pas faite ; la secte de Jésus, comme celle de Jean, se fût éteinte obscurément, et les chrétiens seraient perdus parmi les sectaires juifs du premier et du second siècle.

  1. II Cor., ix, 4 ; Act., xx, 4. Comp. Rom., xvi, 21, 22 (Σώπατρος = Σωσίπατρος) ; II Cor., viii, 19, 23 ; I Cor., xvi, 3-4. Act., xx, 2-3, implique que les Macédoniens vinrent à Corinthe avec Paul, et que celui-ci ne les prit pas à son second passage en Macédoine. Rom., xvi, 21-22, prouve la même chose.
  2. Rom., xvi, 21.
  3. Act., xx, 4. Ils ne sont pas nommés dans Rom., xvi.
  4. Rom., xvi, 21 ; Act., xx, 4.
  5. I Cor., xvi, 6-7 ; II Cor., i, 16 ; Act., xx, 3.
  6. Rom., xvi, 23 (texte grec) ; I Cor., i, 14.
  7. II Cor., vi, 14-vii, 1, passage qui n’est pas à sa place.
  8. Cela résulte de l’ensemble de l’Épître aux Romains.
  9. Rom., xv, 18, 20.
  10. Rom., xv, 26.
  11. L’expression αἱ ἐκκλησίαι πᾶσαι (Rom., xvi, 16) suppose que l’apôtre venait de quitter les Églises de Macédoine.
  12. En effet, l’épitre a quatre finales : xv, 33 ; xvi, 20 ; xvi, 24 ; xvi, 27. La partie xvi, 3-20, ou du moins xvi, 3-16, est sûrement adressée à l’Église d’Éphèse. La finale xvi, 25-27, est placée dans d’excellents textes à la fin du ch. xiv ; dans le Codex Alexandrinus, elle se trouve deux fois, à la fin du ch. xiv et à la fin du ch. xvi. Sans doute, une des épîtres circulaires finissait avec le ch. xiv ; en effet, le ch. xv se compose de deux parties : 1o les versets 1-13, qui ne font que répéter le ch. xiv, et qui sûrement ne se trouvaient pas dans les lettres qui contenaient le ch. xiv ; 2o les versets 14-33, qui sont propres aux Romains. La comparaison des épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens fournit un exemple de pareilles lettres circulaires, différant les unes des autres par des variantes considérables. L’apôtre aimait à faire servir une même épître à plusieurs Églises : Col., iv, 16. Le passage II Cor., vi, 14-vii, 1, montre comment un fragment que les éditeurs ne voulaient pas laisser périr a pu être intercalé dans une épître dont il dérange l’économie.
  13. Rom., xvi, 3-16. Voir l’introduction, p. lxv et suiv.
  14. La copie qui avait pour finale xvi, 21-24. Paul y parle de Jason et de Sosipatros en première ligne et comme de personnages connus.
  15. Les onze premiers chapitres, tout dogmatiques, sauf quelques changements dans le ch. i.
  16. Les versets xv, 1-13, qui sont comme une concession aux judéo-chrétiens, paraissent avoir été destinés à résumer et à remplacer les chapitres xii, xiii, xiv, dans l’exemplaire de l’Église de Rome. Voir l’introduction, p. lxiii et suiv.
  17. Voir ci-dessus, l’introduction, p. lxxii et suiv.
  18. Rom., i, 2-4, 14-17 ; ii, 9-11. Comparez Ephes., ii et iii.
  19. Rom., i, 18-iii, 20.
  20. Comp. Act., xxvi, 18.
  21. Gen., xv, 6. Le passage hébreu est légèrement détourné de son sens.
  22. Rom., iii, 21-iv, 25.
  23. Rom., v, 1-11.
  24. Comp. I Cor., xv, 44-50. Cette théorie d’un Adam type (Adam kadmôn) a été fort développée par les cabbalistes. Dans les écrits talmudiques, Adam ha-rischôn désigne simplement « le premier homme », Adam. Paul crée Ha-adam-ha-aharôn par antithèse.
  25. Rom., iv, 12-21.
  26. Comp. Rom., iii, 5-8.
  27. Comp. I Cor., xv, 56.
  28. Rom., vi-vii. La vraie leçon de vii, 25, paraît être χάρις τῷ θεῷ.
  29. Allusion aux mots hébreux que prononçaient les glossolales.
  30. Allusion aux soupirs des glossolales
  31. Rom., viii, 1-27.
  32. Rom., viii, 28-39.
  33. Rom., xiv, 15 ; I Cor., ix, 22 ; Phil., iii, 15 et suiv.
  34. Exode, ix, 16.
  35. Rom., ix, 1-29.
  36. Rom., ix, 30-33, et x entier.
  37. Comp. II Cor., iii, 13-16.
  38. Rom., xi.
  39. Λογικὴ λατρεία. Comp. I Petri, ii, 2, 5 ; Testam. des douze patr., Lévi, 3.
  40. Idées analogues chez Philon (De plantat. Noe, § 25, 28-31 ; De vict. offer., § 1-10), et chez les esséniens (Jos., Ant., XVIII, i, 5 ; Philon, Quod omnis probus liber, § 12). Comp. Théophraste, Περὶ εὐσεϐείας (Bernays, Berlin, 1866).
  41. Comparez ci-dessus, p. 407-408.
  42. Prov., xxv, 21 ; Deutér., xxxii, 35 ; Eccli., xxviii, 1.
  43. Rom., xii ; xiii, 8-10.
  44. Epiph., hær. xxx, 16 ; Homél. pseudo-clém., xv, 6, 7, 8.
  45. Λειτουργοὶ θεοῦ. Il faut se rappeler que l’impôt pour le juif impliquait toujours une idée religieuse. Comp. Méliton, dans Cureton, Spicil. syr., p. 43.
  46. Rom., xiii, 1-7.
  47. Tacite, Ann., XIII, 50, 51 ; Suétone, Néron, 10.
  48. Suétone, Claude, 25.
  49. I Petri, iv, 14-16.
  50. Rom., xii, 17. Cf. I Thess., iv, 11.
  51. Rom., xiii, 11-14.
  52. Comp. Gal., iv, 10 ; Coloss., ii, 16.
  53. Epiph., hær. xxx, 18.
  54. Epiph., hær. xxx, 2, 15, 16, 17, 18 ; Homélies pseudo-clém., viii, 15 ; xii, 6 ; xiv, 1 ; xv, 7. Comp. les relations ébionites sur le genre de vie de Jacques, frère du Seigneur (Eus., H. E., II, 23), et sur la vie de saint Matthieu (Clém. Alex., Pædag., II, 1).
  55. Dan., i, 8, 12 ; Jos., Vita, 2, 3.
  56. Voir ci-dessus, p. 398 et suiv.
  57. Rom., xiv et xv, 1-13, en observant que ces deux passages se répètent et ne faisaient pas partie du même exemplaire de l’épître. Voir l’introd., p. lxiii-lxiv.
  58. Rom., xvi, 21-24. Voir l’introduction, p. lxx. Comparez des ἄσπασμοι semblables κατ’ ὄνομα dans un papyrus du Louvre. Notices et extraits, t. XVIII, 2e partie, p. 422.
  59. Rom., xvi, 1-2. Voir l’introduction, p. lxv, lxix-lxx. Ces deux versets sont bien plus entraînés vers ce qui suit que vers ce qui précède. Quoique rien ne fût au-dessus du dévouement de Phœbé, on comprend mieux qu’elle ait fait en hiver un voyage de quatre-vingts lieues qu’un voyage de trois cents lieues. Ajoutons qu’il est plus naturel que Paul ait recommandé Phœbé aux Éphésiens, qu’il connaissait, qu’aux Romains, qu’il ne connaissait pas.
  60. Rom., xvi, 17-20.
  61. Rom., i, 8.
  62. Cela résulte de Act., xxviii, 17 et suiv.
  63. Épiph., hær. xxx, 18. C’est à Rome que la tradition ébionite fut toujours le plus forte. Les homélies pseudo-clémentines, ouvrage ébionite, ont été écrites à Rome.
  64. Comment. in XIII Epist. Pauli [d’Hilaire], dans les Œuvres de saint Ambroise, édit. des Bénéd., t. II, 2e partie, col. 25 et 30.
  65. Les passages de l’Épître aux Romains qui supposeraient l’Église de Rome composée pour la plus grande partie de païens et de prosélytes, Rom., i, 6, 11, 13 ; vi, 14, 17 et suiv. ; vii, 1-6 ; xi, 13, 25, 28, 30 ; xiv, 1 et suiv. ; xv, 7 et suiv., viennent de ce que les Romains n’étaient pas les uniques destinataires de l’épître en question. Ces formules sont, du reste, si vagues que de bons critiques en ont pu conclure, les uns que l’Épître aux Romains a été écrite à des païens convertis, les autres qu’elle a été écrite à des judéo-chrétiens.
  66. II Cor., x, 15-16 ; Rom., xv, 20-21.
  67. Rom., xv, 14-15.
  68. Voir l’introduction, p. lxiii et suiv.
  69. Rom., i, 1, 5, 11, 13, 14 ; xi, 13 ; xv, 14-16, 18.
  70. Rom., i, 10 et suiv. ; xv, 22 et suiv. (cf. Act., xix, 21), montrent que l’apôtre supposait l’Église de Rome en pleine conformité de principes avec lui.
  71. Rom., i, 10 et suiv. ; xv, 22 et suiv. ; Act., xix, 21.
  72. Rom., i, 5-7, 9 et suiv. ; xi, 13 ; xv, 14-16.
  73. Rom., i, 10 et suiv. ; xv, 29, 32, parties propres à l’exemplaire adressé aux Romains.
  74. Ceux qui tiennent à ce que Tit., iii, 12, réponde à quelque réalité historique peuvent supposer que Paul, durant ces trois mois d’hiver, fit le voyage de Nicopolis d’Épire, et s’appuyer superficiellement sur II Cor., x, 14-16 ; Rom., xv, 19 ; II Tim., iv, 10. Mais cela ne lève aucune des difficultés qui s’opposent à l’admission de l’Épître à Tite.
  75. Phil., ii, 13.
  76. Act., xvi, 31.
  77. Le Talmud est l’expression de ces scrupules sans fin.
  78. Voir Vie de Jésus, p. 350-351 ; ci-dessus, p. 465 et suiv. ci-dessous, t. IV, quand il sera question de l’Épître aux Colossiens. Comp. Pseudo-Héraclite, viie lettre, lignes 87-89 (Bernays).
  79. Élisabeth Wetherell. Cf. Matth., xi, 28.
  80. Voir l’expression juive du même sentiment dans le IVe livre d’Esdras, iii, 21-22 ; iv, 30 ; vii, 46 et suiv. ; viii, 35 et suiv.
  81. Act., xiii, 38-39.
  82. Zosime, II, 29 ; Sozomène, I, 5.
  83. Cela est surtout sensible dans les écrits de Luc. On y voit un parti pris de montrer la conversion du cœur s’opérant en dehors des œuvres légales et morales. En cela, Luc est bien disciple de Paul.
  84. Act., xiii, 39.
  85. Rom., xv, 25.
  86. Act., xx, 22-23.
  87. Ps. xliv (Vulg. xliii), 23.
  88. Rom., viii, 35-37.
  89. Rom., xv, 30-31.
  90. Rom., xv, 30-31.
  91. Act., xx, 22.
  92. Rom., xv, 25, 26, 31.
  93. Act., xx, 4. Comp. I Cor., xvi, 3-4 ; II Cor., viii, 19, 23 ; ix, 4 ; Rom., xvi, 21. Il est vrai qu’au passage des Actes qui vient d’être cité, on lit dans la plupart des manuscrits : Συνείποντο δὲ αὐτῷ ἄχρι τῆς Ἀσίας. Mais, si l’on compare tous les passages qui viennent d’être allégués, on se convaincra que les personnages cités Act., xx, 4, étaient pour la plupart des députés des Églises, et qu’au moins ils partirent de Corinthe avec l’intention d’aller à Jérusalem. Si c’était là un simple cortège de politesse destiné à n’accompagner l’apôtre que jusqu’à Milet, comment expliquer que ce cortège se composât de Macédoniens, d’Éphésiens, de Lycaoniens, et ne comptât pas un seul Corinthien ? Leur mission, d’ailleurs, eût été singulièrement remplie, puisqu’ils furent séparés de l’apôtre durant la plus grande partie du voyage. Enfin, de l’aveu de tous, Trophime accompagna l’apôtre à Jérusalem. Le manuscrit B du Vatican, le Sinaiticus et la Vulgate n’ont pas ἄχρι τῆς Ἀσίας.
  94. Act., xx, 3.
  95. Act., xx, 6.
  96. Rom., xv, 19, 23. La frontière de l’Illyrie et de la Macédoine était considérée comme faisant la séparation entre l’Orient et l’Occident. Le passage cité n’exige nullement que Paul eût mis le pied en Illyrie. Comp. II Cor., x, 14-16. L’Ἰλλυρικόν ne désignait pas seulement la province d’Illyrie [ou plutôt de Dalmatie] proprement dite l’Illyricum, au sens vulgaire, embrassait, outre beaucoup de contrées, au nord et à l’est, qui ne faisaient pas partie de la province d’Illyrie (voir Desjardins dans les Comptes rendus de l’Acad. des inscr., 1868, p. 112 et suiv. ; Ann. de l’Inst. arch. de Rome, 1868, p. 7 et suiv.), des parties de la province de Macédoine (Strabon, II, v, 30 ; VII, v, 6 ; vii, 8 ; VII, fragm. 11, p. 275, lig. 21 et suiv., éd. Didot ; comp. VII, vii, 4). Quand Paul était à Bérée, il avait été μέχρι τοῦ Ἰλλυρικοῦ.
  97. Rom., xv, 20-21. Voir ci-dessus, p. 446-447.
  98. Rom., xv, 23.
  99. Rom., xvi, 25-26 ; II Tim., iv, 17. Cf. Act., i, 8 ; xiii, 47 ; Rom., x, 18 ; Isaïe, xlix, 6 ; Clem. Rom., Ad Cor. I, ch. 5.
  100. Rom., i, 10 et suiv. ; xv, 24, 28, 29, 32 ; Act., xix, 21.
  101. Rom., xv, 24, 28.
  102. L’assertion contraire est une supposition gratuite ou ne repose que sur des documents apocryphes. Voir Jost, Geschichte der Israeliten, V, 12 et suiv. ; Amador de los Rios, Estudios sobre los Judios de España (Madrid, 1848), c. i.
  103. Clem. Rom., Epist. ad Cor. I, 5 ; II Cor., x, 13-16 ; Rom. xv, 19, 23-24 ; xvi, 26 ; II Tim., iv, 17. Cf. Epist. Clem. ad Jac. (en tête des Homélies), § 1.